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Le grand dieu Pan


par Eric Timmermans  -  11/10/2010




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




1. Une divinité agreste et effrayante.

Pan est, originellement, un dieu de la tradition hellénique particulièrement vénéré en Arcadie. Son nom signifie "Tout". Pan, que l'on dit issu de l'union d'Hermès et d'une nymphe, est le dieu des champs et des bois, le protecteur des chasseurs, des troupeaux, des chevriers et des bergers. Mais sous l'influence néo-platonicienne, on verra bientôt en lui un dieu de la Fécondité et de la puissance sexuelle, un dieu brutal et terrifiant dans ses apparitions, à tel point que son nom est à l'origine du mot "panique", une "peur panique". En effet, plein de malice et d'espièglerie, Pan s'amuse à effrayer les voyageurs par de soudaines apparitions ! C'est aussi en semant la panique dans les rangs des ennemis des Athéniens qu'il aida ces derniers à gagner la bataille de Marathon. Par reconnaissance, les Athéniens lui consacrèrent un sanctuaire dans un rocher de l'Acropole.

2. Du dieu hellénique au diable chrétien.

Muni d'un torse humain poilu, d'une barbiche, de cornes, d'un nez recourbé, de pieds de bouc et d'une petite queue, sa morphologie générale est à rapprocher de celle que l'on donne au Diable dans le monde chrétien. Il semble toutefois que dans l'iconographie ancienne, Pan revêtait un aspect plus humain. Ainsi, sur une fresque de Pompéi, exposée au Musée National de Naples, on peut voir Pan sous l'aspect d'un beau jeune homme nu, aux petites oreilles, portant une couronne d'olivier sur la tête, tenant la syrinx dans la main droite et un bâton dans la main gauche ; assis sur un rocher, il se prépare à faire écouter sa musique à trois nymphes attentives. Notons toutefois qu'un bouc à longues cornes se trouve à ses côtés. Mais c'est sous sa forme mi-humaine, mi-animale qu'il apparaît le plus couramment.

3. Pan Aegipan.

Il est dit qu'à sa naissance Pan était si laid que sa mère l'abandonna et que lorsque son père, Hermès, le présenta, il devint la risée des dieux de l'Olympe. Relevons que du ridicule olympien à la déchéance angélique, il n'y a qu'un pas, et que Pan semble posséder là un autre trait commun avec le Diable du judéo-christianisme. De cet étrange aspect d'être mi-homme, mi-bouc lui vient le titre d'Aegipan, qui désignait peut-être, à l'origine, une divinité particulière. Aegipan est dit fils de Zeus et d'une nymphe nommée Aïx (=chèvre, en grec). Or, Pan Aegipan aida Hermès à retrouver les tendons de Zeus que Typhon avait coupés, volés et cachés. Ensuite, pour échapper à Typhon, Pan Aegipan se changea en un être mi-chèvre, mi-poisson dont Zeus fit la constellation du Capricorne. Voilà pourquoi Pan est identifié par les astrologues au Capricorne.

4. De la déchéance à la vénération.

Pan, chassé de l'Olympe par le rire des dieux, vécut dès lors essentiellement en Arcadie, élevant des abeilles et évoluant parmi les bergers et les troupeaux. Il participait aussi aux jeux et aux danses des nymphes de la montagne. Il poursuivit ainsi sa vie insouciante sous le regard goguenard des Olympiens. On lui offrait divers sacrifices et offrandes : petit bétail, lait, moût, miel. Le pin, le chêne et la tortue comptent, en outre, parmi ses attributs. Mais dans le courant de la période classique, Pan perdit progressivement ses traits licencieux et devint l'objet, dans toute la Grèce, d'une grande vénération. On lui vouait un culte dans les grottes et les cavernes de montagne qui, par mauvais temps, fournissaient des abris pour le bétail, notamment sur le Parnasse, à Delphes. On lui donna de nouveaux attributs et on lui associa de nombreuses légendes. On vit en lui un médecin, un guérisseur, un devin, Apollon lui ayant enseigné l'art de divination. Ainsi, des oracles étaient-ils rattachés à Pan en tant que dieu-prophète, notamment au temple d'Akakezion, en Arcadie. Il devint progressivement un dieu universel, le "grand principe régulateur, le premier principe d'amour, ou créateur incorporé dans la matière universelle et formant ainsi le monde". Pan fut dès lors perçu comme le Tout (= "pan", en grec), le pouvoir générateur de l'Univers, la Source et l'Origine de toutes choses. Ceci explique que le christianisme vit en lui un concurrent de son dieu unique et qu'il a donné à son diable l'aspect du dieu cornu d'Arcadie.

5. La flûte de Pan.

Dieu de la musique, Pan est aussi l'inventeur de la syrinx, la flûte pastorale mieux connue sous le nom de "flûte de Pan". Ce nom de Syrinx est en fait celui d'une nymphe que Pan poursuivait de ses assiduités et qui, pour lui échapper, se jeta dans le fleuve Ladon où elle se métamorphosa en roseau. Pan coupa ce roseau et en tira une série de chalumeaux de longueur décroissante reliés entre eux. C'est ainsi qu'il fabriqua l'instrument de musique qui prit le nom de la nymphe infortunée. Mais un jour, Hermès trouva une des flûtes de Pan et la vendit à Apollon qui lui succéda dans le rôle de divinité de la musique.

6. La puissance sexuelle exacerbée.

Pan séduisit un certain nombre de nymphes plus ou moins consentantes selon les cas -Pitys, Echo, Euphémé.- , la déesse Séléné mais également quelques jeunes éphèbes. Avant de devenir le Grand Pan, le Grand Tout, le principe même de l'Ordre Universel, ce dieu incarnait surtout, par son aspect bestial et ses amours jamais rassasiés, le caractère indompté de la Nature entière et la puissance sexuelle exacerbée. Autant de traits de caractère qui le rendirent peu sympathique, on s'en doute, aux yeux des chrétiens qui s'empressèrent de le diaboliser !

7. "Le Grand Pan est mort !"

Ainsi les auteurs chrétiens interprétèrent-ils une certaine légende comme symbolisant la mort du paganisme et son remplacement par le christianisme. En effet, Plutarque rapporte que sous le règne de Tibère, un vaisseau s'immobilisa sur les eaux de la mer Egée, dans la région de l'île de Paxi, et que le navigateur de ce vaisseau, un certain Thamos, entendit une voix lui demander de crier, lorsqu'il aborderait Palodès : "le Grand Pan est mort !". Lorsqu'il s'exécuta, des gémissements et des plaintes douloureuses s'élevèrent de toutes parts, comme si l'univers entier prenait le deuil. Les chrétiens prétendirent que cette histoire relatait en fait la victoire du dieu d'Abraham sur les prétendus "faux dieux" du paganisme, au premier rang desquels, Pan. Le christianisme ne voudra en définitive retenir de Pan que son caractère "lubrique" et son apparence "diabolique", pour mieux le discréditer et effacer des mémoires son caractère métaphysique essentiel. Il fit également de lui le chef de certaines sortes de démons, tels que les "démons méridiens", plus connus sous le nom de "démons de midi".

8. A savoir également.

8.1. Les Romains identifièrent Pan à Silvanus ou encore à Faunus qui apparaissent comme les chefs des Sylvains et des Faunes, tout comme Pan est le chef des Satyres et des Silènes.

8.2. Rappelons qu'Aleister Crowley fut l'auteur d'un "Hymne à Pan" (Hymn to Pan), inspiré par le roman initiatique d'Arthur Machen, Le Grand Dieu Pan. Le poème de Crowley fut lu par ses disciples, lors de ses funérailles, à Brighton, en 1947.

8.3. A noter que le Pantacle, forme évoluée de talisman qu'il ne faut pas confondre avec le Pentacle ou Pentagramme, qui est une étoile à cinq branches, dérive du terme "Pan" (=Tout).



Eric Timmermans



Sources :
- Dictionnaire de la mythologie grecque et latine, Odile Gandon, Livre de poche -Hachette, 1996
- Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965
- Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998
- Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003
- Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962
- Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998.


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