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Les dangers du créationnisme dans l’éducation

Rapport du Conseil de l'Europe

B. Exposé des motifs par M. Guy Lengagne, rapporteur

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B. Exposé des motifs par M. Guy Lengagne, rapporteur

1. M. McIntosh et dix-huit de nos collègues ont signé une proposition de recommandation intitulée : "Les dangers du créationnisme dans l’éducation". C’est pour étudier le bien-fondé de cette recommandation que notre assemblée a décidé de confier à la commission de la culture le soin d’élaborer un rapport sur cette importante et difficile question.

2. Le créationnisme étant d’abord une réaction à la théorie de l’évolution, il a paru important de bien définir celle-ci. De plus, le créationnisme le plus orthodoxe nie même le caractère scientifique de la théorie de l’évolution mais prétend de son coté être une science. On ne peut aborder sérieusement cette question sans utiliser un minimum de définitions précises.

3. Ceci a donc obligé votre rapporteur à entrer, dans la première partie de son travail, dans des considérations techniques qui pourront peut-être paraître quelque peu arides…Mais on ne peut pas sérieusement montrer que l’évolution est une véritable science et que le créationnisme, qui est du ressort de la religion, ne peut prétendre au statut de science et dès lors ne peut être enseigné comme tel, sans entrer un peu dans le domaine de la biologie.


L’évolution : une véritable théorie scientifique

4. Plusieurs théories se sont affrontées à propos des origines de l’Univers, de la Terre et des Espèces. A toutes époques, les Hommes se sont interrogés sur leurs origines et sur l’origine de la Terre. D’où venons-nous ? Les religions disent apporter aux Hommes des réponses et parmi elles, celle qui consiste à penser qu’à l’origine de tout, de l’Univers, de la Terre et des Hommes, il y a un être suprême, un Dieu. Cette croyance en un "Dieu Créateur" tout puissant constitue l’un des principaux fondements des trois principales religions monothéistes, Judaïsme, Christianisme, et Islam.

5. En 1802, William Paley (1743-1805), Archidiacre anglais, établit la théorie de la théologie naturelle. Il écrit qu’un homme qui trouve une montre sur une plage ne peut nier l’existence d’une intelligence supérieure qui a conçu, fabriqué et perdu cet objet. Dieu n’est autre que l’horloger du monde, et l’homme découvre, dans les trésors de la nature, le résultat de son projet. En opposition à la théologie naturelle de William Paley et au récit biblique de la Genèse, diverses controverses vont naître au XIXe siècle.

6. Le premier grand séisme va émerger des travaux de Jean Baptiste Lamarck (1744-1829), biologiste français. Au début du XIXe siècle, J.B. Lamarck présente sa théorie fondamentale du transformisme dans une œuvre intitulée Philosophie Zoologique. Un demi-siècle plus tard, le 29 novembre 1859, Charles Darwin (1809-1882) publie un ouvrage intitulé L’origine des Espèces, (Titre original: "On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life"). Dans cet ouvrage, Charles Darwin avance à son tour l’idée selon laquelle les espèces se transforment. Aujourd’hui, cet ouvrage est considéré comme fondateur de la théorie de l’évolution. Cette théorie, qui se pose en véritable rupture avec les connaissances et les appréhensions de l’époque, soutient que les êtres vivants voient leurs caractéristiques biologiques évoluer dans le temps et que s’opère une véritable sélection naturelle pour la survie des espèces. Par ses travaux et son ouvrage, Charles Darwin propose aux hommes de son époque une hypothèse nouvelle quant à l’évolution des espèces et des Hommes. Les travaux de Charles Darwin marquent la fin de [ l’] accord entre l’histoire naturelle et la tradition chrétienne, ainsi que la naissance de courants antiévolutionnistes(1).

7. Dès lors, vont s’opposer deux camps : le camp de ceux qui sont convaincus que pour défendre la théologie chrétienne il faut s’opposer à Darwin, et le camp de ceux qui pensent qu’avec la théorie de la sélection naturelle l’humanité allait en finir une fois pour toutes avec les bases théoriques de "l’obscurantisme religieux".

8. Ainsi, le créationnisme est né en opposition à la théorie de l’évolution de Darwin. Il faut donc, car nous sommes ici dans le domaine de la Science, définir avec précision ce dont nous parlons : Qu’est-ce que l’Evolution ?


L’évolution

9. Rappelons que les gènes, d’où vient le mot "génétique", sont porteurs des informations relatives aux caractéristiques d’un être vivant, qu’il s’agisse d’une simple bactérie ou d’un être humain. Un gène est un "morceau" d’ADN (Acide Dédoxyribonucléique). L’ADN est le support de l’information génétique de tout organisme vivant. On sait d’ailleurs que l’étude de l’ADN, en dehors de la recherche scientifique, est de plus en plus utilisée, par exemple pour prouver ou nier une filiation ou pour élucider certaines affaires criminelles. L’ADN est, on le verra, très largement utile dans la science de l’évolution.

10. Les populations évoluent quand des individus porteurs de certains caractères (par exemple la grande taille) laissent une descendance plus nombreuse que les autres individus. Les caractères hérités des individus ayant une descendance abondante deviennent plus fréquents dans les générations suivantes :

- L’évolution biologique est définie comme une modification au cours du temps des caractères génétiques au sein d’un groupe d’êtres vivants ou d’une population.

- L’adaptation définit les caractères d’un organisme qui améliore ses capacités de survie et de reproduction en totale concordance avec son milieu naturel. Les adaptations sont des produits de la sélection naturelle.

- La biodiversité résulte des séparations répétées d’une espèce en deux nouvelles espèces ou plus (ce que les spécialistes appellent la "spéciation"). Quand une espèce unique se sépare en deux, les deux espèces résultantes partagent de nombreux caractères puisqu’elles proviennent d’un ancêtre commun.

11. L’évolution explique donc comment les organismes s’adaptent à leur environnement (par la sélection naturelle), comment la diversité de la vie est formée (par la spéciation) et pourquoi les organismes différents partagent des caractéristiques (par un ancêtre commun). Dans cet ordre d’idée, il est important de souligner qu’il est erroné d’affirmer que l’homme descend du singe ; l’homme et le singe sont étroitement apparentés, ils ont un ancêtre commun, mais il n’existe pas de descendance directe entre les deux.

12. Les preuves scientifiques de l’évolution sont multiples. Les scientifiques ont montré que l’évolution est une réalité en raison :

- de la validation apportée par les données paléontologiques,

- de nombreux cas de partage entre les organismes de caractéristiques provenant d’un ancêtre commun,

- de la réalité de la dérive des continents,

- des observations directes de changements génétiques dans les populations.

13. Notons que dans la longue chaîne de l’évolution, l’homme n’est en fait que l’un des maillons.

14. Par ailleurs, les avancées et découvertes scientifiques en matière génétique ont permis de démontrer l’existence de mutations génétiques qui se produisent aléatoirement et qui ne sont pas orientées vers un but particulier. C’est la modification des gènes dans la descendance des êtres vivants qui définit l’évolution biologique. Chez les organismes qui connaissent une reproduction sexuée, la variabilité génétique augmente par le biais du crossing-over c'est-à-dire par l’assortiment indépendant des chromosomes et la fécondation. Ces différentes mutations génétiques ainsi que tout autre processus qui réarrangent l’information génétique, concourent à l’évolution des espèces et des populations, et tendent à renforcer la variabilité des individus et des espèces sur la planète. Les modifications génétiques provoquent des différences morphologiques, biochimiques et comportementales. La sélection naturelle et/ou la dérive génétique agissent sur ces différences entre individus ou espèces afin de produire des changements évolutifs.

15. Outre la mise en évidence du processus d’évolution, les scientifiques ont pu mettre en exergue les conséquences de ce processus pour la vie sur terre. Trois caractéristiques principales définissent la vie sur terre : l’adaptation des organismes à leur environnement, la spéciation (séparation répétée d’une espèce en deux nouvelles espèces ou plus) qui contribue à la diversité de la vie sur terre, et l’existence d’ancêtres communs. L’évolution explique ces différentes caractéristiques de la vie sur terre.

16. Les données paléontologiques, tel que l’inventaire des fossiles, fournissent une preuve de l’évolution des espèces et des individus au cours du temps. Les fossiles sont des vestiges préservés d’organismes autrefois vivants. Ils permettent aux biologistes de reconstruire l’histoire de la vie sur terre, et apportent, même si un certain nombre d’incertitudes demeurent, des éléments pertinents pour accréditer l’idée que les espèces ont évolué au cours du temps. La paléontologie confirme également l’existence de nouveaux groupes d’organismes à partir d’organismes existant précédemment.

17. Le fait que des organismes partagent des caractéristiques communes est conforme aux schémas directifs des rapports évolutifs. L’une des propositions principales de l’évolution consiste à dire que les organismes devraient porter en eux-mêmes les preuves d’un passé évolutif. Et il en est bien ainsi. Les similitudes dans les modèles de développement s’expliquent par la descendance d’un ancêtre commun. Les protéines et l’ADN des organismes qui partagent un ancêtre commun sont plus proches que les protéines et l’ADN de ceux qui ne partagent pas d’ancêtre commun récent.

18. Ensuite, la dérive des continents qui résulte de la fragmentation de la Pangée (supercontinent qui a rassemblé la quasi-totalité des terres émergées de la fin du Carbonifère au début du Jurassique), il y a au moins 200 millions d’années, permet également d’apporter des preuves de l’évolution. Les fossiles des organismes qui ont évolué au temps où les continents étaient reliés ont une distribution géographique plus large que les fossiles des organismes qui ont évolué plus récemment. La dérive des continents a eu pour effet de séparer des familles d’organismes vivants, entraînant ainsi le développement indépendant, autonome de leur descendance, concourant à l’apparition de nouvelles espèces et à l’extinction d’autres espèces.

19. Enfin, les scientifiques ont pu observer, que ce soit en laboratoire ou dans la nature, des changements génétiques au cours du temps dans les populations ou les espèces étudiées. Ils ont par ailleurs pu eux-mêmes provoquer des modifications génétiques par croisement d’espèces, c’est ce que l’on appelle la sélection artificielle. Sélection naturelle et sélection artificielle permettent de témoigner de l’évolution.

20. Nous pouvons citer, afin d’illustrer notre propos, quelques exemples mettant en évidence le déroulement de l’évolution :

Les recherches en matière de lutte contre le sida ont apporté de nouveaux éléments témoignant de l’évolution. En effet, après avoir élaboré de nouveaux traitements apparus comme très prometteurs contre le VIH, les chercheurs ont constaté une évolution rapide de ce dernier en vue d’une adaptation constante à son environnement. Le VIH présente un taux de mutation particulièrement élevé, mais ce taux de mutation ne permet pas d’expliquer à lui seul le fait que ce virus évolue en augmentant considérablement sa capacité de résistance aux traitements cliniques. Souvent, un intervalle de 10 ans environ s’écoule entre le moment où un individu est atteint par le virus et le moment où se déclenchent les premiers symptômes du sida. Durant cette période on ne constate pas d’augmentation notable de la concentration du VIH dans le sang. Or, les scientifiques ont montré que le virus produisait, pendant cette même période, des millions de descendants viraux, ce qui implique que d’énormes quantités de virus sont détruites très rapidement après leur production. Le corps héberge donc de nombreuses souches de VIH différentes qui entrent en concurrence et luttent pour leur survie face aux différents traitements cliniques. D’une façon générale, les changements récents du virus du sida témoignent de la capacité de tout organisme à évoluer.

21. La résistance de nombreux insectes aux nouveaux pesticides témoigne de la même manière de leur adaptation à un environnement nouveau dans lequel, seuls les plus résistants survivent. La résistance aux antibiotiques est également très révélatrice. Aujourd’hui de nombreuses espèces de bactéries sont résistantes à toutes sortes d’antibiotiques, parce que, par sélection naturelle, seules les quelques bactéries qui ont résisté se sont multipliées.

22. Il est important de noter que, depuis Darwin, les moyens de vérification des hypothèses formulées se sont multipliés. De la forme des fossiles découverts à l’étude de leur ADN, le recoupement des informations permet d’aboutir à une très grande objectivité.

23. Incontestablement, l’évolution est une véritable science.

24. Comme le note Guillaume Lecointre, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, la science est l’ensemble des opérations produisant de la connaissance objective. Une affirmation sur le monde ne peut être qualifiée d’objective que si elle a été vérifiée par un observateur indépendant. Cette vérification dépend de trois facteurs : le scepticisme, la rationalité et la logique, et enfin le matérialisme méthodologique. Ces différents piliers assurent l’objectivité d’un résultat scientifique.

25. Les recherches scientifiques en matière d’évolution n’ont pas fait exception.

26. A l’heure actuelle, les scientifiques de toutes nations et toutes religions s’accordent ainsi sur la réalité de l’évolution. Ils ne cherchent plus à savoir "si" l’évolution a bien eu lieu, mais "comment" elle a eu lieu. Des interrogations demeurent au sein du milieu scientifique quant à la compréhension de l’ensemble des processus qui concourent à l’évolution, et cela consiste notamment à déceler les mécanismes qui ont présidé à la structuration actuelle de la biodiversité(2). Mais, faut-il le rappeler, aucune science n’est achevée et régulièrement de nouvelles découvertes permettent d’avancer pour comprendre le "comment" des choses.

27. En outre, comme le souligne Hervé Le Guyader, la pensée évolutionniste imprègne désormais tous les domaines de la biologie, et, par la dimension historique du processus de l’évolution, elle touche également les sciences de la Terre et de l’univers. En effet, les avancées de la recherche en matière d’évolution ont conduit à élargir le socle de cette théorie, si bien qu’aujourd’hui, l’évolution des populations et parmi elles des hommes, n’est qu’un pan de l’évolution dans sa globalité. La poursuite des recherches en matière d’évolution apporte toujours plus de preuves en faveur de la véracité de la théorie de l’évolution.

28. L’une des découvertes de l’étude de notre planète, de nombreuse fois confirmée, est la datation des grands évènements qui l’ont marquée :

- Le système solaire, donc la terre, s’est formé il y a approximativement 4,6 milliards d’années ;

- la vie est apparue sur Terre il y a au moins 2,5 milliards d’années (sous forme de bactéries unicellulaires) et, il y a 200 millions d’années environ, la Pangée a commencé à se fractionner pour former les continents que nous connaissons aujourd’hui ;

- L’homo sapiens, c'est-à-dire l’homme est apparu lui, il y a 100 000 à 200 000 ans.

On comprend ainsi pourquoi ces découvertes ont interpellé ceux qui donnent une interprétation stricte de la première partie de la Bible, c'est-à-dire la Genèse.


>>> Suite : Le créationnisme




Notes :

1 Jacques Arnoult, Dieu Versus Darwin, Albin Michel, février 2007 p.33.

2 Hervé Le Guyader, Biologiste, Professeur à l’Université Paris VI - Pierre et Marie Curie.



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