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A DIEU s'il existe...


Paul-Napoléon Roinard


transmis par Evelyne  -  07/04/2006




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Poème extrait d'un recueil de Paul-Napoléon Roinard, poète libertaire (1856-1930), intitulé "Nos plaies".



      A DIEU s'il existe...


      Si j'avais été toi quand tu fus créateur,
      Je n'eusse pas créé tes beaux chefs-d'oeuvre immondes ;
      Je n'eusse pas pétri, sculpteur et tourmenteur
      De fange et de soleil tes milliards de mondes.
      Moins féroce que toi, j'eusse aimé mieux au lieu
      D'inventer tant de servitudes,
      Rêver sereinement dans ma béatitude,
      J'eusse dormi, si j'avais été Dieu !

      Je sais que les ennuis de ton oisiveté
      Te torturant les nerfs, t'inspiraient la torture,
      Qu'il fallait pour charmer ta morne autorité,
      Des hochets sanglants ; mais quand on est de nature
      Juste, impeccable et forte, on cherche un autre jeu.
      Quand on se prétend bon on le prouve, on invente,
      Un passe temps plus doux . Eh ! parbleu , je m'en vante,
      J'eusse trouvé, si j'avais été Dieu !

      Et pourquoi créas-tu l'homme, ce Dieu raté ?
      La femme ce démon ? Ces deux bêtes de somme,
      Faites pour s'accoupler et qui n'ont enfanté
      Jamais que fils comme eux, tes chefs-d'oeuvre, en somme.
      Pourquoi nous créas-tu nus, laids, sans feu ni lieu,
      Avec des yeux en pleurs, des fronts qui s'humilient,
      De la mort dans le sang et des bras qui supplient ?
      J'eusse eu pitié, si j'avais été Dieu !

      Si tu voulais vouer ma race à tous les maux,
      Pourquoi donc nous donner des instincts de génie?
      Et créer, en créant le roi des animaux,
      Le prêtre qui te vends, le savant qui te nie ?
      S'il est vrai que tout tourne autour de ton essieu,
      Meilleur, plus Dieu que toi, poète et réfractaire
      Moi je te crache au nez les larmes de la terre :
      J'en rougirais, si je m'appelais Dieu !

      Enfin, si j'étais Dieu, si j'étais toi, tyran,
      J'aurais honte et pitié de l'infini qui souffre ;
      J'essaierais une fois d'être bon, d'être grand.
      Et m'engrossant d'éclair, de lave et de souffre,
      Dans un tonitruant rayonnement de feu,
      M'irradiant partout, en flamboyante pieuvre,
      Je me ferais sauter, moi-même avec mon oeuvre
      Prouvant ainsi que j'étais vraiment Dieu !


      Paul-Napoléon Roinard


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