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Hécate et ses chiens (*)par Eric Timmermans - 21/06/2011 Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs. 1. Celle qui frappe au loin.Le nom d'Hécate (ou Hekate) signifie "Qui frappe au loin". Dans la mythologie grecque, Hécate apparaît comme la fille de Persès et d'Astéria, mais on la dit également parfois fille de Zeus ou encore, de Déméter (ce qui renvoie à Perséphone). Cette déesse vraisemblablement originaire de Thrace était, dans les temps les plus reculés, apparentée aux Titans.On la considérait comme une déesse bienveillante, dispensant ses bienfaits tant aux hommes qu'aux dieux. En outre, elle ne suivit pas les Titans dans leur révolte contre l'Olympe, et voilà pourquoi Zeus lui permit, après la défaite des Titans face aux Olympiens, de conserver tous ses privilèges et prérogatives, à savoir le pouvoir sur le Ciel, la Terre et les Enfers. De là lui vient sa forme de Triple Hécate que l'on assimila parfois à trois autres déesses : Séléné (la Lune), Artémis Phébé (avec laquelle Hécate partageait la fonction de déesse de la nouvelle lune) et Perséphone (à laquelle Hécate fut souvent assimilée). On connaît d'ailleurs plusieurs petits groupes d'Hécate représentant la déesse sous l'apparence de trois femmes. Représentée sous une forme humaine normale, Hécate apparaît toutefois dans la statuaire grecque sous une forme tricéphale, dès le 5e siècle avant l'ère chrétienne. Ses attributs sont notamment le flambeau qui éclaire la Nuit, son domaine de prédilection, le fouet, le poignard, la clef, l'épée, le peuplier noir, le serpent et le chien. On la représente aussi parfois coiffée du kalathos, une haute corbeille tressée posée sur un croissant de lune. Plus généralement, on aime à représenter Hécate tenant un flambeau à la main, alors qu'un chien, la tête levée, est couché à ses pieds. Peu vénérée dans les temples, Hécate voyait des statues à son image élevées aux carrefours où on lui offrait des sacrifices (agneaux noirs, chiens, miel.) afin de s'attirer ses faveurs. De cette présence aux carrefours et de sa forme tricéphale lui vient son nom de Trivia (=trifurcation). 2. La conductrice de la Chasse infernale.Ce n'est qu'ultérieurement qu'Hécate acquit un caractère néfaste. On la dit mère d'Empusa et on la rapproche des terribles Erinyes (ou Furies). Considérée comme la messagère des démons et des fantômes, on dit qu'elle rôde autour des tombeaux et qu'elle appelle les spectres du monde inférieur afin de terroriser les humains. Elle suscite les cauchemars et nombre d'autres terreurs nocturnes, pratique à la croisée des chemins des opérations de magie et de divination, voilà pourquoi on lui attribue bientôt l'"invention de la sorcellerie".Selon le démonologue et inquisiteur particulièrement meurtrier, Martin Del Rio, Hécate signale sa présence en faisant trembler la terre, éclater les feux et aboyer les chiens. Ne favorise-t-elle pas d'ailleurs la course nocturne des lycanthropes et ne conduit-elle pas une meute hurlante de chiens féroces ? Ainsi, un hymne orphique daté du 3e ou du 4e siècle de l'ère chrétienne, évoque Hécate, fille de Persès, déambulant la nuit avec une troupe de morts -Hécate est aussi la conductrice des âmes qu'emporte la tempête- et de chiens (Lecouteux). On la voit ainsi traverser le ciel de novembre, mois que, dit-on, elle préside, à la tête de sa troupe infernale. "Chez les Grecs déjà se relève le passage de démons. Hippocrate (vers 460-370) parle des images effrayantes qui surgissent la nuit et sont dues à Hécate, déesse infernale présidant aux carrefours, et dont on se protège par des charmes et des rites de purification ; un auteur anonyme du Ve ou IV e siècle avant notre ère fait allusion à la troupe nocturne d'Hécate qui se montre la nuit, point confirmé par une scolie aux Argonautiques d'Apollonios de Rhodes (IIIe siècle) où cette apparition est nommée Hekateia. Dans sa "Préparation évangélique" (IV, 22, 16), Eusèbe de Césarée (vers 270-340) nous apprend que les esprits qui règnent sur la nuit ont pour chefs les démons Sérapis et Hécate, c'est-à-dire Belzebul selon la Bible." (Chasses fantastiques et cohortes de la nuit, Lecouteux, p.27-28) . On dit encore d'Hécate qu'elle peut apparaître sous la forme d'un cheval, d'une lionne ou encore d'une chienne. Quant à sa forme triple, elle revêt désormais un aspect monstrueux, celle d'un être doté d'une tête de chienne (gauche), d'une tête de femme (centre) et d'une tête de jument (droite). Eric Timmermans (*) Ce titre est, notamment, une référence à un ouvrage de Paul Morand (1888-1976), également titré "Hécate et ses chiens" (Flammarion, 1954). Certains passages de ce livre, réputés "scabreux", furent utilisés contre Morand par les opposants à sa candidature à l'Académie française à laquelle il sera toutefois élu le 24 septembre 1968. Ecrivain et académicien français, Morand mènera aussi une carrière diplomatique entachée par sa collaboration avec le régime de Vichy : après avoir été mis d'office à la retraite en 1940, il est rappelé en 1942, sous le gouvernement de Laval, pour être ambassadeur de France dans la Roumanie du "Conducator" Ion Antonescu. Après la guerre, Morand doit temporairement s'exiler en Suisse. Il écrira à ce propos : "L'exil est un lourd sommeil qui ressemble à la mort" (Chronique de l'homme maigre). Paul Morand décède le 23 juillet 1976, à l'hôpital Laennec, à Paris, mais conformément aux dispositions de son testament, ses cendres seront mêlées à celles de son épouse, décédée un an et demi plus tôt, à Trieste, ville dont elle était originaire. Sources : - Chasses fantastiques et cohortes de la nuit au moyen âge, Claude Lecouteux, Imago, 1999 - Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Joël Schmidt, Larousse, 1965 - Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998 - Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003 - Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962 - Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1997 - Superstitions et croyances des pays de France, Marie-Charlotte Delmas, Editions du chêne, 2003. Voir la page d'accueil sur le diable ![]() ![]() |