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Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités

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par Sami Aldeeb  -  07/03/2007



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.


Chapitre II. Loi islamique et minorités non-musulmanes

Les musulmans considèrent que la loi émane de Dieu, mais Dieu a promulgué des lois différentes pour les différents groupes dans plusieurs périodes.

D'après la perception coranique, Dieu a envoyé avant Mahomet des prophètes pour transmettre sa loi à l'humanité. Muhammad est le dernier de ces prophètes et son message constitue l'achèvement des messages antérieurs. Par conséquent, toute l'humanité doit se rallier à son message et doit le suivre.

Mahomet s'est efforcé de son vivant de réaliser ce projet. Il a engagé des discussions avec les juifs et les chrétiens afin qu'ils le reconnaissent, invoquant le fait que leurs livres sacrés prévoient la venue d'un sauveur. Mais ces deux groupes ont refusé, estimant que leurs livres ne mentionnent pas le nom de Mahomet. Celui-ci a alors rétorqué qu'ils avaient falsifié leurs livres pour faire disparaître son nom et les a accusés d'avoir été infidèles à leurs prophètes: les juifs croyant aux Gibt et aux Taghout et adorant Moïse, leurs grands prêtres et Ozayr, et les chrétiens adorant Dieu, Jésus et Marie. Il a du se rendre à l'évidence que ses efforts étaient vains, attribuant cette situation à la volonté divine:
    Si Allah avait voulu, certes Il aurait fait de vous tous une seule communauté. Mais Il veut vous éprouver en ce qu'Il vous donne. Concurrencez donc dans les bonnes oeuvres. C'est vers Allah qu'est votre retour à tous; alors Il vous informera de ce en quoi vous divergiez (5:48; voir aussi 2:145; 11:118; 16:93 et 42:8).
Il recommande à ses Compagnons d'adopter une attitude correcte avec les Gens du Livre et demande à ce groupe de parvenir à une compréhension commune avec les musulmans:
    Ne discutez que de la meilleure façon avec les gens du Livre, sauf ceux d'entre eux qui sont injustes. Et dites: "Nous croyons en ce qu'on a fait descendre vers nous et descendre vers vous, tandis que notre Dieu et votre Dieu est le même, et c'est à Lui que nous nous soumettons" (29:46; voir aussi 3:64; 16:125).
Ce débat théologique détermine le statut légal des non-musulmans, statut principalement régi par quatre vers:
    Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu'à ce qu'ils versent la capitation par leurs propres mains, après s'être humiliés (9:29).

    Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Chrétiens, et les Sabéens, quiconque d'entre eux a cru en Allah, au Jour dernier et accompli de bonnes oeuvres, sera récompensé par son Seigneur; il n'éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé (2:62).

    Ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Sabéens, et les Chrétiens, ceux parmi eux qui croient en Allah, au Jour dernier et qui accomplissent les bonnes oeuvres, pas de crainte sur eux, et ils ne seront point affligés (5:69).

    Certes, ceux qui ont cru, les Juifs, les Sabéens, les Chrétiens, les Zoroastriens et les polythéistes, Allah tranchera entre eux le jour de Jugement, car Allah est certes témoin de toute chose (22:17).
Les légistes classiques ont déduit de ces versets que les Gens du Livre: les juifs, les chrétiens, les sabéens et les zoroastriens (mages), auxquels on ajouta les samaritains, ont le droit de vivre au sein de l'État musulman malgré les divergences théologiques qui les séparent des musulmans. Certes, on ne désespère pas de les voir un jour devenir musulmans, mais le Coran rejette le recours à la contrainte pour les convertir: "Pas de contrainte en religion" (2:256). La cohabitation entre musulmans et Gens du Livre se fait cependant, non pas d'égal à égal, mais de dominant à dominé, les Gens du Livre devant s'acquitter d'un tribut (jizyah), en état d'humilité (9:29), et se soumettre à certaines normes discriminatoires, notamment en matière de droit de famille. Ainsi par exemple les musulmans pourront prendre les femmes des Gens du Livre, mais ceux-ci ne pourront pas prendre les femmes des musulmans (2:221; 5:5; 60:10). Ils seront appelés les dhimmis, les protégés des musulmans, mais ces derniers devront observer à leur égard une méfiance constante, même s'ils avaient avec eux des liens de parenté:
    Ô vous qui croyez! Ne prenez pas pour amis les juifs et les chrétiens; ils sont amis les uns des autres. Celui qui, parmi vous, les prend pour amis, est des leurs. Dieu ne dirige pas le peuple injuste (5:51; voir aussi 3:28 et 9:8).

    Ô vous qui croyez! Ne prenez pas pour amis vos pères et vos frères, s'ils préfèrent l'incrédulité à la foi. Ceux d'entre vous qui les prendraient pour amis, seraient injustes (9:23).
Cela ne doit cependant pas exclure des rapports basés sur la justice, sauf cas d'hostilité:
    Dieu ne vous interdit pas d'être bons et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus à cause de votre foi et qui ne vous ont pas expulsés de vos maisons. Dieu aime ceux qui sont équitables. Dieu vous interdit seulement de prendre pour patrons ceux qui vous combattent à cause de votre foi; ceux qui vous expulsent de vos maisons et ceux qui participent à votre expulsion (60:8-9).
Pour résoudre les contradictions qui existent entre les versets tolérants et ceux moins tolérants, les légistes classiques recourent à la théorie de l'abrogation: un verset portant sur une affaire est abrogé par un verset ultérieur portant sur cette même affaire. Or, les légistes classiques n'ont pu se mettre d'accord ni sur la portée ni sur la datation des versets, certains n'hésitant pas à considérer tous les versets tolérants du Coran à l'égard des non-musulmans comme abrogés purement et simplement par les versets suivants.
    Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. Mais s'ils se repentent, s'ils s'acquittent de la prière, s'ils font l'aumône, laissez-les libres. Dieu est celui qui pardonne, il est miséricordieux (9:5).

    Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu'à ce qu'ils versent la capitation par leurs propres mains, après s'être humiliés (9:29).
Le premier verset est appelé le verset du sabre. Cette interprétation est adoptée dans notre siècle par Sayyid Qutb (exécuté en 1966). Celui-ci, commentant le verset 9:29, écrit que ce verset et les suivants concernent tous les gens du Livre, tant à l'intérieur de l'Arabie qu'à l'extérieur. Ils ordonnent de combattre les gens du Livre qui s'écartent de la religion de Dieu jusqu'à paiement du tribut en état d'humilité. On ne les contraindra pas à devenir musulmans car la norme en vigueur à ce sujet est: "pas de contrainte en religion", mais on ne les laissera à leur religion que s'ils paient le tribut à la suite d'un traité avec les musulmans.

Quoi qu'il en soit, les relations entre les musulmans et les membres des autres communautés religieuses ont connu des hauts et des bas, et nombreux furent ceux qui se convertirent avec le temps à l'islam. Ceux qui sont restés fidèles à leur foi, pouvaient bénéficier d'une certaine autonomie législative et judiciaire, notamment en matière de droit de famille. L'État musulman d'alors était plus un collecteur d'impôt qu'un gestionnaire de la société, d'autant plus que les juifs et les chrétiens étaient plus évolués que les bédouins venus occuper leurs pays. C'est pourquoi ils ont été pendant longtemps chargés de leur administration par les autorités musulmanes. Le Coran dit à cet égard:
    Nous avons fait descendre le Thora dans laquelle il y a guide et lumière. C'est sur sa base que les prophètes qui se sont soumis à Allah, ainsi que les rabbins et les docteurs jugent les affaires des Juifs. Car on leur a confié la garde du Livre d'Allah, et ils en sont les témoins. Ne craignez donc pas les gens, mais craignez Moi. Et ne vendez pas Mes enseignements à vil prix. Et ceux qui ne jugent pas d'après ce qu'Allah a fait descendre, les voilà les mécréants. … Et Nous avons envoyé après eux Jésus, fils de Marie, pour confirmer ce qu'il y avait dans la Thora avant lui. Et Nous lui avons donné l'Évangile, où il y a guide et lumière, pour confirmer ce qu'il y avait dans la Thora avant lui, et un guide et une exhortation pour les pieux (5:44 et 46).
Ce système juridique multiconfessionnel persiste encore aujourd'hui dans certains pays arabes, mais la tendance va vers l'unification. Ainsi en Jordanie ou en Syrie, les communautés religieuses non-musulmanes appliquent leurs lois religieuses en matière de droit de famille, à l'exception des successions, et ont leurs propres tribunaux religieux, alors que l'Égypte a supprimé ces tribunaux religieux en 1955.

Nous pouvons donc dire que dans l'état comme établi par Muhammad, la religion reste le critère de division. Il y a les musulmans qui forment l'ummah qualifiée par le Coran comme "la meilleure communauté qu'on ait fait surgir pour les hommes" (3:110). A côté de ce groupe principal, il y a les groupes qui ont des livres révélés: ils peuvent rester dans le pays, garder leur croyance, avoir leurs lois et leurs juridictions, mais ils doivent accepter des droits restreints et payer le tribut. Cette tolérance n'a pas été appliquée à ceux parmi eux qui habitaient en Arabie. Mahomet, sur son lit de mort, aurait appelé Umar (décédé en 644), le futur 2ème calife, et lui aurait dit: "Deux religions ne doivent pas coexister dans la Péninsule arabe". Il ne suffisait plus de payer le tribut comme leurs coreligionnaires dans les autres régions dominées par les musulmans. Rapportant la parole de Mahomet, Mawerdi écrit: "Les tributaires ne furent pas admis à se fixer dans le Hijaz; ils ne pouvaient y entrer nulle part plus de trois jours". Leurs cadavres mêmes ne sauraient y être enterrés et, "si cela a eu lieu, ils seront exhumés et transportés ailleurs, car l'inhumation équivaut à un séjour à demeure". Les légistes musulmans classiques ne se sont pas mis d'accord sur les limites géographiques dans lesquelles cette norme devait s'appliquer. Aujourd'hui seule l'Arabie saoudite l'invoque pour priver sur son territoire tous les non-musulmans du droit de pratiquer leurs cultes.

En ce qui concerne les polythéistes, ceux qui n'ont pas de livres révélés, Mahomet au début de sa mission semblait être disposé à leur faire quelques concessions comme il avait fait avec les Gens du Livre. Un passage du Coran rapporté par Al-Tabari (décédé en 923) reconnaissait trois de leurs divinités: Al-Lat, Al-Uzzah et Manat. Mais, face à ses compagnons qui y voyaient une atteinte au monothéisme, Mahomet dénonça ce passage comme étant révélé par Satan (d'où Les Versets sataniques de Salman Rushdie). Bien que ce passage ait disparu du Coran, il en reste des traces qui confirment la polémique qu'il provoqua (53:19-23). Mahomet admit aussi la possibilité de conclure un pacte avec les polythéistes (9:3-4). Mais ceci fut aussi dénoncé (9:7-11) et les polythéistes furent sommés, en vertu du verset du sabre (9:5) cité plus haut, soit de se convertir, soit de subir la guerre jusqu'à la mort.

Les musulmans sont convaincus qu'un jour toute l'humanité deviendra musulmane, et qu'ils étendront le royaume de l'islam au monde entier. La conversion à islam est encouragée par différents moyens. En même temps, la conversion de l'islam (apostasie) est interdite. Nous avons des normes contradictoires dans le Coran et la Sunnah concernant cette question. Le Coran dit: "Pas de contrainte en religion" (2:256). On est libre de devenir musulman, voire encouragé à le faire, mais le musulman, qu'il soit né d'une famille musulmane ou converti à l'islam, n'a pas le droit de quitter sa religion. Il s'agit donc d'une liberté religieuse à sens unique. Le Coran ne prévoit pas de châtiment précis contre l'apostat bien qu'il en parle à plusieurs reprises en utilisant soit le terme kufr (mécréance), soit le terme riddah (abjuration). Seuls des châtiments dans l'autre vie y sont prévus si l'on excepte le verset 9:74 qui parle de châtiment douloureux en ce monde, sans préciser en quoi il consiste. Les récits de Mahomet sont en revanche plus explicites:
    Celui qui change de religion, tuez-le.

    Il n'est pas permis d'attenter à la vie du musulman sauf dans les trois cas suivants: la mécréance après la foi, l'adultère après le mariage et l'homicide sans motif.
Mawerdi définit comme suit les apostats:
    Ceux qui étant légalement musulmans, soit de naissance, soit à la suite de conversion, cessent de l'être, et les deux catégories sont, au point de vue de l'apostasie, sur la même ligne.
Sur la base des versets coraniques et des récits de Mahomet, les légistes classiques prévoient la mise à mort de l'apostat après lui avoir accordé un délai de réflexion de trois jours. S'il s'agit d'une femme, certains légistes préconisent de la mettre en prison jusqu'à sa mort ou son retour à l'islam. Il faut y ajouter des mesures d'ordre civil: le mariage de l'apostat est dissous, ses enfants lui sont enlevés, sa succession est ouverte, il est privé du droit successoral. L'apostasie collective donne lieu à des guerres. Le sort réservé aux apostats est alors pire que celui réservé à l'ennemi, aucune trêve n'étant permise avec les apostats.



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