Récemment, j'ai eu l'occasion de lire de nombreux articles [1 à 20], revue [21] et livres [22 à 28], d'assister à quelques conférences [29, 30] et de visionner plusieurs films [31 à 34] où l'on faisait allègrement la promotion des doctrines des religions, sans remettre en question l'existence même des divinités. On peut croire à ces doctrines ou pas, mais il me semble important avant d'adhérer aux croyances véhiculées par une religion de se poser la question à savoir si ces divinités existent réellement ou pas. Toutes les religions ne remettent jamais en question l'existence de ces divinités. C'est compréhensible, puisque c'est leur raison d'être. Elles affirment toutes que les divinités existent sans l'ombre d'un doute. Un point c'est tout ! Alors, voilà. Nous sommes confrontés, souvent dès la naissance, à accepter sans se poser de questions (c'est un acte de foi) tous les rituels (messe, baptême, circoncision, mariage, enterrement, etc.) et règles (catéchisme, Bible, Torah, Coran, etc.) à suivre pour honorer les divinités, leur parler par la prière, et même les implorer en cas de besoin. Les religions servent également à créer un au-delà pour le moins hypothétique, où l'esprit de chaque être humain pourrait, parait-il, continuer après la mort, grâce à son âme immortelle, à survivre sous une autre forme de vie, vie qu'il aime tant, en compagnie de l'âme de ses parents et amis défunts.
Imaginez si les divinités n'étaient que des entités fictives, alors toutes les religions ne seraient que fabulation, "erreur, mensonge, illusion et imposture". [13] Avant de discourir sur les religions, qui sont la conséquence de la croyance au divin, il m'apparait donc important d'établir au préalable si les divinités existent réellement ou pas. C'est ce que nous tenterons de faire dans le présent article. Puis étant fixés sur l'existence ou l'inexistence des divinités nous remettrons en question les religions. Nos considérations sur ces deux sujets, divinités et religions, nous permettrons de conclure sur des évidences pour le moins surprenantes, mais très vraisemblables !
L'origine de l'univers, un authentique mystère
Commençons par considérer l'origine de l'univers. Après tout, c'est le début de tout. Comment est né l'univers ? A-t-il connu un temps zéro ? Et qu'y avait-il avant ? Il existe deux approches concernant l'origine de l'univers. Celle des scientifiques qui savent que l'humain n'a pas cessé d'évoluer depuis des millions d'années et que l'univers est vieux d'au moins 13, 8 milliards d'années (d'après les dernières mesures données à la référence [21]) et celle des croyants des trois monothéismes qui croient dur comme fer qu'ils ont été créés tels quels en six jours dans un univers qui n'aurait que six mille ans. C'est la confrontation des connaissances et des croyances. Qui dit vrai ? Examinons chaque approche.
Une première question se pose : les discours que nous tenons sur l'origine de l'univers, quelle que soit leur nature, sont-ils vraiment complets pour nous apporter toutes les réponses ? Examinons d'abord celui des croyants. Ils présentent Dieu comme un être hors du monde qui aurait décidé à un certain moment d'appuyer sur un interrupteur. Et d'un seul coup de baguette magique, je dis bien d'un seul, les cieux, la Terre et la lumière seraient apparus. Mais ce récit ne nous dit pas tout. Il ne dit pas, par exemple, ce qui a pu se passer avant ce temps zéro. Ni ne précise d'où l'idée de créer l'univers serait venue à Dieu. Ni s'il savait ce qu'il faisait en pressant son doigt sur le bouton. [21] En fait, cette hypothèse ne tient pas la route, nous nageons dans l'inconnu, et l'affirmation d'un créateur divin est totalement gratuite, sans fondement.
Les croyants tentent également d'accorder la théorie de l'évolution à l'hypothèse d'un "dessein intelligent". Leur idée, c'est que les paramètres initiaux, ceux qui sont présents dès le Big Bang, sont tellement bien réglés pour conduire au monde tel qu'il fonctionne aujourd'hui qu'on est obligé de supposer une intelligence en amont. Cette thèse n'est pas à confondre avec le créationnisme religieux. [21] Cette idée également ne tient pas la route. La nature utilise toujours, en toutes circonstances, la solution la plus viable, consommant le minimum d'énergie. Si la nature a essayé d'autres solutions, elles ont toutes échoué parce que non viables. La solution choisie par la nature est celle que nous observons présentement, et elle marche, car nous sommes là pour l'observer !
Regardons maintenant du côté de la science. L'univers aurait connue il y a 13,8 milliards d'années un moment très dense et très chaud suite à une gigantesque explosion originelle, nommée Big Bang par les scientifiques, qui aurait créé tout ce qui existe, autrement dit l'instant zéro marquant le surgissement simultané de l'énergie, de la matière, de l'espace et du temps. Cette théorie repose sur l'observation expérimentale que l'univers est en expansion et cette expansion s'accélère. Il est donc logique d'imaginer, dans un passé de plus en plus lointain, que les galaxies se sont rapprochées les unes des autres, que la taille de l'univers n'a cessé de diminuer et qu'il a fini par se réduire - si l'on en croit les équations de la relativité générale - à un univers ponctuel, c'est-à-dire de volume nul. Autrement dit, si l'on déroule le temps à l'envers, les calculs font bien surgir un instant zéro qui serait apparu il y a 13,8 milliards d'années, et qui se trouve directement associé à ce que les physiciens appellent une "singularité initiale" : une situation dans laquelle la température et la densité deviennent infinies. [21]
Cependant, la relativité générale est impuissante à décrire ce qui se passe à cet instant zéro. Pour le faire, il faudrait franchir le "mur de Plank", ce moment particulier à 10-43 seconde après le Big Bang et où l'univers ne mesurait que 10-35 mètre ! Le mur de Plank représente ce qui nous barre l'accès à l'origine de l'univers. Il est la limite de validité de nos connaissances de la physique actuelle. On est incapable de dire ce qu'il s'est passé avant. [21]
Ainsi, l'univers a démarré d'un point, d'une singularité, dans lequel tout était concentré - l'énergie, la matière, l'espace, le temps -, puis le Big Bang l'a projeté dans cette expansion qui a donné naissance à des objets de plus en plus complexes : les galaxies, les étoiles, les planètes. S'il y a expansion, c'est qu'il y a évolution - ainsi les planètes se transforment, l'atmosphère de la Terre n'a pas toujours été celle que nous connaissons. Et il fallait bien quelques milliards d'années pour que cette évolution aboutisse à des êtres capables de s'interroger et s'émerveiller face à l'immensité et la complexité du cosmos. [21]
Pour expliquer l'évolution de l'humain, le livre fondateur de la théorie moderne de l'évolution s'intitule "De l'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle". Il a été publié en 1859 par Charles Darwin (1809-1882). Le naturaliste anglais y explique comment les espèces se transforment au fil du temps et, ce faisant, explique toute l'étendue de la biodiversité qu'on imaginait auparavant l'oeuvre exclusive d'une divinité. La théorie de Darwin repose sur deux postulats. Le premier stipule qu'il existe une variabilité interindividuelle et héritable au sein d'une même espèce; certains individus héritent, tout à fait de façon aléatoire, de certaines caractéristiques qui les avantagent pour la survie dans un milieu donné. Le second : comme les individus sont en compétition pour leur survie en raison de ressources limitées, ceux qui les possèdent se reproduisent donc davantage, et les transmettent à leurs descendants. Les espèces évoluent ainsi de manière buissonnante et hasardeuse sous l'effet d'une "sélection naturelle" induite par l'environnement. [21]
L'origine de l'univers est un authentique mystère, mais ce n'est pas une raison suffisante pour imaginer une divinité quelconque super puissante créatrice de ce magnifique univers. Restons modestes pour le moment et admettons que nous sommes ignorants. Croyants, comme scientifiques, nous sommes confrontés à l'inconnue face à l'origine de l'univers. Avant de faire quelques affirmations que ce soit, attendons donc que nos connaissances en physique se développent et que nos capacités intellectuelles soient capables de comprendre et de bien interpréter ces connaissances. Plutôt que de faire des affirmations gratuites sur ce sujet, il vaut mieux se taire. Et c'est bien ainsi.
Richard Rousseau
[*] Richard Rousseau : chercheur scientifique spécialisé en physique des rayons X, à la retraite, ayant travaillé tout près de 37 ans au laboratoire d'analyse par fluorescence des rayons X (FRX) de la Commission géologique du Canada, à Ottawa. Il y a développé une méthode d'analyse FRX et un logiciel d'application. Il est membre à vie de l'Association humaniste du Québec.
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