|
Satan,adversaire et exécuteur des basses oeuvrespar Eric Timmermans - 29/06/2011 Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs. "Je suis l'esprit qui toujours nie ; et c'est avec justice ; car tout ce qui existe est digne d'être détruit, il serait donc mieux que rien n'existât. Ainsi tout ce que vous nommez péché, destruction, bref, ce qu'on entend par mal, voilà mon élément." (Méphistophélès dans le "Faust" de Goethe). 1. Satan, un simple nom communLe mot "satan" signifie, en hébreu, l'"ennemi" ou, plus précisément, l'"adversaire", ou encore, "se comporter en adversaire, s'opposer à". Il ne s'agit en aucun cas, à l'origine, du nom propre d'une quelconque divinité ou d'un quelconque démon, mais bien d'un simple nom commun. Il servait jadis à désigner un guerrier assaillant ou un adversaire partie prenante dans un procès, rien de plus. Très utilisé par les anciens juifs, le terme de "satan" doit donc se comprendre de cette manière, notamment dans le Premier Livre de Samuel au moment où David se voit congédier par les Philistins (I Samuel, 29 : 4) :"Mais les chefs des Philistins s'irritèrent contre Achis, et les chefs des Philistins lui dirent : "Renvoie cet homme, et qu'il retourne dans le lieu où tu l'as établi ; qu'il ne descende pas avec nous à la bataille, de peur qu'il ne soit pour nous un adversaire pendant le combat. Et comment pourrait-il rentrer en grâce auprès de son maître, si ce n'est en lui offrant les têtes de ces hommes ?" (Crampon). "Les chefs des Philistins s'emportèrent contre lui et lui dirent : "Renvoie cet homme et qu'il retourne au lieu que tu lui as assigné. Qu'il ne vienne pas au combat avec nous et qu'il ne devienne pas pour nous un adversaire pendant le combat ! A quel prix celui-là pourrait-il se concilier son maître, si ce n'est avec la tête des hommes que voici ?" (Jérusalem). Dans Zacharie (3 : 1-2), le terme de "Satan" apparaît toutefois pourvu d'une majuscule, mais il est encore, du moins dans certaines traductions (la version de la Bible de Jérusalem diverge ainsi de la version du chanoine Crampon), précédé d'un article : "le Satan", "au Satan" : "Il me fit voir Josué, le grand prêtre, qui se tenait devant l'ange de Yahvé, tandis que le Satan était debout à sa droite pour l'accuser. L'ange de Yahvé dit au Satan : "Que Yahvé te réprime, Satan ; que Yahvé te réprime, lui qui a fait le choix de Jérusalem. Celui-ci n'est-il pas un tison tiré du feu ?" (Jérusalem). "Il me fit voir Jésus, le grand prêtre, debout devant l'ange de Yahweh ; et Satan se tenait à sa droite pour lui faire opposition. Et (ndr : "l'ange de" ?) Yahweh dit à Satan : "Que Yahweh te réprime, Satan, que Yahweh te réprime, lui qui a choisi Jérusalem ! Celui-ci n'est-il pas un tison arraché du feu ?" (Crampon). Ce Satan apparaît dès lors comme l'Adversaire et l'Accusateur, mais également, peu à peu, comme l'Ange malfaisant qui accuse Josué représentant ici le peuple juif. 2. Satan, l'exécuteur des basses ouvres de DieuDans le Livre de Job, on retrouve le nom de Satan écrit avec un "S" majuscule, parfois précédé d'un article, parfois pas. Satan s'affirme dans son rôle d'"ange maléfique". Toutefois, il n'en reste pas moins qu'un ange au service de Dieu, un "exécuteur des basses ouvres divines", même s'il apparaît qu'il prend plaisir à tourmenter l'humanité, mais il ne peut lui nuire qu'avec un assentiment divin qui nous paraît des plus cyniques. Ainsi, dans l'histoire de Job, Satan se présente devant Yahvé qui se vante de la grande fidélité et de la grande piété de son serviteur, Job. Satan lui rétorque alors que cette piété et cette fidélité ne sont que de purs artifices, et que Job ne les pratique que parce qu'il a été comblé par Dieu de tous les biens possibles. Qu'on les lui enlève, et Job se détournera bien vite de Yahvé, prétend Satan. Yahvé-Dieu donne alors à Satan l'autorisation de réduire à néant tout ce que possède son fidèle et pieux serviteur et de massacrer la totalité de sa famille. Malgré ce désastre, Job parvient encore malgré tout à bénir le nom de Yahvé. Triomphant, ce dernier se tourne vers Satan et lui démontre, non sans orgueil, son erreur : malgré toutes les souffrances endurées, Job lui est resté fidèle. Mais Satan ne se tient pas pour vaincu et reste sceptique. Il rétorque à Yahvé que si Job devait se voir frapper dans sa chair, il est certain qu'il abandonnerait Dieu. Chiche ! Une fois de plus, Dieu donne à Satan l'autorisation de frapper Job (Job 2 : 1-6) !"Il arriva un jour que les fils de Dieu étant venus se présenter devant Yahweh, Satan vint aussi au milieu d'eux se présenter devant Yahweh. Et Yahweh dit à Satan : "D'où viens-tu ?" Satan répondit à Yahweh et dit : "De parcourir le monde et de m'y promener." Yahweh dit à Satan : "As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n'y a pas d'homme comme lui sur la terre, intègre, droit, craignant Dieu et éloigné du mal. Il persévère toujours dans son intégrité, quoique tu m'aies provoqué à le perdre sans raison." Satan répondit à Yahweh et dit : "Peau pour peau ! L'homme donne ce qu'il possède pour conserver sa vie. Mais étends ta main, touche ses os et sa chair, et on verra s'il ne te maudit pas en face." Yahweh dit à Satan : "Voici que je te le livre entre tes mains ; seulement épargne sa vie !" (Crampon). "Un autre jour où les Fils de Dieu venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi s'avançait parmi eux. Yahvé dit alors au Satan : "D'où viens-tu ?» -"De parcourir la terre, répondit-il, et de m'y promener." Et Yahvé reprit : "As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n'a point son pareil sur la terre : un homme intègre et droit, qui craint Dieu et s'écarte du mal ! Il persévère dans son intégrité et c'est en vain que tu m'as excité contre lui pour le détruire." Et Satan de répliquer : "Peau après peau. Tout ce que l'homme possède, il le donne pour sa vie ! Mais étends la main, touche à ses os et à sa chair et je gage qu'il te maudira en face !" -"Soit ! dit Yahvé au Satan, il est en ton pouvoir mais respecte pourtant sa vie." (Jérusalem). Sous les coups redoublés de tous ces mauvais sorts et de cette cynique injustice divine, mais après avoir néanmoins résisté au désespoir sept jours durant, le pauvre Job finit par laisser éclater sa bien légitime colère et sa non moins légitime désespérance, ce qui lui vaudra, bien évidemment, toutes les remontrances et les accusations possibles, la conclusion de cette histoire étant que tout doit être accepté de Dieu sans broncher, le bonheur comme le malheur, et que seule une soumission complète peut mener à lui, une approche dominatrice, moralisatrice et culpabilisatrice particulièrement prisée par les trois religions abrahamiques, judaïsme, christianisme et islam. Le Livre de Job dérange plus d'un croyant. De fait, ce dieu qui donne l'autorisation au diable de réduire à néant la vie de son meilleur serviteur est bien loin de ce l'image de ce prétendu "Dieu de bonté" qu'essaie de nous vendre depuis deux mille ans le christianisme néotestamentaire et qui correspond si peu à la réalité de notre monde corporel dont, selon les "bons croyants", "Il" serait le Créateur. Un "bon démiurge", voilà une contradiction parfaitement insoluble. Voilà d'ailleurs pourquoi Dostoïevski avait ressenti un violent malaise à la lecture du Livre de Job : "Au sommet est le problème métaphysique : comment se concilie avec Dieu, bon et tout-puissant, l'existence du mal ? Dostoïevski écrit à sa femme en 1875 que le livre de Job le rend malade : "Je lis, et puis j'abandonne le livre, et je me mets à marcher dans la pièce, une heure peut-être, en pleurant presque. Ce livre, Ania, c'est singulier, mais il est un des premiers qui m'aient frappé, quand j'étais encore presque nouveau-né." C'est surtout le mal moral, la volonté du mal chez l'homme, qui l'a tourmenté. Aussi a-t-il compris mieux que personne la force de l'athéisme occidental moderne, qui ne nie plus seulement Dieu, mais aussi la création, la raison d'être du monde et de la vie." (Les frères Karamazov, Tome II, Folio, 1987, Postface de Pierre Pascal, p.485) 3. Satan, le TentateurDans le Premier livre des Chroniques, Satan apparaît désormais comme le Tentateur, celui qui va inciter David à dénombrer les enfants d'Israël et à commettre ainsi un acte défendu par Dieu (I Chroniques, 21 : 1-2) :"Satan se tint contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d'Israël. Et David dit à Joab et aux chefs du peuple : "Allez, comptez Israël depuis Bersabée jusqu'à Dan, et faites-moi un rapport, afin que je sache leur nombre." (Crampon) "Satan se dressa contre Israël et il incita David à dénombrer les Israélites. David dit à Joab et aux chefs du peuple : "Allez compter Israël, de Bersabée à Dan, puis revenez m'en faire connaître le chiffre." (Jérusalem) Pour punir David et Israël, Yahweh propose un choix de trois plaies. David finit par choisir la troisième, à savoir trois jours de peste dans le pays. Et l'ange exterminateur de Yahweh, ravagea tout le pays durant trois jours (I Chroniques, 21 : 14-15) : "Et Yahweh envoya une peste en Israël, et il tomba soixante-dix mille hommes en Israël. Et Dieu envoya un ange à Jérusalem pour la détruire ; et pendant qu'il détruisait, Yahweh vit et se repentit de ce mal, et il dit à l'ange qui détruisait : "Assez ! retire maintenant ta main." L'ange de Yahweh se tenait près de l'aire d'Ornan, le Jébuséen." (Crampon) "Yahvé envoya donc la peste en Israël et, parmi les Israélites, soixante dix mille hommes tombèrent. Puis Dieu envoya l'ange vers Jérusalem pour l'exterminer ; mais au moment de l'exterminer, Yahvé regarda et se repentit de ce mal ; et il dit à l'ange exterminateur : "Assez ! Retire ta main". L'ange de Yahvé se tenait alors près de l'aire d'Ornân le Jébuséen." (Jérusalem) 4. Du nom commun crypto-testamentaire à l'Ange déchu du christianismeJamais, dans l'Ancien Testament, qui fut, dit-on, rédigé avant l'Exil, Satan n'est assimilé à un ange déchu. Ce n'est qu'ultérieurement qu'on le campera dans ce rôle, puis dans celui de "Chef des hordes démoniaques", du "Prince de ce monde", du "Maître des Ténèbres", en un mot, du Diable. Cette image diabolique résulte d'une évolution multiséculaire. Ce n'est en effet que tardivement que Satan fut assimilé à l'image du Diable telle qu'elle nous est connue. Entre la Genèse qui évoque le serpent édénique comme incarnation du principe de la cupidité combattant la volonté, d'une part, et l'identification de ce serpent à Satan, l'Ange maudit envoyé par Yahvé pour tenter les hommes de peu de foi (selon la terminologie abrahamique) et les perdre, il s'est écoulé pratiquement un millénaire durant lequel la compréhension du mythe du serpent édénique s'est progressivement émoussée. Du point de vue chrétien, Satan incarne la force d'attraction du corporel et s'oppose à toute libération de l'esprit. Il est l'ennemi de toute démarche visant à harmoniser les relations entre Dieu et les hommes. Il est aussi, comme nous l'avons dit, le Tentateur qui tend aux hommes des pièges qui n'ont d'autre but que de les faire sombrer dans les domaines où la spiritualité n'a pas la moindre part : richesse, sexualité, éternelle jeunesse, pouvoir sur la vie et sur la mort, etc. Satan illustre donc l'ego humain et, plus précisément, l'insoumission. La sexualisation du mythe d'Adam et Eve tenté par le serpent édénique -aux seuls mots de "fruit du péché" l'on s'imagine généralement, un sourire goguenard aux lèvres, quelque aventure galante- cache bien souvent sa vraie signification, celle d'un serpent aussi édénique que prométhéen, incitant l'humanité à mordre dans le fruit de la Connaissance afin de se faire l'égale de Dieu. Ce qui est condamné, c'est bien moins un quelconque péché d'ordre sexuel que la volonté, qualifiée d'orgueilleuse, de progresser sur le chemin d'une Connaissance qui ouvre la voie à l'Insoumission et à la Révolte, au rejet de la superstition religieuse et du pouvoir de ceux qui la défendent et en font la promotion. L'orgueil est dès lors stigmatisé comme le "premier des péchés capitaux" et constitue, du point de vue des religieux et des croyants, le premier attribut de Satan et de tous ceux qui, à son exemple, refusent de courber l'échine devant l'Autorité. Ainsi naquit l'image d'un être monstrueux, doté d'ailes, à l'instar des anges, ainsi que de pouvoirs égaux à ceux des divinités. Satan reste donc un être céleste, mais ses attributs animaux (cornes, queue, pieds de bouc, oreilles de caprins), qu'il doit, pour l'essentiel, au dieu grec Pan démonisé, trahissent sa déchéance. Considéré par les kabbalistes comme la négation de Dieu, Satan se voit donc bientôt élevé par le christianisme, du moins à certaines époques, au rang de "Dieu Noir" adversaire de Dieu, jouissant de pouvoirs pratiquement égaux à ce dernier et que l'on est dès lors prié de craindre sous peine de se voir taxer d'incroyance, ce qui n'est pas le moindre paradoxe pour une religion qui se prétend monothéiste. Comment, en effet, concilier la réalité terrible de notre monde et le fait qu'il aurait été créé par un "dieu bon" ? Satan est heureusement là pour justifier l'injustifiable.(Satan) : "Dieu est parfait puisqu'il m'a fait ; il n'est même parfait qu'à cette condition ; car si le mal ne venait pas de moi, il faudrait qu'il vint de lui, et au diable alors sa perfection." (Les Mémoires du Diable, T. 2, Frédéric Soulié, Marabout, p. 206). "Le diable est, dans le christianisme, une personne de la plus haute nécessité, en tant que contrepoids à toute la bonté, toute la sagesse et la toute puissance de Dieu, par rapport à laquelle il est impossible de prévoir d'où devraient venir les maux accablants, innombrables et sans limites, du monde, si le diable n'était pas là pour les prendre à son compte." (Sur la religion, Schopenhauer, Traduction et présentation par Etienne Osier, GF-Flammarion, 1996, p. 112). Mais soit Satan est un "Dieu Noir" né par génération spontanée sans que Dieu ait pu empêcher ni sa naissance ni son avènement, ce qui fait de Dieu un faible et n'est, en outre, pas compatible avec le monothéisme, soit Dieu a bien créé Satan, mais il ne savait pas ce qu'il faisait ou, pire encore, il lui a donné naissance, volontairement et en connaissance de cause. Le "dieu bon et miséricordieux" d'Abraham est donc soit un faible, soit un cynique. La question du mal apparaît, en l'occurrence, insoluble dans la "religion du dieu bon". Saint Augustin, afin de tenter de résoudre cette contradiction, "transforma de manière subtile cette vision du combat cosmique en affirmant que Dieu a permis le Mal pour en tirer le Bien. Le péché est de ce fait une structure de l'univers, mais une structure bénigne pour qui a la grâce. L'évêque d'Hippone réinterprète donc le mythe cosmique de la chute de Satan comme un élément du "complot divin" devant conduire à la Rédemption. Dans ce système, le diable est un instrument pour corriger les errements humains, en d'autres termes l'ennemi de Dieu s'est transformé en moyen de conversion." ("Une histoire du Diable", R. Muchembled, p. 22). Mais cette approche ne fait que déplacer le problème et n'explique nullement pourquoi le dieu d'Abraham réputé omniscient, omnipotent, parfait et bon, n'a tout simplement pas créé un homme parfait, incapable de pécher, et un monde dont aurait d'emblée été exclue toute souffrance. 5. Satan dans le Nouveau TestamentC'est dans le Nouveau Testament que Satan devient le Maître du Mal, Bélial ou Béelzéboul/ Belzébuth n'apparaissant que comme des nuances locales du Diable. Dans l'Evangile de Matthieu (5 : 37, 6 : 13, 13 : 19) Satan est nommé le Mauvais ou encore, le Malin.Mt 5 : 37 :
"Que votre langage soit : "Oui ? Oui.", "Non ? Non." : ce qu'on dit de plus vient du Mauvais." (Jérusalem). Mt 6 : 13 :
"Et ne nous soumets pas à la tentation ; mais délivre-nous du Mauvais." (Jérusalem) Mt 13 : 19 :
"Quelqu'un entend-il la Parole du Royaume sans la comprendre, arrive le Mauvais qui s'empare de ce qui a été semé dans le cour de cet homme : tel est celui qui a été semé au bord du chemin." (Jérusalem) Toujours chez Matthieu (4 : 1-11), dans la célèbre Tentation du désert, Satan, nommé "le diable" ou "le tentateur", tente Jésus.
"Alors Jésus fut emmené au désert par l'Esprit, pour être tenté par le diable. Il jeûna durant quarante jours et quarante nuits, après quoi il eut faim. Et s'approchant, le tentateur lui dit : "Si tu es Fils de Dieu, dis que ces pierres deviennent des pains." Mais il répondit : "Il est écrit : Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu." Alors le diable le prend avec lui dans la Ville Sainte, et il le plaça sur le pinacle du Temple et lui dit : "Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre." Jésus lui dit : "Il est encore écrit : Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu." De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire et lui dit : "Tout cela, je te le donnerai, si, te prosternant, tu me rends hommage." Alors Jésus lui dit : "Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, et à Lui seul tu rendras un culte." Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s'approchèrent, et ils le servaient." (Jérusalem) Dans l'Evangile de Jean, Satan est nommé le "Père du mensonge" (Jean 8 : 44) et le "Prince de ce monde" (Jean 12 : 31). Jean 8 : 44 :
"Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu'il est menteur et père du mensonge." (Jérusalem) Jean 12 : 31 :
"C'est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ;" (Jérusalem). Toujours selon Jean, Satan possède Judas Iscariote et l'a poussé à trahir Jésus (Jean 13 : 2),
"Au cours d'un repas, alors que déjà le diable avait mis au cour de Judas Iscariote, fils de Simon, le dessein de le livrer,." (Jérusalem). ce que confirme Luc (22 : 3).
"Or Satan entra dans Judas, appelé Iscariote, qui était au nombre des Douze." (Jérusalem).
"La parole de Yahvé me fut adressée en ces termes : Fils d'homme, prononce une complainte contre le roi de Tyr. Tu lui diras : Ainsi parle le Seigneur Yahvé. Tu étais un modèle de perfection, plein de sagesse, merveilleux de beauté, tu étais en Eden, au jardin de Dieu. Toutes sortes de pierres précieuses formaient ton manteau : sardoine, topaze, diamant, chrysolithe, onyx, jaspe, saphir, escarboucle, émeraude, d'or étaient travaillés tes disques et tes pendeloques ; tout cela fut préparé au jour de ta création. Toi, j'avais fait de toi le chérubin étincelant, le protecteur, tu étais sur la sainte montagne de Dieu, tu marchais au milieu des charbons ardents. Ta conduite fut exemplaire depuis le jour de ta création jusqu'à ce que fût trouvée en toi l'injustice. Par l'activité de ton commerce, tu t'es rempli de violence et de péchés. Je t'ai précipité de la montagne de Dieu et je t'ai fait périr, chérubin protecteur, du milieu des charbons. Ton cour s'est enorgueilli à cause de ta beauté. Tu as corrompu ta sagesse à cause de ton éclat. Je t'ai jeté à terre, je t'ai offert en spectacle aux rois. Par la multitude de tes fautes, par la malhonnêteté de ton commerce, tu as profané tes sanctuaires. J'ai fait sortir de toi un feu pour te dévorer ; je t'ai réduit en cendres sur la terre, aux yeux de tous ceux qui te regardaient. Quiconque te connaît parmi les peuples est frappé de stupeur à ton sujet. Tu es devenu un objet d'effroi, c'en est fait de toi à jamais." (Jérusalem). 6. Une brève histoire du DiableLa personnalisation de Satan pourrait être le résultat d'une influence perse, notamment via le personnage d'Ahriman, personnification du Principe des Ténèbres dans le zoroastrisme dualiste. Ainsi, dès le 2e siècle avant l'ère chrétienne, les termes "Satan" et "Diable" sont employés de manière interchangeable dans divers ouvrages. On devait y ajouter une multitude de noms tels qu'Azazel, Samaël, Bélial, Samiazas et tant d'autres. Au 1er siècle de l'ère chrétienne, Satan commence à être régulièrement assimilé au serpent édénique. Il aurait, dit-on, revêtu l'aspect d'un ange de lumière pour séduire Eve, mais également Adam. On désigne alors Satan, le Diable donc, comme une créature androgyne et, dirait-on aujourd'hui, bisexuelle. De Samaël à Lilith, les mythes abondent à propos de l'accouplement du "premier couple humain" avec le Diable, union dont serait née une nuée de démons et d'êtres malfaisants. Responsable de la Chute, Satan passe désormais également pour celui qui a introduit la Mort, ainsi va-t-il progressivement s'affirmer dans le rôle d'ennemi de Dieu et des hommes, même si, paradoxalement, contrairement au Perse Ahriman, il reste subordonné au dieu qui l'a créé. Suite à l'assimilation du Diable avec le serpent édénique, Satan est présenté comme un "objet d'épouvante", mais il n'est pas pour autant décrit sous une forme physique monstrueuse. C'est vers l'an Mil que, brusquement, un changement va s'opérer. Les descriptions monstrueuses du Diable commencent à se répandre. On évoque notamment un être difforme et noir au cou grêle, portant une barbe de bouc, doté de dents de chien, vêtu sordidement et s'agitant furieusement (Historiam sui temporis Libris quinque, Raoul Glaber, du monastère de Saint-Léger). L'horreur diabolique va culminer au 15ème siècle. A la Renaissance, par contre, le Diable reprend une forme plus humaine avec cependant de nombreux points communs avec le dieu grec Pan. En 1563, au Concile de Trente, les représentations fantastiques sont même condamnées et déclarées relever des délires de l'imaginaire. Luther, quant à lui, voit le Diable sous divers aspects animaux : perroquets, singes, sangliers. Au 17ème siècle, alors que la répression religieuse s'abat avec une rare violence sur tout le monde catholique, les cas de prétendue "possession démoniaque" se multiplient. Les Lumières vont, un temps, dissiper ces croyances diaboliques, mais elles reviennent en force avec les romantiques qui vont les ressusciter. Bientôt, l'on plaindra ce pauvre Diable, cet incompris persécuté par un christianisme qui apparaît désormais clairement en déclin.7. La réalité de SatanAujourd'hui, selon le dogme catholique, Satan existe bel et bien, tel que le rappelle le nouveau Catéchisme de l'Eglise catholique qui retient quatre facteurs fondamentaux :1. Satan fut un ange libre créé par Dieu. 2. Satan a déversé la satisfaction de toutes les libérations agissant "comme Dieu, mais sans Dieu et avant Dieu." 3. Satan a acquis une réelle domination sur le monde. 4. Incontestablement et conformément aux Evangiles et à l'Ancien Testament, l'enfer existe. Pour le christianisme en général et pour le catholicisme en particulier, "Satan, que Jésus avait affronté par ses exorcismes, rencontré au désert et dans sa passion, ne peut pas être le simple produit de la faculté humaine de fabulation et de projection, ni le vestige aberrant d'un langage culturel primitif." (Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, p.875) 8. L'ApocalypseNommé le Dragon et l'antique Serpent dans l'Apocalypse (20 : 1-3) :"Et je vis descendre du ciel un ange qui tenait dans sa main la clef de l'abîme et une grande chaîne ; il saisit le dragon, le serpent ancien, qui est le diable et Satan, et il l'enchaîna pour mille ans, et il jeta dans l'abîme, qu'il ferma à clef et scella sur lui, afin qu'il ne séduisit plus les nations, jusqu'à ce que les mille ans fussent écoulés. Après cela, il doit être délié pour un peu de temps." (Crampon). "Puis je vis un Ange descendre du ciel, ayant en main la clef de l'Abîme, ainsi qu'une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon, l'antique Serpent, -c'est le Diable, Satan-, et l'enchaîna pour mille années. Il le jeta dans l'Abîme, tira sur lui les verrous, apposa des scellés, afin qu'il cessât de fourvoyer les nations jusqu'à l'achèvement des mille années. Après quoi, il doit être relâché pour un peu de temps." (Jérusalem). Satan, comme dans toute fiction affectionnant les fins heureuses, sera finalement vaincu, enchaîné par un ange et jeté par lui au fond de l'Abîme pour une période de mille ans, après quoi il devra être libéré mais seulement pour une courte période, avant la fin des temps et le Jugement Dernier qui verra la victoire définitive du Bien sur le Mal. 9. Un Satan légendaire et quelques noms dérivés9.1. Il est dit que la première personne qui emprunte un pont qui vient d'être construit appartient à Satan : c'est la victime sacrificielle qu'il convient de lui fournir pour que le pont ne s'effondre pas par la suite. C'est aussi la raison pour laquelle on fait parfois passer un animal en premier.9.2. On dit que Satan préside au mois de Mars. 9.3. Un certain Satanachia est qualifié de "Grand Général de l'Enfer". 9.4. En Bretagne armoricaine, on dit que les âmes des capitaines qui se sont montrés trop brutaux avec leurs équipages durant leur vie, ont été condamnées à passer dans le corps d'un petit oiseau de mer, tout noir, doté de courtes pattes palmées, ramant à la crête des vagues les jours de tempête : la Satanite (ou Satanicle) ; cet oiseau passe pour être un annonciateur de la tourmente à l'instar du pétrel auquel on l'assimile volontiers ; dans la même région, l'un des noms du Diable est Satann Goz (=Vieux Satan). 9.5. Victor Hugo, quant à lui, mentionne le nom de Satanas, comme nom du Diable, dans son Notre-Dame de Paris, au moment où le pervers archidiacre de Notre-Dame tente de convaincre Pierre Gringoire de ne pas approcher de la belle Esmeralda, pour laquelle le prêtre nourrit un amour violent et criminel : "Ecoutez, maître Pierre Gringoire. Vous n'êtes pas encore damné, que je sache. Je m'intéresse à vous et vous veux du bien. Or le moindre contact avec cette égyptienne du démon, vous fera vassal de Satanas. Vous savez que c'est toujours le corps qui perd l'âme. Malheur à vous si vous approchez cette femme ! Voilà tout." ("Notre-Dame de Paris - 1482", Livre septième, II, "Qu'un prêtre et un philosophe sont deux", p. 280). Il semblerait que le nom de Satanas soit une déformation ou, plus précisément, une adaptation latin, du nom de Satanaël, qu'une certaine tradition rend responsable de la crucifixion de Jésus. Satanas est aussi un qualificatif ironique appliqué à Satan par Voltaire. 9.6. Selon les Bogomiles (chrétiens manichéens qui essaimèrent jadis en Bulgarie et en Bosnie), dont la doctrine religieuse est comparable à celle des Cathares, Satanaël était le frère aîné de Jésus. Après l'avoir fait crucifier, il changea son nom de Satanaël en Satanas. Ensuite, par orgueil, il voulut dépasser Dieu, son Père, et séduisit une partie des anges avec lesquels il fut finalement chassé du Ciel. Satanaël voulant égaler Dieu, tenta de créer un nouvel Adam. Mais incapable de lui insuffler la vie, il dut, dit-on, solliciter l'aide de Dieu. De l'union de Satanaël et d'Eve naquit Caïn et, en définitive, Dieu abandonna à Satanaël, le monde corporel. 9.7. Les Satanim sont des démons de la tradition hébraïque dont le nom signifie "contradicteurs", ce qui renvoie à la signification première du mot "satan". Il est dit que leur chef est Satan ou encore, Samaël. 10. Satan dans le Livre d'HénochNous clôturerons notre texte sur Satan par un retour aux sources hébraïques et, particulièrement à III Hénoch :10.1. Chap. 23, 15-16 : "Souffle le vent de tempête, comme il est dit : "Le vent de tempête exécute son ordre" (Ps. 148 : 8). Et le Satan se dresse parmi ces vents, car le vent de tempête n'est autre que le vent de Satan. Tous ces vents ne soufflent que du dessous des ailes des chérubins, comme il est dit : "Il monta sur un chérubin, prit son vol, il plana sur les ailes du vent" (Ps. 18 : 11). Le vent de la tempête n'est donc rien d'autre que le vent de Satan, l'agent destructeur parmi les vents, divisés en vents favorables et en vents nuisibles. 10.2. Chap.26, 12 : "Pourquoi portent-ils le nom de séraphins ? Parce qu'ils brûlent les registres de Satan. Chaque jour Satan siège en compagnie de Samaël, le prince de Rome et de Doubiel, le prince de Perse ; il inscrit les iniquités d'Israël sur des registres et il confie aux séraphins le soin de les apporter au Saint béni soit-il afin d'éliminer Israël du monde. Mais les séraphins connaissent les secrets du Saint béni soit-il, ils savent qu'il ne veut pas que tombe cette nation d'Israël. Que font donc les séraphins ? Chaque jour ils prennent [ces registres] des mains de Satan et les brûlent dans le brasier ardent qui fait face au Trône élevé et exalté, afin qu'ils ne parviennent pas devant le Saint béni soit-il au moment où il est assis sur le Trône du jugement et qu'il juge le monde entier selon la vérité." Satan est ici campé dans le rôle de "prince des anges accusateurs" et comme leur scribe. Il est assisté par deux princes : Samaël (que l'on distingue ici de Satan, alors qu'il lui est parfois identifié), le prince de Rome et Doubiel, le prince de Perse, deux ennemis traditionnels d'Israël. Eloigné de Dieu, dont ils ne partagent pas les intimes secrets, les anges accusateurs, siégeant dans la cour céleste, doivent avoir recours à des registres pour s'adresser à Dieu, registres qui, curieusement, sont systématiquement détruits par les séraphins pour, semble-t-il, ne pas faire connaître à Dieu de dérangeantes vérités sur la nation d'Israël (dont on ne nie nullement les iniquités dans le contexte présent !). Pour avoir osé tenter de transmettre à Dieu la réalité des iniquités d'Israël, Satan, Samaël et Doubiel seront précipités dans la Géhenne au jour du jugement. 10.3. Dans le Midrach Alphabetot (BM II, p.435), Satan apparaît comme le créateur de la Géhenne. 10.4. Un des chefs des Anges déchus cités dans I Hénoch, dont l'union avec les filles des hommes devait aboutir à la naissance d'une race de géants qui devait détruire le monde, porte le nom de Satarel (ou Erael). Eric Timmermans Sources : - Bible de Jérusalem, Cerf, 1998 - Bible du chanoine Crampon, Société de Saint Jean l'Evangéliste, 1939 - Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972 - Dictionnaire des superstitions et des croyances populaires, Pierre Canavaggio, Jean Claude Simoën, 1977 - Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 - Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi Poche Références, 2003 - Dictionnaire du Diable et de la démonologie, J. Tondriau et R. Villeneuve, Marabout Université, 1968 - Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Pierre Norma, Maxi Poche Références, 2001 - Faust, Goethe - Gérard de Nerval, Maxi Poche théâtre, 2005 (p. 52) - La Légende de la Mort (chez les Bretons armoricains) t. 2, Anatole Le Braz, 1994, p. 38, 50, 222) - Le Livre d'Hénoch (ou Livre des Palais) Verdier, 1989 (p.122, 275, 276, 284) - Les frères Karamazov, Tome II, Dostoïevski, Traduction et notes de Henri Mongault, Folio, 1987 - L'état morbide, T. 1, La Maison Dieu, Hulet, Glénat, 1987 - Notre-Dame de Paris - 1482, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, 1969 - Une histoire du Diable, Robert Muchembled, Seuil, 2000. Voir la page d'accueil sur le Diable ![]() ![]() |