Il y a bien longtemps, dans une contrée lointaine, un homme qui se faisait appeler "Le prophète" rassembla ses fidèles dans un imposant temple de pierre qui trônait au centre d'une petite communauté spirituelle. Il avait revêtu sa toge blanche afin de présenter à ses disciples l'épreuve qui devait mettre un point final à leur longue initiation. Les membres de l'assemblée vouaient une confiance aveugle et une vénération sans bornes à leur maître. Ils attendaient de recevoir les instructions suprêmes dans un silence religieux.
Le trésor sacré
La divine théière de Russell
"Enfermés dans leur certitude, de nombreux orthodoxes pensent que c'est aux sceptiques de réfuter les dogmes ou les croyances qu'ils soutiennent. Ceci est une grossière erreur de logique. En effet, c'est bien évidemment à celui qui affirme d'apporter la preuve des hypothèses qu'il avance."
"Si, par exemple, je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. En revanche, si j'affirmais que, dans la mesure où ma proposition ne peut pas être réfutée, non seulement elle mérite le respect mais, qu'en plus, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé ou un fou. Imaginons maintenant que l'existence de cette théière ait été décrite dans des livres anciens et enseignée comme une vérité sacrée de génération en génération. Imaginons que cette croyance soit entourée d'un rituel dominical et d'une mythologie inculquée aux enfants dès leur plus jeune âge, alors, toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée ou ceux d'un inquisiteur en des temps plus obscurs."
( Bertrand Russell - 1952)