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I. La peine de mort en droit musulman classique
3) Principe du respect de la vie en droit musulman
Le droit musulman prescrit le respect de la vie, même celle des animaux. Ainsi, il est interdit de tuer les animaux ou de pratiquer la chasse que pour se nourrir. Un récit de Mahomet dit : "Une femme est entrée en enfer parce qu'elle avait enfermée sa chatte sans lui donner à manger ou à boire et sans lui permettre de se nourrir des petites bêtes de la terre". La chasse et la pêche ne sont autorisées que comme moyen pour se procurer de la nourriture. Par contre, si le but est de se divertir en tuant ou en faisant souffrir les animaux, de telles pratiques sont interdites. Mahomet aurait dit que l'oiseau se dressera en accusateur le jour du jugement contre celui qui l'a tué futilement ('abathan) sans utilité (manfi'atan). Il aurait maudit celui qui tire sur un animal retenu dans un lieu fermé. Il aurait aussi interdit d'opposer les animaux les uns aux autres. Des fatwas interdisent la tauromachie et les combats des animaux.
Concernant la vie humaine, le Coran énonce :
C'est pourquoi nous avons prescrit pour les fils d'Israël que quiconque tuerait une personne sans que ce soit contre une autre personne et sans [raison de] corruption sur la terre, c'est comme s'il avait tué tous les humains. Quiconque la fait vivre, c'est comme s'il faisait vivre tous les humains (5 :32).
Ce texte, repris du Talmud, concerne les juifs, mais il est d'application générale en vertu de la règle selon laquelle les normes qui s'adressent aux juifs sont valables aussi pour les musulmans s'il n' y a pas d'indication qu'ils sont abrogés pour ces derniers.
Ailleurs, le Coran interdit l'infanticide. Ainsi le Coran condamne les associateurs qui tuaient leurs enfants :
Ainsi leurs associés [à Dieu] ont-il enjolivé à beaucoup d'associateurs de tuer leurs enfants" (6 :137)
Ont perdu ceux qui, de façon insensée et sans connaissance, ont tué leurs enfants" (6 :140).
Ne tuez pas vos enfants [redoutant] la pénurie. C'est nous qui vous attribuons la subsistance, ainsi qu'à eux 86 :151)
Lorsqu'on annonce à l'un d'eux une femelle, sa face reste noircie, étouffé d'angoisse. Il se cache des gens, à cause du malheur qu'on lui a annoncé. Le retient-il avec humiliation ou l'enfouit-il dans la terre? Comme ils jugent mal! (16 :58-59)
Ne tuez pas vos enfants redoutant la pénurie. C'est nous qui leur attribuons la subsistance, ainsi qu'à vous. Les tuer, c'est une grande erreur (17 :31).
Ô Prophète! Lorsque les croyantes viennent à toi pour te faire allégeance, [en jurent] qu'elles […] ne tueront pas leurs enfants […], alors reçois leur allégeance (60 :12).
Lorsqu'on demandera à l'enterrée vivante, pour quelle faute elle a été tuée (81 :8-9).
Le droit musulman interdit non seulement le droit de porter atteinte à la vie d'autrui, mais aussi à sa propre vie, le suicide :
Ne vous lancez pas de vos propres mains dans la destruction (2 :195).
Ne vous tuez pas vous-mêmes. Dieu est miséricordieux envers vous (4 :29).
Le respect de la vie est clairement illustré par la possibilité de recourir à la simulation (taqiyyah) en cas de danger. Le Coran dit : "Quiconque a mécru en Dieu après avoir cru […], sauf celui qui a été contraint alors que son cœur est rassuré de la foi. Mais celui qui ouvre la poitrine à la mécréance, une colère de Dieu tombera sur eux et ils auront un très grand châtiment" (16 :106; voir aussi 3 :28-29). Ce verset aurait été révélé à la suite de la persécution subie par un compagnon du prophète de la part des mécréants; ceux-ci ne l'ont lâché que lorsqu'il a insulté Mahomet. Celui-ci alors le rassura que si la foi est restée dans son coeur, il n'a rien à se reprocher.
Comme en droit positif, toute atteinte à la vie nécessite une raison valable admise par la loi. Le Coran utilise l'expression "sauf à bon droit" (illa bil-haq)
Ne tuez pas l'âme que Dieu a interdite, sauf à bon droit (6 :151 et 17 :33).
Qui n'appellent pas d'autre dieu avec Dieu; ne tuent pas l'âme que Dieu a interdite, sauf à bon droit; et ne forniquent pas. Quiconque fait cela encourra des péchés (25 :68).
Le Coran reproche aux juifs d'avoir tué les prophètes "sans droit" (bi-ghayr haq) (2 :61; 3 :21, 112, 181; 4 :155).
La guerre sainte est la première raison valable pour toucher à la vie d'autrui et à sa propre vie. Comme nous l'avons dit, la préservation de la religion est au sommet des intérêts que cherche à préserver le droit musulman. Elle passe avant le droit à la vie. Ainsi on ne peut invoquer l'interdiction de tuer ou de se faire tuer pour ne pas participer à la guerre. Plusieurs versets du Coran prescrivent le combat. Nous en citons trois :
Combattez dans la voie de Dieu ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Dieu n'aime pas les transgresseurs! (2 :190).
On vous a prescrit le combat même si vous y répugnez. Peut-être répugnez-vous une chose alors que cela est meilleur pour vous. Et peut-être aimez-vous une chose alors que cela vous est un mal. Dieu sait, tandis que vous ne savez pas (2 :216).
Dieu a troqué les âmes et les fortunes des croyants [contre la promesse] qu'ils auront le jardin. Ils combattent dans la voie de Dieu, tuent, et se font tuer. C'est une promesse dont il s'est obligé lui-même dans la Torah, l'Évangile et le Coran (9 :111).
Évidemment, dans la situation actuelle, on pense surtout aux attentats suicides et à la glorification du martyr chez les musulmans. Nous ne nous attarderons pas sur ce point, mais signalons que le Coran insiste sur la nécessité que le combat se fasse en premier lieu par les biens, avant les personnes : "Mobilisez-vous, légers et pesants, et luttez de vos fortunes et de vos personnes dans la voie de Dieu. Cela est meilleur pour vous. Si vous saviez!" (9 :41). Bien plus, dans certains versets, il est question uniquement de combat par les biens. Aujourd'hui, les pays arabes préfèrent insister sur la glorification du martyr tout en fournissant à leurs ennemis le pétrole qui fait marcher leurs avions et leurs chars pour les combattre. J'indiquerai ici que le philosophe Al-Farabi (d. 950) met en garde contre la glorification excessive de l'autre vie et l'abandon de la vie d'ici bas. Il y voit une ruse de gens sans scrupule dans le but de les déposséder de leurs biens. Nous verrons dans le point suivant les limites du droit à la vie en temps de paix.