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A-t-on (encore) le droit d'être athée
selon le bon pape François ?

Ce texte est un extrait du livre de Paul Ariès
"La face cachée du pape François" (Max Milo, mars 2016)


par Paul Ariès  -  mars 2016




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Une critique virulente de l'athéisme a de nouveau droit de cité dans l'Eglise. François, contrairement aux apparences, n'est pas différent de Jean-Paul II... Il est seulement plus malin dans la façon de présenter la damnation des athées. Le Directoire général pour la catéchèse soutient que "l'athéisme est rangé parmi les faits les plus graves de la société". Benoît XVI déclare, aux journées mondiales de la jeunesse en Espagne que "l'expérience prouve qu'un monde sans Dieu est un enfer où prévalent les égoïsmes, les divisions dans les familles, la haine entre les personnes et les peuples, le manque d'amour, de joie et d'espérance". Les médias admiratifs ont cru que François était plus généreux car il a déclaré, dans son homélie du 22 mai 2013, que les athées pouvaient également être rachetés par le sang de Christ. Le père Thomas Rosica, porte-parole du Vatican, a cependant expliqué le sens profond de ce message pontifical : les gens qui connaissent l'Eglise catholique "ne peuvent pas être sauvés" s'ils refusent d'entrer ou de séjourner en elle, sauf s'ils mènent une "vie droite et sainte" (selon les critères de l'Eglise), car dans ce cas, ils seraient des chrétiens "malgré eux", que l'Eglise nomme des "chrétiens anonymes". Le journal La vie du 29 mars 2013 titrait donc avec raison : "Les athées iront quand même en enfer"... A bon entendeur, salut !

Le bon pape François a récidivé, le 20 avril 2015, en recevant, au Vatican, la Conférence des rabbins européens et en déclarant que "l'antisémitisme et l'athéisme" étaient "deux menaces qui concernaient juifs et chrétiens" ! Cette assimilation de l'antisémitisme et de l'athéisme est totalement scandaleuse. L'antisémitisme n'est pas une opinion mais un délit puni sévèrement par la loi : l'auteur encourt jusqu'à un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. L'athéisme est, au contraire, dans la République un droit humain fondamental et le délit de blasphème, autrefois sanctionné, a disparu du droit français une première fois avec la Révolution française en 1789, une seconde fois en 1881, car il avait été rétabli sous la restauration monarchique et... catholique. La discrimination contre les athées est même devenue une forme d'intolérance religieuse à l'encontre des non-croyants et est qualifiée d'athéophobie. Près d'un pays sur deux dans le monde continue de sanctionner le blasphème ! Le délit de blasphème existe ainsi toujours en Allemagne, au Danemark, en Italie, aux Pays-Bas, en Irlande, en Grèce mais il n'est plus appliqué sauf en Grèce. Les appels à renforcer la législation coercitive et à punir les blasphémateurs se multiplient cependant et d'abord bien sûr chez les ennemis de Vatican II : "Dans un Etat catholique, il est bien évident que de telles publications (NDLR : Charlie Hebdo) auraient été immédiatement censurées, le blasphème étant un crime contre le Créateur, crime bien plus grave que l'homicide disait saint Thomas d'Aquin puisque le blasphémateur porte atteinte à l'honneur divin. Le blasphème envers Dieu, puni par la loi jusqu'à la Révolution, attire donc inévitablement la colère divine. "C'est la loi de l'histoire et c'est un ordre accoutumé de la Providence que, pour punir les peuples pervers, Dieu se sert d'autres peuples plus pervers encore ; et cette mission, l'islamisme en était investi pour longtemps" affirmait le Cardinal Pie en 1859." (1).

ICHTUS a porté plainte contre mes camarades et amies des Femens pour "délit d'injures publiques envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l'espèce, la religion catholique, en s'exposant dans un lieu public à l'occasion d'une manifestation organisée par et regroupant des associations catholiques, le dos et le torse nus sur lesquels étaient peintes les inscriptions "In gay we trust" et tenant à la main un aérosol sur lequel était inscrit "Holy Sperm" ; les dites inscriptions représentant des expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives à l'encontre des catholiques et ne refermant l'imputation d'aucun fait".

Nous ne sommes pas cependant (encore ?) dans la situation des pays musulmans. Dans treize de ces pays, l'athéisme est même condamné à la peine de mort mais ailleurs les athées sont condamnés à la prison pour apostat ou blasphème. Des étudiants marocains viennent ainsi d'écoper de un à trois ans de prison ! Un poète palestinien, réfugié en Arabie Saoudite, Ashraf Fayadh vient d'être condamné à mort en novembre 2015 pour éloge de l'athéisme (sic). Déjà détenu en 2013 pour blasphème, il avait été libéré en raison de sa notoriété, il représentait l'Arabie-Saoudite lors de la Biennale de Venise en 2013, il est de nouveau arrêté en janvier 2014, condamné à 4 ans de prison et 800 coups de fouets, un second tribunal vient de le condamner à mort pour les mêmes faits. Une nouvelle loi adoptée début 2015 qualifie les athées de terroristes (sic). Sauf erreur, je n'ai pas entendu François ou le "spécialiste" de la "liberté religieuse", Massimo Introvigne, engager un mouvement de protestation. L'Eglise intervient, en revanche, au plus haut niveau, lorsque des chrétiens sont accusés de blasphème et condamnés par exemple, au Pakistan.

Un rapport intitulé "liberté de Penser : un rapport sur la discrimination contre les Humanistes, les Athées et les personnes non pratiquantes" est publié chaque année par l'IHEU (International Humanist and Ethical Union). Selon ce dernier, de l'Occident chrétien au Moyen Orient islamique, les athées sont confrontés à la discrimination et la persécution inclut l'exécution, la détention à vie, la révocation de la citoyenneté, et le déni d'éducation et d'accès aux services de santé. Ce rapport porte sur les lois touchant à la liberté de conscience dans soixante pays et dresse la liste de nombreux cas individuels où des athées ont été persécutés à cause de leur non croyance. Le rapport cite des lois discriminatoires qui refusent aux athées "le droit d'exister, réduit leur liberté de pensée et d'expression, révoque leurs droits à la citoyenneté (et) restreint leur droit de se marier." (2). La sainte alliance des religions contre l'athéisme constitue aujourd'hui une des principales menaces à l'échelle planétaire. Les athées sont légion : 85 % des Suédois, 40 % des Français, 40 % des Britanniques, 14 % des Américains, selon la CIA 12 % environ des humains.

L'Eglise refuse pourtant toujours de reconnaître l'athéisme pour ce qu'il est. Elle continue, au XXIe siècle, à soutenir que sa vraie nature serait l'idolâtrie car existeraient toujours des idoles lorsqu'on ne reconnaît pas un dieu unique. L'athée serait un paganiste qui s'ignore et qui compterait parmi ses divinités le culte de l'égo, ce qui le conduirait à vouloir que l'humain prenne la place de Dieu. Cette doctrine est une façon de rappeler qu' "en dehors de l'Eglise point de Salut !". L'athée ne pourrait se sauver que s'il se conforme à la loi dite naturelle. Ainsi un couple (même athée) pourrait accéder au paradis s'il rejette la contraception non naturelle, l'IVG, si les époux ne se regardent pas avec désir, s'ils se constituent un patrimoine et défendent leur propriété privée, etc.

Le soldat de Dieu, Jean-Michel Castaing, dédouane finalement la technoscience car le vrai coupable ne serait pas la technique mais "l'athéisme pratique" : "Tout le monde s'accorde sur le fait que cette démesure est à la source de la grave crise écologique qui menace la survie de notre "maison commune". Or cette hybris ne résulte pas seulement des possibilités intrinsèques aux trouvailles de la technoscience, ni de la simple soumission de l'homme à sa logique. Certes, la science et la technique imposent leurs modèles, et tentent de nous faire prendre le possible pour le désirable et le souhaitable. Mais avant de devenir une idole dont l'homme baise les pieds, la Technique a assis son règne sur l'oubli de Dieu, sur un athéisme pratique". Conséquence : la destruction de la planète c'est l'oubli de Dieu, c'est l'athéisme pratique (pas même militant), habile façon de dédouaner le capitalisme/ productivisme et ceux qui le servent ! Le soldat de Dieu, Jean-Michel Castaing, tonne d'ailleurs que l'ennemi n'est pas uniquement l'athée convaincu mais l'indifférent, celui qui oublie Dieu : "L'oubli de Dieu est le fruit de la liberté de l'homme, auquel Dieu s'adresse et demande son assentiment. Jamais Dieu n'a cultivé le projet pervers de conduire l'histoire du monde en organisant sa propre éviction par les hommes !". L'humanité serait donc libre, puisque Dieu l'a voulue ainsi, mais elle est cependant en liberté conditionnelle comme les taulards, une liberté avec des chaînes aux pieds, une liberté sous camisole, bref une liberté catholique !

Jean-Michel Castaing s'interroge enfin sur les conséquences de l'athéisme. Première conséquence : face à leurs oppresseurs les dominés ne pourraient en appeler à aucune transcendance. C'est vrai que les athées ont davantage foi dans les luttes sociales et la construction de rapports de force et qu'ils attendent davantage d'un surcroît de démocratie que d'un quelconque dieu. Seconde conséquence qu'assène ce véritable Torquemada des temps modernes : si seule la respriritualisation de l'humanité peut encore sauver le monde, encore faut-il que l'humanité s'en remettre à la bonne religion, au catholicisme. J'ai envie de dire à ce VRP écolo-catho : "Putain de ta marque" religieuse (3). Laissez tomber votre sectarisme et acceptez qu'existent mille façons de faire fleurir des valeurs. L'écologie à la sauce vaticane marque donc le retour à la "guerre sainte" contre les athées mais aussi contre les mauvaises religions : "L'écologie à laquelle ces sectes gnostiques initient leurs membres s'apparente davantage à celle du New Age qu'à celle dont le pape François nous invite à découvrir les richesses dans la sagesse chrétienne au fil des pages de l'encyclique Laudato Si'. C'est un fait indéniable : se tromper de constat revient de facto à se tromper d'écologie. Face à un tel défi, la réflexion n'est jamais de trop. Pour ne citer que le seul exemple du "Nouvel Âge", il n'est jamais superflu de préciser de quel type d'écologie il est question dans un débat d'idée.". L'adversaire ce n'est donc pas seulement l'athéisme mais aussi les "fausses" religions dont celles qui remettent en cause le monothéisme. L'Eglise n'en finira donc jamais d'allumer des bûchers et de brûler des sorcières ! "L'écologie que ce courant de pensée véhicule est plus proche des superstitions ésotériques et spiritistes que d'une pensée politique structurée et cohérente. Selon le "Nouvel Âge" en effet, "la Nature est un être vivant parcouru par des influx de sympathie et animé par un feu secret que les êtres humains cherchent à maîtriser. Les hommes peuvent entrer en contact avec les mondes supérieurs ou inférieurs par l'imagination (un organe de l'âme et de l'esprit), ou à travers des médiateurs (anges, esprits, démons) ou des rituels (...) Comme on le voit, le "Nouvel Âge" n'est pas loin de substituer la Nature à Dieu ! Un dieu qui se confond avec l'Énergie cosmique. On est loin ici du Dieu personnel de la révélation biblique. Ainsi se confirme le constat que nous établissions au début : l'écologie regarde autant, sinon plus, l'esprit, la spiritualité, que la politique. Afin que la réflexion ne se retrouve parasitée par les gnoses de tout poil, il n'est pas inutile de préciser la compréhension et l'extension du concept d'"écologie", c'est-à-dire la définition que l'on peut donner de l'écologie ainsi que l'ensemble des objets que ce concept désigne ou concerne de près." (4).

Ces écolo-cathos, qui parlent d'écologie humaine et d'Eglise experte en humanité, n'ont décidemment rien de sympathiques ni de confraternels. Ils dénoncent les superstitions des autres mais ne voient pas la poutre qu'ils ont dans l'oeil : je me moque de savoir si les adeptes du pachamamisme amérindien confondent le dieu personnel des chrétiens avec de l'ésotérisme, mais je constate qu'ils ne canonisent pas une sorcière génocidaire de chrétiens et qu'au lieu de soumettre la nature aux lois de l'économie comme le fait le capitalisme et son projet de monnaie-carbone et de marchandisation accrue, ils entendent soumettre l'économie aux lois du vivant (avec la permaculture) !

Philippe Oswald est un autre enragé de la "Manif pour tous", lui aussi dénonce le matérialisme et l'athéisme, lui aussi appelle, avec Frigide Barjot, les catholiques à faire de la politique, lui aussi parle d'un "mai 68 à l'envers", lui aussi se sent pousser des ailes d'écologistes depuis que ce terrain de chasse est ouvert : "C'est un mouvement profond, d'écologie humaine, qui récuse totalement la dérive libérale-libertaire issue de mai 68 dont trop de responsables politiques et de meneurs d'opinion, notamment de journalistes, sont les héritiers et les propagandistes. En annonçant que la Manif pour tous présenterait des candidats aux prochaines élections municipales, Frigide Barjot a esquissé une stratégie de longue haleine dont ce printemps inouï, sorte de "mai 68 à l'envers", livre les prémices. Indubitablement, le mois de mai sera chaud... Il faut tout mettre en oeuvre pour qu'il soit, au sens fort, édifiant." (5).

Cet ancien patron de l'association très à droite Famille de France, accompagnateur des Marches dans le désert organisées par ICHTUS explique qu'"Après la Révolution française, le code civil a coupé la famille de ses racines chrétiennes"... Le mariage homo ne serait donc qu'un vil prétexte ! Cet éditeur à Aleteia, qui écrivait aux lendemains de la tuerie "Etre Charlie, non merci !", vient de se voir décerner par François la plus haute récompense papale en devenant Chevalier de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. Benoît XVI avait déjà remis en 2012 la médaille de Commandeur à Patrick Buisson, ce militant d'extrême-droite, conseiller de Sarkozy, grand défenseur des valeurs chrétiennes mais spécialiste des enregistrements clandestins du couple présidentiel, mis en examen pour abus de biens sociaux et détournement de fonds publics dans l'affaire des sondages de l'Elysée.


Paul Ariès
Pour aller plus loin : lafacecacheedupapefrancois.wordpress.com



Notes
  1. http://www.catholique-sedevacantiste.com/article-la-liberte-de-blasphemer-une-abomination-damnable-125367546.html

  2. http://iheu.org/

  3. Paul Ariès, Putain de ta marque, la publicité contre l'esprit de révolte, Golias

  4. http://www.libertepolitique.com/La-revue/La-revue-Liberte-Politique/Vieillir-une-vocation

  5. http://fr.aleteia.org/2013/04/22/manif-pour-tous-des-veilleurs-qui-annoncent-laurore/


Bibliographie : "La face cachée du Pape François". Paul Ariès (Editions Max Milo, 2016)

"La Face cachée du pape François". Entretien avec Paul Ariès, 01/04/2016.

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