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Catégorisation des athéismes(Régis - 14/08/05) Objet : contribution en réponse à la catégorisation des athéismes Bonjour, Tout d'abord bravo pour votre site, que je viens de découvrir et continuerai de consulter à l'avenir. C'est riche, accessible, parfaitement clair et documenté, ce qui reste assez unique sur le net quant aux questions religieuses. Je vous écris en outre pour vous faire part de ma propre position quant à l'existence de Dieu, qui ne me semble pas apparaître exactement dans votre classification déjà très riche (même si ma position en recoupe bien sûr de nombreuses données) : je vous laisse juge d'en faire part ou non à vos lecteurs. Il n'est pas impossible et il serait même vraisemblable que certains d'entre eux, qui ne se retrouvent exactement dans aucune des définitions que vous fournissez, la partagent avec moi. A vrai dire, je me suis longtemps demandé (étant en outre écrivain et par conséquent soucieux de l'expression exacte) comment exprimer précisément ma position, la résumer comme vous le faites en deux mots à travers votre proposition de classification, lorsqu'on me demande si je crois en l'existence de dieu, ou encore si l'on me demande comment je me définis moi-même vis-à-vis de la religion. Peut-être à l'issue de ce court exposé pourrez-vous m'y aider ? En préambule et pour me situer, voici ce que je puis dire de moi-même si je me réfère à votre classification : 1) Mon athéisme est d'ordre agnostique dans la mesure ou je n'ai pas la certitude de l'inexistence de dieu, mais que je la crois simplement vraisemblable au vu de ce que dieu devrait être selon les croyants (créateur, éternel et tout-puissant, ainsi que vous l'indiquez dans votre article "La preuve par dieu"). 2) De par ma formation religieuse initiale (catholique modérée) et mes opinions actuelles quant aux croyances religieuses, mon athéisme peut également être qualifié selon votre classification d' "athéisme orgueilleux", caractérisé ainsi que vous le dites par une certaine condescendance à l'égard des croyants (et non des agnostiques). Je juge en effet, à tort ou à raison, les croyants non seulement irrationnels, mais surtout lâches (au sens propre du mot, péjoratif mais sans nuance insultante, c'est-à-dire : qui n'assume pas, d'un point de vue moral et intellectuel, ce qu'il devrait), au sens ou l'espérance en une vie après la mort ou en un pardon d'origine divine entraîne à mes yeux une dévalorisation et une dépréciation de la vie temporelle, et donc de ses plaisirs mais aussi de ses obligations (responsabilité vis-à-vis de ceux qu'on aime, des hommes en général et non vis-à-vis de dieu ou d'un dogme quel qu'il soit ; bien sûr les croyants diront toujours qu'ils aiment les hommes à travers dieu, et d'autant plus, mais cet "à travers" fait encore écran et à mon sens rend l'amour des hommes indirect et donc insincère puisque s'y insinue la médiation de la "crainte de dieu", du "jugement de dieu", et la soumission à la volonté de dieu, communes à toutes les religions abrahamiques). Voici donc ce que je répondrais personnellement à la question "Croyez-vous que dieu existe ?" : 1) Je ne sais pas. L'existence de dieu est à mes yeux improuvable, et son inexistence l'est également. (A ce titre, ma première réponse relève de l'agnosticisme). 2) Si je pose que dieu n'existe pas : alors aucun culte ne doit lui être rendu, et je suis fondé à considérer les croyants comme étant dans l'erreur. 3) Si je pose que dieu existe, la question devient : "Dois-je honorer dieu, lui rendre un culte ?" En effet, les croyants tiennent souvent pour acquis que l'existence même de dieu, si on l'admet, implique qu'on lui rende un culte, mais cette résultante ne va pas de soi (elle fait d'ailleurs défaut, côté croyants, dans le déisme et dans le panthéisme, et côté agnostiques, dans l'athéisme pratique ou indifférent). Elle mérite qu'on l'étudie. Les raisons d'honorer dieu, à mon sens et si j'en crois ce qui ressort des textes religieux, sont de trois ordres : - par reconnaissance (parce qu'il est mon créateur ou parce qu'il m'accorde ses bienfaits) - par amour (parce qu'il est la bonté même et mérite notre adoration ; à noter que cette option rejoint celle de la reconnaissance, puisque la bonté infinie que l'on prête à dieu ne peut résulter, pour ce qui est accessible à notre pensée humaine, que de l'étendue également infinie des bienfaits qu'il nous accorde) - par crainte (de son jugement, de "ne pas être sauvé", de ne pas accéder à la vie éternelle, ou d'être puni dans ma vie temporelle par la souffrance, le fléau...) A mes yeux, que dieu s'il existe soit notre créateur peut participer mais ne suffit pas en soi à motiver notre reconnaissance. Que devrait-on penser d'un père tout-puissant qui, en dépit de cette toute-puissance (donc sans aucune excuse), abandonnerait ses enfants après les avoir créés ? On dirait qu'il ne les aime pas, et ne mérite pas d'être aimé de ses enfants. Donc il faut, pour que nous soyons légitimement reconnaissants à dieu, non seulement qu'il soit notre créateur, mais encore qu'il nous accorde ses bienfaits, ou qu'il nous comble de sa bonté. Or que constate-t-on ? La souffrance, l'injustice, la misère, la guerre, parfois même au nom de dieu, ravagent le monde. Dès lors, il n'y a pas tant de réponses logiques : - Soit dieu est bon (il se désole des souffrances humaines) mais impuissant, et alors à quoi bon lui rendre un culte (et d'ailleurs de quel dieu parle-t-on dès lors, puisque l'idée même de dieu semble impliquer la toute-puissance, au moins vis-à-vis des humains ?) ? Je peux croire en lui comme je crois en l'ADN ou aux mathématiques, comme principe d'organisation, sans pour autant subordonner ma pensée à cette existence, puisque sa volonté ne peut être faite sur la terre, contrairement à ce qu'avancent toutes les religions. Tout se passe dès lors, même s'il existe, exactement comme s'il n'existait pas. - Soit dieu est indifférent et se moque de la douleur, de la souffrance, de l'injustice, de la guerre, etc., et dès lors je suis fondé à douter de sa bonté, moi que ces fléaux affectent et révoltent, et à me considérer comme moralement supérieur à dieu (et on se demande bien pourquoi je lui rendrai un culte...). - Soit enfin, dieu nous inflige volontairement nos épreuves et nos souffrances, et alors je le considère non pas seulement comme inutile et négligeable, mais comme nocif, néfaste et digne du plus grand mépris, d'autant plus s'il est tout-puissant et pourrait, contrairement à moi, faire triompher le bien contre le mal. Quant à la crainte de dieu (qui en général, et heureusement, ne va pas sans amour ou reconnaissance, même si nous venons de démontrer que ceux-ci s'investissent en dieu en vain voire absurdement), elle me paraît être la plus servile et la plus méprisable des raisons de croire en dieu et de l'honorer. Aussi si dieu existe, n'est pas impuissant et est donc l'entité malfaisante que j'ai dite, susceptible de me punir, qu'il le fasse : j'en prends le risque. Pour résumer mon propos, donc, selon moi : - soit dieu n'existe pas, - soit dieu existe, et alors : soit il est impuissant, auquel cas toute prière est vaine ; soit il est tout-puissant et malfaisant, auquel cas je dois, si je ne le crains pas au point de me soumettre à lui, le considérer comme mon pire ennemi, et comme le pire ennemi de l'ensemble de la communauté des hommes. Comment nommeriez-vous cette forme d'agnosticisme ou d'athéisme ? Je parlerais volontiers "d'athéisme combattant" ou "d'athéisme prodéicide", mais peut-être avez-vous (vous ou les lecteurs de ce site) une suggestion plus précise, ou plus explicite, représentative de ma position ? J'en serais curieux et intéressé. Cordialement. Régis ![]() ![]() |