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Charli au Mali

Ma réaction à l'article intitulé : "Charlie" et l'Afrique...
Témoignage d'un général français de retour du Mali


par Thierry Venot  -  28/06/2015




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




http://www.france-irak-actualite.com/2015/02/charlie-et-l-afrique-temoignage-d-un-general-francais-de-retour-du-mali.html


"Les controverses les plus furieuses ont pour objet des domaines où il n'y a aucune sorte de preuve" (Bertrand Russell)


Le général Pierre Michel Joana relate avec exactitude les dramatiques répercussions qui, en Afrique, ont suivi l'assassinat des journalistes de Charlie hebdo. Les médias ont peu relayé ces événements si bien que ceux-ci sont passés presque inaperçus. Si de telles manifestations étaient prévisibles dans les théocraties musulmanes, j'avoue que je ne m'attendais pas à ce qu'elles aient lieu au Mali. En lisant l'interview du général, j'ai cru comprendre que ces émeutes étaient en partie liées à la présence du président malien à la grande manifestation des "Je suis Charlie" et à l'ambiguïté que cela a engendré au sein d'une population profondément religieuse. Je connais un peu l'Afrique et la grande versatilité de ses populations, celles-ci s'enflamment vite, mais oublient vite avant de s'enthousiasmer à nouveau pour ceux qu'elles détestaient la veille. Quelles qu'en soit l'origine, ces répercussions dramatiques mettent en évidence l'énorme fossé culturel qui sépare les démocraties occidentales et les pays dans lesquels les appartenances religieuse et ethnique sont les critères identitaires principaux. Elles pointent également du doigt le raffut médiatique outrancier de la campagne "Je suis Charlie" ainsi que l'exploitation inconséquente qu'en a faite le gouvernement français et ce, pour des raisons de politique intérieure.

Chez nous, la laïcité a été chèrement acquise après plusieurs siècles de lutte acharnée contre la toute-puissance du clergé. La hiérarchie catholique, foncièrement antirépublicaine, n'a véritablement reconnu la légalité de la Nation qu'en 1922 . Et encore ... du bout des lèvres, à contrecour et en "tirant la patte" jusqu'en 1965 ! C'était hier ! Ce long combat en faveur de la laïcité a conduit à une liberté de pensée qui, de toute évidence, ne peut pas être comprise par des populations qui baignent dans un univers religieux depuis l'enfance. Il est, en effet, très difficile pour ces croyants d'accepter que leur "prophète" soit critiqué ou ridiculisé, non parce qu'ils sont intolérants mais parce que la foi fait partie de leur vie. Leur croyance n'est pas une notion extérieure à eux-mêmes et encore moins un choix librement consenti, c'est un constituant de leur vie et il ne fait aucun doute que, pour eux, le blasphème est vécu comme une atteinte personnelle. Ce qui, en Europe peut apparaître comme de l'intolérance n'est en réalité que le fruit de la toute-puissance du religieux dans l'"éducation" mais également celui d'une absence cruelle d'"instruction" qui ne permet ni prise de distance ni relativisme à l'égard de la religion. C'est un fait qu'il faut prendre en compte, c'est pourquoi une attitude stigmatisante envers ces populations serait du mépris voire du racisme. Puisqu'il est question du rôle de la culture dans l'influence des modes de pensée, il convient de bien distinguer "instruction" et "éducation". A propos d'"éducation", Bertrand Russell écrivait "Les hommes naissent ignorants mais pas stupides, c'est l'éducation qui les rend stupides". Concernant l'"instruction", rempart nécessaire (mais loin d'être suffisant !) contre la tentation naturelle pour l'irrationnel, il ajoutait avec beaucoup de lucidité : "Ce que les hommes veulent en fait, ce n'est ni la connaissance ni le doute mais la certitude". C'est pour ces raisons que, tout comme Michel Onfray, je pense, qu'il faut distinguer nettement les "agenouillés" et les "agenouilleurs". Le combat (ou la simple vigilance) à l'égard de l'obscurantisme religieux devrait épargner les "agenouillés" dont - si on considère la population mondiale - une énorme proportion n'est pas en mesure d'avoir un regard critique sur son propre mode de pensée. Cela s'ajoute au fait que souvent, pour beaucoup de déshérités, la foi est le seul recours pour accepter et supporter une vie de misère, la seule branche à laquelle s'accrocher pour ne pas sombrer dans le désespoir. Les dirigeants politiques en ont bien conscience. Karl Marx qui définissait la religion comme "le soupir de la créature accablée par le monde" parlait "d'opium du peuple". Quant à Stendhal il disait que l'idée la plus utile aux tyrans est celle de Dieu rejoignant Joseph Joubert qui écrivait "Quiconque s'agenouille devant Dieu se façonne à se prosterner devant un roi". Il ne faut, en effet, pas confondre "humilité" et "soumission" ! L'humilité est une vertu qui ne se pratique pas obligatoirement avec les deux genoux à terre ! Onfray pense que la vigilance envers les religions doit être prioritairement dirigée vers les "agenouilleurs" qui, un peu partout (y compris chez nous), attendent, tapis dans l'ombre, de retrouver ou de conforter leur pouvoir sur les esprits. Sur ce point, je partage globalement son point de vue, toutefois, il oublie de préciser que ceux qu'il nomme "les agenouilleurs" sont en majorité des gens sincères qui tirent leur force de cette sincérité. Il serait facile de lutter contre de simples manipulateurs, mais nous avons affaire à des hommes qui ont une foi profonde. La sincérité n'est, en soi, ni un bien ni un mal, l'important est l'objet auquel elle se réfère et dans ce contexte, je ne pense pas que ce sentiment respectable soit un argument suffisant pour que les "agenouilleurs" bénéficient de mansuétude. En effet, de nombreux charlatans et idéologues sont des gens sincères. Beaucoup de khmers rouges et de nazis étaient sincères, ils étaient prêts à se battre jusqu'à la mort pour ce qu'ils pensaient être la vérité et le bien de l'humanité. Lorsque la foi reste un engagement individuel, une recherche personnelle, un choix librement consenti, une conviction intime liée une quête de sens qui s'inscrit dans la liberté de conscience de chacun, cela n'est pas censé poser le moindre problème à quiconque, en revanche, les ennuis commencent quand les religions s'organisent, deviennent prosélytes et se politisent.

Concernant l'Afrique et le Moyen Orient, il est aussi stupide de vouloir y décréter la démocratie par la force (afin de les conformer à notre image supposée idéale !) que de vouloir y imposer le relativisme religieux. Il est bon de rappeler que dans certaines théocraties, le seul fait d'être athée, apostat ou blasphémateur est considéré comme un crime puni par la peine capitale. La démocratie et la liberté d'expression ne s'exportent pas comme un vulgaire produit de consommation surtout dans des contrées qui ont depuis toujours vécu sous des régimes totalitaires. On voit bien aujourd'hui "le monstre vert et barbu" engendré par les soi-disant "révolutions démocratiques" d'Irak, d'Egypte, de Tunisie, de Syrie qui ont tant enthousiasmé les "droit de l'hommistes" (dont un certain BHL! ). Quel désenchantement ! C'est une réalité qu'il faut avoir à l'esprit et dont il faut tenir compte. C'est pour ces raisons que je pense qu'il est prudent d'éviter toute provocation inutile envers des populations qui n'ont majoritairement ni l'étoffe culturelle ni le recul nécessaire pour pouvoir comprendre que chez nous :
  • Il est possible et permis de n'attacher ni crédit particulier, ni valeur spécifique aux croyances religieuses.
  • Il est possible et permis, selon l'expression de Jean Bricmont, de penser que les religions sont des "superstitions qui viennent au secours de la métaphysique".
  • Il est également possible d'affirmer que les livres sacrés sont, comme toute littérature, des oeuvres d'origine on ne peut plus humaine ! Est-il utile de rappeler que la majorité des fidèles des trois monothéismes non jamais lu le livre pour lequel certains d'entre eux sont prêts à donner leur vie !
Il est encore plus difficile de faire comprendre à ces croyants inconditionnels (mais sincères !) que ce refus de sacralité puisse être exprimé librement. Quant à la notion de respect dont on nous rabat les oreilles, je pense que la tolérance est le respect des individus dans leur "humanité nue" ce qui n'inclut pas nécessairement le respect de leurs idées ou de leurs croyances (cela n'autorisant pas pour autant les provocations gratuites, inutiles, contre-productives et dangereuses !). Il faut également préciser que le rejet de toute forme de sacralité ne signifie pas le rejet systématique des messages, tant humanistes que moraux, portés par certains textes religieux . Une façon fort sage de remettre à leur place ces textes présentés comme divin (mais en réalité écrits et réécrits par de multiples mains bien humaines !. Mahomet n'est-il pas analphabète ?) et cela sur une durée de plusieurs siècles . Cette place, c'est celle qui doit être accordée à tout texte philosophique quel qu'il soit . Ni plus, ni moins ! Malheureusement, dans les religions monothéistes qui affirment toutes l'unicité divine, "foi", "Vérité", "morale", "sacralité", "mythologie", "interdit de penser", "prosélytisme" et "intolérance" font bon ménage. Psychologiquement, cela explique bien des attitudes envers "l'autre". Le monothéisme est une forme de pensée totalitaire. Tant qu'il restait local, voire tribal, comme le judaïsme antique, et qu'il ne concernait qu'un petit groupe humain le mal était moindre. Les problèmes ont commencé lorsque le monothéisme a pris une dimension universaliste, d'abord avec le christianisme et ensuite avec l'Islam. C'est cette dimension universaliste qui a conduit à l'extension du monothéisme et celui-ci s'est alors imposé comme une forme de pensée unique qui a imprégné et façonné les esprits et les sociétés.

Le gouvernement français a eu l'énorme tort de récupérer ce drame dans un défilé officiel organisé à la hâte. Ce faisant, il n'a fait preuve ni de prudence ni de pédagogie en invitant de nombreux dictateurs (dont le président du Mali et celui du Gabon !). Cette marche, aux objectifs et aux motivations très floues, est à l'origine d'une double souillure. Elle a sali l'image de la France dans certains pays musulmans et je pense qu'elle a également sali la mémoire des journalistes assassinés qui, n'en doutons pas, auraient probablement été révulsés par cette mise en scène et ce prêchi-prêcha autour de leur personne et de leur combat. Le mot "Charlie", porteur de trop de d'interrogations et de "casseroles impies", n'aurait jamais dû être associé à cette manifestation. Cette erreur stratégique est à l'origine des confusions et des ambiguïtés qui ont suivi : Islamophobie ? Sionisme ? Antisémitisme ? Liberté d'expression ? Liberté de penser ? Blasphème ? Athéisme ? ...Que de mots et de notions difficiles à concevoir ou à interpréter pour des peuples au sein desquels la culture historique et philosophique ne se limite le plus souvent qu'à la lecture d'un livre unique porteur de la Vérité en tout et en toute chose ! Bien que chez nous, le blasphème ne soit plus un délit (et je m'en réjouis) ce n'est pas une raison pour en user et en abuser sans modération et à tout propos pour le simple plaisir de provoquer inutilement ceux qui n'ont pas la distance philosophique et culturelle pour relativiser cette expression de la liberté de pensée. On comprend mieux pourquoi les barbus de tout poil ne sont pas favorables à l'instruction des populations qu'ils maintiennent sous leur emprise. L'ignorance du peuple est leur force ! Mais, comme je le précisais plus haut, l'absence d'instruction n'explique pas tout. Au Mali comme ailleurs, il existe des intégristes religieux instruits et cultivés, parmi ceux-ci, il a y ceux qui tirent les ficelles. Chez nous nous avons le très médiatique Tariq Ramadan. Cet intellectuel brillant est très à l'aise dans le rôle de l'homme de foi moderne, il veut paraître ouvert sur le monde et sur les idées ... Sauf que, à mon avis, cet homme est une vipère qui cache son hypocrisie et son radicalisme religieux derrière son intellectualisme. Il mordra sans hésitation et sans pitié dès qu'il en aura la possibilité !

Pour résumer cette première partie, j'emprunterai une citation de Russell (qui ne manquait pas d'humour noir). Il écrivait : "La plupart des gens préférerait mourir que réfléchir. C'est ce qu'ils font d'ailleurs !"

Un autre problème vient du fait que les règles traditionnelles de la médiatisation ont été totalement bouleversées ces dernières décennies car le monde est devenu un grand village. Une caricature qui, jusqu'alors, était destinée localement à un rare public de convaincus ironiques et rigolards peut maintenant être visionnée en quelques secondes dans les faubourgs les plus intégristes de Kaboul et ainsi mettre le feu aux esprits (et aux églises !) ! Parmi tous ceux qui ont défilé "pour Charlie" combien avaient déjà lu ou connaissaient ce journal à la diffusion confidentielle (moins de 30 000 numéros vendus !) ? Ce journal était, depuis longtemps, destiné à un faible lectorat et uniquement à celui qui désirait l'acheter. Ce sont les médias qui ont mis en avant cet hebdomadaire satirique et qui ont diffusé son contenu aux quatre coins du monde grâce aux techniques de communication modernes. Quant aux dessinateurs de Charlie, on peut les détester ou les accuser de tous les maux mais ils n'ont fait qu'user de leur liberté d'expression et de leur humour afin d'exercer, à leur manière, un effet de balancier face à l'obscurantisme religieux (Il est toutefois utile de rappeler que les "unes" de Charlie consacrées à la religion représentent un pourcentage inférieur à 10 %). Il faut reconnaître que médiatiquement, une caricature à plus d'impact qu'un ouvrage philosophique ! Qui, après les attentats de janvier, n'a jamais entendu parler de Charb, Cabu ou Wolinski ? En revanche, combien connaissent Bertrand Russell, Schopenhauer ou Hume ? Combien ont lu leurs écrits ? Malgré l'effet de masse de la manif des "Je suis Charlie", ce combat pour la liberté d'expression (si on le ramène à l'échelle mondiale) est fort inégal car, en réalité, avec son concept de laïcité, la France est ultra minoritaire ; elle constitue une exception et ce, même au niveau des démocraties occidentales. Elle se retrouve bien seule et en première ligne ! La liberté d'expression, la laïcité et la démocratie sont des acquis précieux qui paraissent soudainement bien fragiles. Il suffit de voyager un peu à l'étranger et d'être, par exemple, confronté à la toute-puissance d'une police corrompue ou à celle d'un clergé omniprésent qui impose toutes les règles sociétales, pour prendre conscience de la chance que nous avons de vivre dans un pays démocratique dans lequel les citoyens peuvent s'exprimer et (encore) jouir d'un niveau de liberté très acceptable (sans pour cela tomber dans l'angélisme béat et nier ses imperfections et ses dérives) ... Ceux qui apprécient cette liberté doivent rester vigilants car elle peut très rapidement être remise en question. C'est un combat de tous les jours ! Quant à ceux qui rêvent du retour du religieux dans la vie publique ou aspirent au communautarisme, ils voient poindre une lueur d'espoir.

Oui, ce général relate des faits qui sont indéniables, mais qu'aurait-il fallu faire ? Je sais qu'il est toujours facile de "refaire le match" quand celui-ci est terminé mais je pense que dans cette affaire le gouvernement et les médias ont manqué de discernement et de finesse. Alors, tout est-il de la faute des monothéismes intransigeants à l'origine de tout ce fanatisme ? Tout est-il de la faute de Charlie ? Il est vrai que si Charlie n'avait pas existé, on n'en serait pas là ... et les vaches (sacrées) seraient bien gardées ! Oui, c'est vrai, il y a eu 10 morts suite à des émeutes au Mali et 25 églises ont été détruites. Entre parenthèses, sans vouloir refaire l'histoire de la colonisation "cette odieuse prise de pouvoir sur les corps et les esprits", qui donc a eu l'idée un peu folle de construire ces églises en plein Sahel et d'y importer une croyance exotique ... la "bonne" croyance du maître blanc ? Assistons-nous à un juste retour du bâton ? Plus au Sud, les rares pygmées qui vivent dans la forêt équatoriale mais également les Bushmen qui, eux, vivent dans le désert, ont-ils été choqués par les caricatures de Charlie ? Au jour d'aujourd'hui j'en doute mais je suis certain que demain ils le seront car, peu à peu, ils sont priés de brûler leurs totems et de se rendre à l'office religieux (sans oublier d'enfiler un pagne par pudeur) et de laisser leur culte de la nature ou celui de leurs ancêtres au vestiaire ! Ah, comme ils étaient gentils les pères blancs ! Dans le monde, il y a tous les ans des milliers d'hommes de femmes et d'enfants qui sont oppressés et qui meurent sous le joug de dictateurs ou de théocrates avec la complicité de nos gouvernements qui préfèrent fermer les yeux et se taire par intérêt économique. Finalement, c'est triste à dire, mais ces 10 morts tragiques sont bien peu de chose face aux enjeux internationaux. Il ne faut pas tourner autour du pot et oser poser des questions dérangeantes ! Faut-il interdire Charlie ou l'autoriser à continuer à s'exprimer librement en faisant de la France et des français des cibles à cause de quelques malheureux dessins impies ? Faut-il "baisser son froc", vendre son âme "au sacré" en revenant en arrière et en réinstaurant le délit de blasphème ? Cela aurait pour effet de nier une partie de notre histoire et les durs combats de ceux qui ont vaillamment lutté contre l'oppression religieuse - Dans ce cas (mondialisation oblige), par soucis d'égalité de traitement, il faudra que le délit de blasphème puisse s'appliquer avec équité aux 4200 religions officiellement recensées dans le monde . Cela risque de poser quelques problèmes à nos magistrats ! - Dans ces conditions, difficile pour les juges de rendre la justice ! Et, puisqu'il est question de retour en arrière, j'ai l'impression que la vie politique prend une tournure de plus en plus moyenâgeuse. La destruction des musées irakiens par les intégristes musulmans afin de célébrer leur dieu unique en détruisant des ouvres millénaires qui représentent des idoles païennes en est la triste illustration ! Toujours cette haine du paganisme et cette revendication de l'unicité divine imposée par la force et à l'origine de tant de haine et de violence !

En fait, je crois qu'il ne sera pas utile de légiférer en faveur du retour du délit de blasphème car l'autocensure, motivée par la peur, est déjà à l'oeuvre . D'ailleurs, après quelques semaines de solidarité dues à l'émotion, les rescapés du carnage de Charlie hebdo se sentent tout à coup bien seuls ! Notons qu'en Belgique, le musée Hergé a renoncé à son exposition consacrée à la caricature, même chose à Caen, au Danemark et probablement dans beaucoup d'autres endroits moins médiatisés . Courageux mais pas téméraires, contraints de transformer les lieux d'exposition en bunkers, les organisateurs de ces manifestations ont préféré renoncer et ce d'autant que les visiteurs, soucieux de leur sécurité, se font rares. D'une certaine façon, l'obscurantisme, sous couvert de "respect", est en train de gagner la partie sans avoir à avancer ses pions. Historiquement, hormis le judaïsme, les deux autres monothéismes se sont imposés en usant de la plus grande perversité. Ils ont toujours utilisé la violence, l'acculturation des peuples, la peur et la culpabilisation pour asseoir leur pouvoir tout en usant de la fausse humilité de ceux qui aiment se présenter comme d'éternels persécutés ! Voilà donc un retour des choses bien naturel. En attendant que les religieux finissent de s'entre-déchirer dans des joutes surréalistes afin de préserver leur pré carré et d'imposer leur loi, les non-croyants en sont réduits à regarder passer les trains. Pourtant, quelques grandes voix commencent à se faire entendre mais je ne pense pas que, contrairement au souhait de Danielle Sallenave, les non-croyants auront la volonté de s'organiser afin de jouer un rôle de contre poids dans ces querelles interminables qu'ils jugent absurdes et infondées. Ils n'ont rien à vendre hormis un peu de sagesse et de valeurs humaines ... Bien réelles, celles-ci ! Malheureusement, le plus souvent, ils pensent que tous ces combats ne les concernent pas (comme ils ont tort). Je suis donc très pessimiste quant à l'avenir de la liberté d'expression, y compris pour la nôtre. Beaucoup s'en accommoderont, d'autres s'en réjouiront alors que certains entreront en lutte. Je crains pour la paix sociale et pour la paix tout court. Il semble aujourd'hui évident que le concept de laïcité qui avait pour objectif d'apaiser les esprits arrive en bout de course. En effet, ce concept est incompris, sali, souvent dévoyé ou encore, l'objet de grossières manipulations. Le fait d'ouvrir la bouche afin de dénoncer une simple entrave à la loi, fait qu'un laïc soucieux d'impartialité peut se retrouver immédiatement assimilé à un méchant "laïcard" intolérant et revanchard comme ce fut le cas dans l'affaire des crèches installées dans certaines mairies. Alors, par esprit de "tolérance" et d'équité entre toutes les religions, les musulmans égorgeront-ils bientôt les moutons de l'Aïd sur les parvis des hôtels de ville ? Les Brit Milah (circoncision juive) auront-elles pour cadre le bureau de monsieur le maire ? Pourquoi pas dans ces conditions ! Hollande et Valls s'affichent avec une kippa sur la tête, Nicolas Sarkozy vante les mérites de l'école privée catholique . Tous les espoirs sont donc permis ! Encore un petit effort messieurs les politiques ! Toutes ces controverses sont d'autant plus exacerbées que les politiques sont incapables de réaffirmer, dans les actes et dans l'esprit, les véritables valeurs républicaines censées être le ciment social. Celles-ci s'effilochent de jour en jour. Bien au contraire, les dirigeants actuels jouent avec le feu en promulguant des mesures sociétales débiles ou inutiles propres à diviser les français et, comble de sottise, ils font du milieu scolaire leur terrain de jeu idéologique favori (catéchisme républicain, théorie du genre et autres fadaises pseudo-scientifiques) une façon de ne rien comprendre à la laïcité et d'en faire un nouveau dogme, en la mettant au même niveau que les religions !

Je terminerai par un vou qui s'appuie sur le témoignage de Noël Rixhon. Ce vou n'est pas en rapport direct avec le sujet traité, pourtant, à mon avis, il en exprime l'une des causes profondes. En effet, je rêve que tout homme puisse un jour pouvoir bénéficier de la liberté de conscience au sein de sa société. Cette liberté incluant, bien entendu la possibilité de rejeter toute forme de croyance et de pouvoir le revendiquer sans risquer d'être mis au ban de sa société ou craindre pour sa sécurité. Dans cet espoir, il y a également une référence sous-jacente à "l'essentielle nudité de l'esprit" empruntée à la sagesse du bouddhisme. Cette religion souvent considérée comme athée a su faire l'économie d'un dieu transcendant en proposant à l'Homme de devenir "bon" par lui-même en se regardant dans le miroir de sa propre vérité . sans fard, sans artifice et sans l'illusion d'un arrière monde.

Dans les médias, on nous expose très régulièrement les cas de personnes bien insérées socialement et professionnellement qui, soudainement, abandonnent tout pour vivre leur foi. Le public est fasciné par ces parcours humains ; ceux-ci sont souvent racontés dans des émissions télévisées, des films, des reportages ou des biographies. Bizarrement, on ne parle jamais des personnes qui suivent le parcours inverse ! Moins romantique probablement ! Pourtant, je me prends à rêver qu'un jour un iman radical aura la possibilité, de suivre le même parcours que celui emprunté par le Père Noël Rixhon. Ce jour-là, je reprendrai peut-être un peu espoir en l'Homme et j'applaudirai cet acte de lucidité, de courage et de retour à l'"essentielle nudité de l'esprit". A travers le témoignage de cet ancien prêtre, j'ai l'espoir (un peu fou) que les musulmans qui le souhaitent pourront, un jour, eux aussi jouir pleinement de leur liberté de penser dans la dignité et sans craindre pour leur vie. J'ai bien conscience que ce jour n'est pas pour demain !
Témoignage de Noël Rixhon

"Athée, je ne le suis devenu ni par bravade, ni par choix ni par désir d'être libéré d'une religion trop pesante. Je suis devenu athée par retour à l'"essentielle nudité" de mon esprit. Je suis devenu athée par réalisme, par sagesse et par volonté de me brancher lucidement sur le réel, c'est-à-dire sur le monde tel qu'il est, tel qu'il m'apparaît, m'intrigue, m'émerveille, mais aussi, parfois, me scandalise. Sans le concept d'un dieu (ou de dieux) ce monde n'est pas vide ; bien au contraire, il fourmille de vie et est, en lui-même, porteur de valeurs. Il y a tant à faire ici-bas qu'il est manifestement déraisonnable de vouloir construire ou se construire, autour d'une hypothèse invérifiable porteuse d'une illusion consolatrice. Tous les êtres humains naissent sans imprégnation religieuse. Malheureusement, ils sont instantanément pris en charge, emmaillotés, bercés, et nourris au sein d'une culture pénétrée d'une tradition religieuse. Celle-ci nous est inculquée dès le plus jeune âge afin qu'elle s'enracine dans les esprits avec force et s'y ancre durablement. Issu d'une famille paysanne modeste, j'ai connu ce parcours : naissance, enfance et jeunesse religieuse. Mon éducation très catholique a tout naturellement débouché sur une formation qui m'a conduit à la prêtrise. Après plusieurs années d'exercice de mon sacerdoce, je fus assailli par le doute et les interrogations jusqu'à ma prise de conscience athée. J'ai vécu ce bouleversement comme une conversion à ma vérité intime. Ce fut une renaissance personnelle. Cette révolution intérieure m'a permis de découvrir une force positive, un horizon dégagé et le véritable sens du mot humilité. Elle m'a libéré du dogmatisme et de l'anesthésie de la pensée."
Noël Rixhon (ancien prêtre catholique)


Petit aphorisme humoristique en guise de conclusion :
"Paradoxalement, dans un monde sans Dieu, il semble qu'il soit beaucoup plus difficile d'être athée que d'être croyant."

Toutefois Hendrikse Klaas, un pasteur hollandais, propose de nous expliquer ce paradoxe dans son ouvrage intitulé "Croire en un dieu qui n'existe pas" . Tout un programme !


Thierry Venot



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