"De même qu’il y eut le "Manifeste des 131 contre la guerre d’Algérie" ou celui des "343 salopes pour l’avortement", il faut susciter un "Manifeste des blasphémateurs" pour défier, sur le terrain de la liberté d’expression, celle de se moquer des croyances et des Dieux."
Ainsi parle Patrick Lévy. Attention les oreilles ! |
POUR UNE GRÈVE GÉNÉRALE DE LA PRIÈRE
Un jour, j’assistais à la messe de funérailles d’un homme qui avait sauvé un de ses amis de la noyade mais s’était lui-même noyé. Avant l’homélie, un enfant de chœur a chanté Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie à ceux qu’on aime. Moi, un juif athée, je n’ai pas l’habitude de cette rhétorique ! J’ai trouvé cela révoltant. Il faut tout donner à Dieu, dit le curé plus tard dans son homélie. Qui perd sa vie à cause de moi la trouvera…
Je m’étais assis vers le fond. Derrière moi, deux hommes d’un peu plus de quarante ans, athées mais ambigus, se sont mis à discuter entre eux : - Au lieu de glorifier le sacrifice et la souffrance, il ferait mieux d’engueuler Dieu de créer des circonstances dans lesquelles toutes les options conduisent à mort ! a pesté le premier qui avait un accent de Toulouse. - Engueuler Dieu ? s’est exclamé le second très parisien et stupéfait. Mais d’abord il faudrait y croire ! - Il faut l’engueuler même si tu n’y crois pas, a déclaré le premier, par principe. Comme tu engueules un politicien devant ta télé. - Ah bon ? Ils se turent quelques instants. Poursuivant son homélie le curé déclara : Dieu s’est fait homme pour partager nos souffrances… - Nous sommes six milliards dans cette situation ! ponctua la Parisien. - Oui, se moqua celui de Toulouse, Dieu serait venu faire un stage dans le monde. Ce Dieu qui nous accablait du pécher originel, serait venu y goûter. Le tout puissant s’essayait au moins puissant. Mais comme un touriste, avec un aller-retour en première classe pour rentrer, bien à l’abri, à la droite de soi-même. - Il voudrait qu’on s’attendrisse sur le sort de Dieu ! renchérit le Parisien. C’est un comble ! S’il faut plaindre le Tout-puissant, qu’est que je devrais dire de moi ! - Jésus ne rachète pas l’humanité, il tente de racheter Dieu, le Père, qui est inhumain, insupportable, inefficace, muet et sans doute sourd. Incurable. Je ne crois pas en Dieu et je trouve ce curé coupable d’y croire : il collabore avec un Dieu qui, s’il existait, serait impardonnable ! - Calme-toi, souffla le Parisien. - Et qui donc est responsable de l’égoïsme sinon le Dieu qui a créé un monde de pénurie qu’il faut travailler à la sueur de son front ? Les croyants ont si peu de foi qu’ils ne peuvent pas imaginer un monde qui serait agréable pour tous. Pour eux, Dieu n’est responsable de rien. Et il faut souffrir pour gagner son salut. - Si j’étais Dieu, je me cacherais, de honte ! - Il faudrait organiser une grève générale de la prière jusqu’à ce que Dieu accepte de négocier, décida le Toulousain. Et je pensais à ce mot du Marquis de Sade : "Mon plus grand chagrin est qu'il n'existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l'insulter plus positivement." |