Dieu jadis trônait sur
son nuage au-dessus de la Terre. Aujourd'hui, la science l'a repoussé
aux confins de l'univers, voire dans une autre dimension que la nôtre.
Aux Etats-Unis, où croire en Dieu constitue un gage de civisme et de
conformisme et, par conséquent, une condition indispensable à la
réussite sociale, certains savants ont tendance à confondre la
recherche scientifique avec la quête de Dieu.
C'est ainsi que l'on voit fleurir de nombreux
articles scientifiques montrant (mais parfois, heureusement, démontant) des tentatives
pour introduire une main divine derrière toutes les questions laissées encore sans
réponse par la science, derrière ce que l'on pourrait qualifier d'outre-connaissance.
Voici quelques exemples de thèmes abordés récemment dans la presse scientifique:
Le big-bang ne serait-il pas l'œuvre d'un Dieu Créateur?
Le big-bang, c'est cette gigantesque explosion initiale, qui partant d'un
point infiniment petit a créé à la fois le temps, l'espace et la matière. Cette dernière
qui a été dispersée et est encore en expansion, a formé les étoiles et les galaxies.
Bien que cette théorie paraisse extraordinaire et difficile à concevoir, elle est
maintenant suffisamment solide et étayée pour expliquer l'univers. Elle le sera jusqu'à
ce qu'une nouvelle théorie plus complète vienne la remplacer pour faire reculer les
frontières de la connaissance.
Bien évidemment, les croyants
zélés ont vite perçu l'avantage que pourrait tirer leur religion en
difficulté, en essayant d'introduire le divin derrière le big-bang. Le
Dieu Créateur, d'un coup de pouce, aurait fait naître notre univers, puis,
en voyeur, aurait contemplé son œuvre, en se gardant bien d'intervenir.
Peut-être est-il allé vaquer à d'autres occupations plus importantes à
ses yeux?
Une chose est sûre, le big-bang et le fait qu'il y ait un instant zéro ne
constituent nullement une preuve de l'existence d'un dieu quelconque.
Les scientifiques affirment que certaines
constantes de l'univers et de la physique ne pouvaient pas être différentes de ce qu'elles
sont. Si, par exemple, la force de gravitation avait été plus intense, même très légèrement,
l'univers se serait écroulé sur lui-même peu après le big-bang. Si elle avait été plus
faible, les étoiles n'auraient pu se former. De même, si les caractéristiques physiques du
carbone, élément essentiel de la chimie organique, avaient été différentes, la vie n'aurait
pu voir le jour.
L'homme aime peindre des couleurs divines les murs de son ignorance. Ainsi quelques
scientifiques parlent de "miracle", "d'intelligence intentionnelle", de "concept du
hasard" devenu "absurde". (Voir citations
sur le hasard) Pour eux, la probabilité pour que le monde puisse être ce
qu'il est, était infime; il y a donc nécessairement une intelligence qui a fixé les
bonnes valeurs des constantes physiques.
Cependant la science avance. Un chercheur (Andrei Linde, Université de Stanford, Californie)
propose la théorie des "multivers" (univers multiples) où des milliards de big-bang
créeraient autant d'univers, dans des dimensions qu'on ne peut voir. La plupart
avorteraient (à cause des constantes physiques aléatoires inappropriées), mais quelques-uns
subsisteraient et se développeraient, tel le nôtre.
Pour prendre une image, nous serions dans le cas du joueur de loto qui vient de gagner le
gros lot, alors que des millions d'autres personnes, qu'il ne voit pas et dont il ne se
préoccupe pas, n'ont pas eu cette chance. Pour le gagnant, le taux de réussite est de 100%!
De toute façon, big-bang ou pas, univers multiples ou pas, à l'échelle de l'homme et à celle
de l'histoire de l'humanité, l'univers a une apparence d'éternité. De plus, Dieu ou l'Etre
Suprême a été repoussé tellement loin que même son existence ou sa non-existence n'a pas
d'impact concret sur la société humaine.
C'est en vain que beaucoup attendent le jour où Dieu se déciderait à venir, en personne,
au journal télévisé de 20 heures pour taper du poing sur la table afin d'arrêter les guerres
et autres misères.
Dieu laisserait des traces de son passage dans nos cerveaux.
Une nouvelle science, la
neurothéologie, s'intéresse à la relation entre la sensation du divin
et le fonctionnement du cerveau. Deux chercheurs américains pensent avoir
mis en évidence un lien entre la prière et la perte de perception spatiale
ainsi que du sens du soi, lors de recueillements intenses. Selon l'un d'eux : "Lorsque les limites entre le soi
et l'environnement physique s'estompent, l'individu se sent uni à quelque
chose de plus grand, que ce soi une communauté religieuse, le monde dans
son ensemble ou, en dernière instance, Dieu."
Ressentir une "présence" alors qu'il n'y a rien aux alentours, n'est pas la preuve que Dieu est là. Les hallucinations provoquées par certaines drogues ou les rêves, tout simplement, peuvent produire les mêmes sensations.
En prenant le problème dans l'autre sens, ces chercheurs n'ont fait que prouver, avec cette corrélation entre l'activité cérébrale et le ressenti divin ou spirituel, que Dieu n'était qu'un sous-produit de notre cerveau.
C'est l'arroseur arrosé.
Ces "neurothéologiens" auraient gagné du temps en lisant l'excellent livre de Pascal Boyer "Et l'homme créa les dieux". Voir
quelques citations de cet ouvrage
Le fait de penser à Dieu a laissé des traces bien plus importantes, comme les guerres de religion et tous les morts, pour rien, au nom de Dieu.
Avoir la foi, c'est bon pour la santé.
Encore aux USA, des études tentent de montrer qu'avoir la foi ou pratiquer une religion améliorerait l'espérance de vie et de guérison des cancers.
On savait déjà que prier Allah était bon les lombalgies!
Bientôt des curés en guise de médecins!
Ce n'est pas la foi qui est bonne pour la santé, ce sont certaines attitudes qui en découlent: relaxation, sérénité, espoir… dont la religion n'a pas le privilège. D'autres approches philosophiques (épicurisme, humanisme, recherche de la sagesse, du bonheur…) ou les méthodes de relaxations "laïques" conduisent aux mêmes attitudes.
En outre, selon la presse scientifique, la façon dont les études ont été conduites est sujette à critique.
La foi est un choix personnel. Tant mieux pour ceux à qui elle peut apporter un soulagement dans les souffrances physiques ou morales. C'est l'effet placebo.
L'univers est un ordinateur géant.
Une autre théorie, la physique numérique, suggère que tout ce qui compose le monde réel, des ondes électromagnétiques aux séquences d'ADN, en passant par les atomes, ne serait constitué que de 0 et de 1. L'univers ne serait qu'un immense et unique programme informatique.
Cette théorie s'appuie sur trois postulats:
"Le calcul peut décrire toute chose."
"Toutes les choses peuvent calculer."
"Tout ce qui est calcul ne fait qu'un."
Je veux bien souscrire au premier, qui n'est que théorique, car on est vite limité par la complexité qu'il y a à mettre en équation le réel. Pour le second, j'irais jusqu'à faire un effort en remplaçant mon ordinateur par un bloc de pierre, il suffit qu'on me dise où je branche le modem. Quant au troisième, que je n'ai pas très bien compris, je lui laisse donc le bénéfice du doute.
J'ai l'impression de voir un film de
science-fiction des années 90 où le héros, à la dernière scène, finit par se rendre compte que le monde dans lequel il vit, est virtuel.
Qui dit programme, dit programmeur et ordinateur pour l'exécuter. La réponse est dans "l'Autre", qui serait un autre univers, une autre dimension. Les défenseurs de cette théorie ne sont pas tous d'accord entre eux. Une partie d'entre eux pense que notre univers est l'ordinateur lui-même.
A l'origine de ces théories il y a une doctrine mystique du calcul universel.
Et Dieu? Est-ce le code source, le programmeur, l'analyste programmeur, le maître d'ouvrage?
Et Microsoft? Une succursale divine?
A moins que Dieu ne soit qu'un adolescent, assis jour et nuit devant l'écran de son ordinateur et son joystick. Et les hommes ne seraient que des ombres qu'il s'acharne à détruire dans un mauvais jeu vidéo!
Même avec une majuscule, l'univers ne peut être considéré comme un Etre Suprême. A la
rigueur, on pourrait le qualifier de suprême, en le définissant comme l'ensemble de tout
ce qui existe, mais on ne peut employer le terme d' "être", car ce serait sous-entendre
que l'univers pense, qu'il a une conscience et surtout qu'il agit avec une intention, une volonté qui le guiderait. Or rien ne permet de le supposer, et encore moins de l'affirmer.
La science n'offre aux hommes qu'une très faible connaissance de l'univers. Ce qui est
au-delà de la connaissance, (outre-connaissance), nous échappe donc. On ne peut que bâtir des hypothèses. Mais ce ne sont que des hypothèses et certains n'hésitent pas à s'en servir de prétexte pour de nouvelles croyances.
Même si la notion d'univers en tant qu'Etre Suprême est intellectuellement intéressante,
elle me paraît trop conceptuelle et abstraite pour offrir une alternative aux croyants
déçus par les religions classiques. Cette notion n'est pas sans analogie avec le déisme
de certains philosophes (Herbert von Cherbury, Toland, Voltaire…) au cours des XVIIe et
XVIIIe siècles qui, séduisant sur le plan des idées, n'a pas rencontré beaucoup de succès. L'athéisme positif, c'est-à-dire tourné vers l'homme et la société humaine, autrement dit l'humanisme, plus concret, est davantage en mesure, de répondre aux attentes des hommes.
Une citation de Max Nordeau pourrait, à elle seule, résumer cette page:
"Dieu est le nom que depuis le début des temps jusqu'à nos jours les hommes ont donné à
leur ignorance."