Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion  >  Vos contributions    > Comparaison entre ... > 6/12


Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités

Page 6 / 12


par Sami Aldeeb  -  07/03/2007



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.


Chapitre III. Loi islamique et minorités musulmanes

3) Frontière religieuse présente

Aujourd'hui, le critère national a pris le pas sur le critère religieux. Après avoir subi la colonisation, le monde musulman, notamment avec la fin de l'empire ottoman et la suppression du califat en 1924, s'est divisé en États nations, souvent en guerre entre eux, avec un minimum de liens religieux comme par exemple l'Organisation de la Conférence islamique qui joue au pompier sans trop d'effets. Ces États font désormais partie de l'ONU. Nous sommes actuellement face à une nouvelle donne géopolitique à laquelle les auteurs musulmans modernes essaient d'adapter l'ancienne division entre Terre d'islam et Terre de guerre.

Abu-Zahrah (décédé en 1974) affirme que le monde actuel est uni par une seule organisation (l'ONU) dont les membres se sont engagés à respecter les lois. Le Coran exige dans ce cas le respect de tous les engagements (17:34). De ce fait, les pays membres de cette organisation mondiale ne sauraient être considérés comme Terre de guerre mais Terre de traité (Dar ahd).

Mawlawi écrit que la Terre d'islam est le pays où les normes musulmanes sont intégralement appliquées. Il faudrait donc conclure que la plupart des pays musulmans ne peuvent plus être considérés comme Terre d'islam, car suffit-il qu'un pays applique le droit de famille musulman pour qu'il soit considéré comme musulman? Et s'il ne le fait pas, comme la Turquie, est-ce qu'il sera considéré comme un pays non-musulman? Doit-on prendre comme critère l'exercice des cultes religieux musulmans? Dans ce cas, que dire de certains pays non-musulmans où les musulmans pratiquent leurs cultes plus librement que dans les pays musulmans? Ces pays ne sont pas musulmans mais il y a peu de différences avec les pays musulmans qui n'appliquent pas les lois musulmanes et ne font que permettre les cultes. Mawlawi est d'avis que les pays non-musulmans qui ne sont pas en guerre ou qui ont des traités avec les pays musulmans sont à considérer comme Terre de traité ou Terre de mission (Dar da'wah). Conscient de la connotation négative de cette notion, Tariq Ramadan, un activiste musulman suisse, lui préfère la notion de Terre de témoignage (Dar al-shahadah), sans pour autant se départir des notions classiques:
    Il est demandé aux musulmans de diffuser la connaissance de l'islam parmi les musulmans comme les non-musulmans. Le mu'min (qui porte le dépôt de la foi) est celui qui a pris connaissance et accepte, tandis que le kafir [mécréant] est celui qui a pris connaissance et ensuite refuse, nie.
Il faut savoir ici que le terme kafir (mécréant) constitue en langue arabe la plus grande insulte; il est souvent utilisé pour désigner tout non-musulman.

Les ouvrages juridiques arabes actuels utilisent des termes neutres, sans connotation religieuse, mais les ouvrages musulmans qualifient souvent les pays non-musulmans de Terre de mécréance (Dar al-kufr), et leurs habitants de mécréants (kafir). Des islamistes voudraient même réhabiliter les deux notions Terre d'islam et Terre de Guerre et revenir à la guerre sainte. Ainsi l'article 2 du Modèle constitutionnel de Jarishah de 1984 stipule:
    La Communauté islamique constitue une seule Communauté. La meilleure entité parmi celles qui la composent est la plus pieuse; toutes les barrières - frontières, nationalités (qawmiyyat) et esprits de clan (asabiyyat) - sont caduques.
Le Modèle constitutionnel du Conseil islamique de l'Europe de 1983 affirme que l'État, censé adopter ce modèle, est "une partie du monde islamique et les musulmans qui s'y trouvent sont une partie de la Communauté islamique" (article 2). Il ajoute que "l'unité de la Communauté islamique est un des buts qu'il incombe à l'État de poursuivre par tous les moyens possibles" (article 72).

Mahomet envoya, avec ses adeptes, partis se mettre à l'abri en Abyssinie, une lettre demandant au roi de ce pays de devenir musulman. Appeler à l'islam reste un souci permanent du musulman. Le Modèle constitutionnel du Conseil islamique de l'Europe de 1983 dit: "La société et l'État ont pour bases les fondements suivants: ... accomplir l'obligation de transmettre le message coranique et d'inviter à embrasser l'islam" (article 3). Le Modèle constitutionnel du Parti de libération de 1952 statue que "l'appel à l'islam est la tâche principale de l'État" (article 10). Ceci reste, cependant, à sens unique puisque toute conversion du musulman à une autre religion est interdite. D'autre part, on n'exclut pas le jihad pour étendre le pouvoir de l'islam. Le Modèle du Parti de libération stipule: "Le jihad est un devoir pour les musulmans" (article 90). Le commentaire précise qu'il faut commencer par appeler les mécréants à la foi musulmane. S'ils refusent d'y adhérer, alors seulement, il faut les combattre. Il interdit les traités de neutralité absolue parce qu'ils réduisent le pouvoir des musulmans, ainsi que les traités de délimitation permanente des frontières parce qu'ils signifieraient la non-transmission de la foi musulmane et l'arrêt du jihad.

Signalons aussi que des pays musulmans n'accordent leur nationalité qu'à des musulmans (comme c'est le cas de l'Arabie saoudite et des autres pays du Golfe) ou l'accordent plus facilement aux musulmans (comme c'est le cas de l'Égypte). D'autre part, les pays arabo-musulmans, à l'exception de la Turquie, continuent à appliquer les normes islamiques, en matière du droit de famille, à tout musulman quelle que soit sa nationalité. Un Français qui se convertit à l'islam sera ainsi soumis en Égypte ou au Maroc à la loi islamique: il peut contracter un mariage polygame et répudier sa femme; lors de la liquidation de la succession, sa fille recevra la moitié de ce que reçoit le garçon.

La conception classique musulmane a joué un rôle important dans la création de nouveaux États islamiques à la suite de l'effondrement de l'Union soviétique ainsi que dans l'émergence des velléités d'indépendance ou d'autonomie manifestées par les minorités musulmanes dans les Balkans. Cela découle du fait que les normes musulmanes classiques interdisent aux musulmans d'être soumis à un pouvoir judiciaire, législatif ou exécutif non-musulman. Et il n'est pas à exclure que partout où les musulmans atteindront un pourcentage important de la population dans des pays comme l'Angleterre, l'Allemagne, la France, l'Italie, la Suisse, la Hollande ou les États-Unis, se posera un problème similaire à celui auquel font aujourd'hui face les Balkans. On signalera ici qu'aux États-Unis, des musulmans noirs ont fondé en 1930 la Nation de l'islam dont le but est de créer un État musulman indépendant. En Angleterre, les musulmans ont formé leur propre parlement en 1992. Dans ce pays, un Conseil de shari'ah islamique a été fondé en 1982 à Londres comprenant un tribunal islamique pouvant prendre des décisions en matière de droit de famille. Un dépliant de ce conseil explique que le tribunal en question est compétent pour dissoudre le mariage islamique, mais en ce qui concerne les aspects civils du contrat, le couple doit s'adresser aux tribunaux britanniques. Il précise que celui qui obtient le divorce de ce Conseil peut se remarier. Toujours à Londres, l'Imam Omar Al-Bakri prêche la guerre sainte en Grande-Bretagne et appelle au boycott des élections et de toute forme de participation citoyenne. Il ne voit pas l'utilité d'un permis de conduire, étant donné qu'il bénéficie de l'autorisation divine.



Suite   >>>   Chapitre III. 4) Frontière religieuse et migration présente

Voir la page d'accueil sur l'islam


Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion   Vos contributions    Haut de page    Contactcontact   Copyright ©