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Réponses à Jean-Pierre sur son témoignage

"Questions aux croyants monothéistes"
(Jean-Pierre - 06/10/2011)

(François -   29/03/2013)



Bonjour Monsieur,

Je vous remercie pour votre témoignage et, en tant que croyant pratiquant chrétien, je me propose d'apporter quelques éléments de réponses.

Question 1 : "Y a-t-il des auteurs croyants monothéistes qui considèrent leur texte sacré à 100% comme mythique (même si ça et là il met en scène des faits réels, comme par exemple les Évangiles le règne d'Hérode) ?"

Après avoir visionné les cours de l'exégète biblique, et titulaire de la chaire "Milieux Bibliques" du Collège de France, Thomas Römer, je peux désormais citer le nom d'un spécialiste indifférent au fait que les récits de la Bible soient mythologiques ou non.

Les cours en question sont visibles sur le site internet du Collège de France (http://www.college-de-france.fr/site/thomas-romer/index.htm). Je me souviens d'un cours mentionnant un commentaire du genre "Le fait que les récits bibliques soient mythologiques ne change rien" (à la pratique ou à la foi d'un croyant j'imagine).
Pour préciser l'un de vos commentaire, il me semble que l'introduction d'éléments historiques dans un récit mythologique crée davantage une légende qu'un mythe.

Question 2 et 3 : "Autrement dit un croyant monothéiste peut-il se désintéresser totalement de la question de la vérité historique des textes, par exemple un Juif accepter que l'Exode, un chrétien le personnage de Jésus, un musulman le personnage de Mahomet soient des mythes, certes porteurs d'un sens d'inspiration divine, mais sans prétention à une vérité historique, objective ? Y a-t-il des auteurs connus qui correspondent à cette description ?"

Pour moi, le fait que Jésus de Nazareth ait eu une existence réelle ou que l'Exode se soit réellement déroulé est juste sans objet pour ma pratique.

Pour reprendre certains thèmes développés par l'anthropologue Pascal Boyer dans son passionnant essai "Et l'homme créa les dieux", je pense que le bénéfice physiologique associé à la méditation chrétienne fonctionne, d'un point de vue comportemental, grâce à l'exposition de mon organisme à des stimuli (auditifs, visuels, etc.) traités par mon système nerveux central lors d'occasions particulières (cultes par exemple). Ce traitement, modifié par l'apprentissage réalisé par mon organisme, me permet de bénéficier d'expériences sensorielles agréables (y a-t-il de la dopamine sécrétée en ces occasions ? Je l'ignore mais ça me semble être un sujet d'étude scientifique).

Il est possible de concevoir que les individus Homo sapiens (c'est nous, grands singes) adoptent un comportement physiologiquement motivé par la possibilité de limiter leur souffrance et de maximiser leur plaisir (source : http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_01/a_01_p/a_01_p_fon/a_01_p_fon.html). La participation à des cérémonies lors desquels des personnes imaginaires sont rendues disponibles à la méditation grâce à l'apprentissage (ou le bourrage de crânes, selon le point de vue), répond probablement à cette logique comportementale.

Ensuite, la fabrication d'un sens par mon système nerveux central prenant explicitement la forme d'affirmation d'ordre théologique est secondaire. Ce sens est peut-être pertinent pour une institution qui défend sa part de bifteck sur le marché des biens spirituels mais elle semble secondaire pour un croyant. Un individu s'intéresse davantage aux bénéfices physiologiques tirés de sa pratique qu'au nombre de paires d'ailes des anges. Donc, pour répondre à votre question, un croyant monothéiste peut se désintéresser de la vérité historique objective.

L'historiographie ayant elle-même évolué avec le temps, les faits ont bien souvent été utilisés et exploités pour servir des fins particulières. La mythologie biblique, hébraïque ou chrétienne, ne fait sans doute pas exception. Ainsi le mythique palais de Salomon, décrit dans la bible, est plus probablement celui d'Omri, fondateur de la dynastie des Omrides, vers -880 avant JC (source : La bible dévoilée, Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman).

Le fait que je considère les écritures "sacrées" comme une collection de récits, légendes, contes, poèmes ne change rien à ma pratique. Mon cerveau fabrique du sens et ceci de manière irrationnelle (voir les hallucinations auditives, visuelles, l'illusion du masque creux, l'expérience de Heider et Simmel en 1944, etc).
Je défends l'hypothèse que mon cerveau travaille avec des constructions mentales élaborées à partir de stimuli internes et externes et que ce sont ces stimuli qui me permettent d'expérimenter les effets de la méditation chrétienne. Donc, que Dieu existe concrètement ou non est sans objet tant que les inférences non conscientes exploitées par mon cerveau pour élaborer une "PERSONNE" fonctionnent. L'effet de la méditation ne dépendrait donc pas de la raison mais de l'élaboration, pour une bonne part non consciente, d'un concept de "PERSONNE" imaginaire.

La théorie de Pascal Boyer va même plus loin. Il me semble qu'il est indispensable que les stimuli traités par les croyants concernent des "PERSONNES" qui ont des capacités dites "surnaturelles" telles que marcher sur l'eau, ressusciter les morts, animer des poteries en soufflant dessus, etc. Le traitement de ces objets mentaux imaginaires seraient différents s'ils ne concernaient, disons, que la vie de Maurice, l'épicier du coin de ma rue, installé là depuis 45 ans. Ça n'est pas que la vie de Maurice ne soit pas passionnante, c'est juste que lire un récit mettant en scène un agent dit "surnaturel" (dieu, ancêtre, esprit, fantôme) produirait des effets physiologiques différents de ceux liés à la lecture de la biographie de ce cher Maurice.

Il est possible d'objecter que cette suspension consentie de l'incrédulité pour bénéficier d'effets physiologiques est propre aux croyants. Pour ma part, elle me semble largement répandue dans l'espèce humaine (voir page : http://fr.wikipedia.org/wiki/Suspension_consentie_de_l%27incrédulité). Des comportements tels que la lecture d'un roman ou le visionnage d'un film fantastique pourraient illustrer ce choix comportemental. De plus, du point de vue des écoles philosophiques grecques, l'Épochè était également pratiquée par les sceptiques et les stoïciens à des fins ataraxiques.

Pour répondre à la troisième question, je dois avouer mon incapacité à vous fournir le nom d'un auteur connu développant une approche mythologique des récits bibliques hébraïques ou chrétiens.

Je vous conseille, Monsieur, la lecture de l'essai de l'anthropologue Pascal Boyer "Et l'homme créa les dieux". Il me semble complet et très riche en références. Je serai très heureux de prendre connaissance de tout commentaire.

Pour finir, je suis d'accord avec vous qu'une attitude reposant sur une approche "réaliste" aurait l'avantage de désamorcer le potentiel de dogmatisme et de violence du monothéisme.

Cordialement.


François



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