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Peut-on croire à l'existence des divinités ?

Enfin les divinités se manifestent !


Enfin les divinités se manifestent !


par Richard Rousseau  -  20/05/2016




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Sommaire :


Enfin les divinités se manifestent !

     Si les divinités ne se sont pas manifestées ni à l'origine de l'univers ni pendant les 13, 8 milliards d'années de son évolution, alors comment se fait-il que les humains d'aujourd'hui y croient fortement, les vénèrent, implorent constamment leur aide et les honorent scrupuleusement ? C'est que probablement les divinités ont fini par se manifester à l'humain, étant tannées d'être dans l'ombre. Mais où, à partir de quand et pourquoi ?

     Pour répondre à ces trois questions, je pourrais considérer l'apparition du "fait" religieux soit au Proche et Moyen-Orient, en Égypte, en Inde, en Chine, au Japon, au Mexique, au Pérou, etc. chacun de ces pays ayant inventé sa propre mythologie. Cependant, le comportement humain étant partout le même face aux divinités, il n'est pas nécessaire de considérer tous ces pays. Pour expliquer la naissance des divinités et des religions, je vais donc me limiter à une seule région représentative, soit en l'occurrence le Moyen-Orient, le pays qui a vu naître Dieu, les trois monothéismes, soit le judaïsme, le christianisme et l'islam, et la Bible ! Ce pays semble un pays producteur de religiosité.

     On sait qu'à partir du Néolithique, la période qui débute il y a environ 12 000 ans, initialement au Moyen-Orient, et qui prend fin avec la généralisation de la métallurgie et l'invention de l'écriture, vers -5300 ans, marque la fin de la préhistoire et le début de l'histoire proprement dite. Pendant cette dernière période, l'humain passe de l'étape chasseur-cueilleur à celle d'agriculteur-éleveur. De nomade qu'il était pour suivre les troupeaux de chasse, il devient sédentaire pour pouvoir cultiver la terre et pratiquer l'élevage, deux activités qui nécessitent absolument la sédentarisation. Ce faisant, il construit villes et villages, se regroupe en sociétés, développe les techniques d'irrigation pour les cultures, l'élevage, la métallurgie, la poterie, des oeuvres d'art, l'architecture et invente l'écriture. Cette période de l'Histoire est donc marquée par de profondes mutations techniques, économiques et sociales. Toutes ces mutations ont des conséquences énormes sur sa façon de vivre et sur sa façon de voir le monde. [17]

     Pour illustrer le gigantesque bond en avant de l'humain pendant cette période de l'Histoire, considérons une région appelée à l'époque la Mésopotamie qui correspond en gros aux pays actuels de l'Iraq et du nord-est de la Syrie. Elle est bordée au nord-ouest par la mer Méditerranée et au sud par le golfe Persique (voir la carte ci-incluse). Cette région est arrosée par deux fleuves, l'Euphrate et le Tigre, qui coulent sur une distance de plus de 2 000 km. Ces deux fleuves ont joué un rôle majeur dans l'évolution de la civilisation. Ils ont fourni l'eau pour l'agriculture, l'eau pour l'humain, mais aussi l'eau pour le transport maritime. À cause de l'eau, cette région est souvent appelée, et avec raison, le "Croissant fertile". [1]


Carte de la Mésopotamie dite le Croissant fertile (en vert). Dans cette région aujourd'hui en grande partie désertique qui va de l'Égypte à l'Iraq actuel sont nées les villes, l'agriculture, l'écriture, les divinités et les religions ! [3] Le pays de Canaan, la terre promise de la Bible, est situé entre la mer Méditerranée et le Jourdain. [5]

     Considérons également une époque, celle du VIe au Ier millénaire avant notre ère ; on dit souvent aussi "avant J.-C." Cette région, à cette époque, est le plus ancien et le plus important des foyers de la civilisation. Elle y inclut la fameuse région de Sumer et la ville de Babylone où il s'est passé tant de choses. Cette région y a vu naître de nombreuses villes, l'agriculture, l'écriture, mais aussi les divinités et les religions. C'est peu dire ! Nous avons donc un endroit et une époque où les divinités sont apparues pour la première fois. Quelle chance pour les peuples vivant à cet endroit et à cette époque d'avoir été choisi par les dieux ! Il ne reste plus qu'à répondre au "pourquoi". C'est ce que je vais tenter de faire.

     La Mésopotamie est une région très ensoleillée (50oC) et manque de pluies. Les chasseurs du paléolithique pour devenir les agriculteurs du néolithique doivent donc construire un système d'irrigation avec digues, bassins de retenue, canaux d'amenée et d'évacuation des eaux. Moyennant un énorme travail, l'argile fertile des alluvions des deux fleuves donne des récoltes de dattes, d'orge, de blé et de sésame abondantes et relativement régulières. Avec toutes ces cultures et l'élevage de moutons, chèvres, boeufs et porcs, le Mésopotamien n'est plus obligé de chasser pour se nourrir comme auparavant, il peut même stocker des denrées alimentaires pour de longues périodes. Il n'a plus besoin maintenant de se préoccuper uniquement de sa survie. Il peut maintenant avoir une qualité de vie. Évidemment, la sédentarisation ne règle pas tout. Elle peut apporter son lot de problèmes comme les classes sociales, le despotisme, les maladies, les épidémies, les guerres et même la famine. Malgré tout, ne plus avoir à se préoccuper de l'alimentation, essentielle à la survie, libère l'esprit de l'humain pour développer la complexité de ses relations sociales, ainsi que l'aptitude de son système cognitif à l'abstraction, l'introspection et la spiritualité.

     Une autre conséquence de la sédentarisation est le développement de nombreuses villes dont l'apogée de certaines culmina entre le IIIe et le Ier millénaire avant J.-C. entre autres la ville d'Ur dans la région de Sumer, au nord du golfe Persique, et celle de Babylone au centre de la Mésopotamie. La concentration de la population de ces grosses agglomérations favorisa l'édification d'importants centres culturels et économiques.

     Toutes ces villes accumulèrent d'immenses richesses et firent l'envie de tous les résidents autour, occasionnant d'innombrables guerres destructrices, tant et si bien, qu'aujourd'hui il ne subsiste de cette époque que des ruines. Tout a été démoli. Quel dommage?! Encore aujourd'hui, dictateurs et terroristes du Moyen-Orient (Iraq, Syrie, Israël) s'entretuent à qui mieux mieux. L'humain n'a rien appris en 5 000 ans de civilisation. Quand donc va-t-il finir par apprendre ?

     Malgré tout, la civilisation mésopotamienne a légué à l'humanité des concepts de loi, de gouvernement, de vie urbaine et commerciale d'une importance majeure. On leur doit un système astronomique et mathématique qui permit de diviser le temps et l'espace en degrés ce qui allait, plus tard, aboutir à nos heures, nos minutes et nos unités de mesure linéaire, sans oublier les oeuvres d'art, la poterie, le développement de la roue à des fins de transport et la grande invention mésopotamienne par excellence, "l'écriture". Toutes ces découvertes témoignent des avancées exceptionnelles de cette première civilisation en matière intellectuelle et technologique.

     Avec le développement des connaissances, des commodités des villes et l'amélioration des conditions de vie, les Mésopotamiens développent également des croyances sur l'origine du monde, la nature des dieux, la création de l'homme et ses rapports avec le monde du divin. Cette mythologie visait à répondre à des questions relatives aux mystères du monde. Pour y répondre adéquatement, les habitants de la Mésopotamie antique INVENTENT une foule de dieux. Ils créent des dieux associés aux aspects les plus importants de leur société (la royauté, les forces de la nature, les astres, le savoir et les techniques, etc.). Ils les considèrent comme leurs créateurs présidant à leur destinée qui leur ont confié le monde terrestre pour en tirer des richesses, dieux qu'ils mobilisent pour leur rendre un culte qui se déroule dans d'immenses temples érigés uniquement à leur honneur. [2]

     Les dieux étaient vus par les Mésopotamiens comme des êtres surpuissants, dotés d'un charisme, d'une splendeur, de pouvoirs et d'une sagesse qui les plaçaient au-dessus de toute autre forme de vie. Ils présidaient aux destinées des hommes, tantôt en étant bienveillants envers eux, en leur prodiguant toutes sortes de bienfaits (savoirs, réussite, procréation, santé, etc.) ou bien à l'inverse en les châtiant en cas de manquement (maladies, défaites, cataclysmes, morts, etc.). Les dieux étaient cependant conçus à l'image des hommes, l'iconographie religieuse les représentant de façon anthropomorphique avec certains attributs distinctifs comme la tiare à plusieurs rangées de cornes, une coiffure que seuls une divinité ou un roi divinisé pouvaient arborer. Les mythes poussaient plus loin l'"humanité" des dieux en les décrivant comme des êtres soumis à diverses passions (colère, envie, tromperie, etc.). [2]

     Pris individuellement, chaque dieu avait des aspects qui le différenciaient des autres, comme dans tout système polythéiste. Les dieux pouvaient être des incarnations d'éléments naturels (les astres, les fleuves, les végétaux, l'orage, etc.), d'activités ou de productions humaines (l'agriculture, l'écriture, la pêche, la bière, les briques, etc.). Au début, nombre d'entre eux avaient un aspect local, étant liés à un lieu ou à une cité en particulier, mais à partir de 2600 avant J.-C. il existait une tendance à l'élaboration d'un panthéon commun à toutes les cités. Autrement dit, l'humain accorde aux dieux une importance de plus en plus grande, dont il ne sera plus capable de se défaire, et passera graduellement du polythéisme au monothéisme. Il commencera même à enregistrer toutes ses croyances les plus invraisemblables dans un livre nommé la Bible. Ainsi, les habitants de cette région du monde, le Proche et le Moyen-Orient, deviendront de farouches religieux dont l'humanité ne sera plus capable de se défaire et qui envahiront malheureusement le reste de la planète. [2]

     Entre autres, on doit au peuple mésopotamien les mythes de la création du monde et de la naissance de la civilisation. On leur doit l'idée d'une époque héroïque où la perfection humaine devait laisser la place à la fragilité humaine, fragilité qui pouvait même déboucher sur l'échec. C'est grosso modo l'histoire d'Adam et Ève vivant au jardin d'Éden. L'autre grand apport culturel de ce peuple sur le plan des mythes fondateurs est sans aucun doute la notion de la création de l'humanité "à partir de l'argile", du serpent tentateur, du déluge universel, de la tour de Babel, et bien d'autres. Tous ces mythes inspirèrent les trois grandes religions monothéistes. Les similitudes avec certains passages de la Bible sont troublantes et amènent à se poser pas mal de questions. On peut même accuser les auteurs de la Bible d'avoir plagié les récits sumériens, tout en les adaptant évidemment au monothéisme. [28]

     De plus, la création de divinités très utiles à l'humain ne vient jamais seule. Elle s'accompagne toujours de la création de religions servant à honorer ces divinités fictives. Aux premières religions orales liées au développement de l'agriculture et de l'élevage, succèdent les polythéismes caractérisés par un panthéon, par des épopées glorieuses, par une caste sacerdotale nombreuse et hiérarchisée, par de grands édifices religieux, par une théodicée, etc. puis, grâce au développement de l'écriture, apparaissent les religions du salut grâce aux écrits du peuple hébreu, la Torah, ceux du peuple juif-chrétien, la Bible et beaucoup plus tard ceux du peuple arabe, le Coran. Et enfin la transformation de ces religions à partir de l'époque moderne qui donnèrent naissance aux trois monothéismes. À noter donc : l'apparition du "fait" religieux, divinités et religions, s'opère après le développement intellectuel fulgurant de l'humain, pas avant.

     En conclusion, cette section avait pour but de démontrer que les dieux ne sont qu'une invention humaine. Il suffit que les conditions de vie et le développement intellectuel s'y prêtent pour que l'humain avec sa capacité phénoménale à fabuler en vienne à la conclusion que les dieux existent, sont indispensables à sa vie et qu'il ne peut s'en passer. Pourquoi ? J'ai toujours cru que les divinités servaient à combler un besoin fondamental chez l'humain, à savoir remplacer, à l'âge adulte, les parents de la jeune enfance par de nouveaux "géants" protecteurs. Les capacités humaines permettent de créer de telles divinités sur mesure.

     Même Sigmund Freud confirme cette croyance. Il considère que la foi est un symptôme qui exprime un besoin d'être protégé et la détresse qui prolonge celle de l'enfant : Dieu représente un père transfiguré, supérieur au vrai père et meilleur que lui. Dieu a été inventé par l'homme comme "substitut psychotique de la protection parentale que l'homme perçoit comme défaillante à l'âge adulte", inventant alors un Dieu bon ainsi que la croyance en la vie éternelle. Même s'il considère que la religion a rendu de grands services à la civilisation, Freud ne pense pas qu'il faille croire à ce qu'il estime être une "névrose obsessionnelle universelle", croire en Dieu revenant par ailleurs à prendre ses désirs pour des réalités. En 1927, dans L'avenir d'une illusion, Freud écrit : "Il serait certes très beau qu'il y eût un Dieu créateur du monde et une providence pleine de bonté, un ordre moral de l'univers et une vie après la mort; mais il est cependant très curieux que tout cela soit exactement ce que nous pourrions nous souhaiter à nous-même". [7]





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