Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités
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par Sami Aldeeb - 03/03/2007
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Chapitre I. Conception de la loi
2) Conception occidentale de la loi
La conception judéo-musulmane de la loi comme émanation de Dieu, législateur souverain suprême, est différente de la conception de la loi dans les pays occidentaux christianisés, conception basée sur l'idée de la souveraineté du peuple qui décide les lois le gouvernant, dans l'intérêt public (res publica). Ces lois sont votées et sont amendées par le peuple d'après leurs intérêts matériels et leurs valeurs morales, voire religieuses. Mais ces intérêts et ces valeurs peuvent changer et ils sont soumis au verdict de la majorité. Cette conception est le résultat d'une lutte violente pour séparer l'Eglise de l'Etat. Mais elle a aussi ses racines dans l'attitude du Christ envers la loi. Contrairement à l'Ancien Testament et au Coran, l'Évangile reste un livre principalement moral. Jésus n'était pas juriste; il n'a jamais exercé une fonction politique, contrairement à Moïse ou à Mahomet. Il a refusé de traiter avec la loi même quand elle est prescrite dans la Torah.
Lorsque les scribes et les pharisiens amenèrent à Jésus une femme surprise en flagrant délit d'adultère et lui demandèrent ce qu'il pensait de l'application de la peine de lapidation prévue par la loi de Moïse, il leur demanda: "Que celui d'entre vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre". Et comme tous sont partis sans oser jeter une pierre, il dit à la femme: "Moi non plus, je ne te condamne pas. Va désormais ne pêche plus" (Jean 8:4-11). Dans un autre cas, quelqu'un lui dit: "Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage". Il lui répondit: "Homme, qui m'a établi pour être votre juge ou régler vos partages?" Et il ajouta pour la foule qui l'entendait: "Attention! Gardez-vous de toute cupidité, car au sein même de l'abondance, la vie d'un homme n'est pas assurée par ses biens" (Luc 12:13-15). Son annulation de la loi du talion est aussi significative (Matthieu 5:38-39), loi sur laquelle le Coran insiste. On rappellera aussi la fameuse phrase du Christ sur laquelle on base la séparation entre la religion et l'État: "Rendez à César ce qui est à César, et à dieu ce qui est à Dieu" (Matthieu 22:21).
Nous pouvons ici comparez l'attitude de Jésus avec cela de Muhammad. Concernant l'héritage, Jésus a refusé de donner une décision, préférant la morale à l'arithmétique. Son attitude est complètement différente de celle adoptée par le Coran qui va dans les détails fixant les quotas de chaque personne dans la famille. Concernant l'adultère, Muhammad a été affronté avec un cas semblable. Les Juifs lui ont apporté un homme et une femme qui ont commis l'adultère. Il leur a demandé ce que la Bible prévoit pour un tel acte. Ils ont dit la lapidation (Lévitique 20:10; Deutéronome 22:22-24), en ajoutant que comme ils ne pouvaient pas appliquer cette norme contre le riche, ils ont changé cette norme en noircissant le visage des pécheurs avec le charbon et en les battant. Muhammad a refusé ce changement décidé par la communauté juive et a fait lapider l'homme et la femme comme le prévoit la Bible. Pour justifier sa décision, il a récité le verset coranique: "Ceux qui ne jugent pas d'après ce qu'Allah a fait descendre, ceux-là sont les pervers" (5:47). Jésus dans ce cas est un moraliste, Muhammad est un zélote.
Comme l'Évangile ne comporte que très peu de normes légales, il était facile pour les pays christianisés de créer leurs propres lois, au début par décision d'un dictateur, et ensuite par décision populaire, démocratique. C'est intéressant ici de mentionner la définition de la loi donnée dans le 2e siècle par le Jurisconsulte romain Gaius: "La loi est ce que le peuple prescrit et établit" (Lex est quod populus iubet atque constituit). Cette définition sonne moderne. La méconnaissance de cette norme chez les juifs et les musulmans est la raison de la difficulté que rencontrent ces deux groupes à concevoir une société séparant le temporel et le spirituel et un pouvoir politique véritablement démocratique, la démocratie signifiant justement le pouvoir du peuple. Signalons ici qu'Israël n'a toujours pas de constitution.
La conception occidentale de la loi se retrouve dans les instruments internationaux des droits de l'homme. Si nous prenons la Déclaration Universelle des droits de l'homme, nous remarquons qu'elle est proclamée par l'Assemblée Générale. Dieu n'y est mentionné. Il a été exclu intentionnellement.
De ce qui précède, nous pouvons conclure que, sur le niveau légal, c'est faux de parler de "culture judéo-chrétienne". Nous devons plutôt dire: "Culture judéo-musulmane", par opposition à "Culture romaino-chrétienne".