Ecrivain et philosophe français. Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu est né en 1689 d'une famille de magistrats de bonne noblesse au château de la Brède près de Bordeaux, dont il porte d'abord le nom et auquel il sera toujours très attaché. Ses parents ont choisi un mendiant pour être son parrain pour que toute sa vie il se souvienne que les pauvres sont ses frères.
Après ses études de droit, il devient conseiller auprès du parlement de Bordeaux en 1714. En 1716, il hérite de la fortune de son oncle, de la charge du président à mortier (bonnet de velours) du parlement et du nom de Montesquieu.
Délaissant sa charge dès qu'il le peut, Montesquieu s'intéresse au monde et aux plaisirs. Il se passionne pour les sciences et mène des expériences (anatomie, botanique, physique...) puis oriente sa curiosité vers les hommes et l'humanité à travers la littérature et la philosophie. Dans les "Lettres persanes", qu'il publie anonymement en 1721 en Hollande, il dépeint admirablement, sur un ton humoristique et satirique, la société française à travers le regard de visiteurs perses.
Après son élection à l'Académie française (1727), Montesquieu réalise un long voyage à travers l'Europe (Hongrie, Italie, Hollande, Angleterre), de 1728 à 1731, où il observe attentivement la géographie, l'économie, la politique, les moeurs des pays qu'il visite. De retour au château de la Brède, il accumule de nombreux documents et témoignages pour préparer l'oeuvre de sa vie, "l'Esprit des lois" (1748) qui rencontre un énorme succès. Etablissant les principes fondamentaux des sciences économiques et sociales, Montesquieu tente de dégager la logique des différentes institutions politiques par l'étude des lois considérées comme simples rapports entre les réalités sociales. Il envisage trois types de gouvernement : la république, la monarchie et le despotisme. Cette œuvre inspire les auteurs de la Constitution française de 1791 et est à l'origine du principe de séparation des pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire.
Tandis que sa mère très pieuse l'a élevé dans le respect du christianisme, ses études classiques et romaines l'ont préparé à l'indifférence et à l'incrédulité. En matière religieuse, Montesquieu peut-être considéré comme un déiste et un libre-penseur allant parfois jusqu'à l'irrévérence et à l'hostilité envers la foi chrétienne.
En 1711, dans "La damnation éternelle des païens" il montre que les philosophes de l'Antiquité n'ont pas mérité l'enfer. Dans "Dissertation sur la politique des Romains" (1716), il dénonce la religion comme moyens qu'utilisent les puissants pour pérenniser leur domination sur les humbles.
Son étude de la société le conduit néanmoins à respecter les croyances religieuses, plus pour des considérations pratiques que pour elles-mêmes. Montesquieu prend soin de ne pas mêler de considérations théologiques à ses écrits politiques. Ce qui ne l'empêche pas d'être attaqué par les jésuites et jansénistes pour éloge de la religion naturelle dans "L'Esprit des lois" que le pape fait mettre à l'index dès sa publication.
Bibliographie :
La damnation éternelle des païens (1711), Dissertation sur la politique des Romains (1716), Système des Idées (1716), Les lettres persanes (1721), Le temple de Gnide (roman, 1725), Histoire véritable d'Arsace et Isménie (roman, 1730), Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), L'Esprit des lois (1748), La défense de "L'Esprit des lois" (1750).
"Si les triangles faisaient un Dieu, ils lui donneraient trois côtés"
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Lettres Persanes / 1721)
"Quand il n'y aurait pas de Dieu, nous devrions aimer toujours la justice, c'est-à-dire faire nos efforts pour ressembler à cet être dont nous avons une si belle idée, et qui, s'il existait, serait incessamment juste. Libres que nous serions du joug de la religion, nous ne devrions pas l'être de celui de l'équité."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Lettres Persanes / 1721)
"Une religion qui peut tolérer les autres ne songe guère à sa propagation."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / De l'esprit des lois / 1748)
"Lorsque les lois d'un état ont cru devoir souffrir plusieurs religions, il faut qu'elles les obligent à se tolérer entre elles."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / De l'esprit des lois / 1748)
"La force principale de la religion vient de ce qu'on la croit; la force des lois humaines vient de ce qu'on les craint. L'antiquité convient à la religion, parce que souvent nous croyons plus les choses à mesure qu'elles sont plus reculées: car nous n'avons pas dans la tête des idées accessoires tirées de ces temps-là, qui puissent les contredire."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / De l'esprit des lois / 1748)
"L'homme pieux et l'athée parlent toujours de religion: l'un parle de ce qu'il aime et l'autre de ce qu'il craint."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / De l'esprit des lois / 1748)
"Quand un homme me vient dire qu'il ne croit rien et que la religion est une chimère, il me fait là une fort mauvaise confidence, car je dois avoir sans doute beaucoup de jalousie d'un avantage terrible qu'il a sur moi. Comment ! il peut corrompre ma femme et ma fille sans remords, pendant que j'en serais détourné par la crainte de l'enfer ! La partie n'est pas égale. Qu'il ne croie rien, j'y consens, mais qu'il s'en aille vivre dans un autre pays, avec ceux qui lui ressemblent, ou, tout au moins, qu'il se cache et qu'il ne vienne point insulter à ma crédulité."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Spicilège)
"Toutes les religions ont eu leurs mystères, et il semble que, sans cela, il n'y aurait point de religion."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Une religion qui offrirait des récompenses sûres dans l'autre vie verrait disparaître ses dévots à milliers."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"L'entêtement pour l'astrologie est une orgueilleuse extravagance. Nous croyons que nos actions sont assez importantes pour mériter d'être écrites dans le grand-livre du Ciel. Et il n'y a pas jusqu'au plus misérable artisan qui ne croie que les corps immenses et lumineux qui roulent sur sa tête ne sont faits que pour annoncer à l'Univers l'heure où il sortira de sa boutique."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Il est très surprenant que les richesses des gens d'Église aient commencé par le principe de pauvreté."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Je ne sais comment il arrive qu'il est impossible de former un système du Monde sans être d'abord accusé d'athéisme : Descartes, Newton, Gassendi, Malebranche. En quoi on ne fait autre chose que prouver l'athéisme et lui donner des forces, en faisant croire que l'athéisme est si naturel que tous les systèmes, quelque différents qu'ils soient, y tendent toujours."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Je n'aime point Dieu parce que je ne le connais pas, ni le prochain parce que je le connais."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Quand l'immortalité de l'âme serait une erreur, je serais très fâché de ne pas la croire. Je ne sais comment pensent les athées. (J'avoue que je ne suis point si humble que les athées.) Mais, pour moi, je ne veux point troquer (et je n'irai point troquer) l'idée de mon immortalité contre celle de la béatitude d'un jour. Je suis très charmé de me croire immortel comme Dieu même. Indépendamment des vérités révélées, des idées métaphysiques me donnent une très forte espérance de mon bonheur éternel, à laquelle je ne voudrais pas renoncer."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755 / Mes pensées)
"Lorsque la mort a égalisé les fortunes, une pompe funèbre ne devrait pas les différentier."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755)
"Il y a [en Europe] un magicien qui s'appelle le pape. Tantôt il [...] fait croire que trois ne font qu'un, que le pain qu'on mange n'est pas du pain, ou que le vin qu'on boit n'est pas du vin, et mille autres choses de cette espèce."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755)
"Le ciel peut seul faire les dévots ; les princes font les hypocrites."
(Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu / 1689-1755)