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Comment les religions de "l'amour" contribuent à la violence et à la hainepar J.P. - 05/01/2016 Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs. Cette affirmation concernant des pratiques dont le discours est truffé d'occurrences lexicales du mot "amour" semble contre-intuitive. Pourtant à la façon de Nietzsche, ce "philosophe du soupçon", il est possible d'avancer que pour parler avec un tel acharnement d'amour il faut avoir précisément l'idée du contraire et s'y prendre bien mal pour régler ses conflits intérieurs. Dans un message du 06/08/2010 "aux jeunes du monde", lors des XXVIème journées mondiales de la jeunesse en 2011 à Madrid, le pape aurait affirmé (je n'ai pas la source exacte) : "Or l'expérience enseigne qu'un monde sans Dieu est un enfer où prévalent les égoïsmes, les divisions dans les familles, la haine entre les personnes et les peuples, le manque d'amour, de joie et d'espérance. A l'inverse, là où les personnes et les peuples vivent dans la présence de Dieu, l'adorent en vérité et écoutent sa voix, là se construit très concrètement la civilisation de l'amour, où chacun est respecté dans sa dignité, où la communion grandit avec tous ses fruits." De quelle expérience parle-t-il ? La sienne propre sans doute. Il ne faut pas chercher bien loin pour trouver de nombreux faits historiques qui laisseraient penser le contraire : la rivalité catholiques-protestants, l'extermination des cathares, l'asservissement des peuples colonisés avec la complicité des missionnaires, l'Inquisition. On trouverait aussi les mêmes atrocités dans la religion musulmane en se penchant sur la rivalité sunnites-chiites, ou des violences salafistes. Enfin, les juifs orthodoxes ne sont pas en reste. L'abondance de ces comportements meurtriers, violents qui font de nombre de croyants et de chefs religieux, les premiers ennemis du genre humain, n'apporte pas pour autant la preuve que cette violence soit intrinsèque à la religion. L'être humain est faillible, il y a des brebis galeuses dira-t-on. Effectivement toutes les religions n'ont pas eu en tout temps l'occasion de laisser libre cours au déferlement de violence qu'elles portent en elles. Ainsi la religion, notamment en Europe, a fini par s'adoucir, se flétrir même, faute de pouvoir faire verser le sang qui la nourrit. Je ne parle pas de sang symbolique ; celui de la circoncision des juifs, des musulmans, ou encore du sang du Christ lors de l'eucharistie. Je parle du sang que répand l'excitation à la vengeance et au défoulement de la violence, celui-là même qui est censé abreuver nos sillons, abreuve fort bien les goupillons. Elles le sont dans leur principe même. Je ne tire pas cette conclusion de l'accumulation de faits historiques, car ils ont toujours quelque chose de contingent, mais c'est en cherchant l'origine de cet amour dont la religion nous rebat les oreilles. Il se trouve au ciel. Car cet amour c'est d'abord l'amour de Dieu. La religion est intarissable sur ce point-là. Elle donne de l'amour à la pelle mais s'obstine quant à la provenance de cet amour. Inlassablement il relève du sacré (pour mémoire le sacré désigne ce qui est mis en dehors des choses ordinaires, banales, communes ; il s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire) c'est-à-dire dans le cas de la religion hors de ce monde. Dès lors, tuer sur terre n'est pas un manque d'amour ni même un crime. Car comme toutes les actions humaines évaluées, pesées, jaugées par les religions monothéistes, le "tu ne tueras point", même sur terre, n'a de valeur que rapporté à la sphère céleste. Le cas d'Abraham est exemplaire : que n'aurait-il pas fait ce brave homme pour le salut de son âme ? Dieu lui dit "prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac et offre-le en holocauste sur l'une des montagnes que je te dirai." (Genèse 22:2a). Abraham répond avec une obéissance immédiate. De bonne heure le lendemain matin, il prend la route avec deux serviteurs, un âne, son fils "bien-aimé" et le bois pour l'holocauste. Son obéissance absolue à ce commandement si déconcertant et si troublant, rendrait gloire à Dieu. Un bel exemple de glorification de Dieu dans nos vies. Ainsi tout est possible du moment que Dieu le demande. Il faut relever l'absurdité du qualificatif de "fils bien-aimé" accolé au fils d'Abraham pour comprendre ce qui règle l'amour dans la religion : son asservissement au sacré. La religion, au moins pour ce qui est des trois religions monothéistes, fait de droit le lit de la haine. Les trois religions monothéistes sont intrinsèquement porteuses de haine parce non seulement elles chassent l'amour de ce monde mais feignent en plus d'en attendre la venue dans des pauses implorantes aux vapeurs d'espérance paralysante. Elles ont beau jeu d'implorer le secours de l'amour de Dieu, sa descente sur notre terre dépendant des caprices d'un ascenseur céleste dont la maintenance s'est historiquement révélée plus qu'hasardeuse. Les religions ont organisé la désertion de l'amour terrestre ramenant l'expérience humaine de la vie à des sentiments d'autant plus mêlés et confus qu'elle leur refusait le nom d'amour. Enfin, pour rendre ceux-ci plus grossiers et jeter sur eux le discrédit elle les souillât du nom de péché et les engloutis tout entier dans cette haine larvée qui ne dit pas son nom. Cette confusion devint en retour le terreau prospère du "péché". Les chefs religieux se gardèrent bien de se vanter de ce tour de passe-passe. A les croire il ne pouvait s'agir que du "pêché" mot fait sur mesure pour ronger la conscience, carburant si prisé des religions pour l'entretien de l'ardeur des fidèles. Cet exclusion de l'amour sur terre vînt à point nommé transformer ce monde en un véritable "enfer". Une bien jolie façon de nourrir et d'exacerber, par contraste, l'attente croyante d'un éventuel paradis. Noircir le profane voilà un autre joli tour d'illusionniste : si d'ici-bas vous ne voyez rien de ce merveilleux paradis, ce n'est pas parce qu'il n'y a rien mais parce que son incroyable lumière vous éblouit. J.P. Voir la page d'accueil sur la religion et sur la morale ![]() ![]() |