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Citations : Livre des trois imposteurs
Dans un Moyen Age très religieux, le "Livre des trois imposteurs" aurait, selon la légende, circulé "sous le manteau" entre les Xe et XVIe siècles. Sous une forme manuscrite, il se serait transmis de génération en génération. Les citations ci-dessous sont extraites de "L'art de ne croire en rien, suivi de Livre des trois imposteurs", ouvrage établi et préfacé par Raoul Vaneigem. "Mais si Dieu est prétendument parfait, se suffisant déjà à lui-même, face à tous les honneurs et par-delà tous les honneurs extérieurs, qui peut alors dire qu'il a besoin de quelque chose de semblable, à moins que l'on affirme qu'il a un besoin allant dans ce sens. L'exigence de l'honneur est un signe d'imperfection et de faiblesse." (inconnu / De tribus impostoribus / 1598) "Car ces gens qui tiennent le gouvernail de l'Etat se procurent, sur le dos du peuple crédule, des revenus qui correspondent à leur luxe ou le dépassent en brandissant la menace d'un pouvoir et d'un châtiment suprême venus de puissances invisibles et en feignant, de temps à autres, avoir une relation et des liens inférieurs avec ses dernières. Rien d'étonnant donc que ces prêtres enseignent ce genre de chose, car c'est l'idée centrale qui sous-tend leur propre train de vie. Telles sont donc les réflexions des "gens raisonnables"." (inconnu / De tribus impostoribus / 1598) "Ce qui rend le mal sans remède, c'est qu'après avoir établi les fausses idées qu'on a de Dieu, on n'oublie rien pour engager le peuple à les croire, sans lui permettre de les examiner ; au contraire, on lui donne de l'aversion pour les philosophes ou les véritables savants, de peur que la raison qu'ils enseignent ne lui fasse connaître les erreurs où il est plongé. Les partisans de ces absurdités ont si bien réussi qu'il est dangereux de les combattre. Il importe trop à ces imposteurs que le peuple soit ignorant, pour souffrir qu'on le désabuse. Ainsi on est contraint de déguiser la vérité, ou de se sacrifier à la rage des faux savants, ou des âmes basses et intéressées." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre I. parag. II / 1721) "Ce qui a donné lieu à l'opinion que l'on a conçue d'eux [Moïse, Jésus, Mahomet], c'est la hardiesse qu'ils ont eue de se vanter de tenir immédiatement de Dieu tout ce qu'ils annonçaient au peuple; créance absurde et ridicule, puisqu'ils avouent eux-mêmes que Dieu ne leur parlait qu'en songe. Il n'est rien de plus naturel à l'homme que les songes, par conséquent, il faut qu'un homme soit bien effronté, bien vain et bien insensé, pour dire que Dieu lui parle par cette voie, et il faut que celui qui y ajoute foi, soit bien crédule et bien fol pour prendre des songes pour des oracles divins." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre I. parag. V / 1721) "Toutes les autres lois qui ont succédé à celle de Moïse, j'entends les lois des Chrétiens, ne sont appuyées que sur cette Bible dont l'original ne se trouve point, qui contient des choses surnaturelles et impossibles, qui parle de récompenses et de peines pour les actions bonnes ou mauvaises, mais qui ne sont que pour l'autre vie, de peur que la fourberie ne soit découverte, nul n'en étant jamais revenu. Ainsi, le peuple, toujours flottant entre l'espérance et la crainte, est retenu dans son devoir par l'opinion qu'il a que Dieu n'a fait les hommes que pour les rendre éternellement heureux ou malheureux. C'est là ce qui a donné lieu à une infinité de religions." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre II. parag. IX / 1721) "La crainte qui a fait les Dieux a fait aussi la Religion et, depuis que les hommes se sont mis en tête qu'il y avait des anges invisibles qui étaient cause de leur bonne ou mauvaise fortune, ils ont renoncé au bon sens et à la raison, et ils ont pris leurs chimères pour autant de divinités qui avaient soin de leur conduite. Après donc s'être forgé des Dieux, ils voulurent savoir quelle était leur nature, et s'imaginant qu'ils devaient être de la même substance que l'âme, qu'ils croient ressembler aux fantômes qui paraissent dans le miroir ou pendant le sommeil; ils crurent que leurs Dieux étaient des substances réelles ; mais si ténues et si subtiles que, pour les distinguer des Corps, ils les appelèrent Esprits, bien que ces corps et ces esprits ne soient, en effet, qu'une même chose, et ne diffèrent que du plus ou moins, puisqu'être Esprit ou incorporel, est une chose incompréhensible." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre III, parag. II / 1721) "Les fondateurs des Religions, sentant bien que la base de leurs impostures était l'ignorance des peuples, s'avisèrent de les y entretenir par l'adoration des images dans lesquelles ils feignirent que les Dieux habitaient; cela fit tomber sur leurs Prêtres une pluie d'or et des Bénéfices que l'on regarda comme des choses saintes, parce qu'elles furent destinées à l'usage des ministres sacrés et personne n'eut la témérité ni l'audace d'y prétendre, ni même d'y toucher." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre III, parag. VIII / 1721) "Or, comme on a de peine à se résoudre de passer d'une loi à une autre et comme la plupart des esprits sont difficiles à ébranler en matière de Religion, Jésus-Christ, à l'imitation des autres novateurs, eut recours aux miracles qui ont toujours été l'écueil des ignorants et l'asile des ambitieux adroits." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre III, parag. XIV / 1721) "Mais ce mot Enfer, dans sa signification naturelle, n'exprime autre chose qu'un lieu bas et creux, que les poètes ont inventé pour opposer à la demeure des habitants célestes, qu'ils ont supposée haute et élevée. Voilà ce que signifient exactement les mots infemus ou infemi des Latins, ou celui des Grecs, qui entendent un lieu obscur tel qu'un sépulcre, ou tout autre lieu profond et redoutable par son obscurité. Tout ce qu'on en dit n'est que l'effet de l'imagination des Poètes ou de la fourberie des Prêtres ; tous les discours des premiers sont figurés et propres à faire impression sur des esprits faibles, timides et mélancoliques ; ils furent changés en article de foi par ceux qui ont le plus grand intérêt à soutenir cette opinion." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre IV, parag. VI / 1721) "Or, il est certain que cette âme, étant de même nature dans tous les animaux, se dissipe à la mort de l'homme, ainsi qu'à celle des bêtes. D'où il suit que ce que les Poètes et les Théologiens nous disent de l'autre monde est une chimère qu'ils ont enfantée et débitée pour des raisons qu'il est aisé de deviner." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre V, parag. VII / 1721) "Mais, pour revenir aux Esprits, il est certain que ces mots Démons, Satan, Diable, ne sont point des noms propres qui désignent quelque individu, et qu'il n'y eût jamais que les ignorants qui y crurent, tant parmi les Grecs, qui les inventèrent, que parmi les Juifs, qui les adoptèrent : Depuis que ces derniers furent infectés de ces idées, ils approprièrent ces noms, qui signifient ennemi, accusateur et exterminateur, tantôt aux Puissances invisibles, c'est-à-dire aux Gentils, qu'ils disaient habiter le Royaume de Satan, n'y ayant qu'eux, dans leur opinion, qui habitassent celui des Dieu." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre VI, parag. VI / 1721) "Si Dieu peut tout et qu'on ne puisse rien sans lui, d'où vient que le Diable le haït, le maudit, et lui enlève ses amis ? Ou Dieu y consent, ou il n'y consent pas. S'il y consent, le Diable en le maudissant ne fait que ce qu'il doit, puisqu'il ne peut que ce Dieu veut; par conséquent ce n'est pas le Diable, mais Dieu même qui se maudit; chose absurde, s'il en fût jamais ! S'il n'y consent pas, il n'est pas vrai qu'il soit Tout-Puissant, et par conséquent il y a deux principes, l'un du bien et l'autre du mal; l'un qui veut une chose, l'autre qui veut le contraire. Où nous conduira ce raisonnement ? A faire avouer sans réplique que ni Dieu, ni le Diable, ni le Paradis, ni l'Enfer, ni l'âme ne sont point ce que la Religion les dépeint, et que les Théologiens, c'est-à-dire ceux qui débitent des fables pour des vérités, sont des gens de mauvaise foi, qui abusent de la crédulité des peuples pour leur insinuer ce qui leur plaît..." (inconnu / Livre des trois imposteurs / chapitre VI, parag. VII / 1721) ![]() ![]() |