Il fut une époque où j'étais marin à bord d'un pétrolier. Une nuit enveloppée d'un épais brouillard, nous étions au mouillage. J'étais de quart et devais donc me tenir à l'avant et sonner régulièrement la cloche pour avertir de notre présence, un éventuel chalutier.
Mon collègue avait la même tâche à l'arrière, frappant sur un gong.
Le treuil à vapeur émettait régulièrement des chuintements, et l'eau clapotait contre la coque. Les feux réglementaires par temps de brouillard perçaient à grande peine l'obscurité. L'humidité poisseuse et glaciale sur le visage, j'avais froid, j'en avais marre, et ne désirait qu'une chose que la relève se fasse. Enfin me rendre à l'arrière au mess, boire du thé chaud et fumé une cigarette. Ce désir tournait lentement à l'obsession. Soudain, j'entendis très distinctement les pas de celui qui assurait ma relève, marteler les planches du passavant.
Je me dirigeai vers ce qui me semblait être le collègue et lui criai "Ok. Je vais à l'arrière, le cabine boy a-t-il apporté la nourriture pour la nuit ?" Pas de réponse, et pour cause ! Il n'y avait personne. J'étais victime de mon imagination.
Je ne porterai aucun jugement, sur les gens que je mets en scène dans les pages suivantes, je n'en ai pas le droit.
Ils vivaient dans des lieux souvent isolés, face à des dangers qui n'étaient pas toujours imaginaires. Citons pour mémoire les "chauffeurs" qui attaquaient les fermes isolées. Je dénonce par contre ceux qui, grâce à des "trucs" souvent sophistiqués mènent en bateau des scientifiques, ou qui profitent de la douleur de ceux qui ont perdu des êtres chers. Ne parlons pas de ceux qui, exerçant leur "sacerdoce", tonnaient contre les superstitions en chaire de vérité, mais entretenaient, par leurs sermons, la peur indicible des diables et de l'enfer. Les histoires pieuses où les saints vivaient des histoires extraordinaires, tel ce berger décapité pour sa foi, courant un cent mètres, sa tête sous le bras, n'étaient pas étrangères à la peur des ténèbres.