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Genèse de la loi de 1905


par Tubalcaïn  -  13/10/2011




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Alléluia, alléluia ! Enfin la volonté de Yeshoua est accomplie. Il a donc fallut attendre 19 siècles pour qu'enfin la volonté de ce Yeshoua, alias jésus pour les occidentaux, soit enfin accomplie. Car c'est bien cet homme qui n'a cessé de demander la séparation de l'Eglise et de l'Etat. En effet, que demanda t-il d'autre quand il déclarait "Redde Caesari quae sunt Caesaris, et quae sunt Dei Deo. Rendons à césar ce qui est à César et rendons à dieu ce qui est à Dieu". 19 siècles, 19 siècles de maturation pour arriver à cette loi dite du 9 décembre 1905, loi de séparation des Eglises et de l'Etat. Elle fut en réalité votée en juillet au parlement. 19 siècles de maturation donc, 19 siècles d'un lent processus que nous pourrions nommer "Genèse d'une loi".

La collaboration entre l'Eglise catholique et l'Etat français commença sous le règne de Clovis. Certes quelques chrétiens étaient présents en France depuis le deuxième siècle, mais cette toute jeune Eglise avait besoin pour s'imposer de trouver des complices et enfin pouvoir s'étendre, Clovis fut le premier.

Je parle de toute jeune Eglise, en effet, il ne faut pas oublier que jusqu'en 325 il n'y avait que quelques sectes chrétiennes réparties dans l'ex empire romain, sectes qui avaient, d'ailleurs des positions radicalement opposées sur des points essentiels tel que la divinité de Jésus, sa résurrection etc. L'empereur Constantin provoqua le concile de Nicée qui fixa le dogme, dogme qui enferma l'Europe et le reste du monde dans un obscurantisme qui perdure encore de nos jours.

Mais revenons à nos moutons. L'Eglise et le pouvoir collaboreront donc, ensemble, pour mutuellement s'épauler et trouver dans l'autre sa légitimité et sa justification. Cette collaboration se passa plus ou moins bien en fonction des personnalités, de l'époque, et des besoins. Nous pourrions prendre comme exemple Louis IX, le saint louis des catholiques qui pour plaire au pape, et, certainement pour gagner son droit au paradis, partit en croisade, adouba l'inquisition en 1233 et obligea les juifs du royaume à porter l'étoile jaune pour éviter les mariages inter religieux, pardon la rouelle jaune, l'étoile ce fut un autre. A contrario, nous pourrions prendre comme contre exemple Philippe le bel qui, pour avoir essuyé un refus de dissoudre l'ordre du temple, afin de s'emparer des ses biens, fit empoissonner Boniface XIII par son âme damnée Guillaume de Nogaret, afin de nommer à sa place un pape dévoué Clément V. Ou bien encore Louis XIV qui fera proclamer en 1682 la Déclaration des Quatre Articles, rédigée par Bossuet, et adoptée par l'Assemblée du clergé de France qui dit en substance "les papes n'ont reçu de Dieu qu'un pouvoir spirituel et les rois et princes ne sont soumis dans les choses temporelles à aucune puissance ecclésiastique", mais cela ne l'empêcha pas de garder quand même d'étroites relations avec le clergé. Mais nous pouvons parler d'une première séparation.

Cette collaboration perdurera jusqu'à l'avènement de la troisième République. Certes, me direz vous il y eu la révolution, mais en fin de compte cette période de l'histoire où le peuple réclama et conquit sa liberté face aux dictats et aux dogmes fut de très courte durée. Les années révolutionnaires furent certes l'occasion pour certains de se venger, le terme me semble un peu fort mais le plus adapté, se venger, donc, des persécutions ecclésiastiques de plusieurs siècles. La Révolution n'a pas hésité à utiliser l'une de ses procédures répressives les plus violentes et les plus mortifères : la mise hors la loi de la fonction de prêtre. De mars 1793 à thermidor an II (juillet 1794), plus de 21 000 ecclésiastiques furent jugés comme tels, et plus de 13 000 d'entre eux furent condamnés à mort. La Révolution française fut à l'évidence profondément antichrétienne car l'Eglise, liée à l'Ancien Régime, était un obstacle selon les révolutionnaires à la marche en avant de l'Humanité. La Révolution va donc nationaliser les biens du clergé, tenter d'étatiser l'Eglise puis, à la fin de la vague révolutionnaire, procéder à la seconde séparation des Eglises et de l'Etat de notre pays, séparation qui va durer de 1795 à 1801.

Napoléon y mis un terme en concluant le concordat, le 26 messidor an IX (15 /07/1801), avec le pape en place Pie VII.

Napoléon en grand stratège avait compris que pour ne pas se couper d'une partie de la population, il lui fallait renouer avec Rome. A cette époque 95% de la France était catholique. Cela ne l'empêchait pas d'être clairvoyant, la preuve en est de cette déclaration. Je cite "Comment avoir de l'ordre dans un Etat sans religion ?... la société ne peut exister dans un Etat sans une religion. La société ne peut exister sans l'inégalité des fortunes, et l'inégalité des fortunes ne peut exister sans la religion. Quand un homme meurt de faim à côté d'un autre qui regorge, il lui est impossible d'accéder à cette différence s'il n'y a pas là une autorité qui lui dise "Dieu le veut ainsi, il faut qu'il y ait des pauvres et des riches dans le monde ; mais ensuite et pendant l'éternité le partage sera fait autrement"... Tout est dit, (et nous pouvons mettre ce propos dans la bouche d'un homme la semaine dernière, cela est toujours d'actualité dans toute une partie du monde) mais il ajouta "C'est en me faisant catholique que j'ai fini la guerre de Vendée, en me faisant musulman que je me suis établi en Egypte, en me faisant ultramontain que j'ai gagné les esprits en Italie. Si je gouvernai un peuple de juifs, je rétablirai le Temple de Salomon." (c'est dire sa force de conviction !)

Il est clair qu'il n'accepta pas totalement la domination de Rome, certains articles du concordat d'ailleurs firent monter le Vatican au créneau, la papauté refusa de reconnaître les Articles organiques imposés unilatéralement par Bonaparte lors de la promulgation du concordat le 18 Germinal an X (08/04/1802). Les prétentions de l'État napoléonien à contrôler les activités de l'Église et à soumettre le clergé à des règlements de police étaient inacceptables. Le Vatican refusa également d'admettre le pluralisme religieux et l'égalité des droits des autres cultes protestants et israélites, eux aussi financés. Bref, l'État reconnut les droits de l'Église catholique alors que celle-ci ne reconnut pas les lois de l'État français.

Cet équilibre, instable certes, mais équilibre, tout de même, persistera jusqu'à la Troisième République. République marquée à gauche et marquée par l'influence des francs-maçons et des républicains présents en grand nombre dans les institutions de la nation. Les francs-maçons étaient près de trois cents sur les bancs de l'assemblée (selon les "Grand Orient", selon la police.)

Cette période, sans doute par réaction, fut particulièrement anticléricale. Il est indéniable que la République était opposée à l'Eglise, qui le lui rendait bien d'ailleurs. Les déclarations, les articles de presses et jusqu'à la création de néologisme, témoignent de cet antagonisme et de cette guerre psychologique. C'est à cette période que l'on vit fleurir par exemple la marseillaise anticléricale écrite par Léo Taxil qui fut anticlérical avant de verser dans l'anti-maçonnisme primaire mais extrêmement documentée comme ancien maçon. Je vous livre ici le troisième couplet de cette marseillaise qui se passe de commentaires.

Quoi ! Ces curés et leurs vicaires Feraient la loi dans nos foyers ! Quoi ! Ces assassins de nos pères Seraient un jour nos meurtriers ! (bis) Car ces cafards, de vile race, Sont nés pour être inquisiteurs... A la porte, les imposteurs ! Place à la République ! Place

Aux urnes, citoyens, contre les cléricaux ! Votons, votons et que nos voix Dispersent les corbeaux !

Tout ceci est de la même veine que les mots suivants que l'on retrouve dans la presse et qui seront utilisés jusque dans les loges maçoniques. cléricochon (1892), cléricafard (1878), jésuitard (1898), jésuitaille (1898), monacaille (1818), bondieuserie (1861), le 15 novembre 1896, la publication d'une résolution du Convent du Grand Orient de France, déclarant que l'on ne peut être à la fois catholique et républicain ne pouvait certainement pas calmer le jeu.

Le discours antimaçonnique et anti républicain prend son envol à partir de 1880. La presse de droite joue un rôle déterminant dans l'anti-maçonnisme avec des hebdomadaires et des quotidiens comme Candide, Je suis partout, l'Action française, le Pèlerin. Rejetant sur la franc-maçonnerie les malheurs de Rome, et accusant la main mise de celle-ci sur l'Etat pour détruire l'Eglise, la remplacer par le satanisme but ultime de la franc-maçonnerie. Ce, conforté par la bulle, en 1884, de Léon XIII avec l'encyclique Humanum Genus qui divise la race humaine en deux groupes. D'un côté, il y a l'Eglise catholique romaine et ses ouailles, de l'autre, le royaume de Satan. Certains diront même qu'ils sacrifient des enfants dans les temples.

Enfin, les républicains commencèrent à édicter des lois pour reprendre le contrôle de la nation et réduire le pouvoir des clercs.

Entre 1879 et 1900, nous assistons à la promulgation d'un nombre impressionnant de lois plus ou moins anticléricales. En voici quelques exemples. Loi interdisant l'enseignement, même dans les établissements privés, aux membres des congrégations religieuses non autorisées, loi supprimant les aumôniers militaires ; loi abrogeant celle de 1814 sur la célébration du dimanche. En 1882, première loi sur l'enseignement laïque obligatoire, après la gratuité votée l'année précédente, l'entrée de l'école est interdite au prêtre ; les crucifix y sont enlevés. Décret interdisant l'entrée des églises aux troupes chargées de rendre les honneurs funèbres. Loi supprimant les prières publiques pour la rentrée du Parlement. Loi sur le divorce. Désaffectation de l'église Sainte Geneviève qui devient le Panthéon. Les crucifix sont enlevés des prétoires.

En 1903, rejet en bloc par la Chambre (sur le rapport du Frère Rabier) de toutes les demandes en autorisation présentées par les congrégations religieuses vouées à l'enseignement, à la prière, à la prédication. Laïcisation des hôpitaux de la Marine : l'accès en est interdit au prêtre, à moins qu'il ne soit expressément appelé (par écrit) par un moribond.

En 1904, suppression de l'Ambassade de France auprès du Vatican. Cette rupture des relations diplomatiques est comme le souligne la droite catholique - un fait inouï dans les annales du monde civilisé - cette rupture est suivie du viol de la Nonciature et du vol des papiers officiels et personnels qui s'y trouvaient. (Je tiens à rappeler que le Vatican n'existe pas en tant qu'Etat à cette époque, il est soit disant devenu un Etat par les accords de Latran entre Mussolini le grand démocrate italien et le non moins démocrate Pie XI (le 11 février 1929)

Il n'est pas difficile de comprendre que l'Etat est devenu un opposant farouche à la main mise de l'Eglise catholique. Les tensions montent dans le pays entre les pour et les contre, entre les deux France. Le gouvernement se doit de faire quelque chose. Sur qui peut-il s'appuyer ? Et bien, sur toute une génération formée sur les bancs de l'école publique, laïque et gratuite voulue par le frère Jules Ferry, qui, à juste titre, déclarait que celui qui tenait l'enseignement, tenait l'avenir.

Mais venons-en au projet de loi proprement dit

Dès 1879, des députés ont déposé des projets de loi en faveur de l'abrogation du "concordat", de la suppression du budget des cultes et pour finir de la séparation des Eglises et de l'Etat.

Le premier projet dont les principaux déposants sont Clemenceau, Charles Floquet et Louis Blanc fut sans doute le projet le plus simple, composé de deux articles. Le premier annulant le concordat napoléonien, le second : "Cette abrogation produira tous ses effets à partir du 1er janvier 1881. Dès ce jour, ni le culte catholique, ni aucun autre culte ne sera reconnu ni subventionné par l'État, et aucun privilège de délégation et d'honneur ne pourra leur être conféré."

En 1885 le second projet présenté par le député Planteau reprend la même logique et précise que "Tout ecclésiastique doit obéissance aux lois auxquelles sont soumis les autres citoyens".

En 1902, Marcel Sembat, Edouard Vaillant et surtout Maurice Allard sont plus directs dans leur projet Art 1 - "Le Concordat et les articles organiques sont abolis. Le budget des cultes est supprimé." C'est clair, c'est précis. Mais ils prévoient dans un autre article qu'un employeur qui obligerait son personnel à prier serait redevable jusqu'à 3000 francs d'amende et de plusieurs années de prison en cas de récidive.

Le 9 juin 1903 M. Flourens dépose sa proposition de loi pour établir la liberté de conscience et des cultes et l'affranchissement réciproque de l'État et des Églises. Proposition plus consensuelle et plus détaillée.

Au cours de cette même année quatre autres projets arrivèrent sur le bureau de l'assemblée. Ils proposent, la location des lieux de cultes aux prêtres, l'interdiction du port de la soutane dans les lieux publics, la suppression des jours de fêtes nationales d'origine religieuse et j'en passe, mais si certains ont en commun, la suppression du concordat et l'arrêt du financement par l'Etat des cultes, certains parlent de revoir et de conserver un concordat, projet déposé par messieurs Paul Bert, Bernard Lavergne et Corentin-Guyho.

En septembre 1904 le petit père Emile Combes déclare lors d'un discours en Bourgogne que désormais le vote d'une loi de séparation des Eglises et de l'Etat est inéluctable. Dans ce discours il s'enflamme : "Vous les avez vus (les curés), vous les avez vu s'insurger avec arrogance contre les décisions des Chambres et l'autorité de la loi, vous les avez vu prêcher l'insoumission à leurs fidèles dans des documents publics, en alléguant que la loi des hommes doit s'effacer devant la loi de Dieu, encourager, a l'occasion de l'exécution des mesures les plus légales, les mouvements les plus tumultueux. Une heure est venue, où patienter encore et nous taire n'aurait pas été seulement une faiblesse insigne, mais une abdication avouée de nos droits, un manquement impardonnable à nos devoirs."

Le 10 novembre il déposera à son tour un projet de loi, et basera avant tout son article un sur la suppression de toute subvention et dépense au profit des Eglises.

Deux autres projets verront le jour en début d'année 1905 dont celui du gouvernement déposé le 09 février et le lendemain l'assemblée adoptera le principe de la discussion.

Cette loi, si elle est adoptée se doit être une loi d'apaisement et Aristide Briand, rapporteur de la commission de la loi, le précisera en ces termes :

"Une loi n'a jamais pu, heureusement, réussir à réduire, ni les individus, ni les groupements d'individus, encore moins réduire leur pensée à l'impuissance. Une telle loi que se proposerait un tel but ne pourrait être qu'une loi de persécution et de tyrannie. Ce n'est pas la conception de la Libre Pensée. Nous considérons qu'une saine conception du régime nouveau exclut toute possibilité d'inscrire, soit au budget de l'Etat, soit au budget du département ou de la commune, l'obligation pour les citoyens de participer sous la forme de l'impôt, à l'entretien du culte. Pour nous, républicains, la séparation c'est la disparition de la religion officielle, c'est la République rendue au sentiment de sa dignité et au respect de ses principes fondamentaux. Ils lui commandent de reprendre sa liberté, mais ils n'exigent pas que ce soit par un geste de persécution. Ce que veulent les Libres Penseurs, c'est que vous arrachiez à l'Eglise, le bouclier officiel derrière lequel elle peut s'abriter, unie contre les efforts de la Pensée Libre; ce qu'ils ont seulement le droit d'exiger, c'est que l'Etat les mette face à face avec l'Eglise pour lutter à armes égales pour pouvoir opposer enfin en combat loyal, la force de la Raison aux brutalités du dogme. Je termine, si vous voulez que la Raison Libre ait un abri, construisez-le lui; mais n'essayez pas de la faire coucher dans le lit de l'Eglise. Il n'a pas été fait pour elle". Et il ajoute "'non seulement la République ne saurait opprimer les consciences ou gêner dans ses formes multiples l'expression extérieure des sentiments religieux, mais encore (...) elle entend respecter et faire respecter la liberté de conscience et la liberté des cultes."

C'est sans doute ce dernier point, qui deviendra le premier article de la future loi, qui permettra l'adoption de cette loi par les deux chambres.

Dès 1903 cette commission fut donc formée sous la présidence d'Emile Buisson alors président de la Libre Pensée, et qui fut également co-fondateur de la Ligue des droits de l'Homme. Cette commission très équilibrée entre les pour et les contre, ne put, ni ne sut faire une synthèse de tout les projets tant les écarts étaient grands. Ils décidèrent donc de faire un projet consensuel qui recueillerait les suffrages de leurs pairs, à part bien entendu ceux de la droite catholique.

Les débats commencèrent le 21 mars à l'assemblée nationale, sous la présidence de Paul Doumer.

Que remarque-t-on à la lecture de ces comptes rendu ? Les travaux ouvrent par la lecture du tracé des derniers travaux (compte rendu) après l'adoption de celui-ci, les députés présents qui sont porteurs des excuses de leurs collègues les présentent.

La seconde remarque est, sans aucun conteste, le détail et la méticuleuse retranscription des débats. On peut lire : "exclamations ironiques à droite, à l'extrême gauche Ah non, signe de dénégation de monsieur le rapporteur, bruit sur les bancs," etc.

Le premier jour, deux motions déposées par la droite tentent, dans un premier temps, de faire annuler les débats. Le premier par Georges Berry, monarchiste et membre de la commission, je cite "La chambre décide qu'il ne sera pas statué dans cette législature, sur les propositions de séparations des Eglises et de l'Etat et prononce l'ajournement" Son argumentation se base sur l'obligation du suffrage universel. Aristide Briand lui répond sur la forme, considérant que l'assemblée se déjugerait en repoussant un débat qu'elle a voté quelques semaines auparavant. Cette première motion fut rejetée par 313 voix contre 10. Vint le tour de l'abbé Gayraud, Grand orateur, docteur en théologie, il a été remarqué au plus haut niveau de l'Eglise catholique et fut désigné pour se présenter à l'élection législative de 1897 dans le Finistère.

Il demande dans sa motion, lui aussi le report des débats, tout simplement pour qu'auparavant des négociations puissent avoir lieu avec les Eglises et que le Vatican donne au préalable son assentiment, en un mot il demande de re-signer un concordat. Dans son exposé il donne, sous de multiples applaudissements de la droite, les vraies raisons de son refus. "Pour nous messieurs, l'idéal des rapports entre l'Eglise et l'Etat ne saurait être la séparation, c'est l'union de la société civile et religieuse" (on entend sur les bancs de gauche "c'est la domination du pape oui") Puis il rajoute "Quel est le but que vous poursuivez par ce projet ? Voulez vous détruire le catholicisme en France, voulez vous anéantir la religion ? Mais nous avons des siècles pour prendre nos revanches et l'histoire nous apprend qu'elles viennent toujours. Votre loi est un acte d'hostilité contre les catholiques, ce n'est pas une oeuvre de liberté et de paix, mais une déclaration de guerre. C'est la guerre que vous nous apportez." Le comte Ginoux-Defermons se lève et crie "Nous la ferons !"

La réponse qui reflète certainement le mieux l'ambiance de ces débats est celle de François Fournier député du Gard et socialiste parlementaire, "Le prolétariat sait quels sont ses adversaires, il a conscience du bluff de ceux qui prêchent la résignation en disant : plus grands seront les maux sur terre, plus grand sera ton bonheur dans le ciel ! Le prolétariat ne s'y laisse plus prendre, Vous saviez bien ce que vous faisiez lorsque vous vous opposiez à toutes les mesures qui avaient pour but de décréter l'instruction laïque, vous saviez que, lorsque le prolétariat pourrait ouvrir un livre, il connaîtrait toutes vos tromperies et il pourrait vous démasquer. Enfin, ceux d'entre vous qui feignent de croire à la religion."

Une remarque fuse sur les bancs de la droite : "Et dites nous ce que vous pensez des francs-maçons qui se font enterrés à l'église."

Comme vous pouvez le constater l'ambiance est des plus sereine ! Cette motion sera rejetée par 368 vois contre 162. Les débats vont donc pouvoir reprendre dès le lendemain pour 48 séances de discussions, 320 amendements examinés. L'un des plus discutés fut celui concernant l'instauration d'associations cultuelles.

A cette époque nous pouvions lire à ce sujet dans la presse catholique Je cite "que le raisonnement des Juifs et des Francs-maçons, maîtres de la République, est le suivant : "ou bien le Pape acceptera les associations cultuelles prévues par la loi de séparation, ou bien il les rejettera. S'il accepte, l'autorité des évêques sera bientôt annihilée, la loi donnant toute indépendance aux cultuelles en matière administrative et faisant trancher, par la juridiction civile, les conflits d'intérêt qui pourront s'élever entre l'évêque et ces associations. Alors l'Eglise de France se désagrégera, sous l'influence des querelles intestines et des schismes qui éclateront de toutes parts." Ce à quoi Jean Jaurès répondit que la France n'était pas schismatique mais que la France était révolutionnaire. C'est d'ailleurs certainement à la suite de son intervention le 21 avril dans un discours de près de deux heures donné a capella, que nombre de centristes et de centre droit se rallieront au projet de la commission et que cette loi pourra voir le jour. Il conclut son discours par ces mots. "C'est parce que notre génie français avait cette merveilleuse audace d'espérance et d'affirmation dans la pensée libre, qu'il s'est réservé devant la reforme afin de se conserver tout entier pour la révolution. Nous ne faisons pas une oeuvre de brutalité, nous ne faisons pas une oeuvre de sournoiserie ; nous faisons une ouvre de sincérité, c'est là le caractère du travail de la commission, et voila pourquoi je m'y rallie." Les trois quarts des députés se lèveront pour l'ovationner.

Revenons quelques jours en arrière à la séance du dix avril, et plus particulièrement sur la motion déposée par plusieurs députés et défendue par Maurice Allard, député du var, anti clérical intégriste. Sa motion propose de réduire à néant directement ou indirectement les dépenses de la nation pour les religions. Son argumentaire doit nous permettre de réfléchir. Il fait une différence fondamentale entre la liberté de conscience et la liberté de religion. La liberté religieuse n'est pas la même chose que la liberté de conscience ; l'une peut très bien exister sans l'autre.

"La liberté de conscience est une question de droit privé ; c'est le droit qui appartient à toute créature humaine, à tout être libre et intelligent et, par conséquent, à tout membre de la société, de croire ce qui lui paraît être la vérité et de vivre selon ses croyances ou tout au moins de ne rien faire qui leur soit opposé."

"La violation de ce droit n'est pas seulement un crime, c'est un acte de folie, puisque les croyances ne peuvent être imposées ni détruites par la force. A contrario, La liberté religieuse c'est le droit de former, sous le nom de communion ou d'église, une société véritable qui, au sein de la corporation civile, au sein de l'Etat et dans les mêmes frontières où se développe sa légitime puissance, a sa propre organisation, ses propres lois, sa propre vie, et non seulement ses autorités constituées, mais aussi son souverain ; c'est le droit pour cette société de manifester publiquement son existence, d'accomplir au grand jour tous les actes qui lui sont prescrits par ses statuts ou qu'elle juge utiles à son but, dont elle fait dépendre sa conservation ou l'extension de son influence." Malgré une belle démonstration des dangers que fait régner l'Eglise sur la République sa motion sera rejetée par 494 voix contre 68.

La loi sera votée le 03 juillet par 341 voix contre 233, Dans son numéro 1488 du 09 juillet la revue Le pèlerin fera un petit encart "La discussion sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat est terminée, les députés de la majorité ont fait une loi aussi incohérente qu'il était possible de l'obtenir. Son application sera impossible/" Du 9 novembre au 8 décembre, elle sera examinée par le sénat qui n'en changera pas une virgule. Le lendemain Emile Loubet apposera sa signature au bas du décret. La même revue, Le Pèlerin, dans son numéro 1511 du 17 décembre commencera par ces mots "Le sénat, servile jusqu'au bout, a adopté la loi sans en changer un mot" puis viendra la liste dénonçant les sénateurs qui se sont positionnés contre les catholiques et appellera les électeurs des prochaines élections sénatoriales de Janvier 1906 à leur faire mordre la poussière.

Voici chers amis un bien faible condensé de l'histoire de cette loi fondatrice qui ne comporte pas une seule fois le mot "Laïcité" en son sein, mais qui la définit le mieux du monde. Et même si elle fait la part belle à l'Eglise apostolique romaine, au grand dam des anticléricaux, elle a l'avantage de remettre les cultes à leur place, c'est-à-dire dans le domaine privé. Les suites de cette loi pourraient également demander une planche, afin de démontrer que tous les gouvernants depuis, je dis bien tous, ont cherché et réussi à vider petit à petit cette loi de sa substance. Il n'est pas inintéressant de se rappeler les propos tenus le premier jour des débats par le curé Gayraud : "Mais nous avons des siècles pour prendre nos revanches et l'histoire nous apprend qu'elles viennent toujours". Mais, en dehors de toute polémique, je peux vous assurer que lire les débats de cet épisode de la République fut très riche. Et je ne suis pas certain de retrouver dans l'histoire un concentré d'homme qui, par leur combat et leur talent d'orateur auront marqué l'Histoire comme ceux qui furent présent sur les bancs de l'assemblée nationale en ce début du 20ème siècle.



Tubalcaïn



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