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Le rêve d'un chanoine-président


par Igor Reitzman  -  29/02/2008
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Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




On ne sait si N. S. y croit. Ce qu'on sait maintenant, c'est qu'il voudrait bien que le petit peuple retrouve ses croyances d'autrefois. Comme dirait Racine, "Il s'en est vanté assez publiquement."

Qu'on reprenne son discours du 20 décembre en la basilique St-Jean de Latran :
"Mais un homme qui croit, c'est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent."

Visiblement le texte est incomplet.
Qui croit qui ? Qui espère quoi ? Il est urgent de rétablir le texte dans sa profonde vérité. Il faut lire certainement :

"Mais un homme qui croit son curé, c'est un homme qui espère dans l'au-delà. Et l'intérêt des amis du Président de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent dans l'au-delà."
Un homme qui espère trouver un bonheur sans fin après la mort, trouvera futiles les problèmes de logement et de pouvoir d'achat ! Et s'il prend pour argent comptant le message évangélique annonçant qu'il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume des cieux, le prolétaire se sentira plein de compassion aussi bien pour le Pape condamné à vivre dans un palais somptueux, que pour les amis du Président de la République ainsi voués à l'Enfer…


Du XIXème au XXIème siècle, le discours clérical s'est déguisé
Dans cette Europe du XXIème siècle touchée par le virus démocratique et dans laquelle on ne peut faire le moindre discours sans qu'il soit aussitôt communiqué au vulgaire, un homme d'Etat est obligé de déguiser sa pensée, de cultiver l'euphémisme et l'ellipse…
En 1850, le comte de Montalembert, chef du parti catholique s'adressant à ses collègues de l'Assemblée Nationale, ne dit pas autre chose que N.S., mais sachant que les ouvriers ne liront pas le Moniteur Universel , il ose parler sans détour et sans déguisement, avec l'objectif de faire adopter la loi Falloux qui confiera à l'Eglise, l'enseignement primaire.
    "Je dis que la doctrine catholique, que nous voulons propager dans le peuple français par la liberté de l'enseignement, inspire et crée le respect, en plaçant les droits de l'autorité à côté des droits de DIEU même ...
    Elle dit aux peuples qui croient en elle : Respectez ce nouveau pouvoir, non seulement obéissez-lui, mais respectez-le dans votre coeur. Voilà ce que fait la religion catholique pour l'autorité. Je n'ai point à répéter ce qu'elle fait pour la propriété. J'ajouterai un seul mot, comme propriétaire et parlant à des propriétaires, avec une franchise entière, parce que nous sommes ici, je pense, pour nous dire la vérité les uns aux autres, sans détour.
    Quel est le problème aujourd'hui ?
    C'est d'inspirer le respect de la propriété à ceux qui ne sont pas propriétaires. Or je ne connais qu'une recette pour inspirer ce respect, pour faire croire à la propriété à ceux qui ne sont pas propriétaires, c'est de leur faire croire en DIEU !
    Et non pas au Dieu vague de l'éclectisme, de tel ou tel autre système, mais au Dieu du catéchisme, au DIEU qui a dicté le Décalogue et qui punit éternellement les voleurs...
    Voilà la seule croyance réellement populaire qui puisse protéger efficacement la propriété.

    Oui, nous avons cherché trop longtemps à faire perdre de vue l'explication divine des souffrances de cette vie, de l'inégalité des conditions du travail, de la peine. Eh bien maintenant, ayant écouté nos enseignements, il ne veut plus accepter ni cette inégalité des conditions, ni le travail, ni la peine.
    Nous lui avons appris à ne plus attendre, à ne plus mériter sa part dans le bonheur céleste et il en résulte qu'il réclame le bonheur sur la terre. Et il veut être heureux à nos dépens, remarquez-le bien !
    A la place de cette part des espérances du ciel que nous lui avons ôtée, il demande une part dans notre patrimoine, et la plus grosse ! Oui, c'est ainsi que nous payons la rançon de son incrédulité."

    "Qui donc défend l'ordre et la propriété dans nos campagnes ?
    Est-ce l'instituteur qui a été si longtemps caressé, choyé par les propriétaires, les bourgeois comme on dit aujourd'hui ?
    Non, il faut bien le dire, c'est le curé. Je dis qu'aujourd'hui le curé, le clergé en général, les prêtres ayant charge d'âmes, représentent l'ordre, même pour ceux qui ne croient pas... Ils représentent à la fois l'ordre moral, l'ordre politique, l'ordre matériel.
    "Il y a en France deux armées en présence :
    elles sont chacune de 30 à 40.000 hommes.
    C'est l'armée des instituteurs et l'armée des curés.
    Eh bien ! Encore une fois, je demande si c'est l'armée des instituteurs qui défend l'ordre. Il y en a quelques-uns de très bons, mais il y en a beaucoup plus de médiocres et en bloc, le corps, je crois, est aujourd'hui jugé.
    De quoi se compose la seconde armée, l'armée opposée ?
    Dans ces 30 ou 40.000 curés de campagne, il y en a quelques-uns qui sont infectés de ce qu'on appelle le catholicisme démocratique (...) mais je dis qu'en bloc, le corps est excellent, qu'il fonctionne admirablement dans sa mission sociale.
    Savez-vous quel est le grand service que rendra au peuple français l'Eglise, si elle peut y reprendre le rôle qui lui convient par l'éducation et par le catéchisme ? (...) Elle dira à l'homme : Tu es poussière et ta vie entière doit être une vie de souffrances et de luttes dont le prix n'est pas ici -bas."

    Montalembert, le Moniteur Universel, 1850, p. 197 (17 janvier)

Il faut revenir à la Bible
Vous me direz sans doute qu'il n'était pas nécessaire de connaître le discours de Montalembert, pour apprécier la contribution éminente des religions chrétiennes à la soumission et à la résignation. Même les catholiques ont maintenant, Dieu merci ! le droit de lire la Bible, une Bible généreuse en épisodes qui montrent avec insistance ce qu'il en coûte de désobéir, une Bible qui valorise la soumission extrême :

Désobéir, c'est risquer la mort et bien pire encore
La femme de Loth est mise à mort pour avoir transgressé l'interdiction de se retourner sur Sodome en feu (Genèse, XIX, 26), comme est mis à mort cet homme qui avait "ramassé du bois le jour du Sabbat" (Nombres, XV, 35).

C'est l'épisode du péché originel qui, à juste titre, impressionne le plus : Le premier couple humain goûte une seule fois un fruit interdit, et cette faute, que beaucoup trouveront vénielle, est punie non seulement dans les coupables chassés du Paradis Terrestre, mais aussi dans la totalité de leur descendance jusqu'à la fin des temps.

Le sacrifice d'Abraham (Genèse, XXII)
A l'opposé de ces châtiments exemplaires, nous trouvons le modèle vénéré, l'acte fondateur des trois religions du Livre, Pour obéir à l'ordre divin, Abraham n'hésite pas à lever le couteau du sacrifice sur son enfant qu'il a déjà ligoté sur le fagot.
Si Dieu vous l'ordonne, êtes-vous prêt - comme Abraham - à tuer votre propre enfant ?

Et il ne s'agit pas seulement d'obéir à Dieu, mais aussi à ceux qui sur terre sont censés le représenter. C'est chez l'apôtre Paul révéré par l'Eglise romaine aussi bien que par les Eglises protestantes, que l'on trouve exposée le plus fermement la doctrine :

"Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n'y a d'autorité que par Dieu, et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi celui qui s'oppose à l'autorité se rebelle contre l'ordre voulu par Dieu, etc."
(Epître aux Romains, XIII, Bible de Jérusalem p. 1507)

Et le pape LEON XIII, dans son Encyclique "Immortale Dei", en 1885 (4 ans avant la naissance d'Adolf Hitler), s'y réfère, confirmant avec éclat cette position :
"Lorsque les sujets seront bien convaincus que l'autorité des souverains vient de DIEU, ils se sentiront obligés d'accueillir docilement les ordres des princes... car il n'est pas plus permis de mépriser le pouvoir légitime, quelle que soit la personne en qui il réside, que de résister à la volonté de Dieu.
Qui résiste au pouvoir résiste à l'ordre établi par Dieu, et ceux qui lui résistent s'attirent à eux-mêmes la damnation."


La damnation ! C'est-à-dire la condamnation aux peines de l'Enfer...
Souffrir éternellement l'agonie de Jeanne d'Arc...
Pour le croyant traditionnel, il y avait là, matière à réflexion.

Evidemment, vous pensez, cher lecteur, à ce fameux concordat qui, en 1933, consolide une légitimité déjà gagnée dans les urnes et qui rendra très difficile, même en 1945, toute résistance à un pouvoir génocidaire aux abois.


Igor Reitzman



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