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Loi sur les signes religieux à l'école(projet de loi, débat, vote)Revue de presse
Codes couleur : En noir : synthèse la plus objective possible des articles ou des points paraissant importants. En rouge foncé : citation ou extrait de l'article. Titre en gras. En mauve : commentaire ou appréciation particulière de "atheisme.free.fr" Huées contre la loi sur la laïcité à l'école Le Monde - 19 octobre 2004 - (15 lignes) Lors du 3ème forum social européen des altermondialistes, à Londres, le séminaire "Hidjab : le droit de choisir de la femme" s'est transformé en "une attaque en règle contre la loi interdisant le port des signes religieux à l'école, l'Etat français étant qualifié de "raciste et islamophobe"". Sous les applaudissements du public, une britanique, Arlène Rodigues, convertie à l'islam et portant le foulard, s'en est prise longuement à cette loi : "L'interdiction du foulard n'a rien à voir avec la défense de l'Etat laïque. Elle n'a certainement rien à voir non plus avec une prétendue libération de la femme musulmane" [...] "Elle a en revanche tout à voir avec un état dictatorial et la privation des libertés individuelles". Derrière la Loi foulardière, la peur (Alain Badiou) Le Monde - 22 et 23 février 2004 (1 page) Alain Badiou, philosophe, écrivain, professeur à l'Ecole Normale Supérieure, lance un percutant réquisitoire, souvent provocateur, contre la loi sur le port du foulard. Il y brocarde la France, les Français et leurs hommes politiques. "Oui, la France a enfin trouvé un problème à sa mesure : le foulard sur la tête de quelques jeunes filles." Les arguments se succèdent à un rythme soutenu : petitesse politique, ridicule, incohérence, inconséquence des féministes... Le principal argument met l'accent sur le caractère capitaliste de cette loi dont la laïcité, mise au service du commerce "à l'occidental", serait l'instrument. "N'est-ce pas le signe ostentatoire de cette religion dégradante [le commerce] que nous pouvons lire sur les pantalons, les baskets, les tee-shirts : Nike, Chevignon, Lacoste… N'est-il pas plus mesquin encore d'être à l'école la femme sandwich d'un trust que la fidèle d'un Dieu ?" La loi fait de la femme une marchandise qui doit être exposée dans le cadre d'un marché généralisé et non restreint : "On croyait avoir compris qu'un droit féminin intangible est de ne se déshabiller que devant celui (ou celle) qu'on a choisi(e) pour ce faire. Mais non, il est impératif d'esquisser le déshabillage à tout instant. Qui garde à couvert ce qu'il met sur le marché n'est pas un marchand loyal." ... "Dans ces conditions, la laïcité, qui se prétend au service des savoirs, n'est qu'une règle scolaire de respect de la concurrence, de dressage aux normes "occidentales" et d'hostilité à toute conviction." Les différences culturelles, même si elles nourrissent la peur des communautés, sont dans l'ordre des choses et doivent être respectées. "En vérité, la Loi foulardière n'exprime qu'une chose : la peur. Les Occidentaux en général, les français en particulier, ne sont qu'un tas frissonnant de peureux. De quoi ont-ils peur ? Des barbares, comme toujours. Ceux de l'intérieur, les "jeunes des banlieues"; ceux de l'extérieur, les "terroristes islamiques". Pourquoi ont-il peur ? Parce qu'ils sont coupables, mais ne disent innocents." Pour Alain Badiou, nous sommes coupables d'avoir anéanti toute "raison révolutionnaire", de nous cramponner à nos privilèges", d'être des enfants qui ont vieilli et qui ont peur de ce qui est plus jeune qu'eux. En outre, le Français a peur de la mort face à des millions de gens, partout dans le monde, qui ne la craignent pas et dont certains sont prêts à se faire exploser pour des Idées. L'Occident a détruit minutieusement "toute rationalité politique" et tenter de "liquider jusqu'au souvenir de l'Idée de révolution". Le Français est renvoyé devant le Tribunal de l'Histoire : il aura des circonstances atténuantes "Spécialiste des coiffures, il n'a joué dans l'affaire qu'un petit rôle." Dans un style non policé, un article vivifiant, même si l'on n'est pas d'accord avec toutes les idées exposées ou esquissées. Debré, ou la danse du voile devant les députés PS Libération - 6 février - (1 page) Les socialistes souhaitent une interdiction des signes religieux "visibles" et non "ostensibles", qui selon eux serait plus simple à appliquer et répondrait davantage aux attentes des chefs d’établissement. Un compromis a été trouvé avec Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée Nationale. La loi gardera le mot "ostensible" mais un amendement prévoyant une évaluation un an après son entrée en vigueur a été rajouté, permettant de revenir si nécessaire sur le choix de l’adjectif. Jacques Chirac a donné son accord. Jean-Pierre Raffarin l’a annoncé. Cela devrait permettre une vote consensuel droite + gauche pour cette loi qui, fait exceptionnel, a permis un large débat parlementaire permettant à 120 députés de s’exprimer. Pauvre main de Fatma ! (Sophie Bessis, chargée de cours en science politique à l’univ. Paris 1) Le Monde - 16 janvier 2004 - (1/4 de page) L’auteur explique la signification de la main de Fatma que sa grand-mère qui adorait le Dieu des juifs lui a offerte pour son baccalauréat. Pour elle, la France se couvrirait de ridicule si la loi l’incluait dans les signes religieux ostensibles. Au Maghreb, ce symbole s’appelle Khomsa et représente le chiffre 5 "qui a la vertu d’éloigner le mauvais œil". Il s’agit donc d’un simple porte-bonheur qui remonte à la nuit des temps, bien avant l’Islam, auquel personne ne l’a jamais associé. La méprise, propre à la France, viendrait de l’amalgame musulman = arabe fréquent dans notre pays et l’idée reçue qu’"il ne peut y avoir, au-delà de la Méditerranée, d’expression culturelle indépendante de la sphère religieuse" Un simple grigri peut-il mettre en danger la laïcité ? Les laïques à la traîne contre la loi sur le voile (Catherine Coroller) Libération - 9 janvier 2004 - (1/4 de page) Sous-titre : Divisées, les organisations opposées au texte peinent à se mobiliser Face à ce constat "amer" les organisations laïques comme le MRAP, la Ligue des Droits de l’Homme, la FSU, la FCPE (parents d’élèves), la Ligue de l’Enseignement… se sont réunies mercredi 7 janvier pour déterminer la suite des actions à mener pour manifester leur opposition au projet de loi. La réunion n’a débouché que sur une "déclaration commune forte". Selon certaines de ces organisations la difficulté à la mobilisation trouverait son origine dans la surenchère du Parti Socialiste pour une loi encore plus sévère, ce qui a pour effet de créer des clivages parmi leurs militants. Pendant ce temps, les musulmans occupent la rue et le terrain médiatique. Les manifestations des musulmans radicaux des 21 décembre et celle prévue le 17 janvier provoquent cette réflexion désabusée du MRAP : "Ce que nous avions prévu est en train de se réaliser. On a ouvert la boîte de Pandore. On voit se mobiliser des personnes et des partis qui montrent qu’on est dans des dérives communautaristes". Laïcité, le grand écart (Jean Baubérot) Le Monde - 4 et 5 janvier 2004 - (1/2 page) Historien et sociologue, Jean Baubérot était membre de la commission Stasi et a refusé de voter la proposition d'interdire les signes religieux "ostensibles" à l'école. Il se place dans une vision internationale et met en garde contre le risque que la laïcité "à la française" ne sache se sortir du "grand écart" entre des "principes universels" et la réalité du terrain. Il y va de la crédibilité de la France. L'accent est mis sur le paradoxe de la non remise en cause du statut particulier de l'Alsace et de la Lorraine, même pas la présence du crucifix dans les écoles publiques. "Pouvons-nous - en la matière - presque tout concéder aux Alsaciens - Mosellans et pratiquement rien aux musulmans ?" Cette différence de traitement résulterait d'une application "élastique" des principes lorsqu'une menace est perçue. Pour l'auteur de l'article, il faut faire la part de ce qui est non négociable et de ce qui relève de "l'acclimatation mutuelle" et éviter à la fois "la stigmatisation et l'angélisme". Les femmes musulmanes seraient en train de s'émanciper, plus ou moins vite selon les cas; "certaines peuvent le faire en portant, sans agressivité un signe ostensible". Pourquoi légiférer sur le voile ? (Daniel Amson, professeur de droit et avocat) Le Figaro - 19 décembre 2003 - (1/3 de page) Sous-titre : Les trois raisons qui militent contre Pour l’auteur de l’article, il ne faut pas de loi sur les signes religieux à l’école pour au moins trois bonnes raisons.
2) Les difficultés pressenties pour élaborer un texte de loi devant préciser ce qu’un signe ostensible. Il faudra également savoir "déjouer les efforts d’imagination d’adolescents aiguillonnés par leur croyances ou par le désir faussement laïc, mais très français, de prendre en défaut la nouvelle règle de droit…" 3) Les problèmes d’application d’une telle loi paraissent insurmontables : juridiques (risques de suspension provisoire de la sentence) et pratiques (comment et par qui faire appliquer la loi dans les collèges et lycées. L'Aïd et Kippour, nouvelle querelle française (Séquence France) Le Monde - 14 et 15 décembre 2003 - (1 page) Sous-titre : La droite hostile, la gauche divisée La proposition de ne pas faire travailler les élèves lors de ces deux grandes fêtes musulmane et juive a suscité une controverse dans l'opinion et embarrasse la classe politique. Ce sera au président de trancher le 17 décembre. Pour les opposants à cette proposition : "inopportune", inattendue", "problème d'organisation", difficilement applicable", "contradiction avec la suppression annoncée d'un jour férié", "poids financier", "dérive vers le communautarisme", "marchandage"… D'autres sont plus nuancés : "L'idée… n'est pas sotte, sauf que", "un très beau symbole et une excellente idée", "il est normal que des efforts soient faits pour les religions juive et musulmane". Au Front National, on se frotte les main, mais pour d'autres raisons. Les syndicats d'enseignant et les fédérations de parents d'élèves ont des réactions plutôt mitigées et mettent en avant des "difficultés techniques". A Lyon, la correspondante du Monde a recueilli des témoignages d'enseignants majoritairement défavorables à cette proposition. "Ce qu'il faut introduire à l'Ecole, ce ne sont pas des jours fériés, mais un enseignement sur le fait religieux qui éclaire nos élèves d'un point de vue historique et culturelle." Rapport Stasi : Ostensible compromis Libération - 12 décembre 2003 - (4 pages) Après quatre mois de travail et 140 auditions, la commission des 20 sages a rendu son rapport le 11 décembre 2003. Elle propose une loi qui viserait à interdire les "signes ostensibles, tels que grande croix, voile ou kippa". Ne seraient pas concernés les "signes discrets que sont par exemple médailles, petites croix, étoiles de David, mains de Fatima, ou petits corans". Entre visible et ostentatoire, la commission a mis les feux de l'actualité sur un mot (ostensible) qui risque de demeurer ambigu sauf si la loi est suffisamment explicite pour régler les cas où le contexte ne suffirait pas. La surprise est venue de la proposition, en contrepartie de cette contrainte, de deux jours fériés supplémentaires : le Kippour pour les juifs et l'Aïd el-Kébir pour les musulmans. Et les autres religions? Quelle cohérence avec la suppression d'un jour férié par solidarité avec les personnes âgées? Le risque est grand de voir se renforcer le communautarisme. Pour "le privé", la commission recommande que le règlement intérieur puisse "réglementer les tenues vestimentaires et le port des signes religieux" et que les salariés puissent "choisir un jour de fêtes religieuses sur leurs crédits de jours fériés". Ce qui est aujourd'hui laissé à l'appréciation du chef d'entreprise deviendrait un droit. En matière de service public, la commission suggère d'"inscrire dans la loi la jurisprudence constante du Conseil d'Etat sur la stricte neutralité des fonctionnaires". La commission ne dit rien sur le cas des écoles confessionnelles et sur le concordat en Alsace-Lorraine. Dommage ! Les premières réactions politiques sont globalement favorables. Dans les milieux religieux, pour Tarik Ramadan, l'intellectuelle islamique, hostile à une loi, il s'agit d'une clarification dont il faut "prendre acte". Les évêques de France se laissent le temps "d'évaluer la pertinence des propositions". Pour le CRIF (Conseil Représentatif des Instances juives de France), les nouveaux jours fériés vont dans le bon sens, mais "la kippa n'est pas un signe ostentatoire". Il y a également ceux qui trouvent que ces propositions ne vont pas assez loin et ceux qui ne veulent pas de loi. Foulard islamique : loi ou pas loi ? (Philippe Bernard) Le Monde - 28 novembre 2003 - (1/3 de page) L'article constate que "cette polémique ne respecte pas les clivages politiques ou idéologiques traditionnels". Une réponse identique donnée à cette embarrassante question, ne l'est pas forcément pour les mêmes raisons. Un rappel chronologique des faits depuis l'affaire du collège de Creil en 1989 montre comment les politiques ont confié le "problème" à la commission des "sages" présidée par Bernard Stasi. Cependant depuis quelques semaines, avant même les conclusions de la commission, le choix en faveur d'une loi semble avoir été fait. "La pente vers un texte législatif a été si forte que la précaution élémentaire consistant à dresser au préalable un état précis et chiffré de la situation n'a pas été prise." Le calendrier est maintenant politique, avec les élections régionales et la crainte de voir le Front National stigmatiser "l'importance de l'immigration". Pourquoi une loi contre l'intégrisme (Josette Alia et Carole Barjon) Le Nouvel Observateur - 20 au 26 novembre 2003 - n° 2037 - (6 pages) Sous titre : Voile à l'école, hôpitaux, discrimination… Quelle loi pour arrêter l'intégrisme en France sans heurter les musulmans ? Le premier constat est l'absence de chiffres fiables pour dresser un état des lieux. En outre, la nature des incidents évolue. Des élèves veulent sortir "pour faire leur prière", d'autres ne veulent plus d'examinateurs hommes. Les affaires de discrimination des sexes gagnent d'autres domaines que l'école. Les hôpitaux où des hommes ne veulent pas que leurs femmes soient soignées par des médecins hommes. Il y a aussi les créneaux horaires réservés aux femmes dans les piscines. Les entreprises sont également touchées par le problème du port du voile, tandis que dans les prisons " les autorités dénoncent un prosélytisme galopant". Des sondages ayant montré qu'une large majorité des français sont pour une loi, l'UMP et le PS, non sans discussions au sein des partis, se sont lancés dans une course de vitesse pour une proposition de loi. L'UDF, les Verts et le PC sont contre. Il en est de même pour les évêques. "L'équilibre né de la loi de 1905, qu'ils ont autrefois combattue, leur convient aujourd'hui parfaitement." Les "laïcards" voudraitent une loi plus large que l'école pour tout ce qui touche à l'égalité entre les sexes. Les associations sont majoritairement contre une loi. Un exemple parmi d'autres : "Une loi, inévitablement perçue comme une loi destinée à régler le problème du voile, sera ressentie comme une loi d'exception, qui montrera du doigt toute une communauté. Et cela ne nous aidera pas à trouver des arguments pour combattre le voile. Au contraire." (Sana ben Achour, secrétaire générale de l'Association tunisienne des Femmes Démocrates). Et les musulmans de "l'islam tranquille", qu'en pensent-il ? Une majorité, du moins politique, semble favorable à une loi. Il reste à en rédiger les textes. Voir les pages d'accueil sur la laïcité et sur l'éducation. ![]() ![]() |