Dieu ressuscité, les religions face à la modernité
Sciences humaines - mai 2005
Revue de presse
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Dieu ressuscité, les religions face à la modernité
Sciences humaines - mai 2005 n°160
Le retour du religieux un phénomène mondial (Jean-François Dortier et Laurent Testot) (6 pages)
On pensait que depuis le XIXe siècle, la science, la technique et la médecine allaient supplanter la religion. La baisse de la fréquentation religieuse et la sécularisation semblaient confirmer que la religion ne pourrait survivre à la modernité. Or, depuis une trentaine d'années, on assiste à un réveil des religions : islam, évangélisme protestant, renouveau du christianisme, néochamanisme chez les Amérindiens... Ce retour s'expliquerait par la réponse que fournissent les religions aux attentes individuelles ou collectives que la société n'a pu satisfaire à ce jour. "Ces aspirations sont de plusieurs ordres : idéologico-politiques, morales, sociales, identitaires, communautaires, existentielles, matérielles et même thérapeutiques."
Le fondamentalisme islamique a pris le relais des idéologies nationalistes panarabes ou du marxisme, après leurs échecs, en se présentant comme une religion politique. Quant à l'évangélisme américain, il prend "la forme d'une "thérapie" sociale destinée à soigner la société et les individus des troubles de la modernité : anomie, individualisme, matérialisme..." Que ce soit en Afrique ou en Amérique, apparaissent des prédicateurs, prophètes ou messies qui montrent la voix du salut à des populations marginalisées. Ils s'appuient pour cela sur un mécontentement social de groupes qui se sentent "rejetées et humiliées".
Aux Etats-Unis, que ce soient les évangéliques ou les musulmans, "les religions proposent une nouvelle solidarité, quand la modernité a détruit les structures d'entraide, réelles ou imaginaires, des sociétés d'antan". Pour le sociologue David Martin, le développement de l'évangélisme s'explique par la capacité de celui-ci à faire s'exprimer des groupes de "sous-culture" en perdition en s'opposant à la culture dominante. L'aide sociale qui accompagne ces mouvements "peut aussi prendre la forme de l'aide matérielle directe : ainsi des ONG caritatives évangéliques et musulmanes". Certaines de ces organisations disposent de budgets énormes qui dépassent largement ceux de leurs "homologues laïcs".
Au niveau de l'individu, la religion se propage par le biais de petites communautés qui apportent "lieux d'écoute", "soutien moral", "support social"... Pour les sociologues, les religions servent davantage à faire face à la vie qu'à supporter l'angoisse de la mort. Les grilles d'analyse de ce phénomène doivent être changées. "La vitalité des religiosités ne doit pas faire oublier que l'humanité se partage entre deux petites minorités opposées (les athées et les pratiquants réguliers) et une grande majorité de personnes, ni incroyantes, ni fortement engagées dans une religion donnée."
La religiosité moderne s'expliquerait par la "globalisation du religieux" qui permet à chacun de bricoler sa foi en s'appuyant sur une "offre" désormais "planétaire". Les croyances deviennent éphémères. L'émotion prime sur la raison. Il faut s'attendre à une prolifération des croyances au XXIe siècle. "L'homme moderne se compose son menu : un zeste de bouddhisme, un soupçon d'ésotérisme, une référence à Jésus pour lier la sauce... Ce religieux-là, "à la carte", est dit de tendance "soft". Il est préfiguré notamment par le New Age."
A l'opposé, on trouve un système "hard" de communautés plus structurées dont les chefs charismatiques imposent des "vérités clés en main". Pour H Cox, auteur du livre "les nouveaux conquérants de la foi", c'est plus par la "transformation" que par la "resacralisation" qu'il faut comprendre le phénomène de la religiosité moderne. "Les religions, du moins celles qui survivent, sont des organismes dont l'étonnante capacité d'adaptation est quasi "darwinienne". Afin de survivre, elles doivent équiper leurs fidèles des capacités de faire face à un monde en pleine mutation, sans toutefois les arracher aux mondes symboliques [...] qui sont leurs sources et leurs sens de valeurs."
Comment les religions s'adaptent à la modernité (2 pages)
Islam : des évolutions multiples et contradictoires
Les conversions à l'islam en Afrique et en Asie concernent d'abord les populations les plus pauvres. Seul l'islam "procure la capacité d'accepter l'adversité et empêche la vie de perdre tout son sens". Cependant, depuis une trentaine d'années, la pratique religieuse baisse dans les classes moyennes. Dans les années 80, l'islamisme militant voulait renverser les Etats nations musulmans pour fonder une communauté unique de croyants, mais il a échoué.
Les partis islamistes sont désormais devenus une force politique contribuant à une réislamisation des sociétés. "Les intellectuels liés à ces parties conservent la certitude que, plus que tout autre système de pensée, l'islam possède la capacité de résoudre les grands problèmes de notre temps... pour peu que l'on prenne soin de l'interpréter et de l'appliquer correctement." C'est ce que veulent désormais les Frères musulmans qui agissent pour une islamisation "par le bas", par l'éducation et le travail social.
Cependant, ces mouvements se font "tailler des croupières" par d'autres acteurs religieux plus "aguerris" à la modernité, comme les évangélistes en Afrique noire islamisée.
Christianisme : le marketing des âmes
Les évangéliques et les pentecôtistes représentent 700 millions des 1,9 milliards de chrétiens dans le monde. "Religion des pauvres, le pentecôtisme doit une bonne part de son succès à un dogme simple - "Jésus t'aime", doublé d'une promesse d'accès immédiat à la réussite sociale." La Chine, avec 10 000 conversions par jour, est déjà le troisième pays chrétien après les Etats-Unis et le Brésil.
Le catholicisme tente de suivre la même voie avec le Mouvement charismatique, mais avec une moindre réussite.
Ces mouvements chrétiens (évangélique, pentecôtisme...) sont apparus aux Etats-Unis au XVIIIe et au XIXe siècle. Depuis trente ans, avec l'introduction du télévangélisme, des concerts rock, des mégachurches, tout est bon pour le prosélytisme. "Dans le monde entier, l'évangélisme coïncide aujourd'hui avec la diffusion des modèles culturels américains."
Bouddhisme : s'occidentaliser pour se faire entendre
Si "l'Occident a transposé sur le Tibet ses fantasmes et ses rêves", le bouddhisme tibétain, en composant entre différentes tendances, recherche la survie culturelle du Tibet après son invasion par la Chine. Le bouddhisme tibétain, qui ne représente qu'une infime partie du bouddhisme, a transformé un culte complexe en un ensemble de recettes condensées pour la recherche du bonheur dans ce monde. "Ainsi, la notion de réincarnation, devenue si populaire dans le New Age car synonyme d'espoir de vie après ma mort, n'est-elle en Orient qu'une malédiction, propre aux âmes imparfaites condamnées à connaître, encore et toujours, la douleur de l'existence terrestre."
Etats-Unis : Religion privée et religion publique en tension (Isabelle Richet, professeur d'études américaines l'Université de Paris VII) (4 pages)
Paradoxalement les Américains pensent que la religion serait en déclin aux USA et que, cependant, elle occupe une place de plus en plus importante dans leur vie. L’origine de ce phénomène complexe serait triple :
"- baisse de l'identification, de l'affiliation et de la pratique régulière;
- augmentation du pluralisme religieux;
- forte individualisation du croire."
L'immigration en provenance de pays non européens a permis un fort développement du pluralisme religieux : musulmans, hindous, bouddhistes, sikhs, religions afro-caraïbes... Ce sont les catholiques qui ont le plus bénéficié de l'immigration; ils sont 28% aujourd'hui. Les protestants ne sont plus que la moitié. "Mais ces derniers sont divisés, entre les libéraux en déclin, et les évangéliques, modérés et conservateurs, en pleine expansion." Les plus fondamentalistes des évangéliques et des pentecôtistes, qui rejettent le pluralisme, représentent environ 20 à 30% de ce groupe. Il faut également tenir compte des familles mixtes qui amènent beaucoup de changement de religion.
L'individualisation du croire passe par le transfert de l'autorité religieuse de l'Eglise vers le croyant. "L'émotion prend le pas sur le dogme." Ce phénomène, qui n'est pas nouveau, est favorisé par la société de consommation, la diversité des choix et la grande mobilité de la société aux Etats-Unis. Ce mouvement est sans effet sur les Eglises fondamentalistes ou pentecôtistes qui, au contraire, placent l'autorité dans les seules Ecritures. Ce sont les mouvements néoévangéliques qui tirent le meilleur profit des évolutions culturelles évoquées ci-dessus. "C'est en particulier le cas dans ce qu'on appelle les "megachurches" (mégaéglises), sorte de grands supermarchés religieux connaissant actuellement un développement soutenu. Elles utilisent les techniques les plus modernes du marketing et limitent la liturgie au minimum. "L'accent est mis sur la communion spirituelle des participants à travers la musique et l'expression corporelle de l'émotion religieuse."
Parallèlement à cette grande diversité, force est de constater que ce sont les chrétiens conservateurs qui dominent le discours de la religion publique et qui appellent à défendre "l'Amérique chrétienne". Pour eux la menace de la diversité est avant tout théologique : ils conçoivent "leur religion comme la seule source de vérité et ont, en outre, une conception absolutiste de celle-ci, accepter le pluralisme reviendrait à reconnaître la validité des autres croyances et donc la multiplicité des vérités religieuses." Ils font référence à un passé imaginaire d'Amérique chrétienne, autour des valeurs morales du protestantisme. Mais les fondateurs des Etats-Unis "ont adopté pour une constitution laïque, fondée sur la séparation institutionnelle du politique et du religieux". Cela n'empêche pas les évangéliques d'essayer de constituer une société protestante inspirée de la volonté de Dieu pour imposer leur hégémonie sur la société civile. "Leur tentative va à l'encontre des tendances culturelles de fond à l'oeuvre dans la société américaine, mais elle a l'écho que l'on sait du fait de l'alliance entre les évangéliques conservateurs et la droite républicaine au pouvoir."
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