Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion  >  Vos contributions    > La superstition - 2/8

La superstition - phénomène universel


2/8  -  Apparitions, fantômes et revenants


Par Georges Timmermans  -  mars 2004



Les textes publiés dans Votre espace, (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Sommaire :


Un fait divers.

Le 20 août 1901, onze membres de la famille Le Braz, son père, la femme de son père, ses demi-frères et demi-sœurs, ses sœurs, ses beaux-frères, prirent la mer à Pleubian sur la rive droite de l'embouchure de la rivière de Tréguier. Le bateau fit naufrage à deux cents mètres de la côte, près d'un poste de douane. Personne ne fut sauvé.
Quand la barque se renversa, Léon Marillier, beau-frère d'Anatole Le Braz, et une femme s'étaient agrippés à une pièce de bois. Avec les embruns et la nuit tombante, il n'a pas su si cette femme était son épouse, ou sa belle-sœur.
Personne n'est venu les secourir, les gens qui entendaient leur appel au secours croyaient qu'il s'agissait des noyés hurleurs du gouffre de Plougrescant.
Léon Marillier a dit par la suite qu'il avait vu toutes les étoiles s'allumer dans le ciel et toutes les lumières s'éteindre dans les maisons.
Seul survivant, Léon Marillier fut découvert à l'aube, son agonie dura plusieurs semaines.
Il mourut 13 octobre 1901. La mer a rejeté les corps pendant un mois.
Ils sont enterrés au fond du vieux cimetière de Tréguier.


Le Temps - Jadis

Dans la nuit se promènent sorcières et fantômes.

L'on disait que les citadins craignaient plus l'obscurité de la nuit que les gens de la campagne. C'est tout l'inverse : les gens qui habitent la ville ou le bourg, ne connaissent pas l'effroi qui émane de la grande nudité de la nuit ténébreuse sans êtres humains ni maisons, sans lumières ni sons. Mais ceux qui habitaient le long de ces chemins de campagne, toujours seuls avec eux-mêmes, silencieux car sans interlocuteur, ceux-là connaissaient le froid de la solitude et l'angoisse sauvage des nuits. Même en plein jour, quand on se déplaçait sur ces chemins, des heures durant, sans rencontrer âme qui vive, accompagné seulement par les soupirs du vent dans les sapins, les sens engourdis, à ce moment-là, naissait la peur. On regardait autour de soi, si personne ne se dissimulait entre les troncs, ou si quelque chose rampait vers vous, par derrière. Alors votre cœur battait à tout rompre. Aussi, quand des personnes de la région ont suivi ces chemins par des nuits les plus sombres, sans autres sons que le crissement de leurs pas qui parfois les immobilisait pour mieux écouter, ceux-là vivaient les angoisses de la nuit.
À gauche et à droite, s'érige un mur des ténèbres, et le chemin est sans fin. Le jour, le chemin a une fin, il tourne, bifurque, dans un paysage limité, borné. Mais la nuit, votre regard cherche vainement un point où se fixer. Tous les chemins sont toujours tout droits, il n'y a plus d'horizon. Rrsss… rrsss… grince le sable sous le pied, une branche casse, une pomme de pin tombe sur le sol, tous ces sons sont angoissants. Et si c'était sur ce chemin que le père du père en ses jeunes années ?…Et si c'était à la pointe où le chemin croise la route pour Cormidore, que Wilhem ?… Et il marche, marche…Rrrss…Regarde, là, contre la croix de bois à la lisière du bois, où, il y a trente ans, fut trouvé Jean Brasse assassiné pendant la nuit, il y a comme un homme qui s'appuie contre la croix…
Puis résonnent au-dessus des bois, clairs et purs, les douze coups de minuit du clocher du cloître… Et cette apparition, mais c'est Jean Brasse. Beaucoup l'ont vu depuis des années, ce Jean Brasse qui chaque nuit, à cette heure, regarde le chemin, espérant apercevoir son assassin jamais identifié. Continue tout droit, ne le regarde surtout pas…Ho saint Corneille, prie pour moi, misérable créature, pour que les mauvais esprits disparaissent…Et là-bas, cette lumière sur le chemin, mais oui, cette lumière que Jean Duchemin avait vue, il y a…Et voila que s'érige la puissante tour du cloître, se détachant contre le ciel. Et là se trouve le cimetière, contre le mur du chœur. Et sur ces pierres tombales, grimacent faiblement éclairées par un pâle rayon de lune, des têtes de mort. Parmi les croix, plane une silhouette grise. C'est l'âme de celui qui est mort sans avoir dévoilé un secret. Et maintenant c'est trop tard, pour l'éternité trop tard. Un chien aboie. Entre les arbres, une lumière jaillit. Celle-ci provient de l'étable des Pastrij, où ils attendent la naissance d'un veau. Lorsqu'il rentre chez lui, bien au chaud et en sécurité, avec sur chaque poil une goutte de sueur, et quand de sa voix rauque, il raconte ce qu'il a vu et entendu, personne ne doute un seul instant de la véracité de ses dires.


L'âtre

En silence, immobile, le regard fixé sur le feu. Le feu, ce mystère primitif qui tel, un lien, les liait à un très lointain passé. Leurs regards ensorcelés les paralysaient, car dans cette fantasmagorie rouge, il y avait une puissance qui, lentement, effaçait les angoisses.
Ce feu, c'était la confiance, la protection pour toute la famille, c'était vivant, et les esprits des morts qui un jour s'étaient assis là, s'exprimaient au travers des flammes. Et qui se mit à conter le premier dans un murmure ? Un parle, et tous écoutent, écoutent… "La semaine dernière, je suis passé, la nuit, le long du cimetière de Cormidore…" Et ce qu'il a entendu : un bruit qui émanait d'une des tombes des moines. Il y a des années, encore quelqu'un a entendu ce son au même endroit, et ils disent que…Pendant que le conteur parle, son regard reste fixé sur le feu, tous les assistants font de même, leurs regards liés aux mouvements des flammes rouges. Et quand il se tait, ses paroles résonnent encore dans le silence. Personne ne parle, ne pose une question, mais lentement ils hochent la tête, aux images qu'ils ont évoquées. Chacun va, tour à tour, raconter son histoire. Ils se confient, narrant sans doute pour la énième fois le même événement, mais toujours aussi angoissant que la première fois. Après chaque histoire, il y a un silence, car les forces obscures n'admettent pas les voix fortes. Ils ne contaient pas seulement avec leurs pauvres mots, enveloppés dans ce ton feutré, mais parfois un petit mouvement du pied ou de l'épaule soulignait un mot.
L'âtre racontait de même, car ce n'était pas possible sans le feu. Ils devaient voir les flammes dans lesquelles ils apercevaient, ligne par ligne, tout prendre forme.
Derrière eux, il y avait l'ombre de leurs têtes sur le mur blanc, et le silence qui s'abattait à la fin de chaque histoire. Puis, une invocation menaçante, indicible. "Et j'ai entendu de mon père…". La maison contait avec, et ils savaient alors que les étoiles brillaient par-dessus les bois, les champs et les prairies. Quand alors quelqu'un sortait, regardant pensivement la campagne, il épiait le moindre bruit. Quelque chose siffle, cela venait de là-bas, près du bois. Qui peut siffler à une heure pareille, là où personne n'a rien à faire ? Un frisson parcourait son dos, et c'était presque d'un bond qu'il rentrait dans la maison. Quand les vents d'hiver chassaient dans le soir, ils les entendaient dans la large cheminée, secouer la maison, passer comme une tornade dans l'immensité du ciel.
Dans les hurlements et la fureur de la tempête, on croyait entendre le Chasseur Sauvage et sa Horde, …
Immobiles comme des statues, ils racontaient. "Il y avait une fois un loup-garou dans l'étang du moulin…"
Parmi les conteurs, il y a le braconnier Wannes ; il sait tout de l'existence des d'êtres mystérieux qui hantent les marais, les bois et les champs. Les chemins creux propices aux rencontres, qui vous font courir et frapper désespérément à la porte d'une maison de rencontre. Et dans ses histoires, il y a plus de mystères, d'inconnu, et de frissons, que dans celles que racontent les autres. Par une nuit glacée d'hiver, il a vu quelque chose qui rampait devant ses pieds, d'abord petit, puis grand. Au moment où la cloche du cloître sonne l'heure : …et ce que j'ai vu alors - et là, Wannes semblait se battre avec une force obscure qui semblait l'empêcher de parler - je ne pourrais jamais, non jamais, le raconter à aucun être humain…Le silence tomba massif, dans la pénombre de la pièce, il n'y avait plus que le crépitement du feu et le vent cognant contre la façade de la maison.
L'horreur, le non-dit du braconnier, se trouvait parmi eux, ils en sentaient la présence et cela frappait dehors contre les façades. Personne ne pensait un seul instant à lui demander ce qu'il avait vu. C'était un interdit, il y a des choses qu'il faut accepter sans poser de questions. N'y a-t-il pas bien des secrets et de choses miraculeuses que l'on ne touche pas ?
Jamais un interlocuteur aurait mis en doute la véracité de ses histoires, qu'ils affabulaient pour se rendre intéressants.
Ils vivaient trop intensément ces événements étranges qu'ils avaient appris de l'un ou de l'autre. Ils changeaient peut être l'un ou l'autre terme du récit mais jamais ils n'oseraient ajouter ou soustraire une de ses anecdotes.
Ils l'avaient vu ou entendu, et ce qu'ils avaient appris des anciens était la vérité.


La religion

Le peuple était profondément religieux, attaché à ses traditions, aux fêtes religieuses ; ces manifestations l'accompagnaient tout au long de sa vie, de la naissance jusqu'à la mort. Des institutions charitables, gérées sous l'ancien régime par l'Eglise, puis par des fonctionnaires leur viennent en aide. Mais toujours, l'Eglise était présente, le clergé faisait l'aumône, à l'hospice les "bonnes sœurs" moralisantes veillaient à l'application de la morale chrétienne.
Et s'il y avait un problème qui dépassait leurs compétences, ils s'adressaient au curé.
En raison du peu de diffusion de l'instruction dans le peuple, le clergé restait un conseiller écouté. N'oublions pas que le clergé, vu le développement des œuvres sociales, s'est infiltré dans ces organisations. Que des syndicats, unions professionnelles, mutualités comptaient généralement un membre du clergé dans le comité directeur.
Mais un académicien constate que : "Après douze siècles de christianisme, l'âme du peuple prête encore une oreille sympathique à l'écho affaibli des sagas nordiques. Les contes populaires parlent le plus souvent de choses étrangères au monde réel, et si la mythologie chrétienne y tient une large place, les fables païennes y interviennent à leur tour, quand les deux merveilleux ne se mêlent pas intimement. Odin apparaît sous la figure du chasseur sauvage. Les sorcières trouvent encore des âmes crédules qui leur imputent toutes sortes de méfaits." Et de conclure : "Malgré ces imperfections, nos villageois -il faut y insister- sont encore très attachés à la foi catholique".
Aussi, pour se protéger des esprits malins, il y a des prières puissantes, telle la récitation de l'évangile selon saint Jean, qui vous protègent comme une cuirasse. Dans certaines situations, l'énumération d'une litanie de saints était une protection valable.
Ainsi, religion officielle et écho d'un très lointain passé dont les rebouteux étaient les plus représentatifs par leur connaissance des simples et des formules magiques, formaient un couple qui maintenait la croyance dans des forces "étrangères au monde réel".
A part des différences culturelles, historiques ou religieuses, ce canevas est inhérent à toutes les régions d'Europe.

Pour suivre, citons d'abord les différentes catégories de croyances qui avaient ou ont encore cours en Europe.


<<<< Page précédente : Introduction
>>>> Page suivante : Classification des croyances en catégories




Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion   Vos contributions   Début Superstition   Haut de page   Contactcontact   Copyright ©