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Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités

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par Sami Aldeeb  -  07/03/2007



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.


Chapitre III. Loi islamique et minorités musulmanes

1) Frontière religieuse classique

Les légistes musulmans classiques considèrent comme Terre d'islam (Dar al-islam) toutes les régions passées sous domination musulmane, que les habitants soient musulmans ou non. De l'autre côté de la frontière se trouve la Terre de guerre (Dar al-harb), appelée souvent Terre de mécréance (Dar al-kufr) qui, un jour ou l'autre, devra passer sous domination musulmane, et ses habitants à plus ou moins longue échéance devront se convertir à l'islam.

Avant le départ de Mahomet de la Mecque, le Coran intimait aux musulmans de ne pas recourir à la guerre, même s'ils étaient agressés (16:127; 13:22-23). Après le départ de la Mecque et la création de l'État musulman à Médine, les musulmans furent autorisés à combattre ceux qui les combattaient (2:190-193 et 216; 8:61; 22:39-40). Enfin, il leur fut permis d'entreprendre la guerre (9:3-5). Le but de cette guerre est d'étendre la Terre d'islam et de convertir la population à l'islam. Mahomet aurait écrit des messages aux différents chefs de son temps, leur demandant de devenir musulmans. S'ils étaient monothéistes et désiraient le rester, ils devaient se soumettre au pouvoir politique des musulmans et payer un tribut. S'ils refusaient les deux alternatives, ils devaient se préparer à la guerre. S'ils étaient non-monothéistes, ils n'avaient le choix qu'entre la conversion et la guerre.

La Terre de guerre peut bénéficier d'un traité de paix temporaire, devenant ainsi Terre de traité (Dar ahd). D'après Abu-Yousof (décédé en 798), le grand juge de Bagdad, "il n'est pas permis au représentant de l'Imam de consentir la paix à l'ennemi quand il a sur lui une supériorité de forces; mais s'il n'a voulu ainsi que les amener par la douceur à se convertir ou à devenir tributaires, il n'y a pas de mal à le faire jusqu'à ce que les choses s'arrangent de leur côté". Abu-Yousof ne fait que paraphraser le Coran: "Ne faites pas appel à la paix quand vous êtes les plus forts" (47:35).

Trois siècles plus tard, Mawerdi (décédé en 1058) nomme parmi les devoirs du chef de l'État:
    Combattre ceux qui, après y avoir été invités, se refusent à embrasser l'islam, jusqu'à ce qu'ils se convertissent ou deviennent tributaires, à cette fin d'établir les droits d'Allah en leur donnant la supériorité sur toute autre religion.
Il précise que si les adversaires se convertissent à l'islam, "ils acquièrent les mêmes droits que nous, sont soumis aux mêmes charges, et continuent de rester maîtres de leur territoire et de leurs biens". S'ils demandent grâce et réclament une trêve, cette trêve n'est acceptable que s'il est trop difficile de les vaincre et à condition de les faire payer; la trêve doit être aussi courte que possible et ne pas dépasser une durée de dix ans; pour la période qui dépasse ce délai, elle devient sans valeur.

Ibn-Khaldun (décédé en 1406) distingue entre la guerre menée par les musulmans et celle menée par les adeptes des autres religions. Les musulmans sont légitimés à mener une guerre offensive du fait qu'ils ont une mission universelle visant à amener toutes les populations à entrer dans la religion musulmane, bon gré mal gré. Ceci n'est pas le cas des adeptes des autres religions qui n'ont pas de mission universelle; ils ne peuvent mener une guerre que pour se défendre.


2) Frontière religieuse classique et migration

Pour échapper aux persécutions, Mahomet, accompagné de certains de ses adeptes, quitta en 622 la Mecque, sa ville natale, et se dirigea vers Yathrib, la ville de sa mère, devenue Médine. C'est le début de l'ère musulmane dite ère hégire, ère de la migration. Ceux qui quittèrent la Mecque pour aller à Médine portèrent le nom de Muhajirin (immigrés). Ceux qui les accueillirent furent appelés Ansar (supporteurs).

Des musulmans, cependant, restèrent à la Mecque et continuèrent à vivre secrètement leur foi. Contraints de participer au combat contre les troupes de Mahomet, certains y perdirent la vie. C'est alors que fut révélé le passage suivant:
    Au moment de les emporter, les anges disent à ceux qui se sont fait tort à eux-mêmes: "En quel état étiez-vous?" Ils répondent: "Nous étions faibles sur la terre". Les anges disent: "La terre de Dieu n'est-elle pas assez vaste pour vous permettre d'émigrer?" Voilà ceux qui auront la géhenne pour refuge: quelle détestable fin! À l'exception de ceux qui sont faibles et incapables parmi les hommes, les femmes et les enfants; car ils ne sont pas dirigés sur le chemin droit (4:97-98).
Ce passage demande à tout musulman, vivant en pays de mécréance, de quitter son pays pour rejoindre la communauté musulmane, s'il le peut. D'autres versets vont dans le même sens (4:100; 9:20). Le but de cette migration est de se mettre à l'abri des persécutions, d'affaiblir la communauté mécréante et de participer à l'effort de guerre de la nouvelle communauté. Aussi, le Coran parle-t-il conjointement de ceux qui ont émigré et ont fait le jihad (2:218; 8:72, 74 et 75; 8:20; 16:110).

Le verset 8:72 établit une alliance entre les immigrés et ceux qui leur donnent l'hospitalité. Il interdit de nouer une telle alliance avec les musulmans qui restent dans le pays de mécréance "tant qu'ils n'auront pas émigré". Mais si ces musulmans, restés en dehors de la communauté, demandent de l'aide "au nom de la religion", la communauté musulmane doit les secourir, sauf s'il s'agit de combattre un peuple avec lequel la communauté musulmane a conclu une alliance.

Le verset 4:89 demande aux musulmans de ne se fier aux mécréants que s'ils émigrent vers la nouvelle communauté, en signe d'allégeance et de conversion. Le Coran manifeste une grande méfiance à l'égard des nomades, ces éternels migrants sans domicile fixe qui déclaraient leur allégeance à Mahomet et par la suite retournaient dans le désert (ta'rib), échappant ainsi à son contrôle, dans un moment critique où la nouvelle communauté avait besoin de guerriers pour se défendre et s'étendre (9:97; 9:90, 99, 101, 120 et 49:14).

Les immigrés avaient tout abandonné derrière eux et ils étaient appelés à rompre tout lien avec les mécréants, y compris les liens familiaux (9:23). Ils se trouvaient dans le dénuement total. Ils devaient alors être pris en charge par les autres membres de la communauté. Le Coran incite les riches à les aider (24:22). L'accord établi par Mahomet, entre les immigrés, les Ansar et les juifs vivant à Médine, affirme que ces trois groupes constituent une seule communauté. Le Coran consacre une part du butin de guerre aux immigrés et il les place même avant les résidents (59:8-10). Il établit une fraternité entre les croyants (49:10; 3:103; 9:11) impliquant des droits successoraux, droits réservés par la suite aux parentés (33:6).

Les légistes musulmans classiques estiment que la migration vers la Terre d'islam continuera tant que persistera la division entre la Terre d'islam et la Terre de mécréance. Ils invoquent une parole de Mahomet qui aurait dit: "La migration vers la communauté musulmane ne prend pas fin tant que les mécréants sont combattus". Tout musulman qui se trouve en Terre de mécréance doit émigrer vers la Terre d'islam. Il ne peut y rester que s'il était en mesure de vivre selon les normes religieuses musulmanes ou s'il n'est pas en mesure d'émigrer pour cause de maladie, de faiblesse ou de contrainte. Ibn-Qudamah (décédé en 1223) écrit que même si un musulman peut accomplir ses devoirs religieux, en Terre de mécréance, il est préférable qu'il émigre vers la Terre d'islam pour pouvoir faire le jihad contre les mécréants et agrandir le nombre des musulmans. Et si les musulmans vivant en Terre de mécréance doivent émigrer vers la Terre d'islam, à plus forte raison les légistes musulmans classiques voient-ils d'un mauvais œil la migration des musulmans de la Terre d'islam vers la Terre de mécréance. Ils ne s'en occupent d'ailleurs que très peu. Aussi Al-Jurjani (décédé en 1413) définit-il la migration comme "le fait de mettre un terme à son séjour parmi les mécréants et d'intégrer la Terre d'islam". C'est le seul sens de la migration admis par les légistes classiques.

S'appuyant sur l'autorité de Malik, Ibn-Rushd (décédé en 1126), imam de la Mosquée de Cordoue et grand-père d'Averroès, affirme que l'obligation de migration est maintenue jusqu'au jour de la résurrection. Il cite les versets 4:97-98 et 8:72 et le récit de Mahomet: "Je suis quitte de tout musulman qui séjourne parmi les polythéistes". Le converti à l'islam, dans un pays mécréant, doit émigrer vers la Terre d'islam pour que les normes musulmanes lui soient appliquées. À plus forte raison, le musulman ne peut se rendre en Terre de mécréance, car les lois mécréantes lui seront appliquées. Il ne peut s'y rendre que s'il cherche à racheter un musulman tombé en captivité. S'il y va volontairement pour une autre raison, il ne peut présider la prière et son témoignage est rejeté. Ibn-Rushd demande à l'autorité musulmane d'installer sur les routes des contrôles afin que personne ne puisse se rendre dans ce genre de pays, notamment s'il transporte ce qui est interdit et qui pourrait renforcer les mécréants dans leurs guerres contre les musulmans. Dieu, dit-il, a fixé à chacun une destinée à laquelle il parviendra et les richesses qu'il obtiendra.

Ibn-al-Arabi (décédé en 1148), juge de Séville, s'oppose aussi au séjour du musulman en Terre de mécréance ainsi qu'en Terre de schisme (Dar al-bid'ah) (en vertu du verset 6:68). Il prescrit aussi au musulman d'émigrer du pays dominé par l'illicite (haram) et du pays où il y a un danger pour sa santé, sa personne, ses biens et ses proches. Il cite Abraham (29:26 et 37:99) et Moïse (28:21) qui avaient fui devant la peur.

On retrouve cette opposition chez le grand Soufi andalou Ibn-Arabi (décédé en 1240):
    Veille à émigrer et à ne pas rester parmi les mécréants, car y rester constitue une insulte à la religion de l'islam, une élévation de la parole de la mécréance au-dessus de la parole d'Allah. En effet, Dieu n'a ordonné le combat que pour que la parole de Dieu soit supérieure, et la parole des mécréants l'inférieure. Prends garde de ne pas séjourner ou de ne pas entrer sous la protection (dhimmah) d'un mécréant autant que cela t'est possible. Sache que celui qui séjourne parmi les mécréants - tout en pouvant les quitter - n'a pas de part dans l'islam, car le Prophète dit: "Je suis quitte de tout musulman qui séjourne parmi les polythéistes". Il ne lui a donc pas reconnu la qualité de musulman. Dieu a dit de ceux qui sont morts parmi les mécréants: "Au moment de les emporter, les anges disent à ceux qui se sont fait tort à eux-mêmes: 'En quel état étiez-vous?' Ils répondent: 'Nous étions faibles sur la terre'. Les anges disent: 'La terre de Dieu n'est-elle pas assez vaste pour vous permettre d'émigrer?' Voilà ceux qui auront la géhenne pour refuge: quelle détestable fin!"(4:97).

    C'est la raison pour laquelle nous avons interdit aux gens dans cette époque de visiter Jérusalem ou d'y séjourner du fait qu'elle se trouve dans les mains des mécréants. Le pouvoir leur appartient, ainsi que la domination sur les musulmans, et les musulmans avec eux se trouvent dans la pire des situations - que Dieu nous garde de la domination des passions. Ceux parmi les musulmans qui visitent aujourd'hui Jérusalem ou y séjournent sont ceux à propos desquels Allah dit: "Leurs actions sont vaines et nous n'attribuerons aucun poids à celles-ci le Jour de la Résurrection" (18:104). De ce fait, émigre de toute créature humaine blâmée par la loi religieuse et qui a été blâmée par la Vérité dans son Livre ou sur la langue du Prophète d'Allah.
En application de cette doctrine de la migration, les musulmans ont quitté les pays qui ont été reconquis par les chrétiens. Ainsi en 1091, la reconquête chrétienne de la Sicile fut achevée après une occupation musulmane d'un peu plus de 270 années. Un grand nombre de musulmans quittèrent l'île pour se réfugier de l'autre côté de la Méditerranée. L'Imam Al-Mazari, originaire de Mazara en Sicile, (décédé en 1141, en Afrique du Nord) répondant à des musulmans vivant en Sicile leur rappela l'interdiction de séjourner en Terre de mécréance. Cette règle, cependant, connaît des exceptions:
  • le séjour dans un pays ennemi pour une raison impérieuse;

  • le séjour volontaire mais en ignorant que le séjour est interdit;

  • le séjour en territoire ennemi en espérant l'arracher d'entre les mains des occupants et le restituer aux musulmans, ou parvenir à mettre les infidèles sur la bonne voie, ou, du moins, à les détourner d'une hérésie quelconque.
Avec la capitulation de Tolède en 1085, la grande majorité des musulmans quittèrent la ville. Ceux qui y sont restés pouvaient garder leur mode de vie, leurs propriétés, leurs lieux habituels de résidence, ainsi que leur régime fiscal et leur liberté de culte contre le paiement d'un tribut. Ces musulmans étaient méprisés par ceux qui avaient émigré et par ceux qui n'avaient pas été conquis. Ils les appelaient Ahl al-dajn, ou Mudajjan – et en Espagnol Mudéjar - mots utilisés pour qualifier les animaux apprivoisés ou domestiqués, par opposition aux animaux sauvages ou libres. Nombre de musulmans se convertirent au christianisme mais continuèrent de vivre secrètement leur foi, s'exposant à la fureur de l'Inquisition. Ils furent appelés les Morisques. La tolérance des rois chrétiens d'Espagne à l'égard de leurs sujets, tant juifs que musulmans, ne devait pas durer. Après avoir décidé d'expulser les juifs en 1492, ils décidèrent d'expulser aussi les musulmans, expulsion qui fut achevée dans toute l'Espagne au cours de l'année 1610.

Les Morisques, sous le pouvoir chrétien, cachaient leur religion, en recourant à la dissimulation comme le permet le Coran:
    Que les croyants ne prennent point les infidèles, comme affiliés, à l'exclusion d'autres croyants! Quiconque fera cela ne participera d'Allah en rien, à moins que vous ne redoutiez d'eux quelque fait redoutable (3:28).

    Celui qui renie Allah après avoir eu foi en Lui - excepté celui qui a subi la contrainte et dont le cœur reste paisible en sa foi -, ceux dont la poitrine s'est ouverte à l'impiété, sur ceux-là tomberont le courroux d'Allah et un tourment terrible (16:106).
La dissimulation consiste à dire ou à montrer le contraire de ce qu'on pense ou de ce qu'on est réellement afin d'éviter un danger éminent pour soi ou pour les autres. Elle est admise tant par les juristes sunnites que chiites.

Légitimant une telle attitude, une fatwa (décision religieuse) du mufti Ahmad Ibn Jumaira, datée du début de décembre 1504, donnait aux Morisques des consignes précises pour s'adapter au milieu qui leur était hostile. Ainsi, si les chrétiens les obligeaient à injurier le Prophète, ils devaient prononcer son nom comme Hamed, à la manière des chrétiens et penser, non à l'envoyé de Dieu, mais à Satan ou à une personne juive du nom de Muhammad. S'ils étaient forcés de se rendre à l'église, à l'heure de la prière musulmane, ils étaient dispensés de celle-ci, et le culte leur serait compté comme s'ils avaient accompli la prescription coranique, tournés vers la Mecque. S'ils étaient empêchés de faire la prière le jour, ils devaient la faire la nuit. L'ablution rituelle pouvait également être remplacée. Suivant les circonstances, ils se plongeaient dans la mer, ou frottaient le corps avec une substance propre, terre ou bois. S'ils étaient obligés de boire du vin ou de manger du porc, ils pouvaient le faire, mais en sachant que c'était un acte impur et à condition de le condamner mentalement. Si les Morisques étaient forcés de renier leur foi, ils devaient essayer d'être évasifs; si on les pressait, ils devaient intérieurement nier ce qu'on les obligeait à dire.

La fatwa précédente concernerait les musulmans qui ne pouvaient pas émigrer de leur pays. Quant à ceux qui le pouvaient, Al-Wansharisi (décédé en 1508) est d'avis, dans deux fatwas datant de 1484 et 1495, qu'ils ne devaient pas rester. Il estime que la migration de la Terre de mécréance vers la Terre d'islam reste un devoir jusqu'au jour de la résurrection. Seul est dispensé de la migration celui qui ne peut l'accomplir pour raison de paralysie, de captivité, de maladie grave ou de grande faiblesse. Celui-ci doit cependant garder l'intention d'émigrer dès qu'il le pourra. Celui qui refuse d'émigrer quitte la communauté et approuve la supériorité de la mécréance sur l'islam. Il ne pourra accomplir ni la prière sans que les mécréants se moquent de lui - ce qui est condamné par le Coran (5:58), ni le devoir de l'aumône légale due à l'imam - qui est un élément important de l'islam, ni le devoir du jeûne de Ramadan, ni le pèlerinage à la Mecque, ni le jihad. Ce séjour en Terre de mécréance est contraire à la parole de Mahomet qui dit: "Le musulman ne doit pas s'avilir"; et "La main supérieure est meilleure que la main inférieure". Un tel séjour expose les musulmans, notamment les petits, les incapables et les femmes, à la perversion en matière de religion. D'autre part, les descendants des musulmans risquent, en restant parmi les mécréants, d'être détournés par les non-musulmans de leur religion par le mariage et de copier leurs habitudes, leurs habits, leurs mauvaises coutumes et leur langue. Or, si l'on perd la langue arabe, on perd le culte qui lui est lié. Enfin, les musulmans ne peuvent pas se fier aux mécréants qui peuvent trouver des prétextes pour les accabler de taxes et manquer à leurs engagements.



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