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Témoignage

Quel vacarme ! Quel vacarme et pourquoi donc ?


(Francis Luisier -   05/02/05)



Questions cruciales : "Qui a tué Jésus ? Les Romains, les Juifs ou toute l'humanité ? Jésus était-il lui-même chrétien ? Les premiers chrétiens étaient-ils tous juifs ?" Impossible d'échapper ces jours-ci* à "La Passion du Christ", le film de Mel Gibson, ou à la série télévisée "L'origine du christianisme", de Prieur et Mordillat.

Je suis né en Valais. On m'a donc baptisé dans la religion catholique. D'autres, nés aussi au bord du Léman mais sur l'autre rive, sont devenus protestants. A 8 ans, j'ai communié, confirmé et j'ai appris à servir la messe. A 13 ans, j'ai milité dans la Légion de Marie. C'était dans les années cinquante. Au collège de Saint-Maurice, institution de l'Etat, les cours commençaient et finissaient chaque jour par la prière. En première année, élève studieux, j'ai même failli avoir le prix de religion. Les professeurs étaient presque tous des chanoines.

Comment expliquer ce fou rire nerveux, inextinguible qui me prend alors quand je croise l'évêque dans les couloirs de l'abbaye ? Comment ne pas développer un fort sentiment de culpabilité quand je me découvre différent ? Oh, juste non-croyant, rien d'autre ! Tout votre entourage vous dit et vous répète que "Jésus est le Fils de Dieu" mais vous, vous n'y croyez pas. A une tendre amie, j'offre "Les Fleurs du Mal"; elle me fait cadeau de "La dernière à l'échafaud" (une histoire de nonnes qui meurent pour leur foi). Même les cours de philo ne laissent pas place au doute : "Saint Thomas et les cinq preuves de l'existence de Dieu"; "Spinoza" et "Réfutation de Spinoza"; Kant et "Réfutation de Kant". La Bible, les Evangiles, Marie, les saints: de belles histoires avec une morale inégalable. Aimez-vous les uns les autres ! Mais qu'est-ce que les chrétiens en font ? Il a fallu la mort de mon père, la lecture des romantiques allemands, souvent panthéistes, pour que je me sente libre de ma pensée. J'avais 17 ans. J'ai eu besoin de plus de temps pour libérer ma parole. Au collège, lors de la prière, je me levais comme mes camarades et je fixais le prof en silence. J'ai vite cessé de suivre les "Cercles" parascolaires, dirigés par un prêtre, bien sûr. On y étudiait Honegger, Jeanne au bûcher, ou Camus, en se demandant - ah ! - s'il n'était pas mort juste avant sa conversion. A cause de cela, de Camus, je ne connais qu'une seule et unique page : celle où un jeune adulte se recueille sur la tombe de son père mort trop tôt. Parce que ça m'est arrivé. Mais je n'ai jamais pu en lire plus. Pour moi, Camus est définitivement englué dans ces vaines discussions.

Bien sûr, les temps ont changé. Mais nous vivons dans une société rythmée par les religions. Je dois à cette tradition des monuments remarquables que je visite régulièrement, des musiques sacrées que je vais écouter dans les églises, des peintures et des sculptures exaltantes. Mais je lui dois aussi une insupportable intolérance à l'égard de mon absence de foi. Pas question de se promener en montagne sans voir une croix. Ici, la norme, c'est la foi chrétienne. Sûre d'elle et suffisante. On peut éventuellement être israélite ou musulman. Athée, non. Attention, déviance. L'intolérance se retrouve même dans le fisc vaudois ! Impossible de ne pas payer la part cantonale de l'impôt religieux qui fournit de quoi salarier pasteurs et prêtres. Genève et Neuchâtel ont su séparer l'Eglise et l'Etat. Des cantons catholiques comme Fribourg ou Saint-Gall permettent d'échapper à ce genre d'obligations, mais pour faire valoir ce droit, il faut faire la démarche de sortir de l'Eglise...

Mettez-vous, Cher lecteur, mettez-vous une fois, une seule, à la place du non-croyant, à la mienne. Et, de cette place, contemplez la perpétuelle proclamation de ce que les autres appellent la Vérité et que vous vous considérez au mieux comme des légendes édifiantes, au pire comme des balivernes. Et, pendant que vous y êtes, placez-vous devant votre miroir et, les yeux dans les yeux, demandez-vous: "qu'est-ce que je crois vraiment ?"


Francis Luisier, journaliste indépendant


*Texte publié par le quotidien suisse 24Heures, édité à Lausanne, page 2, rubrique L’Invité, le jeudi 8 avril 2004 (Jeudi saint…)



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