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Comme telle, la notion de libre examen est composée des termes libre et examen et signifie considérer attentivement avec réflexion un objet sans qu'il en soit donné préalablement la vérité, voire en s'efforçant de l'oublier si elle a déjà été enseignée.
Le libre examen est donc contraire au jugement préalable, c'est-à-dire au préjugé, à l'argument d'autorité et au dogme, voire à la croyance.
Le libre examen entretient aussi des relations étroites avec les notions de libre arbitre et de liberté de conscience, et surtout de lucidité.
L'apocope librex est régulièrement employée en Belgique à la place du terme libre examen.
L'examen libre, expression donnée par Condorcet, est l'appellation plus proprement philosophique, caractérisée par l'athéisme;
Le libre examen se comprenant plutôt à l'origine dans le conflit religieux entre les partisans de Jacobus Arminius et les calvinistes qui mena à une guerre civile en 1617 durant la Trêve de douze ans.
L'attitude philosophique du libre examen, sous l'appellation de l'examen libre, c'est-à-dire non connoté religieusement, a été énoncée littéralement par Condorcet en 1791, philosophe du Siècle des Lumières, dans son Premier mémoire sur l'instruction publique, intitulé "l'éducation publique doit se borner à l'instruction", troisième raison : "Parce qu'une éducation publique deviendrait contraire à l'indépendance des opinions". Ainsi :
"la vérité seule peut être la base d'une prospérité durable, et que les lumières croissant sans cesse ne permettent plus à l'erreur de se flatter d'un empire éternel, le but de l'éducation ne peut plus être de consacrer les opinions établies, mais, au contraire, de les soumettre à l'examen libre de générations successives, toujours de plus en plus éclairées".
Kant affirme en un sens plus individuel dans son opuscule de 1784 Qu'est-ce que les Lumières ?: "Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! Voilà la devise des Lumières".
L'expérience de Milgram au XXe siècle constitue la démonstration concrète la plus significative des conséquences possibles de l'argument d'autorité contraires à l'exercice du libre examen.
La philosophie moderne s'est développé sur un terreau libéral en théologie avec les grands auteurs comme Kant, auteur de la religion dans les limites de la simple raison, Fichte, Hegel, Kierkegaard, et d'autres tous également d'origine protestante.
Le Dictionnaire de Théologie Catholique en 15 tomes et 33 volumes (Abbé Vacant, éditions Letouzey et Ané, 1923-1950) comporte un article pour libre examen avec seulement deux mots : "voir protestantisme", position qui renvoie à la crise moderniste. En ce sens, l'encyclique de 1893 Providentissimus Deus du Pape Léon XIII se positionne sur l'Étude des Saintes Écritures contre le libéralisme, le rationalisme et la critique radicale, tout en affirmant qu'elles doivent être correctement interprétées.
La formule de libre examen ne se trouve pas sous la plume des Réformateurs du XVIe siècle, à commencer par Luther, auteur notamment d'un traité du Serf arbitre (1525) en réponse au traité du Libre arbitre (1524) d'Erasme, deux ouvrages à l'origine d'une longue polémique. Le libre examen ne se trouve pas davantage sous la plume de Calvin, théologien du protestantisme plus strict que Luther.
En revanche, le droit de l'examen (Prüfung) est fermement et à plusieurs reprises affirmé par Luther et par Calvin, en accord avec la Bible où il est écrit : "Examinez (éprouvez) tout et gardez ce qui est bon" ( I Thessaloniciens 5:21), ou encore "L'homme spirituel juge de tout et n'est jugé par personne" (I Corinthiens 2:15). C'est l'affirmation par la Réforme protestante de l'autorité de la Bible ou principe de l'Ecriture seule (sola scriptura) qui doit être éclairée par le Saint-Esprit, corrélative de la foi seule ou sola fide, et du sacerdoce universel.
Le libre examen est également ignoré sur le site internet de la Fédération Protestante de France des Cent fiches de synthèse sur le protestantisme qui en présentent thématiquement ou alphabétiquement les notions les plus importantes.
C'est le protestantisme libéral à partir du XIXe siècle qui énonce le libre examen avec, par exemple, le pasteur Samuel Vincent qui écrit en 1829 : "le fond du protestantisme, c'est l'Evangile ; sa forme, c'est la liberté d'examen" (Vues sur le protestantisme en France, Nîmes). Cette propension qui peut mener à la critique radicale de la Bible et à l'incroyance, voire se ramener à la libre-pensée, va être contestée ensuite par le fondamentalisme protestant.
Ce fondamentalisme de 1895 envers le libéralisme protestant n'est pas sans rappeler le précédent historique du synode de Dordrecht en 1618-1619 contre la Fraternité remonstrante et l'arminianisme liés au théologien néerlandais Jacobus Arminius qui était favorable au libre examen.
L'Encyclopédie du protestantisme (Cerf / Labor et Fides, 1995) consacre un article au libre examen en rappelant l'article 4 de la Confession de la Rochelle où les protestants regardent la seule Ecriture comme règle de foi "non pas tant par le commun accord et le consentement de l'Eglise que par la persuasion intérieure du Saint-Esprit", et que dès lors il n'est pas possible aux protestants de refuser le libre accès à la Bible.
Laurent Gagnebin, théologien protestant, directeur de la rédaction du mensuel Evangile et liberté, conclut cependant son article intitulé À propos du "libre examen" paru dans la revue "Positions Luthériennes" (n° 3, 1981, pp 207-220) :
"Entre les risques de l'autorité aboutissant aux excès de l'infaillibilité ecclésiastique ou pontificale, et ceux de la liberté aboutissant aux privilèges de l'examen, voire du libre examen, choisissons avec tout le protestantisme, les risques de la liberté qui, tous comptes faits, ont fait moins de mal à l'Église et ont fait couler moins de sang que ceux de l'autorité".