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1905 - Loi de séparation
des Eglises en de l'Etat

La laïcité en marche


par Yvon Stubert  -  14/06/2005



Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.



A vrai dire, cette année 2005 ne peut nous laisser indifférents. Elle marque en effet le centenaire d’une vieille dame, la LOI DE 1905, dite "Loi de séparation des Eglises et de l'Etat".

La réflexion cheminant, j’ai voulu mieux comprendre le fonds et la portée de ce texte si souvent cité aujourd’hui par ses défenseurs comme par ses détracteurs, avec conviction le plus souvent, mais aussi utilisé comme simple condiment à la mode destiné à épicer un discours insipide… Et je me suis retrouvé, tel le pécheur novice voulant tirer de son panier en osier une simple ligne et soulevant un enchevêtrement de fils, d’hameçons, de flotteurs et de planchettes… emmêlé moi aussi dans l’histoire, ses textes, ses pratiques et son devenir. Non, cette loi n’est pas simple ni simplement une loi…perdue dans la jungle de nos codes. Oui cette loi est fondamentale, complexe et actuelle, elle-même fondatrice de notre république laïque.

Si nous pouvons laisser aux exégètes le soin de décortiquer ou de dépoussiérer les nombreux articles traitant des aspects pratiques cultuels (pour l’essentiel complètement obsolètes aujourd’hui), nous devons nous arrêter sur le titre premier, un joyau réglementaire à vrai dire, énonçant un principe très fort :
"La République assure la liberté de conscience".

Déclaration synonyme d’évidence pour nous autres français du XXI ème siècle comme l’est aussi pour nous le droit à l’éducation ou celui à la santé. Mais c’est avant tout un principe profond et généreux que nous envient tant de peuples sur notre planète.

Un retour en arrière même limité et sélectif peut nous aider à mesurer le chemin parcouru depuis l’antiquité pour conquérir patiemment mais sûrement cette "liberté de conscience" dont nous jouissons justement à l’heure actuelle, pour suivre la naissance de sentiments, d’idées, de théories qui feront elles-mêmes germer cette notion jeune et grande de laïcité.

Ainsi les grecs anciens ont eu, les premiers, le génie d’inventer la notion de citoyen. Dans sa cité, l’homme pouvait enfin exprimer ses opinions, débattre et exercer son esprit critique publiquement. Même limité dans l’étendue, dans l’espace ou dans le temps (et Socrate aurait pu en témoigner !), ce droit à l’expression qui se voulait égalitaire marquait une première émancipation de la réflexion individuelle dans une société organisée. Des philosophes comme Platon ou Aristote (qui donnait leur place au raisonnement, à la logique et au principe de causalité), ont su, dans ce cadre, éveiller la conscience individuelle. Aristote
Aristote

Du temps d’Avicenne
Du temps d’Avicenne : les philosophes arabes
Hélas, le pouvoir politique, ou la religion, ou souvent les deux à la fois se sont employés à réduire et le plus souvent à détruire toute velléité d’autonomie chez les sujets (du roi ou de Dieu). La pensée libre, même dans la sphère privée, étant assimilée à une subversion. Et les siècles, les civilisations, régimes et autres dynasties se sont succédés avec les mêmes principes coercitif et répressif, régulièrement mis en cause par des poignées d’hommes libres… le plus souvent éliminés.

Au Moyen-Age, quelques penseurs ont bien tenté de réaffirmer l’autonomie de l’homme, tels Avicenne au Moyen-Orient (qui définissait le champ de la logique) et Averroès (distinguant ce qui relève de la raison de ce qui émane de la foi) en Espagne - et d’une certaine manière Thomas d’Aquin (la logique est une science rationnelle) - mais le passage de la sanglante inquisition en Europe, dès le XIIIème siècle, a ruiné pour une longue période tout progrès de la pensée.

Une parenthèse intéressante, cependant (mais qu’il faut bien situer dans le contexte politique), fut marquée par la publication de "L’Edit de Nantes" en 1598 par Henri IV reconnaissant la liberté de choix de la religion pour les français. N’oublions pas, cependant, que cet édit succéda à la sinistre Saint Barthélémy de 1572 et qu’il fut révoqué par Louis XIV en 1685.

Michel de Montaigne
Michel de Montaigne
Il n’empêche, l’histoire avançait et ce furent les humanistes, comme Montaigne ou Erasme, qui surent donner un grand souffle à la conscience humaine ouvrant la voie aux philosophes du "siècle des lumières" dont Voltaire peut être cité comme représentant significatif. Cette fois, la philosophie politique et la réflexion sociale ont fait un pas de géant. Voltaire

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
Sur ce terreau émancipateur, leurs fils spirituels, les républicains, ont pu rédiger la "La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen" de 1789 et rallumer le noble flambeau de la liberté. Plus précis bien que formel, le "Programme de Belleville" rédigé en 1869, qui réclamait "la séparation de l’église et de l’état". Un application éphémère (et elle aussi noyée dans le sang) a vu le jour pendant la "Commune de Paris" au printemps 1871.

Et ce sont toujours les républicains qui, après des ébauches semées d’embûches et d’embuscades diligentées par l’église romaine parviendront à promulguer les lois laïques de 1882 et de 1886 (concernant l’école, avec l’emblématique figure de Jules Ferry) puis à faire adopter, le 9 décembre 1905, la fameuse loi dite de séparation des églises et de l’état. Inutile de dire que nos relations avec le Vatican étaient mauvaises, marquées de 1904 à 1921 par une rupture diplomatique. Plus près de nous, dans la marche du progrès humain, citons la "Convention Européenne des Droits de l’Homme" de 1950 ratifiée en 1973. Jules Ferry
Jules Ferry

Comme je l’écrivais tout à l’heure, le message principal de cette loi "la République assure la liberté de conscience" entraîne avec lui les grands principes fondateurs de notre république : la laïcité, source première de la Liberté et de l’Egalité ainsi que la Fraternité, lien social positif entre les hommes. Elle se veut aussi garante de la démocratie, seule forme d’organisation politique capable de s’émanciper des dogmes.

La liberté ainsi développée n’est pas la liberté de vendre ou d’opprimer, cette forme dénaturée de liberté asservie à l’argent ou à l’impérialisme qui s’apparente fort à une barbarie moderne ; c’est la liberté de penser, de croire, de juger et de choisir ; celle qui sort l’homme de l’animalité.
L’égalité, celle des citoyens devant la loi s’oppose à l’égalitarisme primaire, lui-même apparenté au nivellement par le bas ; elle est vertueuse, source de respect et donc de paix.
Quant à la fraternité, indissociable de la liberté et de l’égalité, elle doit permettre la libre circulation des idées et surtout favoriser les échanges, les rencontres, les débats où chacun va vers l’autre pour donner autant que pour apprendre.

Et où mieux qu’à l’école, ce lieu magique de la science et de la conscience, la laïcité peut-elle s’épanouir ? L’enfant, à la pensée tendre et fragile se trouve là protégé des dogmatismes et sectarismes "historiques" ainsi que, sous leurs formes plus modernes et insidieuses, des communautarismes et autres intégrismes. Il ne faut pas s’y tromper : les loups sont aux aguets et tentent, encore et toujours, de broyer la laïcité brutalement…ou en pervertissant subrepticement des notions comme le "droit à la différence" (qui est au cœur de la loi de 1905)…pour aboutir à la "différence des droits" qui restaurerait clanisme, tribalisme et à l’échelle des états, une néo- féodalité. Nous le voyons : la laïcité à l’école est le seul cadre pédagogique permettant l’acquisition de toutes les connaissances, seul lieu institutionnel facilitant la compréhension de la relativité en tout domaine, garantissant une véritable recherche scientifique et promouvant l’esprit critique. Ainsi s’exprimait Jean Jaurès "La loi de séparation, c’est la marche vers la pleine lumière, la pleine science et l’entière raison".

Permettez-moi, pour terminer mon propos, de reprendre son titre "la laïcité en marche". L’histoire ne s’arrête pas, ne se nourrit pas que du passé mais aspire au plein épanouissement des idées humanistes. C’est pourquoi je citerai, pour conclure, Ferdinand Buisson, ardent défenseur de la loi de 1905, ne la réduisant pas à un texte figé mais l’érigeant en vecteur de progrès "La séparation n’est pas le dernier mot de la révolution sociale, mais elle en constitue indéniablement le premier".


Yvon Stubert


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