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Exister

Comment toute théologie n'est rien d'autre que l'étude du... non-existant !


par H.-P. Gottlos  -  27/02/2019




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La question de l'"Existence" est sûrement de celles qui occupent, voire obsèdent le plus l'esprit humain. Quand cette question est posée, c'est souvent à propos de "forces surnaturelles" et peu ou prou en liaison avec les différentes croyances les faisant intervenir. La question étant en fait : existe-t-il réellement des forces surnaturelles ? Croyance fort répandue, allant pour beaucoup de gens quasiment de soi et bien résumée en son temps et à sa manière par feu François Mitterrand qui déclara, au cours d'une intervention télévisée, peu avant sa disparition, qu'il "croyait aux forces de l'esprit". Phrase à peine sibylline ne signifiant sans doute pas vraiment autre chose que "je crois en un dieu et à la survie dans l'au-delà", déclaration qui, ainsi formulée de manière abrupte, eût fait mauvais effet dans la bouche du président de notre république très sourcilleuse sur le chapitre de la laïcité.

D'aucuns, en son temps, celui des bouleversements du XVIIIème siècle, avaient cru éviter l'écueil en déclarant reconnaître l'existence de L'Etre suprême [1] Autrement dit l'Existence suprême, l'Existence en soi. Ou si l'on préfère l'existence de l'existence. Ce qui semble être plutôt une tautologie philosophique.

Question : qu'est-ce que l'existence en soi ; existe-t-il quelque chose qu'on puisse nommer ainsi ?

L'existence n'est évidemment réalisée que dans des êtres concrets qui se définissent par l'ensemble de leurs propriétés, chacune réalisée à son tour précisément dans... l'être. En dehors desquelles ou de certaines desquelles l'être en question n'a pas d'existence. Un arbre n'existe que comme un ensemble de propriétés et de caractéristiques observables qui le définissent comme tel. Les observer et les décrire ensemble et individuellement est la tâche de sciences : la botanique, la dendrologie, la biologie, etc. Un arbre sans ce qui le constitue tels ses racines, son feuillage, ses branches, etc. peut difficilement être considéré comme arbre.

Mais en dehors de l'ensemble des qualités et propriété propres à l'arbre, celui-ci n'est qu'une représentation idéelle dans le cerveau des êtres qui le pensent. Le nom de l'objet arbre ne dit rien sur l'être "arbre". L'arbre existe en dehors de ma conscience mais pas son nom, le nom sous lequel la chose se sublime en l'idée d'arbre. Cette affirmation a été formulée dès le moyen âge, sous le nom de nominalisme, ou conceptualisme, par des penseurs comme Pierre Abélard qui s'opposaient aux réalistes pour qui les choses "existaient" de toute éternité dans l'esprit de Dieu, avant même leur actualisation réelle. Représentation dont il est en effet difficile de démontrer la justesse.

Ainsi, croire qu'il existe une idée "arbre" en soi, dont chaque arbre ne serait qu'une réalisation particulière est évidemment absurde si l'on suppose cette idée existerait en dehors de la représentation que s'en fait un cerveau, planant quelque part entre ciel et terre au milieu d'un éther indéfinissable. Cette idée ne surgit dans le cerveau qu'une fois que le possesseur dudit cerveau a été mis en présence d'arbres réels, existant en dehors de lui.

On peut imaginer un animal nommé "yéti" ou "dahu" et leur prêter autant de qualités et propriétés que l'on voudra, ces seules représentations ne suffiront jamais à produire un yéti ou dahu vivants. Si je propose à un humain quelconque de me décrire la manière dont il imagine l'un ou l'autre de ces êtres, son imagination pourra certes se donner libre cours : mais il y a de fortes chances qu'il ne fera qu'emprunter à d'autres animaux connus de lui les qualités et caractéristiques dont il pourvoira ceux-là, peut-être même en leur en inventant de supplémentaires : il ne risquerait de toutes façons pas de s'entendre contredit ! Le Moyen-Age avait imaginé l'hippogriffe que l'on ne trouve dans aucun zoo... L'hippogriffe médiéval ou le yéti et le dahu modernes "n'existent" que comme mots (ce dernier utilisé dans certains groupes pour piéger le gogo ou le simplet) mais la chose, elle, en dehors de l'humain parlant, n'est au mieux qu'un fantasme. En réalité, il n'existe que les vibrations transmises à l'air par les cordes vocales au moment où je prononce ces mots, etc. Au reste, à l'inverse, une chose peut fort bien exister sans même être nommée tant que le cerveau humain n'en a aucune conscience.

Que devrais-je penser en tant que personne raisonnable d'un peuple se mettant brusquement à croire dur comme fer à l'existence des dahus, yétis et autres hippogriffes sous prétexte que l'un ou l'autre de ses prophètes en auraient prétendument rencontrés quelque part sur une montagne ou au fond d'un trou, les décrivant en détails au long de gros livres savants : leur mode de vie et d'alimentation, leurs habitudes, leur habitat, leurs conditions de reproduction, etc. ?... Je penserais simplement que le témoignage d'un seul ou même de quelques-uns sans preuves formelles irréfutables ne valent rien et que ce peuple est très vraisemblablement d'une stupidité affligeante ou abuse de certaines substances !

Il n'y a aucune preuve d'aucune sorte qu'il existerait quelque part, en dehors de toute matière, une existence en soi, un être quelconque ne se définissant que comme existence, comme être absolu, disons suprême, et dont les propriétés et les caractéristiques ne seraient que des abstractions. Un être n'existant que de lui-même, par lui-même et pour lui-même. Cet être ne peut évidemment être que l'idée que j'en m'en fais - ou non : celle que se la crée mon cerveau plein d'imaginations fantaisistes mais puisant inévitablement et nécessairement dans son expérience vécue (pléonasme !) et nourri par elle. Le cerveau ne peut en effet se représenter que ce qu'il a déjà "vu". Nulle part non plus évidemment n'existent, voguant entre ciel et terre, des abstractions telles que la perfection, la bonté, la toute-puissance, la force, l'intelligence, l'amour, ou leur contraire la haine, la vengeance, la colère, la faiblesse, etc., bref des qualités, des vertus ou même des travers hors les rapports humains de chair et d'os, pourtant prêtés à Dieu, et qui tous ne sont que des jugements, des notions, des idées qui ne se définissent que par rapport à un existant matériel et non pas en soi. En effet, hormis dans les métaphores, la perfection ne se constate que dans le fonctionnement irréprochable de systèmes, parfois très complexes ; la bonté se concrétise dans des actions favorables vis-à-vis d'autres êtres ; la toute-puissance dans des réalisations concrètes difficiles, rares, voire extraordinaires ; la force par le déplacement dans l'espace de masses pesantes ou la modification de leur état ; l'intelligence par la capacité à dénouer des problèmes concrets, enchevêtrés, etc. et peut-être vitaux ; l'amour par des accointances ou des attirances plus ou moins fortes entre différents êtres, concomitantes à certaines implications ou modifications physiologiques... Il ne peut par exemple y avoir de "volonté" sans un objet concret matériel existant antérieurement à elle-même sur quoi elle s'exerce. La seule volonté en soi ne crée évidemment rien et le "Que la terre soit !" de la Bible est évidemment une absurdité car c'est dire : "Que l'atome soit" et l'atome lui-même n'est ni créable, ni destructible et ne peut évidemment procéder du seul "vouloir", fut-il divin.

Ainsi l'Être suprême - autrement dit Dieu qui ne veut pas dire son nom - serait "quelque part" et partout à la fois ? Fort bien : quelque part et partout, c'est donc l'espace. Qu'est-ce que l'espace ? Existe-t-il un espace en soi ? Pas plus qu'il n'existe d'idée en soi : l'espace n'existe qu'à partir du moment ou deux particules existent indépendamment l'une de l'autre. Si elles existent, alors on peut théoriquement mesurer la distance qui les sépare en les joignant l'une à l'autre par un segment de droite. C'est un espace à deux dimensions en dehors de quoi il n'y a nul espace. Pour qu'existe un espace à trois dimensions, un volume, celui dans lequel toute chose se trouve, il faut donc qu'existent au moins trois particules que l'on peut relier entre elles en pensée par autant de segments de droite de longueur indifférentes, sauf infinies. En dehors de toute particule, c'est le vide et le vide parfait, à supposer que lui-même existe dans l'univers, serait donc l'absence d'espace puisqu'on ne saurait y mesurer de distances ou de volumes. Si Dieu est dans l'espace, ce sont alors les particules de matière qui le créent ou lui permettent d'être. Ce que contredit toute croyance en Dieu qui veut que ce soit lui seul, pur esprit étranger à la matière, qui crée... Voilà la preuve que l'idée même de Dieu est absurde. C'est la conclusion qui s'impose à nous dès qu'on se donne la peine de réfléchir un peu à ces questions : elles s'éclaircissent et imposent leur évidence

Si l'on priait un croyant de n'importe quelle religion monothéiste - les plus "abstractisées" et les mieux élaborées - de dire comment il imagine Dieu, il y a fort à parier qu'il ne puisse malgré lui, même instruit des enseignements de ses théoriciens, s'empêcher peu ou prou de lui prêter plus ou moins de traits, même physiques, d'attributions et d'attributs proprement humains. Mais si maintenant vous exigez qu'il s'efforce, afin de se conformer strictement à la doctrine qui prétend que Dieu n'est que "pur esprit", d'éliminer impitoyablement tout ce qui, en rapport avec lui, serait de nature matérielle, il y aurait alors de plus fortes chances encore qu'il finisse par renoncer à en dire plus, donc à une quelconque description car il devra s'apercevoir et confesser qu'au fond il n'y croit pas et ne peut tout simplement pas y croire pour la bonne raison que personne n'est capable d'imaginer un pur esprit : notre cobaye ne sait pas ce que c'est et il lui est impossible de croire, fût-ce avec une apparence de raison, en quelque chose dont il n'a pas la moindre idée de ce que c'est et dont il sait, de surcroît, que personne ne le sait non plus !

Si les religions ont tant de succès à travers le monde, c'est qu'elles trouvent toujours un support, un substrat plus ou moins humanomorphe dans l'imaginaire de leurs adhérents, images auxquelles ceux-ci s'identifient peu ou prou. Et cet imaginaire sera sans doute d'autant plus net et prégnant, plus impérieux, que grand sera l'enthousiasme, comme on disait au XVIIème siècle, le fanatisme exalté puisque certains vont jusqu'à ressentir de violents sentiments, une sorte d'amour passionné et inconditionnel pour la figure qu'ils s'élaborent plus ou moins consciemment et à laquelle ils adhèrent sans réserve mais qui pourtant n'existe nulle part ailleurs que dans leur imagination nourrie et entretenue des contes et légendes bibliques ou coraniques dont ils sont abreuvés comme les adolescents de mangas. Ainsi d'Allah qui ne cesse de vouloir, d'exiger, d'interdire comme un père fouettard, ainsi du gentil héros Jésus, de Dieu Père tout-puissant et de Yahvé qui fait le difficile et se choisit un peuple, on ne sait trop en raison de quoi, etc., tous des personnages qu'ils s'imaginent remplis de besoins, d'envies, de désirs et de sentiments parfaitement humains à satisfaire, comme les leurs : par exemple en sollicitant leur vanité, en les priant instamment et en croyant grandement les honorer à force de fumées, d'or et de fabuleuses richesses (pas perdues pour tout le monde...) répandus dans leurs temples ; voire en sacrifiant et décapitant les "ennemis que Dieu déteste", les adhérents à d'autres croyances... Mais croire aux contes est absolument typique de l'enfance et de la non-maturité : les croyances religieuses et donc la croyance en Dieu sont typiques d'une humanité prisonnière de ses fantasmes infantiles ; c'est à dire d'une humanité restée infantile ou qui se laisse infantiliser, pour ne pas dire puériliser. C'est un fait. Et contre la réalité désenchantée des faits bruts, rien ne peut rien, pas même le discours théologico-doctrinal le plus clinquant dont ils s'enveloppent, le plus séculaire, le plus profond - ou élevé si l'on préfère - en apparence, le plus savamment élaboré : et la réalité, c'est que toute théologie, n'est rien d'autre que l'étude du... non-existant !


H.-P. Gottlos



Note :
1 - à qui ils avaient même attribué la forme d'un triangle muni d'un oil au milieu, concession au christianisme qui enseigne la sainte trinité !



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