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Par-delà haine et tolérance


par Christian Globensky  -  30/12/2005




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Par-delà haine et tolérance


La question n’est pas nouvelle, elle est même omniprésente dans le débat politique Français : la laïcité. Pourquoi le débat est-il plus accentué aujourd’hui ? Parce qu’il s’agit désormais d’une laïcité Française vécue sous les tirs croisés des intégristes religieux. Principalement musulman. Certains craignent même en France que la laïcité soit à l’échelle du monde et sous la pression des trois grands monothéismes, en voie de disparition. Des écrivains Français ont fait grand bruit dans les médias en dénonçant l’Islam dans leurs propres mots. Et jusqu’à en devenir des auteurs-victimes. Après Houellebecq ("L’Islam est la religion la plus conne du monde" ), on reproche à Patrick Declerck cette fois-ci d’employer le langage de la haine, le mot tout autant que l’usage de la personne singulière ("Je hais l’Islam…"). Car ce faisant, ils sapent tout notre héritage post-théocratique. Mais les Français semblent ignorer qu’une véritable riposte se prépare, sans guerre ni fumée, d’une sagacité toute bouddhiste, invoquant la ferveur des Lumières et mettant en œuvre un "mot", un simple mot émergeant du versant anglo-saxon de la langue : Bright [éclairé].


Un droit à l’athéisme spirituel et souverain pour tous

On le sait que trop bien, la question de la haine, de l’animosité, en un mot, du ressentiment n’est pas nouvelle. Mais malheureusement les réponses n’ont elles non plus rien de nouveaux. Parce qu’elles ne prennent jamais appui sur l’héritage d’une philosophie mondialisée — c’est-à-dire une philosophie qui puisse assumé les acquis d’une pensée qui couvrirait Nietzsche jusqu’aux bouddhisme athée — les Français en appelle ni plus ni moins à une tolérance sans dialogue. Précisément sans dialogue et sans échange théorique : on met ainsi à "l’écart" ce que l’on entend tolérer, sous l’égide du principe de laïcité. Ces non-réponses sont en fin de compte déshonorantes, et entretiennent un ressentiment fondé sur une décolonisation non-assumée, dissimulée, falsifiée. On ne le dit pas mais on le sait que trop bien, même en France, cette attitude d’esprit est par trop basse et même dégoûtantes pour quiconque entend poursuivre le travail, la quête de nos penseurs post-monothéistes, Nietzsche en tête bien sûr — même si l’on est en droit de parfaire cet héritage — mais aussi les anti-monothéistes de la première heure, Bouddha en amont.

Dans cette optique, le mot d’ordre est : ne pas céder, c’est inventer, créer de nouvelles valeurs ; et ne surtout pas s’opposer — encore moins donner forme d’acte à son ressentiment. Dit autrement : quelle position peut-on aujourd’hui adopter pour être, en quelque sorte, par-delà haine et tolérance ? Il n’est certes pas inutile de rappeler que le mot "laïc" est une création du clergé qui veut dire commun, vulgaire. Opposition nette et tranchée à la parole "révélée" (c’est-à-dire obtenue par une liaison directe avec Dieu). Or c’est de ce même clergé que viennent aujourd’hui les accusations de ce que les médias Français ont appelé un "intégrisme laïque". D’un autre côté, l’on comprend aisément que les monothéismes y ont tout intérêt : contrer l’affirmation des valeurs humanistes, des Lumières, des Brights (nous y venons). On passe ainsi d’un rejet modéré de la laïcité — négocié à l’arraché, on s’en doute bien, par les pouvoirs religieux et politiques — dans laquelle on entend enfermer nos intellectuels, au besoin affirmé d’une philosophie républicaine et d’une citoyenneté européenne et mondiale, comme nouvelle valeur à intégrer au débat constitutionnel, valeur que l’on pourrait appelé une altermondialistion équitable : que tous soit égaux devant l’humanité — et non plus devant Dieu ! Autrement dit, un droit à l’athéisme spirituel et souverain pour tous sur cette terre.

Et l’on nommerait donc les personnes se réclamant de cette altermondialisation équitable, des Brights, des Éclairés. Elles convergeraient pour débat rassemblant toutes personnes qui ont une vision naturaliste du monde — et non surnaturelle ! Un débat qui réclame une philosophie capable de proclamer les fondements de la République qui en substance dirait ceci : nous ne croyons pas aux arrière-mondes supraterrestres (le Paradis, l’Enfer, et leurs lots de forces surnaturelles), ni aux ombres de la caverne — et comme le bouddhisme : ni même en Dieu. Le Monothéisme avec un grand M comme erreur métaphysique devrait même être posée comme création d’une nouvelle valeur — pas tout à fait nouvelle bien sûr, mais elle attend son développement. Tout spécialement en France où paradoxalement la laïcité à la Française semble rendre impossible ce développement. Ce qui est plus qu’inquiétant car au lieu de se "sécuriser", la France devient de plus en plus une victime de ces fameux tirs croisés des intégristes religieux.

Cette posture adoptée par les Brights a pourtant un double avantage : primo, nous ne nous attardons plus ni sur l’Islam, ni sur le Judaïsme, ni sur la Chrétienté en particulier ; il devient donc inutile de faire l’inventaire des "maladies mentales" (triste expression employée par Patrick Declerck cité ci-dessus) que chacun des monothéismes auraient développées et entretient comme une millénaire fatalité. Secundo, si nous cernons le paradigme du monothéisme tel quel, qui a engendré une conception idéologique d’un "royaume" où la Loi des hommes est "soumise" à la Loi divine (islam veut dire soumission !) et où les croyants dominent les insoumis, les non-croyants ; de la sorte, nous posons un diagnostique philosophique sur notre humanité. Et c’est bien de cette façon que nous ouvrons réellement une nouvelle voie, à une altermondialisation. Loin d’en tenir rigueur aux individus, qui ne peuvent être tenus pour responsable cette millénaire fatalité qu’est le monothéisme, il faut ouvrir un véritable enseignement athée, et comprendre que si l’Islam est aujourd’hui plus belligérant que ses aînés, c’est précisément parce qu’il est leur cadet.

Ce n’est certes pas un hasard si le terme retenu de Bright, d’Éclairé, est si parent de Éveillé, qui est la traduction littérale de Bouddha. Ce Bouddha nietzschéen avant la lettre, qui prônait la mort de Dieu il y a de cela plus de 2500 ans. Nous devons en quelque sorte refaire tout ce parcours, qui a été celui d’une Inde, celui d’un bouddhisme. Et même si le bouddhisme est aujourd’hui reconnu par les pouvoirs publics comme la quatrième religion des Français, il n’en reste pas moins complètement ignoré par les instances étatiques. Les trois monothéismes sont bien traités sur un pied d’égalité laïque à la française, mais on ne reçoit pas le Dalaï-Lama à l’Elysée. L’éducation Nationale ne lui réserve aucune place. Et pourtant, nous savons très bien qu’il nous faut créer un enseignement qui ne se méprend pas sur ses propres origines (où sur l’Origine si l’on préfère) et sur les manières dont l’Autre conçoit les siennes. Autrement dit, nous ne nous revendiquons en aucune manière de cette Origine — objet de convoitise suprême des trois monothéismes. "Je ne vous conseille pas l’amour de prochain, dit Zarathoustra, je conseille l’amour du lointain".

Éveillés, éclairés, esprits des Lumières considéreront toute forme de convoitise comme cause première de l’affliction, de ce ressentiment — personnel et humain. Considéreront ce mode ressentimental d’interprétation du monde comme le plus nocif des poisons. Ce jeu des causes et des effets est une science : Zarathoustra et Bouddha sont passés maîtres en la matière — créer la cessation du ressentiment. Aucune magie noire ne se cache derrière cette science, comme voudraient le faire croire les réformismes fondamentalistes — à coup de dynamite. Or, ayons le courage d’enseigner ce que nous sommes réellement (sans litote faussement tolérante) et de travailler à créer un lointain duquel aucun prochain ne sera exclu — restaurer l’innocence du devenir.



Christian Globensky
Professeur à l’École Supérieure d’Arts de Metz (l’Ésam)
Auteur de "Zarathoustra-Bouddha, vers un lexique commun", Paris, l’Harmattan, 2004
www.altermondialisation-equitable.com
globensky@noos.fr



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