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Santo subito ? ... No !


A propos de la canonisation de Jean-Paul II

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par Jn. Agnos  -  22/09/2006



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Quel pape a été Jean-Paul II ?

Lénine disait : "les faits son têtus". Or que disent les faits ?

Pendant son pontificat, Jean-Paul II a eu, c'était bien le moins, certaines prises de position que des gens de sensibilité ou de conviction diverses pouvaient très bien admettre et partager. Ceci notamment en politique internationale, par exemple sur l'invasion de l'Iraq ou le problème israélo-palestinien. Mais on peut noter aussi d'inadmissibles lacunes chaque fois que les intérêts de la religion étaient menacés ou qu'il aurait fallu condamner ses pratiques. Ainsi au Rwanda où, pour des raisons politiques, économiques, etc., les catholiques avaient organisé depuis longtemps la ségrégation, et où un génocide des Tutsis a été perpétré par les Hutus chrétiens et des prêtres catholiques sans que Sa Sainteté esquisse la moindre tentative pour les en empêcher. Dans un autre registre, comment lui pardonner son amitié complaisante pour Pinochet ou encore son projet de canoniser Pie XII qui a été, par son silence coupable pendant la guerre et par son aide aux criminels nazis ensuite, la honte de l'Eglise.


Sur le plan de la morale, ce pape a été d'un affligeant conservatisme, notamment sur :
  • la position des femmes en général et dans l'Église en particulier,

  • le célibat des prêtres, alors que la plupart renient sans vergogne leurs vœux les plus solennels[3] et qu'une quantité effarante d'entre eux se livrent à des pratiques, notamment pédophiles, qui ne sont rien d'autre que des crimes,

  • la morale sexuelle, imposée avec tant de rigueur… aux autres : chasteté avant le mariage, pas de préservatif malgré le SIDA, interdiction de la contraception, interdiction de l'IVG, etc.,

  • la condamnation de l'homosexualité en dépit du fait que le taux des homos parmi les ecclésiastiques soit, autant qu'on puisse l'estimer[4], beaucoup plus élevé que parmi les laïcs[5],

  • etc., etc.

Et puis il y a eu toutes les "repentances"

Les habituels adulateurs, les béni-oui-ouistes, les inconditionnels du système, ont vu dans ces prises de position de l'honnêteté et du courage. Certains intégristes les ont déplorées pensant, ce qui n'est peut-être pas faux et ne nous attristerait pas, que cela risquait d'affaiblir la position de l'Eglise…

La vérité comme on pourrait s'y attendre est beaucoup plus politique que morale et il faudrait être bien naïf pour y voir une volonté de transparence et d'amélioration ainsi que d'aucuns aiment à l'imaginer.

Qui en effet pourrait imaginer qu'un pape ou un prélat important pris d'un accès subit de franchise avoue des fautes, des erreurs ou des crimes, commis par son organisation sans y être absolument contraint et forcé. Le plus vraisemblable est donc, beaucoup plus prosaïquement, que Jean-Paul II, pragmatique avant tout, a compris que les libertés dont dispose de nos jours l'homme moderne, les développements de l'Histoire, les moyens de communication (Internet, médias, …) qui permettent à chacun d'accéder à toute l'information qu'il souhaite, n'autorisaient plus l'Eglise à mentir effrontément ainsi qu'au bon vieux temps ! Il a donc eu au moins ce mérite de considérer qu'il valait mieux lâcher un minimum de lest plutôt que de compromettre l'ensemble. Sauver les meubles comme on dit vulgairement.

Il n'empêche que ces repentances ont été parfois grotesques, souvent bien tardives et globalement plutôt contre-productives dans la mesure où il n'en est sorti aucune réforme ou engagement sérieux et précis qui permettraient de croire que les mêmes causes ne continueront pas à produire toujours les mêmes effets.


Parmi ces repentances citons, en vrac :
  • la reconnaissance, près de quatre siècles après, que Galilée avait raison. Aveu ridicule et un peu trop bien choisi car Galilée a dû se rétracter, c'est vrai, mais il a eu la vie sauve ce qui n'a pas été le cas d'autres opposants…

  • le retrait de l'accusation de "déicide" (sic) qui frappait le peuple juif en entier depuis vingt siècles, ce qui, compte tenu d'un crime qui n'a pas de sens et de la durée de la malédiction est le symbole d'un crétinisme indépassable[6].

  • l'aveu que pendant presque deux mille ans les chrétiens, loin de pratiquer la charité, l'amour du prochain, le pardon des péchés et la pauvreté, ont été d'une cruauté et d'une barbarie inouïes : guerres, emprisonnements, pillages, tortures, viols, etc., font que ces regrets sont aujourd'hui un peu courts. Comme est un peu courte l'affirmation récente d'un membre de l'épiscopat français, presque dans un sourire : "Oh, on a beaucoup exagéré le nombre des victimes de l'inquisition… En fait il n'y en a pas eu tant que ça !" Question : quand est-ce que cela commence à compter pour un prélat ? Des milliers pendant l'inquisition, des dizaines de milliers dans la lutte contre les Cathares, des centaines de milliers lors des croisades, des millions au cours de la conquête des Amériques, l'esclavagisme et le reste ?

  • et puis, des milliers de prêtres étant inculpés[7], il a bien fallu reconnaître les innombrables délits et crimes d'ordre sexuel commis par le clergé dont certains de haut rang. On sait que l'Église américaine se serait trouvée en faillite si Jean-Paul II n'avait accepté[8] de la renflouer. En Europe aussi il y a eu de nombreux scandales mais apparemment dans des proportions plus limitées[9]. Toutefois rien ne nous autorise à penser qu'il y aurait de ce coté de l'Atlantique, moins de crimes de cette nature qu'en Amérique[10] ? On sait aussi que de tout temps l'Église, lorsqu'elle était informée, a tout fait pour cacher la culpabilité des siens[11], nier la vérité quand elle transparaissait et préféré couvrir les coupables et les soustraire à la justice sans même chercher à éviter qu'ils continuent à commettre ailleurs les mêmes méfaits…

Coté finance cela n'est pas plus reluisant.

La banque vaticane par exemple est fortement soupçonnée de fonctionner avec de l'argent sale[12] : ventes d'armes, drogue, grand banditisme, prostitution, trésors des dictateurs de toutes espèces… D'autant plus que les règles mises en place pour freiner ces dérives dans les pays occidentaux évolués, n'ont, on le sait, pas été acceptées par le Vatican ! Et autant qu'on sache, ce "bon et regretté" pape a mis plus de soin à escamoter les scandales qu'à tenter de moraliser ses finances… D'ailleurs on n'a pas oublié les scandales de la "Banco Ambrosio", l'assassinat (maquillé en suicide) à Londres du banquier du Saint Siège, Roberto Calvi, et le rôle pour le moins trouble du cardinal Marcinkus pendant des décennies…


S'il fallait résumer brièvement, on pourrait dire que ce pape :
  • a eu, bien sûr, quelques positions politiques acceptables, mais aussi des silences assourdissants et indignes,

  • qu'il a reconnu quelques unes des innombrables et impardonnables dérives de sa firme pendant des millénaires, mais qu'il n'a rien fait de sérieux pour que quoi que ce soit change.

  • qu'il s'est complu dans un conservatisme d'un autre âge, qui a plutôt fait régresser que progresser son entreprise, ce dont d'ailleurs nous ne saurions nous plaindre !

  • que son propre comportement et nombre de ses décisions sont loin d'être à l'abri de graves critiques !

Tous ces jugements et constatations nous amenant à chercher ailleurs les raisons qui pourraient expliquer l'engouement que ce pape à suscité, les raisons qui ont pu faire croire qu'il a été un pape d'exception et pourquoi il est devenu soudain si urgent de le canoniser…



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Notes :

[3] Ce qui ne semble pas leur poser de problèmes quand il s'agit pour eux de donner des leçons de morale aux autres !

[4] Car dans son souci bien connu de transparence, l'Église ne se précipite pas pour laisser mesurer l'ampleur du phénomène.

[5] Tout comme dans les prisons et pour les mêmes raisons : promiscuité d'hommes. Mais aussi parce que le célibat vise le rejet des femmes et que se soulager entre hommes doit paraître moins coupable !

[6] D'autant que, s'il s'agissait d'un fait réel, historique, avéré, et non de cette fable, on ne voit pas ce qui aurait pu empêcher la société juive de faire régner l'ordre à sa façon. En outre il est tout à fait inconséquent de vouloir faire croire à la vérité d'une telle légende et, dans un même mouvement, de reprocher aux juifs d'avoir été les instruments indispensables de sa réalisation ! Quelle autre histoire abracadabrantesque les évangélistes auraient-il dû inventer en effet si, à défaut de cette mise à mort ''programmée'', le petit Jésus avait été rendu à son entourage en parfait état de marche ?

[7] Entre quatre et cinq mille rien que pour l'Amérique du nord, et plus de dix mille victimes.

[8] Ne voulant pas que s'ajoute à l'infamie du comportement du clergé le ridicule de ne pas participer à sa réparation.

[9] Ceci étant dû au vieux respect tenace (mais, on le voit ici, totalement immérité) des latins pour le clergé, ainsi qu'aux différences entre les systèmes juridiques européens et américains.

[10] Et d'ailleurs on ne voit pas de raisons de croire que les membres du clergé outre-Atlantique, seraient plus pervers ou vicieux que ceux d'Europe… ni ces derniers plus vertueux qu'eux !

[11] D'ailleurs le "futur saint" avait donné avant sa maladie des instructions strictes de silence, à ses évêques chaque fois que c'était possible (c'est-à-dire de ne reconnaître ces crimes que lorsque la publicité qui leur est faite ne permet pas de l'éviter !). Cela signifie en clair que toute la repentance n'est qu'un rideau de fumée, un habillage plus seyant, mais que dans la coulisse tout doit continuer comme auparavant…

[12] C'est donc avec de l'argent sale que le Vatican paiera le prix des sales crimes commis par son personnel !



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