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Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités

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par Sami Aldeeb  -  07/03/2007



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.


Chapitre III. Loi islamique et minorités musulmanes

4) Frontière religieuse et migration présente

La colonisation des pays musulmans par les occidentaux a posé les mêmes problèmes qu'après la reconquête de la Péninsule Ibérique. Fallait-il considérer les pays musulmans occupés par des forces étrangères comme Terre de mécréance? Si tel était le cas, fallait-il en émigrer et aller dans un pays musulman? Al-Wazani (décédé en 1923), mufti de Fès, rapporte une fatwa, attribuée au juge Mawlay Abd-al-Hadi, interdisant à un musulman de rester sous la protection du mécréant alors qu'il a la possibilité d'aller dans un autre pays.

Selon cette fatwa, celui qui fréquente les maisons des mécréants perd sa foi et sa vie d'ici-bas et désobéit à son Maître car, à l'unanimité, l'école malikite interdit au musulman de conclure la paix avec le mécréant sauf si on y est contraint. Son témoignage est récusé et il ne peut présider la prière. Plus grave encore est la situation de celui qui fait commerce avec les mécréants. Vient ensuite, en gravité, celui qui, en plus du commerce avec eux, leur donne des informations contre les musulmans; celui-ci doit être considéré comme espion et condamné à mort. Le pire de tous est celui qui se rend chez eux et leur indique la voie pour occuper les musulmans: "Aimer le mécréant et souhaiter sa domination sur les musulmans est signe de mécréance; ceci constitue une apostasie".

Al-Wazani rapporte aussi la fatwa d'Abu-al-Abbas Ibn-Zaki concernant le musulman
  • qui se maintient dans son pays occupé par les chrétiens et les combat;

  • qui, après conclusion de la paix, reste dans le pays, estimant que sa présence est temporaire sans être contraint de payer un tribut et, en cas de contrainte, s'évade vers le pays de l'islam;

  • qui a l'intention d'habiter dans son pays et de payer le tribut aux chrétiens.
La fatwa dit que le premier met à profit sa religion; la poussière de ses pieds est une bénédiction. Le deuxième a commis un acte odieux (makruh). Mais s'il met à exécution son intention de fuir en cas de contrainte, il sera sauvé si Dieu le veut. Le troisième est le pire; il a perdu sa foi et sa vie ici-bas; il mérite le châtiment suprême. Et s'il espionne contre les musulmans, il mérite la peine de mort. S'il porte les armes avec les chrétiens, il sera traité comme les chrétiens: on peut le tuer et prendre ses biens. Les étudiants et les muezzins qui restent sous le pouvoir des chrétiens sont des étudiants et des muezzins de malheur: leur témoignage n'est pas accepté et ils ne peuvent pas présider la prière. Ils doivent se repentir lorsqu'ils quittent ces pays dominés par les mécréants.

Al-Wazani affirme, comme l'avaient fait les légistes musulmans classiques, que la migration de la Terre de mécréance vers la Terre d'islam est maintenue jusqu'au jour de la résurrection. Il en est de même d'un pays où règnent le mal et l'injustice. Si l'on ne trouve pas un pays juste, il faut choisir le pays le moins mauvais. Aucun musulman ne peut être dispensé d'émigrer de son pays occupé par les mécréants, à moins d'être dans l'impossibilité de le faire pour cause de maladie ou de faiblesse extrême, tout en gardant l'intention de quitter ce pays dès que possible.

Au début de la colonisation occidentale, certains juristes et leaders musulmans ont appliqué la règle islamique de la migration. Un nombre non négligeable de musulmans a ainsi émigré d'Afrique du Nord pour la Turquie. En 1920, une grande vague de migration a eu lieu de l'Inde vers l'Afghanistan, après que la première ait été déclarée Terre de mécréance. Cette migration s'est avérée catastrophique pour ces émigrants qui devaient par la suite revenir en Inde démunis et frustrés. Des centaines parmi eux sont mortes en quittant l'Inde, puis au retour.

La majorité des musulmans fut cependant obligée de rester et ils durent, ainsi que leurs chefs et leurs enseignants, s'adapter à une nouvelle réalité, et ce d'autant plus que les régimes coloniaux furent, en règle générale et dans leur propre intérêt, tolérants en matière religieuse. Ils permirent aux musulmans de pratiquer librement leur religion, et de maintenir et d'appliquer leurs propres lois avec leurs propres tribunaux et leurs propres juges sur de nombreuses questions sociales, civiles et économiques.

Signalons aussi qu'avec la création du Pakistan, les musulmans indiens se trouvaient devant un choix délicat, rester en Inde ou aller au Pakistan. Mawlana Abul-Kalam Azad avait déclaré dès 1942 au Congrès national indien: "Je suis fier d'être indien. Je fais partie intégrante de cette nation unie et indivisible... Je ne dois jamais renoncer à ce droit". Après l'indépendance, Azad avait été Ministre de l'éducation nationale du gouvernement indien. S'adressant alors à des universitaires musulmans, il leur avait dit que s'ils rêvaient de vivre à Médine, le mieux était de rejoindre le Pakistan, mais que s'ils choisissaient de vivre en Inde ils devraient accepter la situation de la Mecque, c'est-à-dire d'être une communauté minoritaire.

Aujourd'hui, avec la fin de la colonisation, s'est posé le problème inverse, celui de l'émigration des musulmans vers les pays non-musulmans qui les colonisaient auparavant. Certains de ces musulmans ont même acquis la nationalité de ces pays. Il y a aussi le problème des citoyens des pays non-musulmans convertis à l'islam et celui des minorités musulmanes autochtones qui vivent dans des pays à majorité non-musulmane comme c'est le cas dans les Balkans, en Israël ou aux États-Unis. Faut-il demander à tous ces musulmans de quitter les pays non-musulmans et d'immigrer dans les pays musulmans? Dans quelle mesure les normes musulmanes doivent-elles être maintenues dans un monde qui a échangé la frontière religieuse contre une frontière nationale?

Nous avons vu plus haut que des minorités musulmanes dans des pays à majorité non-musulmane ont obtenu l'indépendance politique, et d'autres réclament ou risquent de réclamer dans un proche avenir une telle indépendance. En attendant ce jour, on constate chez les auteurs musulmans différentes tendances qui se réfèrent à l'enseignement musulman classique.

Il y a des groupes musulmans extrémistes qui considèrent leurs propres pays musulmans comme Terre de mécréance, du fait que ces pays n'appliquent pas le droit musulman dans son intégralité. Pour eux, tout pays qui n'est pas régi par le droit musulman est une Terre de mécréance. Pour cette raison, ils préconisent d'en émigrer, de se retirer dans les montagnes et de préparer la conquête de ce pays comme l'avait fait Mahomet avec la Mecque. C'est d'ailleurs le nom donné par la police égyptienne à l'un de ces groupes: Al-takfir wal-hijrah (anathème et migration). Le vrai nom de ce groupe est Al-jama'ah al-islamiyyah (le groupe musulman), ce qui signifie que les autres ne seraient pas des musulmans. Ce groupe est responsable de divers attentats en Égypte. Il a son idéologue en la personne de Sayyid Qutb, pendu par le Président Jamal Abdel-Nasser en 1966. Celui-ci précise dans son commentaire du verset 8:72 que la migration était exigée du musulman jusqu'au jour de la conquête de la Mecque. Lorsque l'Arabie a été entièrement soumise à l'islam, le musulman n'avait plus à émigrer, puisqu'il se trouvait désormais en Terre d'islam. Aujourd'hui, cependant, la Terre d'islam est revenue à la jahiliyyah (situation pré-islamique) et le pouvoir n'est plus celui de Dieu mais celui du Taghout (le tyran, le diable). Il s'agit d'une nouvelle étape pour l'islam et d'une réhabilitation de la division Terre d'islam / Terre d'émigration. Cette étape durera jusqu'à ce que l'islam s'étende de nouveau et qu'il n'y ait plus lieu à migration.

Il y a aussi un courant qui voudrait que les pays musulmans ouvrent leurs frontières à la migration de tous les musulmans vivant dans les pays non-musulmans. Le Modèle constitutionnel de Jarishah de 1984 stipule que le chef de l'État "ouvre la porte de la migration des croyants vers la Terre d'islam" (article 19). Le Modèle constitutionnel du Conseil islamique de l'Europe de 1983 accorde, à tout musulman, le droit d'accéder à la citoyenneté d'un État islamique (article 14). La 2ème Déclaration islamique des droits de l'homme, publiée par ce Conseil en 1981 affirme dans son article 23(c):
    La Terre d'islam (Dar al-islam) est une. C'est la patrie de tout musulman: nul n'est autorisé à y mettre des entraves à ses déplacements par l'érection de barrières géographiques ou de frontières politiques. Tout pays musulman a le devoir d'accueillir tout musulman qui y immigre ou vient à y entrer, comme un frère accueille son frère: "Ceux qui s'étaient établis avant eux en cette demeure et dans la foi aiment ceux qui émigrent vers eux. Ils ne trouvent dans leur cœur aucune envie pour ce qui a été donné à ces immigrés. Ils les préfèrent à eux-mêmes, malgré leur pauvreté. Ceux qui se gardent contre leur propre avidité, ceux-là sont les bienheureux" (59:9).
Un auteur moderne, qui a enseigné dans des universités à Amman, à Tripoli (Libye) et à Riyad, aborde la question de l'occupation des pays musulmans par le "mécréant colonisateur" qui y applique ses lois. L'occupé, dit-il, est dans une situation particulière qui le pousse, sous la contrainte, à s'allier au mécréant pour éviter le danger, en vertu du principe de la dissimulation (taqiyyah). La dissimulation doit, cependant, se faire extérieurement, par la langue, sans conviction au fond du cœur et sans jamais se fier à l'ennemi. Mais la dissimulation en soi n'est pas une exigence. Il est donc possible de l'abandonner et de dire la vérité au risque de sa vie. D'autre part, la dissimulation n'est pas permise face à un pouvoir injuste. Évoquant les versets 4:97-98, cet auteur ajoute que si le musulman craint que sa foi faiblisse, il doit quitter la Terre de mécréance pour aller vers la Terre d'islam où il peut appliquer les normes islamiques. L'obligation de migration est maintenue jusqu'à la fin des temps et elle s'impose à chaque musulman qui craint pour sa religion où qu'il soit. Rien ne doit l'empêcher d'accomplir cette norme: ni ses biens, ni ses intérêts, ni ses parentés, ni ses amitiés, ni les souffrances qu'il risque de rencontrer dans la migration, tant qu'il existe une terre où sa religion est sauve et où il pourrait ouvertement la pratiquer, vivant une vie islamique à l'ombre de la loi de Dieu et jouissant de ce niveau élevé de la vie.

Ce professeur, cependant, interdit d'émigrer pour échapper au jihad. L'islam a prescrit le jihad afin de transformer un pays gouverné par la mécréance en un pays gouverné par l'islam. Si un musulman peut compter sur l'aide de coreligionnaires vivant dans son pays ou sur des forces islamiques vivant à proximité de son pays, il est alors tenu de rester dans son pays et il lui est interdit d'émigrer car le Coran prescrit de combattre l'ennemi qui se trouve à proximité (9:123). Celui qui reste, dans ce cas, a le même mérite que celui qui émigre. Mahomet dit: "Ô Fadik: fais les prières, donne l'aumône, émigre du mal et habite dans le pays des tiens là où tu veux... et tu seras considéré comme un immigrant". L'auteur, ici, se réfère à deux situations distinctes: la non-application de la loi islamique par les pays musulmans et l'occupation de la Palestine par les juifs. Envers ces deux situations, il faut tantôt recourir à la dissimulation, tantôt à la migration et tantôt au jihad.

Concernant le problème créé par l'occupation de la Palestine par les juifs, le grand Mufti de Jordanie, Abd-Allah Al-Qalqili, a émis une fatwa interdisant aux musulmans d'abandonner leur pays car cela serait une défaite pire que l'occupation. Ces musulmans doivent s'y maintenir, quitte à en pâtir. Il cite le Coran: "Ô vous qui croyez! Soyez patients! Encouragez-vous mutuellement à la patience! Soyez fermes! Craignez Dieu! Peut-être serez-vous heureux!" (3:200).

S'attardant sur le devoir coranique d'immigrer, Al-Qalqili explique que ce devoir était prescrit pour deux raisons:
  • les musulmans ne pouvaient garder leur foi en la Mecque avant sa conquête;

  • la communauté musulmane avait besoin d'hommes pour participer à l'effort de guerre contre leurs ennemis.
L'émigration reste un devoir pour le musulman lorsque ces deux conditions sont remplies. C'est le cas du musulman qui, parti en Amérique ou dans d'autres pays où il ne peut pratiquer sa religion, est exposé à la perversion et risque d'avoir des enfants ne connaissant pas leur religion et, après sa mort, de n'avoir personne qui prie pour lui. Ce musulman met au monde des enfants qui abandonnent leur religion et qui parfois combattent contre leur nation et contre la religion de leurs ancêtres. Il en est de même du musulman dont la patrie a besoin pour participer au combat. Dans ces deux cas, ce musulman n'a pas le droit d'aller dans ces pays, et s'il s'y trouve, il doit en émigrer. Al-Qalqili ajoute que si quelqu'un est contraint de quitter son pays, il doit tourner ses pas vers un pays où se trouve une communauté musulmane s'entraidant pour maintenir l'identité islamique. Ceux qui émigrent de leurs pays vers des contrées où ils perdent leur foi et mettent au monde des enfants mécréants, commettent un grand péché. Ce sont des gens qui préfèrent la vie d'ici-bas à la vie ultérieure.

Le Guide du musulman à l'étranger, publié par une maison d'édition chiite libanaise en 1990, rappelle l'interdiction de principe d'aller en Terre de mécréance. Il cite les versets coraniques à ce sujet ainsi qu'un récit de l'Imam Sadiq selon lequel les grands péchés sont au nombre de sept: l'homicide volontaire, la fausse accusation d'adultère, la fuite du combat, le retour au nomadisme après la migration, le fait de manger injustement le bien de l'orphelin, l'acceptation de l'usure et tout ce qui est puni de l'enfer par Allah. Le retour au nomadisme se réfère aux bédouins convertis à l'islam, du temps de Mahomet, qui revenaient dans le désert, perdaient leurs attaches avec la communauté islamique et refusaient de participer à ses guerres.

Cet ouvrage dit que le musulman doit toujours sentir une barrière entre lui et la société mécréante impure. Il cite, à cet effet, le verset coranique: "Les polythéistes ne sont qu'impureté" (9:28). Cette barrière doit l'empêcher de se fondre dans cette société. Il doit avoir le sentiment qu'il se trouve dans une société qui n'est pas la société juste qui est la sienne et que sa présence, dans cette société mécréante, est exceptionnelle et dictée par la nécessité dont il doit autant que possible s'affranchir: "Car qu'y a-t-il pour un musulman de pire que de perdre la vie éternelle pour un plaisir temporaire ou un intérêt passager?"

Ce même ouvrage accuse les parents qui envoient leurs enfants à l'étranger, notamment leurs filles, sans qu'ils soient accompagnés par des proches. Selon lui, les pays étrangers attirent ces enfants musulmans par des bourses ou en leur accordant l'asile politique, voire la nationalité, à travers le mariage avec un de leurs ressortissants, dans le but de les séparer de leur milieu musulman. Après que les plans du colonialisme militaire ou économique eurent avorté, les pays étrangers n'ont pas trouvé d'autres moyens que d'imposer leur domination à travers les cerveaux au lieu de la domination sur le terrain.

L'ouvrage se défend cependant de vouloir couper le musulman du reste du monde; il ne cherche qu'à le vacciner contre les défauts des pays mécréants. Le musulman a le choix entre l'abandon de la Terre de mécréance ou le vaccin spirituel. Le but de l'ouvrage est donc d'aider le musulman à garder son identité et sa pureté dans les pays étrangers. Il établit alors les principes suivants:
  • Il est interdit au musulman d'aller en Terre de mécréance s'il y a le risque de porter atteinte à la religion, quel que soit l'objectif du voyage: tourisme, études, commerce ou séjour permanent. On entend par atteinte à la religion tout péché, petit ou grand: raser la barbe, serrer la main à une femme étrangère, abandonner la prière et le jeûne, manger de la nourriture impure, consommer de l'alcool, etc.

  • Si le risque de l'atteinte à la religion concerne uniquement la femme et les enfants, le musulman ne doit pas les prendre avec lui. De ce fait, le guide ne parle que des devoirs du musulman et non pas de la musulmane.

  • Si le musulman est contraint de voyager en Terre de mécréance pour se soigner ou pour d'autres raisons importantes tout en risquant de porter atteinte à sa religion, ce voyage n'est permis que dans les limites du nécessaire.

  • Dans tous les cas, il est préférable de ne pas vivre en compagnie des pécheurs ou de ceux qui sont dans l'erreur, à moins d'une raison valable. Celui qui vit parmi les pêcheurs subit les malédictions qui les frappent. Celui qui vit dans une société de musulmans bénéficie des bénédictions qui retombent sur eux.
Quant à ceux qui sont contraints d'aller en Terre de mécréance, ils doivent se conformer aux normes islamiques, normes largement développées par ce guide. Mentionnons-en certaines:
  • Accomplir les prières quotidiennes. Ne pas manger de la nourriture impure, ne pas boire l'alcool et ne pas s'asseoir à une table où on consomme de l'alcool. Ne pas se diriger vers la Mecque en accomplissant les besoins naturels du fait que les toilettes en Occident ne respectent pas cette norme.

  • Ne pas toucher une femme étrangère. Le mariage avec une femme païenne ou ayant quitté l'islam est interdit. Le mariage avec une juive ou chrétienne doit être de préférence temporaire. Si la femme est vierge, il faut demander l'autorisation de son père. En cas de divorce, il est interdit de laisser les enfants à la femme. Sauf en cas de nécessité, la femme doit se faire soigner par un médecin femme ou une infirmière, et l'homme par un médecin homme ou un infirmier quand le soin implique les attouchements ou le regard de la partie honteuse (awrah).

  • Ne pas enterrer un musulman dans le cimetière des mécréants sauf en cas de nécessité lorsqu'il n'est pas possible de ramener le corps dans un pays musulman.

  • Il est permis de travailler dans un supermarché à condition de ne pas être chargé de vendre du porc ou de l'alcool. Il est interdit de vendre ou d'acheter des billets de loterie ou des instruments de musique.

  • Pour les étudiants en médecine: Éviter de se mêler aux femmes, et si c'est impossible, éviter de se laisser influencer. Ne pas toucher le corps de la femme et ne regarder sa partie honteuse que si cela entre dans le cadre des soins administrés. Ne pas visualiser un dessein du corps humain avec concupiscence. Ne pas s'exercer sur un cadavre musulman, sauf si la vie d'un musulman en dépend et lorsqu'il n'existe pas de cadavre non-musulman .

  • Se soucier de convertir les mécréants à l'islam. Ceci est une manière de racheter sa faute d'avoir quitté la Terre d'islam.
La revue de la Commission saoudienne de fatwa publie la fatwa suivante du cheikh Ibn-Baz (décédé en 1999):
    Question: Est-il licite pour un étudiant d'habiter avec une famille à l'étranger pour mieux apprendre la langue?

    Réponse: Il est illicite pour un étudiant d'habiter avec les familles parce qu'il risque d'être contaminé par la morale des mécréants et de leurs femmes. Encore faut-il qu'un tel voyage soit licite. Il est en fait interdit de voyager en Terre de mécréance pour y étudier, sauf en cas d'extrême nécessité et à condition que l'étudiant soit lucide et prudent... Mahomet dit: "Dieu n'admet pas les actes d'un musulman s'il fréquente les polythéistes"... Il dit aussi: "Je suis quitte de tout musulman qui habite parmi les polythéistes". De nombreux récits de Mahomet vont dans le même sens. De ce fait, le musulman doit éviter de voyager en Terre de mécréance, sauf en cas d'extrême nécessité. À moins que le voyageur soit lucide et prudent et veuille appeler autrui à se convertir à l'islam... Dans ce cas, son voyage est méritoire.
À deux reprises, la revue susmentionnée a consacré son éditorial à mettre en garde contre l'envoi des étudiants aux cours de langues organisés en Occident, prévoyant des programmes de loisirs et le séjour auprès d'une famille mécréante. Le titre en dit long sur le contenu: "La mise en garde contre le voyage en Terre de mécréance et les dangers d'un tel voyage sur la religion et la morale".

Une femme saoudienne demande au gouvernement d'interdire aux filles saoudiennes de s'inscrire dans les écoles, les facultés ou les universités étrangères mixtes, et de leur imposer le port de l'habit islamique.

Dans la préface d'un livre traitant des raisons et des conséquences économiques de la migration des savants du monde musulman, Abdallah Ibn Abd-al-Muhsin Al-Turki, Recteur de l'Université de l'Imam Muhammad Ibn-Sa'ud, écrit que les sociétés musulmanes et les savants eux-mêmes sont fautifs. Si les sociétés musulmanes n'avaient pas cessé de marcher sur la voie des enseignements de l'islam, elles n'auraient pas souffert de ce problème. Quant aux savants, s'ils étaient d'un zèle inébranlable et avaient un sentiment du devoir islamique national, ils seraient restés à leur place pour satisfaire aux besoins de leurs sociétés, fût-ce au prix de quelques difficultés et du sacrifice de quelques-uns de leurs intérêts.

Al-Turki ajoute qu'à part les arguments avancés par l'ouvrage en question, "il y a le devoir de rappeler aux savants musulmans qui ont émigré et refusent de revenir en Terre d'islam, que le droit musulman leur interdit de vivre en Terre de mécréance faisant de celle-ci une patrie et un domicile". Il signale que la migration des cerveaux a pour conséquences, outre le sous-développement des pays musulmans, que les générations parmi les enfants de ces savants s'exposent à abandonner l'islam. Or, dit-il, "les attraits de la vie, y compris la position scientifique, la notoriété sociale ou la sécurité économique ne valent rien si le fils et la fille sont sortis de la religion islamique". Il souhaite que d'autres chercheurs s'attellent à démontrer l'aspect religieux de l'interdiction du séjour des musulmans en Terre de mécréance.

L'auteur de l'ouvrage indique que les enfants instruits, qui partent pour les pays occidentaux, fournissent une aide annuelle estimée à des millions de dollars. Certains travaillent dans des domaines sensibles comme la fabrication de bombes atomiques dont les secrets parviennent aux centrales atomiques israéliennes qui menacent les musulmans.

Il y a aussi un débat autour de la question de savoir si un musulman peut obtenir la nationalité d'un pays non-musulman. Certains n'hésitent pas à considérer un tel musulman comme apostat, du fait qu'il se soumet aux lois occidentales au lieu des lois musulmanes. Ils réclament aux citoyens musulmans des pays non-musulmans de renoncer à leur nationalité et d'aller vivre dans les pays musulmans. Ce problème a été posé par le Centre islamique de Washington à l'Académie du droit musulman qui dépend de l'Organisation de la Conférence islamique. Les membres de cette Académie étaient tellement divisés que l'Académie a dû renoncer à y répondre. Nous y reviendrons plus en détail dans le point suivant consacré à la naturalisation des musulmans.

Face à l'impossibilité d'interdire aux musulmans l'émigration vers les pays mécréants, Al-Jaza'iri, le prédicateur de la Mosquée du Prophète à Médine, préconise la création d'une commission de tous les pays musulmans dans le but de sauvegarder les droits des immigrés musulmans en pays non-musulmans, avec un budget auquel doivent participer tous les pays musulmans selon leur capacité. Le but de cette commission est de prendre des mesures visant à "empêcher les musulmans de se dissoudre dans les sociétés mécréantes et athées". Parmi ces mesures:
  • Construire les mosquées pour y prier et apprendre leur religion.

  • Fournir les imams et les livres.

  • Unir les musulmans pour en créer un seul groupe qui sera rattaché exclusivement à ladite commission.

  • Organiser un enseignement religieux aux immigrés.

  • Créer une coopération entre les immigrés afin d'avoir une boucherie et un cimetière.

  • Créer un comité de trois savants religieux dans chaque pays d'immigration dont le but est de résoudre les conflits entre les immigrés, de conclure et de dissoudre leurs mariages, de partager leur héritage en conformité avec le droit musulman afin que les immigrés évitent de s'adresser à des tribunaux non-musulmans. Ce comité doit aussi fonder une caisse d'entraide dans chaque mosquée, établir une loi économique et créer une banque de dépôt selon les normes musulmanes.
Indiquons ici que certains musulmans vivant dans les pays musulmans réclament, pour leurs coreligionnaires vivant dans les pays non-musulmans, l'application du droit musulman en matière du droit de famille de la même manière que les pays musulmans appliquent les droits religieux aux différentes communautés chrétiennes qui y vivent. Un professeur égyptien écrit à cet effet:
    Les États non-musulmans, qui prétendent être les plus civilisés, ne réservent aux musulmans parmi leurs citoyens aucun traitement particulier dans les matières du droit de famille, du fait qu'elles entrent dans l'ordre public devant lequel tous sont égaux. Dans l'islam, par contre, les non-musulmans sont soumis, dans ces matières, aux normes de leurs lois. Quelle belle équité, celle de l'islam.
Un autre professeur égyptien souhaite la création d'un Code musulman de la famille applicable aux musulmans vivant dans les pays non-musulmans et qui optent pour un tel code. Ce code serait inspiré entièrement du droit musulman dans son interprétation contemporaine la plus conciliable avec les principes des valeurs universelles. Le but est "de permettre la coexistence entre les membres de la communauté musulmane et les autres communautés en respectant la culture et les intérêts légitimes de cette communauté musulmane grandissante".

L'application d'un tel code, selon le professeur en question, pourrait être limitée aux musulmans établis en Europe et dont les liens avec le pays d'origine se trouvent rompus. Mais il ne le sera ni aux musulmans européens ni aux musulmans non établis en Europe dont les rapports restent étroits avec leurs pays. Ce code unifié peut éviter, en principe, les principales discriminations dont on accuse le droit musulman, à savoir la discrimination à cause du sexe et de la religion. Il devrait ainsi 
  • écarter l'empêchement successoral pour disparité de culte;

  • limiter la polygamie à des cas exceptionnels, comme le véritable esprit du droit musulman l'a voulu;

  • limiter ou subordonner la répudiation unilatérale à des conditions qui la rapprochent du divorce, de sorte qu'elle ne méconnaisse pas les droits de la partie défenderesse.
De la sorte, ajoute le professeur égyptien, "on peut élaborer sur la base du droit musulman, un système personnel musulman qui permettra aux musulmans vivant en Occident de réaliser leur but principal qui est d'établir leur identité sans vivre en dysharmonie avec la société à laquelle ils sont appelés à s'intégrer".

La proposition des deux professeurs égyptiens n'est pas nouvelle. Ainsi on lit dans le Colloque du Kuwait relatif aux droits de l'homme en islam organisé en 1980 par la Commission internationale des juristes, l'Université du Kuwait et l'Union des avocats arabes:
    Le Colloque recommande à tous les États de respecter les droits des minorités dans l'exercice de leurs traditions culturelles et de leurs rites religieux, ainsi que le droit de se référer dans leur statut personnel à leurs croyances religieuses, comme il recommande à ces États de prodiguer le soutien nécessaire à toutes les initiatives qui encouragent cet esprit et renforcent cette orientation et cette tendance.
Signaler le point de vue d'un auteur musulman d'ex-Yougoslavie dans une thèse de doctorat présentée en Arabie saoudite. Après avoir signalé que l'acquisition par un musulman de la nationalité d'un pays non-musulman constitue une apostasie, cet auteur indique qu'on ne saurait appliquer aux minorités musulmanes les normes islamiques qui imposent la migration vers la Terre d'islam et interdisent la naturalisation. En effet les membres de ces minorités musulmanes ne vivent pas volontairement sous la domination non-musulmane, mais y sont contraints et acquièrent la nationalité malgré eux en vertu du droit du sang ou du droit du sol. Par conséquent, ils ne commettent aucun péché puisque la personne contrainte n'est pas coupable. Bien plus, ces musulmans peuvent être considérés comme obligés selon le droit musulman à accepter la nationalité d'un pays non-musulman puisque cette nationalité est une condition pour bénéficier des droits vitaux et des services de l'État. Mais cet auteur ajoute que ces musulmans doivent avoir présente à l'esprit l'idée qu'ils sont contraints d'acquérir cette nationalité, sans laquelle ils ne pourront pas avoir une vie digne. D'autre part, ils doivent user de tous les moyens à leur disposition pour répandre l'islam et se tenir prêts lorsqu'un État musulman serait créé, à répondre à son appel et à y immigrer.

Cet auteur permet au musulman d'émigrer d'un pays musulman vers un pays non-musulman et d'en acquérir la nationalité dans les conditions suivantes:
  • Son pays d'origine n'a pas besoin de lui.

  • Ce musulman ne peut pas avoir dans son pays un bien égal à celui procuré par le pays non-musulman.

  • Il ne doit pas nuire aux musulmans par son travail.

  • Il ne doit pas commettre ce qui est illicite selon l'islam.

  • Lui et sa famille sont en sécurité et il peut sans danger pratiquer sa religion.

  • Il ne demande la nationalité du pays non-musulman que si ce pays n'accorde pas de travail aux personnes non naturalisées.

  • Il a l'intention de revenir dans son pays d'origine à la première occasion.

  • Il désapprouve le mal qu'il fait en acquérant cette nationalité, au moins dans son cœur.
L'auteur en question cite le verset: "Celui qui renie Dieu après avoir cru, - non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi – celui qui, délibérément, ouvre son cœur à l'incrédulité: la colère de Dieu est sur lui et un terrible châtiment l'atteindra" (16:106). Or, dit-il, il est permis au musulman de se déclarer mécréant en cas de nécessité en vertu de la doctrine de la dissimulation. À plus forte raison ce musulman peut acquérir la nationalité étrangère pour sauvegarder sa foi, sa vie, ses biens et sa famille. Il cite aussi un récit de Mahomet qui affirme: "Les pays sont les pays de Dieu, et les croyants sont les serviteurs de Dieu. Reste partout où tu te sens bien". Il répond aux objections que peut soulever la naturalisation du musulman:
  • Le mariage du musulman naturalisé s'effectue selon le droit civil. L'auteur répond qu'un tel mariage civil n'est cependant effectué par les musulmans que pour la forme. Quant au fond, ils recourent au mariage religieux devant un imam ou un personnel religieux selon les normes islamiques.

  • L'héritage du musulman sera partagé selon le droit positif, contrairement au droit musulman. L'auteur répond que le musulman garde toujours le droit de prévoir dans son testament l'application de la loi islamique, privant de la succession ceux qui n'y ont pas droit.

  • Le musulman peut être contraint à servir dans l'armée non-musulmane, parfois contre les musulmans. L'auteur répond que le service militaire dans la plupart des pays occidentaux est volontaire et peut être échangé contre un montant d'argent. D'autre part, les minorités musulmanes en ex-Yougoslavie adhéraient à l'armée pour apprendre le maniement des armes. La plupart de ceux qui faisaient partie de l'armée yougoslave se sont évadés pour ne pas participer à la guerre contre les musulmans.

  • Le musulman peut être soumis à des lois positives contraires au droit musulman. L'auteur répond que ceci est aussi le cas dans les pays dits musulmans qui appliquent le droit positif. Le musulman naturalisé qui est soumis au droit positif a le bénéfice de l'excuse de la contrainte.

  • Les enfants musulmans sont éduqués selon les programmes basés sur la mécréance sans lien avec l'islam. L'auteur répond que les pays non-musulmans permettent aux musulmans d'éduquer leurs enfants dans des écoles et des centres islamiques.
Il est important ici de dire un mot de la politique de la migration adoptée par les pays du Maghreb. Ces pays ont organisé l'émigration en lui assignant un triple objectif: avoir des chômeurs en moins et des devises en plus afin de financer le développement et acquérir par les émigrés une formation professionnelle en Europe, utile pour le développement au moment du retour dans le cadre de la "chaîne migratoire". Ceci était considéré comme avantageux autant pour les pays hôtes que pour les pays émetteurs. Ces derniers concevaient cette migration comme provisoire. La Charte nationale algérienne promulguée en 1976 (titre VI, V, 5) inscrit le retour des émigrés comme un "des objectifs majeurs de la révolution socialiste". Elle ajoute: "De leur côté, les émigrés font de leur retour dans le pays... une de leurs aspirations fondamentales". Le retour est encouragé par des simplifications administratives et des facilités douanières, priorité à des logements ou acquisition de terrain à bâtir.

Ces pays n'envisageaient pas la perte de leurs enfants au profit des pays d'accueil. De ce fait, ils sont hostiles à la binationalité. Même lorsqu'ils la supportent, ce n'est pour eux qu'un pis-aller. Ainsi pour la Tunisie, l'article 30 du Décret 63-6 du 28.2.1963 entraînait la perte automatique et irrévocable de la nationalité tunisienne en cas d'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère. Il a été modifié par la loi 75-79 du 14.11.1975: la perte de la nationalité tunisienne est désormais facultative et intervient par décret du gouvernement tunisien. Cette réforme a pour principal objet, selon la presse tunisienne, de satisfaire les doléances des Tunisiens travaillant à l'étranger. Ceux-ci désiraient "appréhender pour un temps" la nationalité du pays d'accueil afin de "prétendre aux avantages sociaux réservés aux ressortissants de ces pays" et "d'échapper à toute forme de discrimination".

Cette volonté, des pays d'origine, de garder leurs enfants se reflète dans les accords signés entre l'Algérie et la Tunisie d'une part, et la France de l'autre, sur le service militaire. Ni dans l'Accord franco-algérien de 1983, ni dans la Convention franco-tunisienne de 1982, on ne trouve l'expression "doubles nationaux"; celle-ci a été remplacée par "jeunes gens". L'accord avec l'Algérie, contrairement aux accords habituels qui lient le service militaire des binationaux au critère de la résidence habituelle, privilégie, lui, l'option a priori. Souvent, en ce qui concerne les Algériens du moins, les jeunes optent, sous la contrainte des parents, pour le service militaire algérien. Une fois le choix fait, il est irrévocable selon l'accord en question.

Concernant l'Algérie, la Commission française de la nationalité signale que ce pays a été pendant longtemps réticent à l'acquisition de la nationalité française par ses ressortissants établis en France. Elle acceptait mal que, à compter du 1er janvier 1963, les enfants nés en France d'un père algérien, - enfants que le droit algérien regarde comme des Algériens de naissance par filiation -, puissent être également français de naissance par le jeu du double jus soli (enfant né en France d'un père né avant l'indépendance dans un département français d'Algérie). Il semble, toutefois, que l'attitude des autorités algériennes soit en train d'évoluer et qu'elles envisagent de borner leur influence au maintien de liens culturels.

Cette attitude plus conciliante de l'Algérie s'explique par ses difficultés économiques. Dans les premières années après l'indépendance, la politique officielle était de revendiquer sans cesse ses fils, de leur rappeler que leur séjour en France n'était que provisoire, que leur place en définitive était au sein de la mère-patrie. Rester en France passait pour une désertion, en prendre la nationalité pour une trahison, épouser une Française ou un Français pour une honte. Lorsque le gouvernement algérien, confronté à des taux démographiques extrêmement élevés, a compris l'importance de l'émigration pour l'équilibre du pays, il a cessé ce chantage qui consistait à dire aux Algériens vivant en France: "Si vous prenez la nationalité française, vous perdrez à jamais la nationalité algérienne". Le pouvoir algérien s'est résolu avec réalisme au départ de centaines de milliers de personnes qu'il ne pouvait plus nourrir, et auxquelles il ne pouvait plus assurer d'emploi.

Concernant le Maroc, la Commission de la nationalité signale qu'il exerce sur ses ressortissants établis en France une forte influence, par des canaux différents de ceux de l'Algérie. Son attitude n'a cependant pas suscité jusqu'à présent de difficultés analogues à celles qui ont existé avec l'Algérie. Les explications sont diverses: les relations entre le Maroc et la France sont traditionnellement bonnes; les enfants marocains nés en France ne deviennent français qu'à dix-huit ans; le regroupement familial étant intervenu plus tardivement pour la migration marocaine, la question du service militaire, en l'absence de Convention franco-marocaine, n'est pas encore posée.

Ennaceur, Ambassadeur de Tunisie à Genève, explique que la migration maghrébine a démarré dans les années soixante dans un cadre organisé et régi par des conventions bilatérales entre les pays émetteurs et les pays hôtes définissant les modalités de coopération et prévoyant la mise en place de structures mixtes de suivi et de concertation entre les autorités concernées. Mais depuis l'arrêt de l'immigration, au début des années soixante-dix, les pays d'accueil allaient faire cavalier seul, plaçant les pays émetteurs devant le fait accompli. Cette attitude s'est reflétée dans les multiples décisions prises unilatéralement et sans concertation préalable, telles les dispositions d'incitation au retour, la révision des conditions de séjour et de regroupement familial, ou l'adoption d'une politique d'intégration qui semble être devenue une option collective de la part des pays européens.

Ennaceur se félicite que les tentatives des pays européens d'intégrer les migrants, surtout ceux de la 2ème génération, aient échoué, si l'on regarde le peu de personnes qui ont renoncé à leur nationalité d'origine. Pour lui, "l'intégration ne signifie nullement l'aliénation de l'identité ni la renonciation à ses attributs fondamentaux. L'intégration ne se traduit pas, nécessairement, par la naturalisation et le rejet de sa nationalité d'origine". Il signale que les porteurs de la double nationalité parmi la 2ème génération représentent 18.8% de l'ensemble, tandis que 75.2% des jeunes maghrébins de la 2ème génération ont tenu à garder leur nationalité d'origine.

Belguendouz, professeur à la Faculté de droit de Rabat, conteste l'apport économique de la migration des Marocains à leur pays et critique fortement ceux qui plaident en faveur de leur intégration dans leurs pays d'accueil. Il cite Ahmed Alaoui, Ministre d'État, qui déclarait en 1986 devant les Amicales des travailleurs et des commerçants marocains en France, que les jeunes marocains à l'étranger sont et restent marocains, que s'ils prennent une nationalité étrangère, ils ne perdent pas la nationalité marocaine, en vertu du principe de l'allégeance perpétuelle. Belguendouz dénonce cette manière de banaliser et de déculpabiliser la naturalisation, ainsi que les efforts des pays d'accueil à intégrer ses compatriotes: "Ces incitations à l'assimilation, en dépit de certaines nuances ou aspects contradictoires, font fi de l'existence des pays et des cultures d'origine. Tout se passe comme si les pays maghrébins en particulier n'avaient pas leur propre civilisation, leur propre identité culturelle et nationale".

Belguendouz demande aux pays du Maghreb de préparer le terrain pour permettre à leurs enfants de revenir au pays car, avertit-il, "il n'y a pas de retour volontaire possible s'il n'y a pas un minimum de sécurité et de stabilité pour les émigrés, les États devant leur offrir des garanties". Il ajoute:
    Plus on reporte à plus tard la mise en œuvre de ce plan, plus la réinsertion se fera à des coûts, non seulement dans le domaine économique, mais également sur le plan familial, culturel, social psychologique, etc., plus élevés pour les intéressés, leur famille et leur société, et dans des conditions plus contraignantes et difficiles voire même dramatiques, car il n'est pas exclu entre autres un plus grand durcissement au niveau des pays européens en raison de l'exacerbation de la crise, de l'intensification du racisme, et des rebondissements politiques que cela pourrait entraîner.
Ces propos ne sont pas sans rappeler la position d'Al-Wansharisi exposée plus haut, même si les arguments religieux font défaut.

Un autre auteur marocain, tout en excluant "tout espoir de retour pour l'immigré maghrébin", dit que les deux parties, européenne et maghrébine, doivent gérer la question de l'intégration des immigrés maghrébins pour le respect de leurs droits économiques et sociaux en dehors de toute discrimination, mais aussi, "favoriser l'épanouissement de leur identité culturelle et religieuse, et leur permettre de garder des attaches solides avec leurs pays d'origine, tant sur le plan politique qu'économique et culturel". "C'est de cette façon que la migration maghrébine peut jouer un rôle déterminant dans l'extension du champ de la démocratie et du respect des droits de l'homme vers le sud de la Méditerranée et dans la promotion d'une véritable coopération entre les deux entités maghrébine et européenne".



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