Résumons. Croyants comme scientifiques ignorent ce qui a donné lieu à la naissance de l'univers. Nous l'ignorons et il faut le reconnaître. Il serait purement spéculatif et totalement gratuit d'imaginer une quelconque divinité capable de créer instantanément le monde dans lequel nous vivons. Nous n'avons aucune preuve. Puis, cet univers a évolué, à partir du Big Bang, pendant 13, 8 milliards d'années. Dans un précédent article [17], je démontre que tout est évolution, tout s'explique, que ce soit l'univers, la Terre, la vie et l'humain, et ce, sans l'aide d'aucune divinité. Alors s'il existe une divinité toute puissante ayant créé tout cela à partir de rien, d'un coup de baguette magique, elle est vraiment "discrète", indétectable. La question à se poser est alors, comment une divinité se voulant être aimé, adoré et servi par l'humain peut-elle demeurer si "discrète" ? Ne devrait-elle pas plutôt se présenter à nous comme une évidence certaine et irréfutable ? L'abbé Jean Meslier, un curé reconnu pour son athéisme, a répondu à cette question il y a 300 ans : "S'il y avait véritablement quelque divinité ou quelque être infiniment parfait, qui voulût se faire aimer, et se faire adorer par les hommes, il serait de la raison et de la justice et même du devoir de ce prétendu être infiniment parfait, de se manifester, ou du moins de se faire connaître suffisamment de tous ceux et celles dont il voudrait être aimé, adoré et servi." [13]
Devant le caractère "discret", devant l'absence de Dieu, Meslier s'interroge. [13] Pourquoi Dieu ne nous fait-il pas connaître clairement et directement sa volonté, au lieu de laisser les hommes se disputer à son sujet, voire s'entre-tuer pour des querelles byzantines ? Pour Meslier, soit Dieu existe et se moque de nous en nous conservant dans l'ignorance, soit Dieu n'existe tout simplement pas. On opposera sûrement à Meslier que Dieu se révèle aux hommes à travers la beauté du monde, l'oeuvre de ses serviteurs ou bien par le biais de l'enseignement de son fils Jésus-Christ ou de l'Église. Ce à quoi Meslier répond tout simplement que ces signes ne sont pas du tout évidents. De plus, la tendance des théologiens de l'époque de recourir au fidéisme (doctrine stipulant que la vérité absolue se trouve dans la foi et la révélation et qui a été condamnée en 1838 par l'Église catholique romaine) pour contrer ce qu'il voit comme les paradoxes de la foi chrétienne représente pour lui une grossière erreur. Qui est donc ce Dieu, demande-t-il, qui nous forcerait à abandonner notre raison afin de croire en lui ? La mise aux oubliettes de la raison afin de justifier la foi chrétienne ne laisse-t-elle pas place à toutes les impostures ?
Pour Meslier, un Dieu parfait ne doit pas se faire lointain ou distant : "La première pensée qui se présente d'abord à mon esprit, au sujet d'un tel être, que l'on dit être si bon, si beau, si sage, si grand, si excellent, si admirable, si parfait, si aimable, etc. est que s'il y avait véritablement un tel être, il paraîtrait si clairement et si visiblement à nos yeux et à notre sentiment que personne ne pourrait nullement douter de la vérité de son existence. Il y a au contraire toute raison de croire et de dire qu'il n'est pas." [13]
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