Comparaison entre la conception islamique
et la conception occidentale de la loi
et son impact sur les minorités
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par Sami Aldeeb - 07/03/2007
Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.
Chapitre IV. Comment résoudre le problème de la loi islamique
2) Réponse à l'intérieur des pays occidentaux
Les penseurs occidentaux ne sont pas informés du débat idéologique autour de la conception islamique de la loi pour deux raisons. En premier lieu, ils ont oublié les épisodes dramatiques qui ont précédé la présente laïcisation de la société. Ils jouissent des résultats chèrement acquis par les générations passées qui ont lutté pour séparer l'Eglise de l'Etat. Nous avons ici à remarquer que bien que très violente, cette lutte est moins tragique que la lutte que doit mener la société islamique avant d'obtenir la séparation non pas entre l'Etat et l'Eglise (laquelle n'existe pas dans la société islamique) mais entre l'Etat et les lois religieuses. Et c'est là la deuxième raison de l'inconscience des penseurs occidentaux. Ils n'ont jamais éprouvé une telle situation. Ils ne savent pas la différence entre les deux sources fondamentales de loi islamique (le Coran et la Sunnah) et l'Évangile. Le Coran et la Sunnah sont des textes légaux. Peut-être devraient-ils se souvenir de l'axiome des groupes islamistes: "Le Coran est notre constitution". La loi islamique, d'après la grande majorité des constitutions arabo-islamiques est une source, voire la source de loi. Séparer l'Etat des lois religieuses signifie en fait abandonner l'islam. Cela veut dire l'apostasie, avec ses conséquences fatales. Cela veut dire l'athéisme.
C'est un dilemme terrible qui nécessite d'énormes efforts de rationalisation et une liberté d'expression. Ces deux conditions manquent dans la société arabo-islamique. Et ici la contribution occidentale est précieuse. L'Occident a la liberté d'expression (bien que pas complète) et a atteint un haut niveau de rationalisation. Les penseurs occidentaux devraient analyser le concept de la révélation et aider les penseurs musulmans à prendre part à une telle analyse.
Comme un premier pas, je suggère que l'Occident commence à enseigner dans ses facultés de théologie et dans ses écoles que la révélation en tant que texte définitif et clos à jamais est un concept faux et dangereux pour l'humanité, que chaque humain a une mission à remplir sur cette terre, que l'Esprit n'arrête pas de souffler, et que Dieu n'est pas à la ménopause incapable de produire d'autres prophètes. Le Prophète Joël dit à cet égard:
Je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions. Même sur les esclaves, hommes et femmes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit (Joël 3:1-2).
Cette idée est confirmée par Saint Paul qui écrit aux Corinthiens: "Vous pouvez tous prophétiser à tour de rôle, pour que tous soient instruits et tous exhortés" (I Corinthiens 14:31). Consulter la Bible, l'Évangile et le Coran c'est avoir un regard dans l'héritage de l'humanité. Mais cela doit servir pour mieux regarder devant nous, dans notre temps. Il n'est pas possible de vivre le présent exclusivement avec les normes du passé. Ce serait condamner l'être humain à l'immobilisme, et donc à la stagnation. L'Imam Mahmud Shaltut (décédé en 1964) écrit à ce propos:
Celui qui s'immobilise sur les opinions des prédécesseurs et se satisfait de leur savoir, de leurs connaissances et de leur système de recherche et d'enquête, commet un crime contre la nature humaine et prive l'homme du don de la raison qui le caractérise.
Si une telle idée est enseignée en Occident, elle peut progressivement faire par la suite son chemin chez les musulmans comme chez les juifs. Sans cela, le 21ème siècle sera ravagé par des guerres de religion, attisées par des hallucinés juifs, chrétiens ou musulmans, tous prétendant obéir à des ordres de Dieu donnés dans le passé lointain, ordres dont la véracité est impossible à prouver puisque Dieu reste, pour le moment, inatteignable par nos moyens de communication.
Ma suggestion vise à créer les conditions pour la naissance d'un Siècle des Lumières dans la société arabo-islamique aussi bien que dans la société juive.
Bien que ce but soit primordial, il peut nécessiter beaucoup de temps et d'énergie… et peut-être beaucoup de vies sacrifiées. Entre-temps, les sociétés occidentales doivent se protéger contre les conséquences catastrophiques de la conception judéo-musulmane de la loi sur leurs systèmes démocratiques et sauvegarder leur intégrité territoriale. Des mesures préventives doivent être adoptées sur le niveau légal. Les Occidentaux doivent imposer le respect de leurs lois par les musulmans qui habitent à l'intérieur de leurs frontières et être très prudents devant toute demande de cette communauté qui enfreint la laïcité de la loi. Ils ne devraient pas donner leur nationalité à ceux qui considèrent leurs normes religieuses comme supérieures aux normes de l'État. Certes, on ne peut exiger d'un musulman de manger du porc ou de boire du vin pour pouvoir bénéficier de la naturalisation. Mais on est en droit de lui demander le respect des principes fondamentaux comme la liberté de religion et des normes qui en découlent. Ainsi, à titre d'exemple, un musulman qui refuse que son fils ait la liberté de changer de religion à l'âge de 16 ans, ou que sa fille épouse un chrétien ne devrait pas être naturalisé. Un imam qui marierait des couples avant de passer devant l'état civil doit être non seulement interdit de naturalisation, mais aussi de séjour. Il faudrait donc déterminer les normes de l'étranger qui entrent en conflit avec les normes occidentales et voir lesquelles de ces dernières l'étranger doit respecter.
Cette rigueur doit être aussi observée en ce qui concerne les demandeurs d'asile politique. La Convention relative aux réfugiés dit à son article 2: "Tout réfugié a, à l'égard du pays où il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois et règlements ainsi qu'aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public". Certains pays occidentaux souhaitent même exiger des immigrants qu'ils ne pratiquent pas l'excision de leurs filles.
Je dois ici insister sur la question des cimetières. Les pays occidentaux sont de plus en plus enclins à donner des cimetières exclusivement réservés aux musulmans. Les cimetières sont le miroir de ce qui devrait être la relation entre personnes vivantes. Les musulmans refusent d'être enterré avec les mécréants comme une conséquence de leur idéologie religieuse qui sépare entre les croyants et mécréants (une forme d'apartheid). Ces cimetières sont juste une de nombreuses demandes qui viendront bientôt sur la table. Par conséquent, je propose que tous les cimetières religieux soient abolis, y compris les cimetières juifs. Toute demande pour un cimetière religieux devrait être considérée comme une infraction à la loi contre le racisme et la discrimination. Nous devons remarquer à cet égard que les Églises, naïvement, sont généralement en faveur des cimetières islamiques.
Le deuxième point sur lequel l'Occident doit insister est la question des mariages mixtes. Je ne suis pas opposé aux mariages mixtes entre musulmans et non-musulmans. Mais nous devons savoir que la situation actuelle est discriminatoire. Les hommes musulmans épousent des femmes non-musulmanes mais ils refusent que les femmes musulmanes épousent des hommes non-musulmans. Ces derniers sont obligés de se convertir à islam avant de se marie. D'autre part, les enfants issus de ces mariages mixtes sont toujours musulmans, et ils n'ont aucune possibilité de changer leur religion. Par conséquent, je propose que l'état impose un contrat de mariage dans lequel les deux partenaires s'engagent à respecter la loi du pays où ils vivent. Toute contrainte à la conversion pour pouvoir conclure un mariage mixte doit être sévèrement punie.
Il me faut enfin mettre en garde contre le dialogue inter-religieux s'il n'est pas fondé sur la franchise et le devoir de respect des droits de l'homme. Les Églises chrétiennes rendent un mauvais service à leurs adeptes et aux musulmans en adoptant un discours flatteur et en soutenant les revendications des musulmans sans tenir compte des arrière-pensées et des conséquences. Très souvent ce dialogue ne sert qu'à voyager et bien manger. Il me suffit ici de signaler que les décennies de dialogue inter-religieux initié par les Églises avec les musulmans n'ont même pas réussi à mettre un terme à l'abus des musulmans qui se permettent d'épouser des femmes non-musulmanes mais interdisent catégoriquement le mariage des non-musulmans avec des femmes musulmanes.
Si les pays occidentaux doivent prendre des précautions face aux musulmans pour éviter l'implosion de leurs systèmes démocratiques et la désintégration de leurs territoires, ils doivent aussi adopter une attitude de justice dans leurs relations internationales. Malheureusement, la partialité occidentale a des conséquences préjudiciables non seulement sur les relations entre les minorités musulmanes et les pays occidentaux, mais aussi sur les relations entre les minorités non-musulmanes et les États musulmans. Qu'on me permette ici de rappeler que la création d'Israël par l'Occident a provoqué une régression de la pensée libérale à l'intérieur des pays arabo-islamiques. Plus la situation injuste du Moyen Orient se perpétue, plus difficile sera la solution du dilemme religieux islamique. "La paix sera le fruit de justice" (Isaïe 32: 17), et la barbarie est le fruit de l'injustice. Personne ne peut avoir la paix et l'injustice en même temps. Le Monde est de plus en plus exposé au fanatisme et au terrorisme, mais ces fléaux sociaux ont besoin de la justice pour qu'ils soient guéris. Chacun de nous doit examiner sa conscience dans ce domaine et reconnaître ses erreurs. C'est le temps pour se repentir avant que cela en soit trop en retard. Et nous avons tous à nous repentir et réparer. Que Ben Laden soit mort ou pas dans les montagnes d'Afghanistan, il est toujours vivant dans chacun de nous, même à l'intérieur de M. Bush et M. Blair. Le plus nous oublions cette réalité, le moins nous pouvons mettre fin aux problèmes dont nous souffrons.