Chaque être humain est profondément marqué par deux étapes incontournables de sa vie : la naissance et la mort. Comme nous venons de le voir, la naissance est la source de la croyance au divin en remplaçant les parents protecteurs de l'enfance par des divinités qui jouent le même rôle à l'âge adulte. La mort sera la source d'une autre croyance tout aussi invraisemblable : celle d'un au-delà céleste paradisiaque, où l'esprit de chaque être humain se retrouvera après sa mort, grâce à son âme immortelle, en compagnie de l'âme de ses parents et amis défunts. Quel beau conte de fées !
À propos de l'âme, elle serait immatérielle, incolore, inodore, invisible, insensible, et même immortelle, alors comment les croyants peuvent-ils la détecter? Qu'est-ce qui nous prouve qu'elle existe réellement? Comment savons-nous qu'elle puisse être immortelle, donc éternelle? Ça me semble être une autre affirmation gratuite.
Michel Pion présente trois arguments qui pourraient prouver la présence d'une âme en chacun de nous : premièrement, la vie elle-même. La vie a quelque chose de plus que les roches, la poussière ou l'eau n'ont pas. C'est l'âme. Deuxièmement, la conscience. Clairement, notre corps peut se déplacer et grandir, alors que notre esprit peut penser, imaginer et croire. Il y a donc un gouffre énorme entre ce qui est mesurable et visible et nos pensées qui semblent flotter dans nos têtes. La différence provient de l'âme. Le troisième est la réincarnation. Seule l'âme peut voyager d'un corps à l'autre. [18]
Pion répond à ces trois arguments. Le premier argument n'est plus convaincant de nos jours. Avec toutes les avancées en médecine et en biologie moléculaire, nous savons très bien comment fonctionne le corps, et il peut très bien fonctionner sans aucune substance spirituelle. Le troisième argument ne tient pas la route. Tout phénomène paranormal ne résiste jamais à la lumière des faits. En ce qui concerne le deuxième argument, il est indéniable que la mort du cerveau amène la mort de notre personnalité ou de notre conscience. La conscience est un produit du cerveau, comme le cerveau meurt à notre mort, la conscience, ou si vous voulez, l'âme, disparait avec lui. [18]
Il semble donc évident que nous n'avons pas en nous une telle chose appelée l'âme. Nous sommes le résultat de milliards d'années d'évolution à partir de créatures simples (cellules) qui ne disposaient d'aucune vie mentale et avant cela d'organismes (bactéries) ne méritant même pas le statut de créatures. Nous sommes le résultat de la rencontre entre un spermatozoïde et un ovule qui s'est développé cellule par cellule. La vie mentale et psychologique qui en émerge est le fruit du fonctionnement de notre cerveau, lequel est intimement lié à nos fonctions corporelles. La mort du corps entraîne la mort du cerveau et par conséquent la mort de notre personnalité, ou de la conscience, ou de l'âme si vous y croyez. L'âme n'est donc pas immortelle et une possible autre forme de vie après la mort, dans un paradis céleste, est impossible. [18]
Meslier présente le corps ainsi que la pensée elle-même comme uniquement le fruit de la matière : "Nous ne voyons, nous ne sentons, et nous ne connaissons certainement rien en nous qui ne soit matière. Ôtez vos yeux ! Que verrons-nous ? Rien. Ôtez vos oreilles ! Qu'entendrons-nous ? Rien. Ôtez vos mains ! Que toucherons-nous ? Rien, si ce n'est fort improprement par les autres parties du corps. Ôtez votre tête et votre cerveau ! Que penserons-nous, que connaîtrons-nous ? Rien." [13]
"Pour beaucoup de gens, la croyance en une âme immortelle est un antidote efficace à la peur de la mort. Mais voir la réalité en face n'a pas forcément comme conséquence de nous tourner vers le désespoir et le nihilisme. Les humanistes croient à la vie avant la mort. En acceptant qu'elle ait une fin, nous pouvons et devons la chérir. Notre vie est composée de moments qui souvent nous dépassent et touchent plein de gens autour de nous de multiples façons. Si notre vie est comme un livre, faisons en sorte de ne pas être trop déçus lorsque nous arriverons à la dernière page." [18]
Jean Meslier déclarait dans son testament : "Il n'y a plus aucun bien à espérer ni aucun mal à craindre après la mort. Profitez donc sagement du temps en vivant bien et en jouissant sobrement, paisiblement et joyeusement, si vous pouvez, des biens de la vie et des fruits de vos travaux, car c'est le meilleur parti que vous puissiez prendre, puisque la mort met fin à toute connaissance et à tout sentiment de bien ou de mal." [13]