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Annexe à la page :

La Libre Pensée dans l'élaboration de la loi de séparation

Article du Monde du 11/12/2004 et la réponse de la Libre Pensée




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.



Il y a 99 ans, les laïcs modérés l'emportaient sur les libres-penseurs

Le Monde - 11/12/2004

Jean-Pierre Raffarin a décidé, mardi 7 décembre, de confier l'organisation des cérémonies du centenaire de la loi de 1905 à l'Académie des sciences morales et politiques - et non à une mission spéciale sur le modèle de celle qui avait préparé les festivités du bicentenaire de la Révolution française. Le Premier ministre place ainsi sous le signe de la continuité la commémoration de l'adoption d'un texte que le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, souhaiterait, lui, voir "adapté" à la situation actuelle.

Au sein de l'Institut, c'est le bâtonnier André Damien, conseiller pour les cultes au ministère de l'intérieur de 1993 à 1997, qui a été chargé d'animer le "comité de pilotage" de l'événement, assisté de l'historien Yves Bruley, spécialiste du XIX e siècle. Quatre colloques sur les relations entre l'Etat et la religion sont prévus en 2005. En prélude au centenaire, une anthologie de textes retraçant les étapes qui conduisirent à la loi vient d'être publiée. Présenté par Dominique de Villepin et dirigé par Jean-Michel Gaillard, biographe de Jules Ferry et ancien conseiller de François Mitterrand, ce recueil* cherche à mettre en évidence le large débat public que la loi avait suscité en son temps dans une République qui prenait soin de se qualifier de "libérale" autant que de "laïque". Tous les acteurs de l'époque y prirent part : les intellectuels que l'affaire Dreyfus venait de porter sur le devant de la scène publique, la plupart des grands journaux et les politiques.

Discuté à la Chambre des députés à partir du 10 avril et publiée dans le Journal officiel du 11 décembre 1905, la loi de séparation qu'on associe généralement au "petit père" Emile Combes, alors président du conseil, fut en réalité votée et promulguée sous le mandat de son successeur, Maurice Rouvier. Bien qu'elle soit le fruit d'une alliance entre radicaux et socialistes, elle porte la marque d'une République conciliante plutôt que jacobine. Face aux libres-penseurs prônant "la diminution de la malfaisance de l'Eglise et des religions", les tenants d'une lecture plus modérée de la laïcité, comme Aristide Briand, voulaient éviter, à l'avenir, l'immixtion de la République dans l'organisation des cultes.

"TROIS ÉGLISES"

"Nous sommes en présence de trois Eglises, dit Briand aux députés, le 20 avril 1904 : l'Eglise catholique, apostolique et romaine, l'Eglise israélite, l'Eglise protestante. (...) Et notre premier devoir à nous législateurs, au moment où nous sommes appelés à régler le sort des Eglises dans l'esprit de neutralité où nous concevons la réforme, c'est de ne rien faire qui soit attentatoire à la libre constitution de ces Eglises."

La controverse fit surtout rage autour de l'article 4 stipulant que les biens et les établissements publics du culte devaient être dévolus aux associations qui se seraient formées "dans les anciennes circonscriptions desdits établissements". L'Etat devait reconnaître les évêchés et la hiérarchie de l'Eglise telle qu'elle était léguée par l'histoire. L'appui du socialiste Jean Jaurès fut décisif pour faire pencher la balance dans cette direction.

Modérée ou pas, la loi ne fut acceptée que dans les années 1920 par les catholiques, qui furent peu nombreux à y voir, comme l'ancien dreyfusard Charles Péguy, "un effort sincère de libération mutuelle" et la fin des empiétements de l'Etat sur le culte majoritaire. Si l'islam ne fut pas ou guère invoqué, la loi n'empêcha nullement les dirigeants, comme le très laïc Edouard Herriot, de promouvoir et financer la construction de lieux de cultes en plein Paris sous couvert d'un "institut musulman": tel sera le cas, dès 1926, de la grande mosquée.

Nicolas Weill

(*) 1905, la séparation des Eglises et de l'Etat. Les textes fondateurs. Editions Tempus/Perrin, 476 pages, 10 euros.
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 11.12.04



Réponse de la Libre Pensée


Monsieur,

C'est avec un certain amusement que j'ai lu l'article intitulé "Il y a 99 ans, les laïcs modérés l'emportaient sur les libres-penseurs", article signé de Nicolas Weill. Il faut avoir une sacrée dose d'ignorance historique pour dresser les libres penseurs de l'époque aux "laïcs modérés" qu'auraient été Aristide Briand, Jean Jaurès et plus tard Edouard Herriot.

Ces trois personnages étaient tous des libres penseurs actifs et responsables et ont tous fait des conférences publiques, pendant des décennies, au nom de la Libre Pensée. Aristide Briand et Jean Jaurès, notamment, n'ont pas agi contre les orientations de la Libre Pensée en 1905, mais, au contraire, ont mené leurs actions sur mandat express de la Libre Pensée. Celle-ci avait élaboré le texte de la loi en 1904 lors d'un congrès international tenu à Rome en 1904. Il y a eu débat au sein de la Libre Pensée entre les partisans de la laïcité de l'Etat et ceux qui prônaient l'athéisme d'Etat. Le même débat a eu cours au sein du Parti Radical, de la SFIO, de la vieille CGT et du Grand Orient de France. C'était l'époque qui voulait ce débat, toujours actuel d'ailleurs. Mais l'écrasante majorité des libres penseurs était pour la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, c'est-à-dire pour la laïcité des services publics.

La loi de 1905 est l'oeuvre de la Libre Pensée, c'est elle qui l'a écrite. Lapsus révélateur, Nicolas Weill écrit "laics" à la manière des religieux non ordonnés, alors que les partisans de la laïcité sont des "laïques". Votre journaliste prend visiblement ses désirs pour des réalités.

Mais personne n'est parfait. C'est pourquoi, je me permets d'inviter ce journaliste du Monde au Congrès mondial des Libres penseurs et des Athées qui se tiendra le lundi 4 juillet 2005 au Conseil Economique et Social, dont le thème est justement le centième anniversaire de l'action de la Libre Pensée pour le vote de la loi de 1905. A cette occasion, il pourra dire "la Libre Pensée existe, je l'ai rencontré", et peut être comprendre le sujet des articles qu'il traite. Meilleures salutations.

Le Rédacteur en chef de la Raison, mensuel de la Libre Pensée : Christian Eyschen - 12/10/2004

(Réponse non publiée par Le Monde)


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