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Max Stirner (*) contre l'Homme-Dieu

ou le devoir d'iconoclastie


par Eric Timmermans  -  06/01/2012





Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




I. L'humain divinisé ou la nouvelle théologie humanitariste.

I.1. L'excessif anachronisme des croisades antitotalitaires.

C'est contre les formes, les aspects, les têtes de l'Hydre totalitaire les plus affaiblies et les plus archaïques, que se déploie le plus aisément notre courage politique et philosophique. Nous nous drapons alors vertueusement dans l'impérieuse nécessité de nous opposer à la résurrection de vieilles idées, de vieilles églises, d'antiques bêtes immondes dont le ventre serait toujours fécond. "A bas la calotte !", "le fascisme ne passera pas !", "préservons-nous du néo-stalinisme !". Peut-on me dire quels risques nous encourons aujourd'hui à clamer publiquement pareils slogans en Europe occidentale ? Aucun. Je ne veux pas signifier par là que les anciens totalitarismes, du fait de leur faiblesse et de leur archaïsme présents, seraient pour autant devenus respectables, ni qu'ils ne représentent plus absolument aucune menace, mais que l'on est peut-être arrivé à un point où l'arbre de leurs formes passées nous masque par trop souvent la forêt de leurs formes actuelles. Parmi ces dernières, sans aborder la question des phénomènes sectaires qui nous mènerait trop loin, nous pouvons en cibler deux : l'islam politique "califatiste" et le globalisme managérial humanitariste.

I.2. L'islam politique et "califatiste".

Je n'ai pas été voir le film d'Almodovar, La Mauvaise Education (2004), tout simplement parce que je ne crois pas que ledit Almodovar aurait pu ni osé réaliser un film de ce genre dans un contexte islamique. Et les exemples de ce genre ne manquent pas. De simples caricatures, de simples textes quelque peu marqués d'ironie irrévérencieuse à l'égard de l'islam, peuvent aujourd'hui vous valoir des menaces, du vandalisme, des blessures, voire la mort, tout simplement. N'est-ce pas dès lors faire preuve d'une couarde tartufferie que de se réclamer d'un courage vieux de cinquante ans pour conspuer le cureton et les sornettes vaticanes, pour ensuite aller se soumettre à la loi du djihadiste le plus fort ? Que l'on ose donc me dire que tout ce qui se dit aujourd'hui à propos de l'Eglise catholique et des catholiques eux-mêmes peut se dire à propos de l'islam et des musulmans ! Osez, et l'on vous réprimera ! Si les djihadistes ne le font pas, les tribunaux démocratiques et républicains s'en chargeront, au nom de la lutte contre une forme ancienne de totalitarisme –racisme, fascisme, nazisme…- quitte à faire le lit d'un nouveau, à savoir un certain islam politique, "djihadiste" et "califatiste". Et voyez donc comme je m'exprime moi-même, obligé que je suis de souligner clairement que je ne fais "point d'amalgame", que mes propos ne concernent qu'un "certain islam", politique et militaire, et en aucun cas la totalité de l'islam, ni, cela va sans dire, la majorité des musulmans. Mais devrais-je prendre de telles précautions de langage si je devais m'exprimer ainsi à l'égard du christianisme et des chrétiens, et plus particulièrement à l'égard du catholicisme et des catholiques ? En aucune façon.

I.3. Le globalisme managérial humanitariste.

I.3.1. Vers une "démocratie totalitaire" ?
Est-ce à dire qu'en 2012, la seule forme de totalitarisme politique (présence dans la société civile) et militaire (djihadisme) à vocation universelle (califatisme) existante, relèverait de la théocratie islamique ? Certains, de fait, aimeraient nous le faire accroire. Mais si l'on exhibe les dangers, certes bien réels, de formes politiques d'une religion qui n'a finalement rien de nouveau et qui a déjà, rappelons-le, connu ses apogées et ses heures de gloire, n'est-ce pas justement pour nous cacher une forme plus sournoise, plus pernicieuse encore, de totalitarisme, celle que l'on pourrait nommer "globalisme managérial humanitariste", cette nouvelle "vérité à vocation universelle" qui aime tant se parer des oripeaux de la charte des droits de l'homme et de toutes les vertus démocratique ? La démocratie occidentale du 21ème siècle et la charte des droits de l'homme, sources éventuelles, voire probables, d'un néo-totalitarisme ? Voilà une hypothèse sacrilège et iconoclaste entre toutes ! Et c'est tant mieux ! Comment peut-on croire que la lutte pour la liberté d'esprit et contre les vérités prétendues qui veulent la brider, puisse être autre chose que sacrilège et iconoclaste ? Si vos questions, vos théories, vos hypothèses, voire vos affirmations ne se heurtent pas aux plus grandes vérités prétendues du moment, ne choquent pas les nouveaux croyants, n'inquiètent pas leurs nouveaux bergers, c'est que vos réflexions et vos actions ne sont qu'autant de coups d'épée dans l'eau, qu'elles ne dérangent en rien la norme du jour et que, de ce fait, elles ne participent en rien au combat pour la liberté d'esprit. Par contre, si vous êtes confrontés à l'incompréhension de vos contemporains, à l'indifférence feinte et craintive des prétendues élites, au boycott, au mépris, voire à la haine des troupeaux, c'est que vous marchez, soyez-en certain, sur la voie du Libre Esprit. Et donc oui, le "Bien démocratique, global et humanitaire", comme tout "Bien" proclamé absolu et incontestable, peut devenir la base d'un néo-totalitarisme.

I.3.2. Global and Managerial Paradise.
I.3.2.a. Un totalitarisme lent et "soft".
Souvenez-vous, pour ceux qui ont connu ce temps, des débats politiques animés de jadis –je parle des années 1960, 1970, 1980 et de la première moitié des années 1990- , souvenez-vous des humoristes caustiques aux paroles réellement irrévérencieuses, souvenez-vous de ce que l'on osait dire, écrire, faire, tourner, dessiner à ces époques, souvenez-vous de cette presse d'investigation, de ces questions internationales documentées et présentées par des reporters de terrain qui faisaient la Une de tout JT sérieux, bref, souvenez-vous de ce temps de libre manipulation d'idées générales, et posez-vous cette question : si l'on vous avait imposé brusquement, à cette époque, la société d'aujourd'hui –et ceci dit sans même parler de l'effondrement des acquis sociaux et de l'écroulement du niveau culturel !-, l'auriez vous acceptée ? En aucun cas ! Mais s'il est des formes totalitaires empressées, il en est aussi de patientes, de doucement sournoises, du genre qui s'installent, comme ça, sans en avoir l'air. Elles ne prennent pas le pouvoir, ce serait par trop vulgaire, non, elles pénètrent les esprits, elles inoculent leurs vérités autoproclamées au fil des ans et comptent sur le temps qui passe, sur la mémoire sélective, sur le passé manipulé, sur le formatage des nouvelles générations, sur l'attirance que ressent naturellement l'humanité pour cette facilité qui la mène à l'indifférence, à l'amorphie, à la paresse de l'esprit, au nivellement par le bas, et puis à l'esclavage, sur l'âge avançant, aussi, de ceux qu'elle trompa naguère, qui ne furent pas assez vigilants ou étaient trop jeunes ou furent trop lâches, et qui aujourd'hui ne peuvent plus se faire comprendre par ceux-là même auxquels ils ont pourtant le devoir de transmettre un héritage, notamment et particulièrement celui du Libre Esprit.

I.3.2.b. Global Village.
Mais le slogan claque soudain, venant interrompre le cours de ces "pensées négatives" -car désormais, le saviez-vous, il existe des "pensées négatives" !- : "Bosse plus, pour t'"éclater" plus, en consommant plus, car c'est là ton droit d'humain libre et démocratique !". Eh oui, dans cet univers néo-totalitaire, le tutoiement est de rigueur, puisqu'on fait tous partie d'une même famille, d'une même entreprise surtout, le camarade-citoyen-consommateur-client est appelé à être heureux dans la nouvelle société et à le prouver en "bossant plus pour gagner moins", en faisant la fête en s'endettant et en boudant les "esprits grincheux" qui, n'ayant pas l'air de vouloir participer au grotesque barnum du bonheur à deux sous, se voient bien vite accusés d'être des "fous", des "frustrés", des "pas comme les autres", des "qui se prennent pour qui ?", des "paranoïaques", des "impuissants", des "asociaux", des "misanthropes", des "ceux qui n'aiment rien ni personne", des "extrémistes", des "fachos", enfin, et tout cela se verra confirmé par le psy. Vous voilà ainsi ravalé au rang d'un "hors-caste" qui, rejetant un système qui ne parle que de bonté et qui ne peut de ce fait qu'être bon, est forcément un malade ou un ennemi de la bonté, et donc un type qu'il vaudrait mieux voir enfermé, dans un asile, dans une prison ou, mieux encore –c'est plus humanitaire-, au milieu de l'indifférence un peu condescendante du troupeau formaté. Et si par malheur, chiot jappant d'enthousiasme, vous vouliez vraiment vous intégrer dans le nouveau monde, parce que vous adhérez sincèrement à sa suprême vérité, ou, tout simplement, parce que vous devez le faire pour d'évidentes raisons de survie économique, mais que vous n'y parvenez pas ? Le Système, surtout si vous n'appartenez pas à certaines catégories protégées afin que, sous couvert d'altruisme et d'universalisme, elles lui servent d'alibi moral, le Système donc, vous pointera du doigt et marquera votre front de son sceau infâmant : vous êtes un "perdant", un "looser". Et votre persistance dans cette voie, voire vos éventuelles et iconoclastes protestations de bonne foi, n'auront pour effet que de vous voir finalement relégué au rang des "asociaux-extrémistes-marginaux" déjà cités. Et vous voilà chassé du "Managerial Paradise", du "Global Village", vous voilà privé de l'amour de ce dieu démocratique et humanitaire qui pourtant ne voulait que votre bien. Vous n'avez qu'à vous en prendre à vous-même.

1.3.2.c. L'accablement de Job.
Vous n'avez pas voulu comprendre que dans le "Nouveau Monde", il vous faut être un "Homme Nouveau", et donc, tout-à-fait naturellement, il a fallu vous chasser (isolement social, perte d'emploi, marginalisation politique), avant que votre mauvaise attitude et vos pensées négatives ne contaminent le reste du troupeau. Ceux dont vous pensiez naïvement qu'ils allaient prendre votre défense –syndicats, politiques démocratiquement élus et autres "acteurs sociaux"- approuveront alors le dit de la nouvelle divinité. "C'est comme ça et point autrement. Il faut bien s'adapter au Monde", laisseront-ils tomber sentencieusement mais l'air contrit, ayant vraisemblablement oublié que le "monde" n'est jamais rien d'autre que ce que nous en faisons. Mais soit parce que vous n'avez jamais cru aux invraisemblables fadaises véhiculées par le "Nouveau Monde" -le Système du moment- soit parce qu'à la manière de ce bon vieux Job, vous jugez que votre bel enthousiasme originel, quoique s'étant révélé bancal et quelque peu naïf, a été jugé par trop sévèrement par le Système, vous vous révoltez. Autant dire que vous vous retrouverez bientôt dans la peau dudit Job sur son fumier, victime de l'exécuteur des basses œuvres de Dieu, et que l'on vous accablera, vous l'incroyant, l'impie, le renégat, des pires reproches. N'as-tu pas compris que le Système multiculturel voulait te faire connaître l'Autre, tant pour ton bien que pour le sien (et tant pis si la politique dite "multiculturelle" s'est finalement révélée être une source de standardisation "subculturelle", de déracinement et d'appauvrissement pour les uns, comme pour les autres) ? Ne sais-tu pas que notre globalité démocratique ne vise qu'à promouvoir l'Egalité des Chances (et peu importe si, dans les faits, cette politique n'a abouti qu'à plus d'inégalités, doublée d'une non-reconnaissance des qualités individuelles particulières) ? Ne comprends-tu pas que le Manager est ton Ami, ton Guide, mieux encore, ton Père bienveillant, dont le seul but est de te voir t'épanouir socialement et économiquement (devenir un consommateur pavlovien), et que c'est pour cela que tu dois suivre son enseignement distillé par moult formations onéreuses (et cela même si, en, définitive, l'élévation du Travail au rang d'élément fondamental de la Vérité Suprême n'a abouti qu'à notre appauvrissement social, à une exploitation économique inégalée depuis des décennies et à l'enrichissement exponentiel d'une minorité d'incultes et d'ineptes) ? Qu'as-tu affaire de ces débats excessifs, de ces contestations, de ces manipulations d'idées auxquelles tu n'entends rien ? As-tu seulement les compétences requises pour les aborder ? As-tu fréquenté nos écoles, nos universités, où l'on t'aurait appris, non cette erreur du passé que l'on nommait "esprit critique", mais la manière de penser positive et bonne (et voilà que surviennent l'information "proximiteuse", le "show" télévisuel remplaçant l'authentique débat, les jeux télévisés et l'abrutissement organisé) ? Comment peux-tu ne pas savoir que la démocratie est le plus beau Système au monde, tout entier placé au service de l'Homme, et que nous avons le devoir de la faire connaître à nos frères du monde entier (et voilà la presse subventionnée, les hommes d'Etat potentiels écartés d'emblée au profit de Guignol, l'endettement général à l'égard de la toute-puissance bancaire et les élections réduites à l'état de coquille vide). Ne sais-tu donc pas que nous aimons l'Homme, qu'il est pour nous, loin des superstitions et des crimes du passé, l'Être Suprême, l'objet de la Morale divine, la Vérité incontestable (et tant pis si l'élévation de l'Homme, en tant qu'abstraction spirituelle et alibi moral, aboutit à l'enrégimentement des individus humains, réduits à l'état de troupeau servile et laborieux) ? L'on distillera donc savamment ce "divin message", jour après jour, dans la presse écrite, sur Internet (et via une multitude de gadgets électroniques soudainement devenus "absolument indispensables" à notre bonheur), au travers du prisme de cet écran désormais plat qui tient lieu depuis longtemps de foyer, et jusque sur votre lieu de travail (entreprises, administrations…) où l'on vous fera suivre des cours, des formations (de plus en plus souvent obligatoires) qui vous apprendront ce qui est "éthique", "égalitaire", "multiculturel", "bon pour l'entreprise", "moral", "dans la norme", en un mot, beau entre tous : "Bien".

I.4. L'homme moral divinisé, à la base de tous les totalitarismes.

Refuser de se prosterner devant Dieu c'est, certes, apprendre à ne pas se prosterner devant un roi. Mais il faudrait aussi apprendre enfin à ne plus se prosterner devant l'Homme élevé au rang de Dieu. Qu'on le comprenne bien, tous les systèmes totalitaires, qu'ils se réclament d'une forme de surnaturalisme (religions) ou non (idéologies matérialistes), se réfèrent à un "Bien absolu", à une "Morale incontestable". Ils placent l'Homme-Dieu au cœur de celle-ci et font de l'humain qui refuse de se conformer à cette image de l'Homme-Idéal qu'ils veulent imposer à l'univers entier -"Saint" chez les religieux, "Humain" (au sens moral du terme) chez les matérialistes- un paria, un marginal, voire un être relevant du monde démoniaque. A éliminer, donc. Chez les religieux, l'Homme ne peut évidemment être considéré comme l'Être suprême lui-même, place qu'occupe la Divinité, mais il peut néanmoins être élevé au rang de "Sommet de la Création", du moins s'il accepte, en faisant sienne la forme la plus achevée d'Imitatio, de s'agenouiller devant le dogme social que représente la Divinité créée par l'humain lui-même pour les besoins de la cause du pouvoir. La proclamation de la "mort de Dieu" fut certes enivrante dans un contexte purement européen de christianisme et de post-christianisme, mais elle fut de toute évidence passablement prématurée au vu de la réalité de notre "Village Global". Et alors que nous sommes bien loin, hélas, d'en avoir fini avec le dieu surnaturaliste des religieux, voilà qu'il nous faut également prendre en compte les menaces totalitaires qui émanent de l'Homme-Dieu créé par les idéalistes matérialistes. Ainsi, nous savons que le "Prolétarien égalitaire" mena des peuples entiers au goulag et que le "Surhomme fasciste", qui résulta, pour l'essentiel, de la plus totale incompréhension du message nietzschéen, complètement dévergondé par le crétinisme nazi, fut lui aussi, un avatar de l'Homme-Dieu, même s'il ne s'appliquait qu'à un cadre national bien particulier ; pour être non-internationalistes, les fascismes n'en n'avaient pas moins pour but de diviniser l'Homme, fut-ce sous une multitude de formes particulières, à l'échelle universelle, quitte à déclencher ensuite, à cette échelle, un gigantesque "Crépuscule des Dieux". L'Homme-Dieu vivant dans un Paradis d'Eternelle Félicité, paradis céleste ou paradis terrestre, peu importe, voilà le projet dément de tous les totalitarismes, qui en viennent toujours, tôt ou tard, à justifier les enfers qu'ils créent, par leurs bonnes intentions d'origine. Et voilà qu'on nous propose aujourd'hui de bâtir pour l'Homme-Dieu "démocratique", "politiquement correct", "managérial", "global", "socialement domestiqué", un Village Global Paradisiaque, nouvelle fin de l'Histoire toute empreinte d'absolutisme bienveillant, dont seraient évidemment exclus les "mauvais esprits", entendez les Esprits Libres. Et si l'Homme-Dieu de l'ère des "Droits de l'Homme" était l'ultime avatar de l'humain élevé au rang de Divinité ? Cela ne rendrait-il pas les écrits de Max Stirner (1806-1856) bien plus visionnaires qu'ils ne le sont déjà et cela ne devrait-il pas nous inciter à abandonner, pour peu que nous en ayons encore, nos ultimes illusions à l'égard de toutes les promesses paradisiaques et idéalistes ? Que le lecteur juge par lui-même.

II. L'Homme-Dieu vu par Max Stirner.

"L'être jusqu'ici subordonné à l'Être suprême, l'homme, a escaladé les hauteurs de l'absolu, et nous nous comportons envers lui comme envers l'Être suprême, nous devenons religieux. Morale et piété sont désormais synonymes, comme au commencement du christianisme, seulement l'Être suprême est devenu autre, une sainte manière de vivre n'est plus "sainte" mais "humaine". Quand la morale a vaincu, le changement de maître est consommé. Ayant anéanti la foi, Feuerbach s'imagine pouvoir se réfugier au port présumé sûr de l'amour. "La loi première et supérieure doit être l'amour de l'homme pour l'homme. Homo domini deus est –tel est le principe pratique supérieur, le point tournant de l'histoire du monde" (L'Essence du christianisme, 2e éd., p. 402). A proprement parler il n'y a ici que le Dieu de changé, il est devenu amour ; là amour du Dieu surhumain, ici amour du Dieu humain, de l'homme devenu Dieu. Ainsi l'homme m'est sacré, et tout ce qui est "véritablement humain" m'est sacré ! "Le mariage est saint par soi-même. Il en est ainsi de tous les rapports moraux. Sacrée est et doit être pour moi l'amitié, sacrée la propriété, sacré le mariage, sacré le bien de tout homme, mais sacré en soi et pour soi" (ibid., p. 403). Ne retrouve-t-on pas le prêtre ? Quel est son Dieu ? L'Homme ! Qu'est-ce que le divin ? L'humain ! Ainsi le prédicat n'a fait que se transformer en sujet ; au lieu de la proposition "Dieu est amour", on dit "l'amour est divin". Au lieu de "Dieu s'est fait homme", on dit "l'homme s'est fait Dieu", etc. Il n'y a qu'une nouvelle religion. C'est seulement quand les rapports moraux ont une valeur religieuse par eux-mêmes (sans consécration religieuse donnée par le prêtre) qu'ils sont cultivés dans un sens moral, qu'ils sont véritablement moraux. La proposition de Feuerbach : la théologie est anthropologie signifie seulement : "La religion doit être éthique, l'éthique est la seule religion." (…) Y a-t-il une différence avec l'amour moral ? Cet amour aime-t-il l'homme, cet homme que voici pour cet homme en lui-même, ou par amour pour la morale, pour l'homme, et ainsi, puisque –homo homini Deus- pour Dieu ?" (L'Unique et sa propriété, Max Stirner, La Table Ronde, 2000, p. 69-70).

A l'exemple d'Iblis, l'avatar coranique de Satan, l'Esprit Libre consacre sa Révolte contre Dieu, c'est-à-dire contre toute Morale sociale, organisée, en refusant de se prosterner devant la créature d'argile qu'est l'homme divinisé, l'Homme-Dieu.




Eric Timmermans



(*) Max Stirner est un philosophe allemand né à Bayreuth, en 1806. Vers la fin de 1841, on le retrouve chez les Freien ("les Affranchis"), un groupe berlinois constitué autour de Bruno Bauer, qui contestait la religion révélée et la politique de l'époque. Le livre de Stirner, L'Unique et sa propriété, eut un grand retentissement lors de sa publication en 1844, mais il sombra par la suite dans l'oubli. Talonné par la misère, Max Stirner, piqué par une mouche charbonneuse, s'éteint à l'âge de cinquante ans, le 25 juin 1856.



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