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"C'est le Bon Dieu qui t'a puni !"


par Igor Reitzman  -  18/09/2008




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Interprétation inoffensive et interprétation toxique

Nous passons tous notre vie à interpréter : Le sourire de celle-ci, l'air soucieux de celui-là… Devant un ciel qui soudain s'assombrit, avec des grondements d'orage, si je me contente de sortir mon parapluie ou de presser l'allure, il s'agit d'une interprétation inoffensive, banale en ce siècle prosaïque. Si par contre j'en déduis que le Ciel est en fureur, que la foudre vengeresse va s'abattre sur nous et qu'il faut trouver au plus vite le coupable à sacrifier pour apaiser le céleste courroux, cette interprétation, menaçante au temps de Sophocle ou dans l'Europe médiévale, surprendrait le climatologue et le grand public d'aujourd'hui… Pourtant, dans certaines régions, on conserve encore la croyance naïve en une divinité qui épierait les pensées, les paroles et les gestes de 6 milliards d'êtres humains, et qui interviendrait durement dans la vie des enfants désobéissants.

Quand un enfant se blesse, il est encore fréquent que la mère lui dise : "C'est le Bon Dieu qui t'a puni !"… Une interprétation qui installe très tôt toute une idéologie, et de façon très puissante car les mots sont associés à des moments émotionnellement forts. Une idéologie qui s'enrichira grâce à des apports divers et qui pourrait se résumer ainsi :
    Dieu existe dans ton environnement immédiat puisqu'il te surveille à tout moment. Il est bon puisqu'il t'ouvre le genou, alors que moi, ta mère, je me serais contentée d'une fessée. Qui aime bien, châtie bien. Qui aime mieux, châtie mieux. Et Dieu l'a prouvé en maintes circonstances : le Déluge, Sodome, Gomorrhe et tous les humains punis depuis des millénaires pour un instant de désobéissance du couple originel . Tu dois prendre l'habitude de voir dans toute souffrance qui te frappe, la main de Dieu. Et si, comme je m'y emploie, j'ai réussi à faire de toi un homme culpabilisable (donc manipulable), à tout moment tu t'attendras à l'accident qui te confirmera que Dieu veille sur toi et te guide vers la parfaite vertu.
S'attendre à l'accident, y voir l'intervention de la divine Providence, cela ne signifie pas qu'on va le provoquer, à moins qu'on ne soit convaincu qu'on est sur terre pour accomplir la volonté du Père Céleste, à moins qu'on n'ait besoin de se punir pour sortir de l'angoisse associée à un impitoyable sentiment de culpabilité.

De la possession à l'exorcisme

Quand on dit d'un enfant qu'il a le diable dans le corps (une façon moderne de dire qu'il est possédé), la conclusion pratique s'impose : Il faut chasser ce démon, et l'hésitation porte plutôt sur les moyens : fessée, fouet, baguette ou exorcisme ? La baguette et le fouet, conseillés par la Bible[1], sont chez nous passés de mode. La fessée déculottée procure des satisfactions à l'éducateur pervers, mais elle a mauvaise réputation depuis les Confessions d'un certain Jean-Jacques Rousseau…

Il reste l'exorcisme d'ailleurs plus cohérent puisque dans cette pieuse opération, clairement inspirée par le Saint Esprit, l'homme de Dieu s'adresse au démon possédant plutôt qu'à l'enfant possédé. Qui oserait douter de l'efficacité de l'énergique apostrophe "Vade retro Satanas" ? Evidemment, vous objecterez qu'il faudrait – au préalable – vérifier que l'angélique créature, angélique mais déchue, passa un temps suffisant dans une section classique de quelque collège. Faute de quoi, quelle que soit la bonne volonté de ce petit démon, il ne comprendrait rien à l'exorcisme. Mais pourquoi diable utiliser le latin, me direz-vous. Dans une société où le latin d'église surnage encore malgré le concile Vatican II, n'est-ce pas maladroit de laisser croire au grand troupeau des fidèles, que le latin pourrait être la langue du diable ? L'hébreu ou mieux encore l'araméen ancien, surtout agrémenté d'un léger accent picard, serait moins compromettant, de surcroît bien plus impressionnant et pour tout dire irrésistible. J'invite tous les exorcistes qui me liront à tenter l'expérience en double aveugle et à me faire parvenir leur témoignage, de préférence en langue vernaculaire.



Igor Reitzman (extrait de "Interprétations" que l'on peut lire sur le site d'Igor Reitzman)


Notes:
1 - Coups de fouet et correction, voilà en tout temps la sagesse" - "Qui aime son fils lui prodigue le fouet…" Siracide, XXII, 6 et XXX, 1 (encore cité dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique de 1997) – "Qui épargne la baguette hait son fils, qui l'aime prodigue la correction." Proverbes, XIII, 24 (Le Siracide et les Proverbes sont deux livres de la Bible)

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