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Un monde insensé

Causalité et finalité


par Augustin Delmas  -  01/01/2005



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Parler de religion n'est pas chose facile. On touche à des convictions profondes où l'esprit d'analyse n'est généralement pas le bienvenu. Non pas que l'on refuse toujours, systématiquement et malhonnêtement, de rechercher la vérité, mais plutôt que l'on craint de remettre en question des valeurs auxquelles on est attaché. C'est une attitude de fuite qui peut nous rendre aveugle et nous entraîner à suivre un mode de raisonnement tout tracé, basé sur des a priori établis de longue date par notre culture. En fait, toucher à des convictions, qu'elles soient religieuses ou non, c'est, dans une certaine mesure, s'attaquer à nos fondations et ébranler notre personnalité. Nous ne sommes donc pas enclins à accepter facilement de telles discussions.

Il est d'ailleurs étrange que, dans ce monde matérialiste, où l'esprit scientifique prône comme fondement de toute connaissance exacte le principe de causalité, c'est-à-dire que tout effet a une cause qui le précède et jamais l'inverse, la pensée et l'activité humaines soient basées sur un tout autre fondement : la finalité. Pour nous, ce sont les résultats qui motivent nos actions et, dans ce cas, les effets à obtenir sont des causes. On les appelle des "finalités causales" ou des "causes finales". Principe inadmissible en science, mais fondamental dans le domaine des croyances, qui veut que ce qui existe ait été voulu. À croire que l'esprit et le corps ne vivent pas dans le même monde.

Arrêtons-nous, quelques instants, sur le principe de la causalité qui rejette la finalité de fait, c'est-à-dire qui écarte toute explication de ce qui existe par une raison de finalité. Pour un esprit scientifique, il est exclu que l'existence de l'homme soit le fait d'une finalité recherchée. L'homme n'a pas été voulu. Il est le produit de causes et d'effets fortuits successifs sans raison finale. C'est un pur produit du hasard, que rien ni personne n'a préconçu.

Pour un tel esprit, dire qu'un organe est fait pour telle ou telle fonction est incorrect. Affirmer, par exemple, que l'œil est fait pour voir est inacceptable. C'est accorder une raison finaliste à l'apparition de cet organe. Bien sûr, il reconnaît que l'œil voit. Mais il ajoute aussitôt que cet ensemble de cellules n'a pas été fait pour cela. Et que c'est pur hasard, si certaines de ces cellules sont devenues sensibles à différentes ondes lumineuses et aient formé la rétine. Il démontre que la sélection naturelle a gardé ces cellules car elles permettaient une meilleure adaptation de l'organisme qui les portait au contexte de l'époque. Quant aux mutations qui les ont produites, elles étaient aléatoires, imprévisibles.

De même, c'est pur hasard si d'autres mutations ont donné le cristallin placé à la bonne distance de cette rétine ; pur hasard si le globe oculaire se soit formé et soutienne ces cellules ; qu'il se soit rempli d'une gelée transparente ; que de minuscules muscles règlent l'accommodation visuelle de cet ensemble. C'est pur hasard si des mutations formèrent des vaisseaux sanguins pour assurer la survie de l'organe. C'est pur hasard si ce même lot de mutations se soit produit au même moment pour former un second organe, absolument identique, symétrique et au bon endroit donnant ainsi une vision binoculaire non recherchée, que deux nerfs optiques aient relié les rétines au cerveau. C'est pur hasard si juste à ce moment-là, le cerveau a développé des neurones capables de recevoir ces influx nerveux, et que la vision soit apparue. Et tout cela, dans le même temps et dans une belle harmonie d'événements non planifiés.

Certes, c'est difficile à croire. Cependant, il n'y a pas de faille dans cette approche. Il n'y a aucune finalité dans les phénomènes physiques. Tout s'explique par le principe de cause à effet, tout, entièrement tout. Sauf que la probabilité de voir des organes, d'une telle finition, émerger par hasard et perdurer, car il ne faut pas oublier que ce processus suppose qu'une multitude d'exemplaires inachevés a disparu, laisse perplexe. Sans compter que ces deux organes ne pouvaient se former seuls. Ils ne pouvaient se développer que sur un corps possédant bien d'autres organes en formation, tous plus ou moins vitaux à l'animal qui, comme par hasard, allait devenir un homme. Cela fait penser à un conte de fée pour adulte où la citrouille deviendrait carrosse par une suite d'événements hasardeux successifs, de causes produisant des effets et ne gardant que les résultats les mieux adaptés à l'environnement du moment.

Il est évident, que dans ce raisonnement, nous faisons la part belle au hasard. Il remplace presque Dieu. Toutefois, nous parlons de hasard, ou plutôt de probabilités, pour décrire des ensembles de causes que nous n'avons pas encore identifiées mais qui sont intervenues dans l'apparition des espèces. Un jour, peut-être, pourrons-nous mettre bout à bout tous ces événements, toutes ces suites de causes et d'effets, depuis le big-bang originel jusqu'à nos jours, grâce à un principe évolutif, les enchaînant les uns aux autres.

De toute façon, même si nous n'y parvenions pas, car certains évènements pourraient s'avérer purement aléatoires, nous resterions convaincus que le principe causal s'applique totalement à ce monde et que c'est la seule approche scientifique et conforme au réel que l'on puisse lui appliquer.

Mais attention ! Tout n'est pas dit, car ce même esprit scientifique, dans sa vie de tous les jours, prend le contre-pied de cette approche car ses actes sont motivés par la finalité. Et oui ! Même dans sa recherche, lorsqu'il analyse il a une idée de base, une idée de finalité, de "comme si l'objectif était de…". Et la science elle-même a un but, une finalité qui motive la recherche. Nous sommes dans une situation étrange où, dans cet univers sans finalité, seuls nos actes réfléchis auraient un sens. Car c'est bien de cela qu'il est question : le monde physique n'a pas de sens, il n'a pas de finalité, alors que nos actes sont motivés, sensés.

Mais certains vont plus loin et mettent en doute même cette qualité, ce sens de l'acte réfléchi. Ils expliquent que nos choix sont déterminés, non pas par des finalités causales, purs produits de l'esprit, mais par des causes simples, matérialistes. Ils appuient leur raisonnement sur le fait que nous possédons la faculté de mémoriser. Nous enregistrons, plus ou moins consciemment, l'expérience d'actes passés ayant provoqué des résultats. Cette connaissance expérimentale devient alors source de causes car, pour reproduire les mêmes effets, nous accomplissons les mêmes actes. C'est un peu comme pour l'apprentissage du vélo ou du patinage. Les premiers moments nous perdons l'équilibre car nous sommes incapables d'imaginer quels muscles nous devons contracter, quelle force nous devons appliquer, quel geste nous devons faire. Certes, nous avons pour finalité de garder l'équilibre, mais nous n'avons aucune autre vision de ce que nous devons faire. Cependant, progressivement, à force d'expérience, notre corps apprend à réagir, une image sensible se forme et l'équilibre vient. Par la suite nos muscles anticiperont inconsciemment les obstacles et se contracteront ou se détendront suivant le souvenir acquis. La finalité causale n'est en fait qu'un enregistrement de causes, avec effets, vécus.

Ce raisonnement est très réducteur. Car, s'il en est ainsi, nous ne sommes que des automates jouissant d'une liberté apparente. Non seulement nous vivrions dans un monde sans finalité, sans objectif, mais la vie, notre vie, n'aurait pas de sens. Seules des causes fortuites mèneraient la marche vers des résultats imprévisibles et imprévus. Pourquoi alors, cette conscience ? Pourquoi cette capacité chez nous à comprendre, à discerner, à juger, à apprécier ? Pour que nous nous rendions compte que nous sommes dans un convoi sans machiniste, lancé à bonne vitesse vers une destination inconnue, sur des voies aux multiples aiguillages incontrôlés ? Pour que l'angoisse nous saisisse en imaginant ce qui nous attend plus loin, alors qu'à tout moment un déraillement peut se produire, nous plongeant dans le néant ? C'est tragique.

Il semble pourtant que nous ayons une issue. En effet, si l'expérience et la mémoire nous permettent d'apprendre, pourquoi ne pas les utiliser dans un dessein, dans un projet ? et orienter ainsi notre vie, lui donner un sens ? Certes, cela semble possible, mais le problème c'est que si nous sommes le produit de principes matérialistes, nous ne pouvons rien inventer par nous-mêmes, nous ne pouvons pas créer de projet autre que ceux qui sont produits par l'expérience acquise. Nous dépendons entièrement du bon vouloir des mécanismes de ce monde.

Dans cet angoissant tableau, tout n'est cependant pas négatif. Grâce au principe causal, une forme de liberté apparaît. En effet, les causes ne sont pas liées aux effets qu'elles produisent. Cela signifie que pour une même cause, des effets différents peuvent apparaître suivant le contexte. Laisser tomber un objet fragile sur un sol dur n'aura pas le même effet que le même geste sur une surface souple. En intervenant sur le contexte nous pouvons modifier les résultats, chose impossible avec des causes finales, où les résultats sont prédéterminés dès l'origine.

La liberté, notre liberté, est donc dans le pouvoir de modifier l'environnement afin d'obtenir des résultats différents avec des causes identiques, que l'on ne pourrait maîtriser. Bien que vivant dans un univers où les événements aléatoires sont régis par un principe de cause à effets, nous pouvons grâce à cette liberté, donner un sens à notre vie. Nous pouvons, sur la base d'expériences acquises, identifier des objectifs et, par une maîtrise du contexte, tenter de les atteindre. Ainsi, ce monde, régi par un principe de causalité, a engendré en nous un nouveau principe qui lui est opposé, celui de la finalité. Comme le disent certains, il a créé le cerveau, la "machine à produire du sens".

Certes, c'est une liberté toute relative que nous possédons. Nous sommes des résultats d'expériences personnelles mémorisées. Nous avons l'illusion de jouir de la liberté de pouvoir donner une finalité à nos actes. Mais ce n'est pas là la vie que nous nous imaginions posséder, ce n'est pas une vie de liberté, d'indépendance totale, où nous pourrions dire : "je suis par moi-même". Nous ne sommes que ce que l'univers nous permet d'être. Toutefois, grâce à cette animation nous pouvons nous exprimer, exister, être conscients.

Et la religion dans tout cela, quel rôle joue-t-elle ? Dieu, a-t-il sa place dans cet univers causal ?

Absolument pas !


Augustin Delmas


Du même auteur, le second volet de cette réflexion : Le monde du sens

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