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Vivre son athéisme en toute sérénité

De l'agnostique à l'athée sémantique

Réaction au texte "Athéisme et rationalité" de Bernard Fayet


par Thierry Venot  -  10/03/2018




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Je me permets de réagir à un texte intitulé "Athéisme et rationalité" posté sur ce site par Bernard Fayet le 28/02/2017

Bernard conclut son texte ainsi :
"C'est pour cela que je vous disais qu'il est téméraire de se dire athée car c'est affirmer dans un domaine où nous n'avons pas de prise. Mieux vaudrait le terme d'agnostique car il y a gros à parier que jamais la science ne pourra expliquer que deux n'est pas trois ou du moins j'en doute fort. Si je préfère le terme d'agnostique c'est que celui d'athée a quelque chose d'un peu polémique et je ne voudrais pas que nous nous mettions au même rang "d'intolérance que les religions"."
J''apprécie l'esprit de ce texte et je comprends tout à fait la crainte exprimée par son auteur. En effet, il n'est pas rare que l'athéisme revendiqué soit considéré comme une position aussi intransigeante, voire aussi intolérante, que celle des religions. Cette ambiguïté est, sans aucun doute, la conséquence d'une conception réductrice de la notion d'"athéisme" qui, en réalité, est multiforme.

Je me permets donc d'apporter quelques éléments afin que Bernard puisse, à nouveau, vivre son athéisme en toute sérénité, sans craindre de passer pour un extrémiste voulant imposer, à ses pairs, un univers sans dieu et une vie humaine sans autre perspective que le néant. Ces éléments sont liés à l'inquiétude que Bernard exprime dans sa conclusion. Je les exprime, ci-dessous, à travers une précision relative à la notion de tolérance et dans les réponses apportées à deux questions :
  1. Précisions sur la notion de tolérance

  2. L'athéisme peut-il être, logiquement, assimilé à une croyance et, ainsi, en avoir tous les travers (intolérance, prosélytisme, etc ) ?

  3. L'athéisme se réduit-il à une réponse négative faite à la question "dieu existe-t-il" ? En d'autres termes, existe-t-il une forme d'athéisme qui puisse s'exonérer de cette prise de position binaire qui, en fait, lui est imposée par les croyants ?

Précisions sur la notion de tolérance

La tolérance est l'attitude qui consiste à supporter ou à ne pas interdire ce que l'on désapprouve. Cette attitude qui vise à la paix sociale fait en sorte de respecter la liberté de penser d'autrui mais elle n'exclut pas la critique et n'implique pas forcément le respect. Appliquée à soi-même, une attitude tolérante consiste à admettre que ses idées, ses convictions et ses croyances (même celles considérées comme sacrées) puissent être discutées, critiquées voire combattues. La tolérance absolue impliquerait que toutes les idées soient respectables or, il n'en est rien. La tolérance a des limites bornées par des valeurs individuelles ou culturelles comme, par exemple, l'humanisme, la liberté de conscience et d'expression, la rationalité, la lutte contre les discriminations raciales, etc.
"Toutes les opinions sont respectables. Bon, c'est vous qui le dites. Moi, je dis le contraire. C'est mon opinion, donc, respectez-la." (Jacques Prévert)

L'athéisme est-il une croyance ?

Dans le cadre de discussions entre croyants et non croyants, il n'est pas rare que celui qui n'a ni croyance ni religion soit confronté à cet argument censé mettre fin au débat :
"Je ne comprends pas pourquoi tu critiques les religions alors qu'il est évident que l'athéisme est une croyance comme une autre."
Dans la mesure où cet argument revient régulièrement, il semble nécessaire de tenter d'y apporter une réponse qui soit la plus claire possible.

Si on peut défendre avec véhémence une position, un avis ou une croyance en revanche l'affirmation d'une non croyance a-t-elle un sens ? En d'autres termes, l'athéisme peut-il, logiquement, être assimilé à une croyance ?

S'il paraît évident que "ne pas croire en Dieu" n'est pas une croyance, la question pourrait, logiquement, se reformuler positivement, de la façon suivante : "croire que Dieu n'existe pas". Dans ce cas, il s'agirait alors d'une croyance en une "non existence". Or, "croire", c'est tenir pour certain l'existence de quelqu'un ou de quelque chose. Derrière le verbe croire, il ne peut y avoir qu'une formulation positive. L'expression "croire en la non existence de quelque chose" n'a donc pas de sens ; elle est même complètement absurde.

"Etre incroyant" ne peut donc être une croyance ou une foi. Cela ne peut, tout au plus, être qu'une adhésion, une confiance, une loyauté envers la non existence de quelque chose.

Une incroyance n'est pas une croyance inversée. Etre athée n'est qu'une option philosophique qui découle d'un choix basé sur l'analyse critique d'une proposition. Elle se définit de manière négative par le refus d'une position dogmatique qui se contente d'affirmer sans apporter la moindre preuve.
"L'athée qui proclamerait que l'inexistence de Dieu est un fait incontestable serait en contradiction avec lui-même : il ferait acte de foi, cette foi fût-elle négative." (François Cavanna / Lettre ouverte aux culs-bénits)
On peut dire que si l'athéisme était une croyance alors :
  • "Ne pas jouer au hockey" serait un sport d'hiver.

  • La calvitie serait une couleur de cheveux.

  • "Ne pas collectionner les timbres" serait un loisir passionnant

  • L'abstinence serait une position sexuelle.

L'athéisme se réduit-il à une réponse négative à la question
"Dieu existe-t-il" ?

Paradoxalement, la forme d'athéisme la plus absolue (certains disent la plus hautaine) est probablement celle qui est la moins revendiquée. En effet, l'athée, dit "sémantique", refuse de répondre "non" à la question "Dieu existe-t-il ?" car ce serait lui donner une importance injustifiée. Il n'explique pas son absence de réponse en déclarant, comme le fait frileusement l'agnostique, ne pas pouvoir se prononcer sur cette question inaccessible à l'esprit humain. Pour le véritable incroyant, le mot Dieu n'est qu'un terme sans référence qui échappe totalement à l'intelligence. Pour lui le concept déiste n'est qu'une simple hypothèse parmi une infinité d'autres et, probablement, la plus puérile d'entre elles. En ce sens, le concept déiste est le reflet d'un manque d'imagination certain. Malgré cela, celui-ci est présenté comme une vérité révélée par ceux qui, pétris d'espérance, préfèrent (par faiblesse, par crédulité ou par besoin psychologique) choisir la sécurité de la certitude plutôt que l'humilité de la connaissance et du doute. De la même façon, l'athée n'éprouve pas le besoin de nier l'existence du Croque-mitaine, du Grand Lapin Vert, du monstre en spaghetti ou du dahu et il se garde bien d'avoir un avis sur la couleur des chapeaux portés par les habitants de la planète Mars.

- A la question : "Croyez-vous en dieu ?", Marcel Conche répondait :
"Je ne comprends pas ce que vous entendez par Dieu. Quel est le sens de votre question ?"

- Cette réponse est à rapprocher de celle faite par Einstein qui, à la même question, répondait :
"Dites-moi ce que vous entendez par Dieu et je vous dirai si j'y crois."

- ""Athée" ne suis-je même pas car je ne prononce pas le mot "Dieu", fut-ce pour le dire sans objet. A quoi bon nier ce qui n'est rien." (Marcel Conche)

- "Si l'imagination de l'homme n'était pas si réduite, si aisément épuisée et si sa capacité à s'émerveiller n'était pas si limitée, il apprendrait à voir dans l'eau, les feuilles et le silence plus qu'il n'en faut d'absolu et de merveilleux pour satisfaire son besoin de merveilleux. La croyance en un dieu quel qu'il soit est sans aucun doute, le reflet surnaturel de la faillite de l'imagination." (Edward Abbey)


Cette indifférence à toute hypothèse divine s'applique à chacun des dieux, passés, présents et à venir (Allah, Odin, Ra, Toutatis, Zeus, etc .). Ceux-ci peuplent et peupleront sans doute encore longtemps, l'histoire de l'humanité. Elle s'étend également à tous les domaines qui touchent, ou font appel, au surnaturel et à la magie (pseudosciences, pseudo-médecines, paranormal, ésotérisme, divination, etc.), c'est ce qui faisait dire à Jules Renard que les vrais athées sont presque introuvables.
"Peu de gens sont dignes de ne croire à rien." (Jean Rostand)
L'athée sémantique, rejette la question "Dieu existe-t-il" car il considère que l'objet de cette interrogation métaphysique, est infondé et totalement fantasmatique. C'est pour cette raison que, pour ces incroyants, les questions "Dieu existe-t-il ?" ou "croyez-vous en Dieu ?" sont totalement inintelligibles, par conséquent :

L'athée sémantique ne se considère pas comme "athée" puisque, pour lui, ce qualificatif le détermine par rapport à une question qu'il estime sans objet, voire totalement dénuée de sens. Son athéisme est donc un athéisme prescrit et non revendiqué qui n'a de sens que pour ceux qui acceptent l'éventualité d'une divinité. En d'autres termes, le mot athée est une étiquette collée sur le front de celui qui est indifférent à la religion par ceux qui en ont une. Les croyants désignent comme "athée" celui qui, contrairement à eux, sont indifférents à l'interaction entre le produit d'une hallucination collective, culturellement ancrée, avec le monde naturel. (Cette attitude est très bien illustrée par " la théière de Russell")

Alors, Bernard si à l'avenir un fervent croyant vous demande si, comme lui, vous croyez en Dieu, il y a fort à parier que vous surprendrez votre interlocuteur et le mettrez dans l'embarras en lui posant, en retour, sur un ton légèrement ironique, une question qui vous exonérera de toute forme d'intolérance :
"Je ne comprends pas ce que vous entendez par Dieu. Quel est le sens de votre question ?"


Thierry Venot



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