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Réfutation de la preuve par le commencement

Argument cosmologique : Argument du kalam


par Albert Crispin  -  13/02/2015




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"1. Tout ce qui commence à exister a une cause.
2. Une chose ne peut être sa propre cause.
3. L'univers a commencé à exister.
4. Donc l'univers a une cause autre qu'elle-même.
5. Cette cause est Celui que l'on nomme Dieu."


1. Le principe de causalité tel qu'il est avancé par l'argument peut être sérieusement remis en question. Certains philosophes ont également questionné le principe de causalité (comme Hume) mais nous ne nous attarderons pas à ce sujet.
  1. Tout d'abord, il faut retenir que l'argument part d'une généralisation, d'un principe qu'il considère comme vrai mais qui n'a pas été démontré (quelques exemples ne peuvent prouver qu'un principe est universel ou absolu ; il faudrait au contraire le vérifier pour chacune des choses). Dès lors, le postulat de causalité n'est qu'un d'axiome, ou plutôt une présomption.

  2. Certains tenteront de renverser la charge de la preuve en nous demandant de fournir un contre-exemple (une chose avec un commencement sans cause). Tout d'abord, il est bon de rappeler que c'est à celui qui affirme quelque chose de justifier ses propos. Ensuite, nous remarquons que cette demande est fort hypocrite. Si on considère que le postulat de causalité est absolu (sauf pour Dieu, étrangement), il nous est impossible de donner un contre exemple. En effet, on pourra nous rétorquer que la "chose sans cause" que nous avançons est en fait causée mais que cette cause nous est actuellement inconnue.

  3. Il serait plus logique de présumer au contraire que les choses dont la cause n'a pas été établie sont sans cause. En réalité, ces choses sont potentiellement non causées, dans le sens où il est possible que leur cause soit découverte plus tard. Nous prenons certes le risque de nous tromper en disant qu'une chose est non-causée, mais c'est une démarche plus honnête que la première qui évince par un dogme la possibilité qu'il puisse exister des choses sans cause. Qu'une chose soit considérée comme non-causée n'empêche pas non plus la recherche (peut-être vaine) de cause à cette chose. De plus, restreindre le postulat de causalité ne signifie pas sa destruction.

  4. L'univers (ou le Big Bang) constituerait un bon exemple de ce que nous venons de présenter. L'univers, s'il a un commencement, aurait pu "apparaître" sans cause. Rien n'empêche de réfuter cette idée si à l'avenir on démontre qu'il fut causé.

2. Lorsqu'on y regarde de plus près, on se rend compte que l'argument applique le principe de causalité de manière brute, sans effectuer les distinctions nécessaires.
  1. Il est possible que cet argument commette le sophisme de composition : ce n'est pas parce que chaque chose commençant à exister qui est contenue dans l'univers aurait une cause que l'univers (qui serait vu comme un tout) lui-même aurait pour autant une cause ! Une règle qui s'applique au sein d'un ensemble ne s'applique pas forcément à l'ensemble lui-même (l'univers, ou son apparition). Par exemple : s'il est indéniable que chacune des composantes d'un avion, prises séparément, n'ont pas la capacité de voler, cela ne signifie pas pour autant que l'avion (c'est-à-dire le tout) soit incapable de voler. Pour prouver l'inverse, il faudrait pouvoir observer l'univers de l'extérieur (en établissant sa cause) : chose qui nous est impossible. C'est pour cela que l'argument n'est que pure spéculation.

    Nous pouvons nous aussi spéculer en supposant qu'il existerait un meta-univers contenant notre univers et dont les lois scientifiques seraient différentes de celles qui s'appliquent au sein de notre univers. On peut donc prétendre sans problème que ce meta-univers existerait de tout temps. Nous pouvons également dire que des choses, telles notre univers, peuvent apparaître de manière spontanée au sein de celui-ci sans pour autant que cela nécessite une cause.

  2. L'argument commet un sophisme nommé l'équivoque. Certes, nous pouvons admettre que le principe de causalité s'applique au monde sensible en constatant que toute chose physique qui commence à exister nécessite au moins une cause elle aussi physique. Par "chose physique", nous entendons une chose concrète, présente dans notre monde sensible de manière empirique comme l'énergie ou la matière. Autrement dit, une chose qui n'est pas abstraite. Toutefois, l'argument suppose que l'univers (chose physique) a une cause entièrement non-matérielle et transcendante (non physique). Rien ne nous dit ici que le principe de causalité est valide, car la différence est de taille (nous n'avons jamais observé que le pur esprit, ni qu'une chose exclusivement abstraite, pouvait causer la matière).

  3. L'argument commet également un autre sophisme d'équivoque. En effet, il sous-entend que l'univers a une cause transcendante (hors du temps et de l'espace). Hors, jusqu'ici, nous constatons que toute chose physique causée a une cause qui est temporelle (dans le temps) et spatiale (dans l'espace).

  4. De plus, prétendre que les principes d'une création ex materia s'appliquent également dans le cas d'une création ex nihilo est également fort douteux.

  5. Enfin, comme nous l'avons évoqué au point 1, il n'est pas possible de comparer l'origine de l'univers, chose qui nous est empiriquement inconnue, à des faits liés à la vie de tous les jours. En effet, nous considérons que telle chose est cause d'une autre par l'expérience que l'on en a ; or nous ne pouvons faire l'expérience de l'origine de l'univers.

  6. Il est bien plus raisonnable d'élaborer un argument en sens opposé:
      (1) Chaque chose physique qui a une cause a une cause physique de son existence.
      (2) Selon l'argument du kalam, l'univers est une chose concrète qui a une cause qui n'est pas physique.
      (3) Ainsi, en vertu du (1), l'argument du kalam est faux.

3. L'idée d'une chose première atemporelle est problématique. En plus des arguments présentés ici, nous invitons également le lecteur à voir la réfutation de la preuve par le mouvement.
  1. Si le temps a été créé avec l'univers, alors il ne peut y avoir de situation qui précède au temps : il faut donc supposer que le temps existe pour pouvoir être créé, ce qui est contradictoire. Une hypothèse possible serait celle selon laquelle le temps et l'espace sont apparus avec l'univers, non causé. Cela signifie qu'il n'y avait rien avant le commencement de l'univers ; non pas dans le sens où il y avait une situation mystérieuse que nous nommons "rien", mais qu'il n'y avait simplement pas de situation précédant le commencement de l'univers.

  2. L'argument suppose que le principe de causalité est déjà en place. Si Dieu a "causé la causalité", il n'a pu le faire que parce que celle-ci existait au préalable.

  3. Une cause première éternelle ou atemporelle est supposée être inchangée. Dans le cas contraire, elle ne serait pas atemporelle (il existerait au moins 2 situations, l'une précédant l'autre qui serait causée par un changement quelconque). Mais surtout, elle ne serait pas cause première puisque la nouvelle situation a dû être causée par quelque chose d'autre qu'elle-même (prémisse (2)). Ainsi, Dieu ne pourrait être cause de son changement. Or, en créant le monde, Dieu (ou sa situation) a inévitablement changé puisqu'un Dieu inchangé ne peut rien faire.

4. L'argument ne parvient pas à évincer l'hypothèse d'un passé infini. Rappelons que prétendre que Dieu est immunisé au principe de causalité parce qu'il serait éternel ou atemporel est une pétition de principe. Une régression à l'infini supposerait ici un passé sans commencement (PsC); puisqu'il ne peut y avoir de situation "précédant à l 'apparition du temps".
  1. Plusieurs apologistes ont tenté de démontrer que PsC est impossible, en vain.

    A.1. Une partie d'entre eux assertent que sans commencement, il ne pourrait y avoir de temps ni même de causalité. Toutefois, ils n'expliquent pas pourquoi et se contentent de répéter dogmatiquement leur position sans la justifier. Nous n'avons pas à nous occuper d'eux ni même à prouver que PsC est vrai : la charge de la preuve leur incombe, puisque c'est eux qui affirment que c'est impossible.

    A.2. Certains attestent que PsC est paradoxal : "si, face à une infinité de jours, je retranche un jour ou j'en ajoute un, il restera une infinité de jours : ∞ + 1 = ∞ et ∞ - 1 = ∞. Donc cela ne change rien, ce qui est absurde. PsC ne peut exister."
    Cet argument est fallacieux car il ne tient pas compte du fait qu'il existe en réalité différente sorte d'infini. Certes, ∞ + (ou -) 1 = ∞, mais le nouvel infini obtenu sera différent. Le + 1 ou - 1 ajoute ou retranche un élément unique, et avec ou sans lui, ce n'est plus le même infini.

    A.3. D'autres soutiennent que la notion d'infini dans le cadre de PsC était "potentiel" car il consiste à ajouter indéfiniment des éléments à un ensemble : comme compter de 1 jusqu'à "l'infini", à chaque fois je peux ajouter + 1, mais je n'arriverai jamais à compter jusqu'à l'infini. Et il en va de même, selon eux, pour le nombre de jours possibles.
    Toutefois, ils oublient une chose : nous parlons d'un passé SANS commencement, ce qui signifie que nous n'avons pas de point de départ pour le décompte. L'argument n'a pas lieu d'être.

    A.4. L'argument précédant sous-entend généralement celui-ci: "si je compte en arrière vers le passé, c'est-à-dire si je commence à compter le nombre jour à partir d'aujourd'hui et si je tente de remonter dans le temps, il m'est impossible de parcourir entièrement le passé (sinon il serait fini). Si je ne peux remonter le passé, alors l'inverse est également vrai : il est impossible de le traverser. Donc PsC n'existe pas."
    Cet argument commet le sophisme de l'équivoque en tentant de faire passer deux situations différentes pour identiques. Premièrement, dans le cas de PsC, nous tendons vers un point fixe et déterminé alors que dans l'autre cas, nous remontons "vers l'infini", c'est-à-dire que nous ne nous dirigeons pas vers une date fixe (sinon il n'y aurait pas de PsC). Deuxièmement, cet argument part d'un point fixe alors que dans le cas de PsC, il n'y a pas de point fixe ; pas de point de départ. Les deux situations étant différentes, nous ne pouvons raisonnablement accepter cet argument.

    A.5. Enfin, un certain nombre d'entre eux affirment qu'il est impossible de traverser l'infini puisque, selon ces derniers, si deux points (A et B) sont séparés par un temps infini, alors il n'est pas possible de passer de A à B, ce qui est, soutiennent-ils, absurde et paradoxal.
    Tout d'abord, nous préciserons que PsC suppose l'idée d'un passé sans commencement et non un commencement infiniment loin dans le temps : l'argument n'a pas lieu d'être. De plus, il est malgré tout possible de passer de A à B : leur argument rappelle celui formulé par Zénon il y a quelques millénaires. Une infinité d'intervalle entre deux positions n'empêchent pas de passer d'un point A à un point B. Une infinité de valeurs se trouvent entre 0 et 1, mais cela n'empêche nullement d'avancer de plus d'un mètre. Nous pouvons également diviser une minute ou une seconde en une infinité d'intervalles mais rien n'empêche son écoulement.

  2. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la science ne réfute pas l'hypothèse PsC. Personne n'ayant actuellement réussi à découvrir ce qu'il se trouve avant le temps Planck, nous pouvons donc librement spéculer. D'ailleurs, il n'y a actuellement pas de théorie permettant d'expliquer l'origine de l'univers qui fait l'unanimité auprès des scientifiques.

5. L'argument est également fallacieux en concluant que la cause première est Dieu. En réalité, la seule chose que prouve cet argument c'est la mauvaise foi de ses partisans qui refusent d'admettre leur ignorance sur une chose qui nous est inconnue.
  1. Tout d'abord, l'argument cherche à prouver l'existence d'une cause non causée. Même s'il était valide, rien n'assure que cette cause est ce que nous nommons Dieu. De plus, l'argument assume que Dieu n'a pas de commencement.

  2. D'autres hypothèses sont possibles : Passé infini et univers éternel, temps cyclique, commencement (Big Bang) de l'univers (avec le temps et l'espace) sans situation antérieure, multivers, Théorie du Big Bounce, émergence à partir d'un trou noir ou d'un trou blanc, fluctuations quantiques, singularité à l'origine du Big Bang, .

  3. Même s'il n'y avait aucune autre hypothèse actuellement valable, cela ne prouverait pas pour autant l'existence de Dieu. Au contraire, cela serait commettre le sophisme nommé "l'appel à l'ignorance" ou argumentum ad ignorantiam : affirmer qu'une proposition est vraie car non prouvée fausse plutôt que de démontrer de manière irréfutable sa véracité. Or, l'absence d'hypothèses alternatives ne prouve pas leur inexistence (surtout quand nous parlons d'une chose qui est peut-être soumise à des principes qui nous sont jusqu'ici inconnus).


Albert Crispin



Voir aussi : Réfutation de la preuve par le mouvement. Argument cosmologique : première voie de Thomas d'Aquin. Par Albert Crispin, 26/01/2015.

Voir aussi : Réfutation de la preuve par les formes d'existence des choses. Argument cosmologique : Troisième voie de Thomas d'Aquin. Par Albert Crispin, 21/02/2015.

Voir aussi : Réfutation de la preuve par le degré (des choses) Quatrième voie de Thomas d'Aquin. Par Albert Crispin, 05/04/2015.

Voir aussi : Réfutation de la preuve par l'ordre et par la finalité. Argument Téléologique : Cinquième voie de Thomas d'Aquin. Par Albert Crispin, 09/04/2015.

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