Le créationnisme
un combat politique pour une théocratie
Médiapart - 29 décembre 2013
Revue de presse
En quelques lignes, l'essentiel d'une sélection* d'articles de la presse écrite
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"Introduction par Louise Mailloux :
Soyons clairs. Qu'ils admettent ou pas l'évolution, la biologie n'a jamais intéressé les créationnistes. La science, ils s'en balancent. La seule chose qui leur importe, c'est de réintroduire de la transcendance dans le monde du vivant, de connecter à nouveau le surnaturel au naturel, pour nous faire croire qu'on descend du ciel, et que la religion, c'est de la science. Et de là, chasser le hasard pour redonner à la créature une mission et des devoirs envers son Créateur, ressortir la Bible ou le Coran des boules à mites pour enseigner aux enfants ce qui est bien ou mal, une morale qu'on dira "naturelle" avec bien sûr le label de la science. Vous croyez que j'exagère ? Non, l'enjeu ultime et inavoué de ces fous de Dieu, c'est de moraliser la vie sociale pour condamner les condoms, le sexe, l'avortement, l'homosexualité, et applaudir le sida.
Le début de ce siècle connaît un regain de ferveur religieuse à l'échelle mondiale, qui devrait nous inquiéter au plus haut point. L'offensive est sur tous les fronts. [...] ("La Laïcité ça s'impose", Editions du Renouveau Québécois, pages 152 & 153)
LE CRÉATIONNISME HISTORIQUE
Jusqu'à Darwin (1809-1882), le "créationnisme" était majoritaire dans les représentations de l'histoire de la Terre et l'origine de la vie. Mais alors que les sciences physiques avaient secoué la tradition chrétienne dès le XVIIe siècle comme en témoigne le procès de Galilée, l'histoire naturelle était restée dominée par les hommes d'Eglise et leur conception spiritualiste.
A l'époque où "les Lumières" triomphaient un peu partout en Europe, la pensée dominante considérait qu'en six jours, Dieu avait créé la terre, les plantes, les animaux, l'homme et enfin la femme (créationnisme). Dans ce cadre préscientifique, les nouvelles espèces sont impossibles et les mutations n'existent pas (fixisme). [...]
LE CRÉATIONISME-FONDAMENTALISME AMÉRICAIN
C'est alors qu'aux Etats-Unis, de 1909 jusqu'en 1915, un groupe de pasteurs presbytériens et baptistes, mais aussi méthodistes, anglicans, etc. publie une série de fascicules de théologie sur les points qui leur paraissent fondamentaux dans la lutte contre le libéralisme et le modernisme. Cela donne 12 volumes, diffusés à plusieurs millions d'exemplaires, intitulés : "The Fundamentals", les fondements de la foi, d'où naitra le mot "les fondamentalistes", nom de ces chrétiens évangéliques qui militeront désormais dans l'opposition systématique à la théologie libérale dans les Eglises et aux changements des valeurs culturelles et morales au sein de la société américaine. [...]
Au début du XXe siècle donc, pour ces nouveaux fondamentalistes américains, le texte de la bible doit être interprété littéralement. Or, l'évolution de Darwin est une hypothèse qui commence à être enseignée dans les écoles. Comme la question des origines simienne est impie et porte atteinte à la dignité narcissique de l'homme, les créationnistes partent en guerre et parviennent à faire interdire l'enseignement de la théorie de l'évolution dans les établissements scolaires de plus de 15 Etats sur 48 (loi Butler). Cela aboutira, en 1925, à un célèbre procès, le "procès du singe" [...].
Grâce à cet activisme missionnaire intense, le créationnisme-fondamentalisme se diffuse, cesse d'être une spécialité du "Vieux Sud profond" et gagne les Etats du Nord pourtant réputés plus modernes. Afin de crédibiliser leur doctrine, les créationnistes recrutent des auteurs ayant des qualifications scientifiques ou se faisant passer pour des chercheurs véritables, alors qu'ils ne publient pas - et pour cause - dans des revues reconnues avec comité de lecture. Mais désormais, le créationnisme possède ses revues, ses maisons d'édition, ses bibliothèques, ses émissions de radio, ses musées (Cincinnati, Petersburg), ses instituts de recherches et ses organisations représentatives dans tous les Etats américains et dans plus de 16 pays dans le monde. Il s'implante maintenant un peu partout en Europe et, notamment, en France grâce aux Eglises et mouvements sectaires venus des USA et sous la forme de "l'Intelligent Design" ou du "Principe Anthropique" défendu, notamment, par l'UIP et Jean Staune son principal porte-parole.
LES CRÉATIONNISMES AUX USA
Voici, implantées partout aux Etats-Unis, les quatre principales écoles au sein de la galaxie créationniste contemporaine, depuis les plus littéralistes jusqu'aux moins dogmatiques :
- le créationnisme littéraliste. [...] (Lecture littérale des textes bibliques.)
- le créationnisme concordiste, avec ses différentes options. [...] (Cf. Définition du concordisme)
- le créationnisme finaliste (Intelligent Design ou ID) [...] (Cf. Définition de l'Intelligent Design)
- le créationnisme théiste, selon lequel Dieu a créé les lois de la nature et s'abstient d'intervenir dans sa création. [...]
LES DIVERSES STRATÉGIES DU CRÉATIONNISME
Cheminant, désormais avec différents masques selon les lieux et les circonstances, le créationnisme varie aussi dans ses attaques de l'évolution, sans perdre de vue l'essentiel, à savoir qu'accepter Darwin, Marx et Freud, notamment, c'est accepter la contestation et la transformation de la morale, des valeurs et des institutions américaines. Or, tout changement dans ces domaines est perçu comme une trahison.[...]
Malgré tout, les créationnistes tentent de faire adopter de nouvelles lois pour permettre de débattre, dans les écoles publiques, des limites supposées des théories scientifiques. En 2012, dans le Tennessee, un projet de loi demande aux professeurs "d'aider leurs élèves à comprendre, critiquer et étudier objectivement les point forts et les faiblesses des théories scientifiques existantes". Cette loi à priori peu critiquable est destinée en réalité, à mettre en difficulté des enseignants parfois insuffisamment armés pour expliquer les enjeux et les implications du "doute raisonnable" dans la méthodologie scientifique et ainsi, d'introduire dans la classe la question de la "quête de sens". Localement, d'autres actions sont encore menées. Notamment, les parents hostiles à l'évolution sont invités à réclamer une sorte d'objection de conscience pour que leurs enfants n'assistent pas aux cours concernés.
CONCLUSION
L'opposition entre science et foi religieuse, que l'on pouvait croire d'un autre âge, est réapparue depuis un siècle environ un peu partout dans le monde, aux Etats-Unis d'abord et aussi dans le monde arabe et en Europe (rapport Lengagne sur "le danger du créationnisme dans l'éducation"). [...]
Quant aux hommes de sciences, ceux qui respectent la méthodologie scientifique - qu'ils soient croyants, agnostiques ou athées - ils disqualifient le créationnisme en raison de son "irréfutabilité", qui situe d'emblée cette doctrine à l'extérieur du champ de la science. [...]
C'est peu probable, car comme le dit Pascal Picq : "les sciences ont infligé des blessures d'amour-propre à l'humanité. Elles ont montré, avec Galilée et Copernic, que l'homme n'était pas au centre du cosmos ; puis, avec Darwin, qu'il n'avait pas fait l'objet d'une création particulière : il est simplement le produit de l'évolution des espèces ; avec Freud, ensuite, qu'il était le jouet de son inconscient. L'éthologie a achevé de le faire tomber de son piédestal en montrant que des caractéristiques que l'on croyait propres à l'homme se retrouvent chez les grands singes." [...]