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Construction du christianisme

Jésus, saint Paul


par mha  -  04/01/2007

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Jésus (forme hellénisée de Josué)

D'abord une parenthèse : pour comprendre la Bible, il faut se rappeler un principe essentiel que nous avons tout simplement oublié : à cette époque-là, il n'y a pas de séparation entre le pouvoir religieux et l'état selon la forme moderne (c'est encore le cas aujourd'hui dans certains pays). Le Royaume de Dieu veut également dire le gouvernement, le pouvoir en place (Pharaon par ex. était fils des dieux et nous avons le roi ou la reine de droit divin).

D'après les chercheurs, Jésus aurait bien existé mais on a très peu de renseignements sur lui. Il est très certainement né à Nazareth de mère juive, mais la Bible le fait naître à Bethléem, village de la dynastie du roi David (dans le but d'en faire un roi susceptible de rétablir le pouvoir juif). Les seules paroles de disciples directs que l'on possède se trouvent dans la fameuse "source Q", die Quelle en allemand, perdue mais reconstituée scientifiquement au 19e siècle. Dans cette source, on a affaire à une sorte de sage, parlant de la nature (voir la parabole de la graine de sénevé plus loin dans mon texte). Mais Jésus a aussi selon cette source des paroles de type apocalyptiques, rappelant celles des Esséniens (la secte des manuscrits de la mer Morte, éliminée par les Romains vers le 1er siècle de notre ère), ce qui fait pencher les chercheurs vers l'idée que Jésus aurait été touché, comme toute la Palestine à cette époque, par le discours révolutionnaire de cette secte (c'est-à-dire la fin des temps proche, en fait, l'appel au renversement du pouvoir romain). Jean-Baptiste du reste tenait le même discours et donc était probablement un adepte des Esséniens. Le fait qu'il baptise Jésus (qui lui n'a jamais baptisé personne) est un indice sérieux pour les chercheurs que Jésus aurait été un disciple de Jean-Baptiste. Les évangiles s'en tirent en mentionnant que ce dernier avait annoncé la venue du messie.

Dans cette source Q, il faut bien se rendre à l'évidence, il n'y a pas d'apôtres mais des disciples jamais nommés, pas d'Eglise, pas de passion (la mort de Jésus n'y est guère importante), pas de messianité, ni de résurrection ! Elle a été rédigée par des personnes qui ont connu Jésus. Voir l'ouvrage du théologien F. Amsler, "l'Evangile inconnu", Labor et Fides, première traduction française de ce document qui a choqué il y a quelques années beaucoup de chrétiens.

De nouvelles découvertes jettent également aujourd'hui un autre regard sur Jésus.
En effet, des fouilles archéologiques ont permis de mettre à jour une ville : Sepphoris. (voir à ce sujet également le magazine "le Monde de la Bible" no 146, du mois de novembre 2002). Sepphoris se trouve à 6 km de Nazareth, c’est l’ancienne capitale à l’origine de la Galilée. La Bible ne mentionne rien, bien entendu, à son sujet. Cette cité est alors un centre urbain prospère offrant toute la complexité gréco-romaine. Jésus aurait travaillé dans cette ville, probablement dans la construction. Il a donc baigné dans un mélange de cultures et a dû très certainement acquérir des notions de grec. Mais cette ville est aussi profondément juive et Jésus reste fidèle à son héritage religieux lorsqu’il quitte Sepphoris pour aller prêcher. Les récentes découvertes remettent en question sa vie en jetant un regard nouveau sur son origine sociale, bien moins modeste que l’on nous a laissé croire. Il est engagé dans le judaïsme de son époque et fréquente la synagogue.

Après le baptême, Jésus prêche lui-même la "bonne nouvelle" du Royaume (donc le très prochain nouveau pouvoir), essentiellement en Galilée. Il impressionne effectivement par ses pouvoirs de guérison mais surtout par le fait qu’il soit un paysan juif. En effet, en ce temps-là, il y a beaucoup de guérisseurs (c’est à la mode), mais surtout parmi la classe supérieure, l’empereur lui-même a ce genre de pouvoirs (encore aujourd'hui en Inde par ex., on attribue des pouvoirs de guérison aux maharajas bien que ces derniers aient perdu le statut de dirigeants).

Le "cas" Jésus, issu du peuple, étonne donc les paysans. Qu’il soit érudit, étonne aussi, mais nous, nous savons qu’il a travaillé à Sepphoris. Il prêche surtout dans les villages, les gens aisés des villes n’étant pas sensibles à son message (forcément). Il utilise des métaphores que les paysans peuvent comprendre, car elles parlent de la terre comme celle de la de la graine de sénevé (moutarde noire, considérée comme mauvaise herbe, voir notamment dans Marc 4:30-32). Si une mauvaise graine peut représenter le Royaume de Dieu, à la place d’une graine noble, c’est que la classe paysanne, pauvre et opprimée, peut aussi accéder au Royaume, au pouvoir. Cependant, Jésus n'explique jamais comment y arriver. Alors, ce Jésus, réformateur social ou annonciateur du Royaume ? Les deux, mon général, puisque ces deux notions sont alors inextricablement mêlées comme je l'écris plus haut ! C’est nous, idiots, qui avons pris ces récits "au premier degré". Nous avons un problème de vocabulaire, puisque peu à peu le "Royaume de Dieu" a cessé de vouloir dire aussi : le gouvernement ! Mais pour Jésus qui est bien de son temps, opposer l’"avènement du Royaume de Dieu" à l'Empire romain, c’est apporter la critique que ce dernier n’est pas d’origine divine, donc n’est pas légitime (Bush lui-même ne proclame-t-il pas sans arrêt que "Dieu bénisse l'Amérique", rendant, peut-être inconsciemment, sa présence, ainsi que celle de ses concitoyens colons blancs...légitime !).

Cet acte de subversion politique ne peut amener à Jésus que des ennuis. Il commet des actions dangereuses et son discours rappelle celui des Esséniens. Il s’en prend au Temple qui est le symbole du pouvoir qui collabore, le grand prêtre étant un médiateur entre Rome et son peuple. En réalité, le grand prêtre veut protéger les juifs des persécutions romaines. Bref, Jésus remet en cause la fameuse "pax romana", la paix romaine en contestant cette Pâque juive qui collabore (d'après les chercheurs, cela prendra en fait au moins 2 ans). Il est arrêté et exécuté publiquement en tant que prisonnier politique, effectivement comme tant d'autres avant et après lui, et bien par... les Romains ! Les écrits antisémites (certains supprimés par Vatican II) mettant en cause le peuple juif, n'avaient qu'un but politique quand le mouvement de Jésus était en conflit avec les autres mouvements juifs comme je l'explique plus loin. Un empereur romain ne laissait jamais un peuple soumis décider à sa place, c'était inconcevable. Et certains historiens vont même jusqu'à avancer que Ponce Pilate était déjà mort lors de l'exécution de Jésus.

Les disciples de Jésus ont perçu la mort de leur messie comme un échec, Dieu n’étant pas immédiatement arrivé comme ils l’ont espéré. Politiquement, rien ne s'est passé. On sait aujourd’hui que la crucifixion a eu l’effet escompté par les Romains, car les disciples ont été terrifiés et ont probablement dû se cacher. Avant l’annonce de la résurrection, ils sont paniqués, car ils sont devenus complices d’un criminel exécuté. Ceux qui ne se sont pas enfuis, se posent les questions suivantes : "comment se fait-il que le "Messie" qui semblait répondre aux attentes ait été crucifié ?", "Comment accepter, non seulement sa mort, mais sa mort honteuse ?"

Bien entendu, le seul endroit où ils peuvent trouver une explication aux événements est la Bible hébraïque, c’est-à-dire leur propre tradition. Ils trouvent alors la description de "l’Elu de Dieu" qui peut être un persécuté et se disent que Jésus méritait bien d'être le "nouveau Roi des juifs". Ils vont même plus loin : c’est Dieu carrément qui va le confirmer en le faisant revenir d’entre les morts ! Et, dans les Actes des apôtres (écrits probablement à la fin du 1er siècle), on peut lire que cinquante jours après la mort du Messie, un miracle a eu lieu : les disciples auraient vu Jésus en chair et en os, pas un fantôme. Historiquement, cela donnerait deux renseignements aux chercheurs : que Jésus est vraiment mort et que ses disciples ont voulu le faire réapparaître (voir également l'évangile de Matthieu plus loin dans mon texte), tant leur désillusion et leur désespoir sont grands. Car leur messie était mort et rien n’avait changé.




Saint Paul (5-15 et 67 ap. J-C.)

C'est un de ceux qui eurent l'idée après la mort de Jésus (qu'il ne connut pas) de simplifier les rituels juifs (les règles compliquées d'hygiène), de remplacer la circoncision par le baptême (plus facile car les païens fréquentaient les gymnases et les termes...nus), afin de faire entrer tous les païens dans le mouvement de Jésus et ainsi, devenir un mouvement fort.

L'histoire lui a tellement donné raison! Il n'a pas été le seul à prôner cette ouverture mais il a eu le mérite de laisser des écrits. Bien que juif, il entre en conflit notamment avec Jacques, le frère de Jésus, chef de la Congrégation de Jérusalem qui n'était pas du tout d'accord avec la simplification des rituels et l'arrivée facilitée des païens dans le judaïsme. Paul s'énerve dans ses lettres : "Oh, Galates sans intelligence, qui vous a ensorcelé ?" Epîtres aux Galates 3,1. Car il a compris toute l'importance de cette ouverture et doit se battre en permanence pour éviter que ses congrégations encore jeunes ne tombent sous l’emprise de prédicateurs rivaux. C'est un visionnaire. Pour beaucoup de théologiens et historiens, Paul serait le vrai fondateur de la nouvelle version du mouvement juif de Jésus : le christianisme.



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