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Bélial,

une incarnation de la révolte


par Eric Timmermans  -  08/12/2009




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1. Bélial : étymologie.

Le nom de Bélial (ou Beliar, Belias) semble signifier "sans valeur", "vaurien" (I Samuel, 2 : 12 / Juges, 19 : 22 – Bible de Jérusalem), "inutile" ou encore "iniquité", "impiété", Bélial étant la forme grecque de l’hébreu $Beli Ya’al$$ . Toutefois, "plusieurs hypothèses controversées sont avancées pour expliquer son étymologie : beli’or (sans lumière), beli’ol (sans jeu), beli ya’al (sans profit)." (L’Ange déchu, M. Centini, p.35).


2. Bélial, une personnification de la Révolte.

Bélial apparaît comme une personnification de la Révolte et de ce que le pouvoir considère comme son corollaire, l’Anarchie. Dans la tradition biblique, l’importance de Bélial est telle, qu’on l’assimile parfois à l’Antéchrist ou à la Bête de l’Apocalypse. Dans sa Pseudomonarchia daemonum, Jean Wier affirme que Bélial a été créé immédiatement après Lucifer et que c’est lui qui entraîna la plupart des anges dans la Révolte. Ainsi fut-il l’un des premiers anges à être chassés des divins espaces célestes. Dans l’un des Manuscrits de la mer Morte, Bélial est assimilé au chef de tous les anges déchus : "Le nom de Bélial revient plus de trente fois dans les textes les plus importants de Qumran, selon approximativement cette distribution : Règle de la communauté (cinq fois), Hymnes (dix), Document de Damas (six), Rouleau de la guerre (douze)." (L’Ange déchu, M. Centini, p.37). On retrouve la trace de Bélial dans un certain nombre de récits apocryphes tels que $le Livre d’Hénoch, le Livre des Jubilés ou la Règle de la communauté$$, qui mentionne le combat opposant les Hébreux, "fils de la lumière", au "parti des ténèbres", à savoir l’armée de Bélial. On peut donc dire que Bélial a été élevé à un rang démoniaque au moins égal à celui de Lucifer ou de Satan. Dans une certaine mesure, Bélial peut même être considéré, plus que Satan, comme le véritable adversaire de Dieu. De fait, si Satan apparaît bien, dans le Livre de Job notamment, comme le Tentateur et le Destructeur, il ne peut agir qu’avec l’accord de Yahweh. Bélial, par contre, peut être décrit sans ambages comme l’adversaire de Dieu.

Cela apparaît clairement dans le Livre de Nahum (1 : 11) :

"De toi est sorti celui qui médite le mal contre Yahweh, celui qui forme des desseins criminels." (Crampon).

"N’est-ce pas de toi qu’est sorti celui qui médite contre Yahvé, l’homme aux desseins de Bélial." (Jérusalem).

Cette impression d’absolu dualisme, bien moins accusée dans la cynique collaboration qui semble lier Yahweh à Satan dans le Livre de Job, se voit renforcée dans la 2e Epître aux Corinthiens (6 : 15) :

"Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial ? Ou quelle part a le fidèle avec l’infidèle ?" (Crampon).

"Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ?" (Jérusalem).

De même, le $Testament de Nephtali$$ (2,6), apocryphe de l’Ancien Testament, également classé parmi les "Ecrits intertestamentaires", oppose, de manière parfaitement dualiste, la loi du "Seigneur" et la loi de Bélial. Il en est de même pour le Testament de Lévi (19,1) : "Choisissez-vous les ténèbres ou la lumière, la loi du Seigneur ou les œuvres de Bélial ?" Ajoutons que "chez les Esséniens le nom du démon est habituellement Bélial et l’opposition Lumière-Ténèbres devient prépondérante. L’Ecrit de Damas oppose Bélial au "Prince des Lumières" ; le Manuel de discipline oppose les "fils de lumière" aux "fils des ténèbres" et à l’ "empire de Bélial" ; un écrit est consacré à La guerre des fils de la lumière et des fils des ténèbres ou du "parti de Bélial" (Le dieu du Mal, p.62-63).

Ajoutons que le rôle de Bélial en tant qu’adversaire de Dieu est encore plus marqué dans un texte apocryphe nommé L’Ascension d’Isaïe (4 : 4) et dans lequel Bélial est clairement dépeint comme le Prince de ce monde : "Ce prince, Bélial, viendra sous l’apparence de ce roi et avec lui toutes les puissances de ce monde, qui obéiront à toutes ses volontés". Dans ce texte, Bélial est présenté comme l’ennemi du "Bien-Aimé" et c’est lui, par ailleurs, qui, s’étant installé dans le cœur de Manassé, poussera ce dernier à faire découper Isaïe à l’aide d’une scie de bois. Cela est décrit et expliqué dans les chapitres 4 et 5 de la première partie de L’Ascension d’Isaïe (présenté en ligne par André Wautier sur www.histoire-christ-gnose.org/Isaie.pdf) que l’on nomme Le Martyr d’Isaïe.


3. Bélial, démon du Vice.

Véritable incarnation du refus du dogme et de l’ordre établi, Bélial est désigné par le judéo-christianisme comme le démon le plus crapuleux, le plus épris de vice pour le vice. Dans son Paradis perdu (I, 490-505), John Milton en parle de la manière suivante : "Bélial parut le dernier ; plus impur esprit, plus grossièrement épris de l’amour du vice pour le vice même, ne tomba du ciel. Pour Bélial, aucun temple ne s’élevait, aucun autel ne fuma : qui cependant est plus souvent que lui dans les temples et sur les autels, quand le prêtre devient athée comme les fils d’Eli qui remplirent de prostitutions et de violences la maison de Dieu ? Il règne aussi dans les palais et dans les cours, dans les villes dissolues où le bruit de la débauche, de l’injure et de l’outrage, monte au-dessus des plus hautes tours : et quand la nuit obscurcit les rues, alors vagabondent les fils de Bélial gonflés d’insolence et de vin ; témoins les rues de Sodome et cette nuit dans Gabaa, lorsque la porte hospitalière exposa une matrone pour éviter un rapt plus odieux."

La fin de ce texte fait référence à un passage des Juges (19 : 13-30) évoquant la "nuit de Gabaa", durant laquelle un vieillard accueillit chez lui un homme et sa femme se rendant à Gabaa (ou Gibéa). Sa maison fut assiégée par des vauriens (= "gens de Bélial") et le vieillard voulut leur offrir sa fille vierge, mais les vauriens n’en voulurent point. Alors, l’homme (le voyageur) offrit sa femme aux vauriens qui abusèrent d’elle toute la nuit. Lorsque la malheureuse revint auprès de son mari, celui-ci la ramena chez lui puis la tua et la découpa en douze morceaux qu’il expédia aux quatre coins d’Israël. C’est là l’un des nombreux textes bibliques dont le caractère profondément patriarcal nous mène sans peine jusqu’à la nausée…

Quoiqu’il en soit, soucieux de discrédit, le judéo-christianisme insiste sur le fait que Bélial avait un culte à Sodome (cadre d’une scène semblable à celle de la nuit de Gabaa, décrite dans la Genèse), même si on lui éleva des autels dans bien d’autres villes. Le culte sodomite fit assimiler Bélial à un démon de la pédérastie. Il serait assisté, lorsqu’il s’agit d’inciter les humains à cette pratique, par un démon de second ordre nommé Philotanus, dont le nom même semble indiquer son penchant pour la sodomie…


4. Bélial, démon orateur.

Dans le Paradis perdu (II, 106-127), Satan réunit les Anges déchus pour déterminer s’il convient ou non de mener une action afin de recouvrer le Ciel. Moloch est partisan de l’affrontement direct, mais Bélial le démentira point par point : "Du côté opposé se leva Bélial, d’une contenance plus gracieuse et plus humaine. Les cieux n’ont pas perdu une plus belle créature : il semblait créé pour la dignité et les grands exploits ; mais en lui tout était faux et vide, bien que sa langue distillât la manne, qu’il pût faire passer la plus mauvaise raison pour la meilleure, embrouiller et déconcerter les plus mûrs conseils. Car ses pensées étaient basses ; ingénieux aux vices, mais craintif et lent aux actions plus nobles : toutefois il plaisait à l’oreille, et avec un accent persuasif il commença ainsi : "Je serais beaucoup pour la guerre ouverte, ô Pairs, comme ne restant point en arrière en fait de haine, si ce qui a été allégué comme principale raison pour nous déterminer à une guerre immédiate, n’était pas plus propre à m’en dissuader, et ne me semblait être de sinistre augure pour tout le succès : celui qui excelle le plus dans les faits d’armes, plein de méfiance dans ce qu’il conseille et dans la chose en quoi il excelle, fonde son courage sur le désespoir et sur un entier anéantissement, comme le but auquel il vise, après quelque cruelle revanche." Suit une argumentation qui réfute celle de Moloch, jugée inutilement suicidaire par Bélial qui espère, par l’apaisement, attirer sur les Anges déchus la miséricorde divine : "Ainsi Bélial, par des mots revêtus du manteau de la raison conseillait un ignoble repos, paisible bassesse, non la paix." (II, 226-227).


5. Les fils de Bélial.

Le nom de Bélial apparaît aussi dans le 2e Livre de Samuel (23 : 6-7) :

"Mais les gens de Bélial sont tous comme des épines que l’on rejette, on ne les prend pas avec la main ; l’homme qui y touche s’arme d’un fer ou d’un bois de lance, et on les consume par le feu sur place." (Crampon).

"Mais les gens de Bélial sont tous comme l’épine qu’on rejette, car on ne les prend pas avec la main. L’homme qui les touche, est chargé de fer et du bois des lances, et ils sont brûlés, brûlés sur place." (Jérusalem).

Les "fils (ou gens) de Bélial" apparaissent ici comme les adeptes du Démon ou, tout simplement, comme des "gens de rien", "ne valant rien", c’est-à-dire, dans l’optique abrahamique, les incroyants et les "sans-dieux". Ils doivent être traités, selon l’intolérante approche biblique, comme les épines que l’on ne "prend pas avec la main", étant, en quelque sorte, par nature, "intouchables". L’homme qui veut s’en emparer, dit le Livre de Samuel, doit s’armer de fer et de lances, et les consumer sur place par le feu. On reconnaîtra là une pratique qui a dû inspirer bien des inquisiteurs à travers les siècles…


6. A savoir également.

6.1. Une légende prétend que le roi Salomon a un jour vaincu Bélial et qu’il serait parvenu à l’enfermer dans une bouteille ou une jarre, de même que les…522.290 démons de son armée ! Toutefois, lors de leur conquête de Jérusalem, les Babyloniens auraient exploré le puits où avait été jeté le récipient contenant Bélial et, croyant y trouver un trésor, ils auraient brisé la jarre, permettant ainsi à Bélial de s’échapper.

6.2. En démonologie, Bélial est décrit comme un Démon Supérieur, Secrétaire d’Etat de Méphistophélès. Il commande 24 ou 80 légions de démons et passe pour être le maître de la tricherie, de la tromperie et de la corruption. Il procure ainsi dignités et faveurs, favorise l’entente entre amis et donnent également de bons démons familiers à ceux qui se soumettent à lui. Il préside aussi aux assassinats secrets.

6.3. Chodar semble être un autre nom de Bélial.

6.4. Dans les croyances populaires, on dit que Bélial est le démon qui préside au mois de janvier.

6.5. On dit de Bélial, qu’il est l’ambassadeur de l’Enfer en Turquie.

6.6. Si l’on en croit le procès verbal établi le 19 mai 1614 et concernant le prétendu cas de possession de Marie de Sains, le nom de "Belias" (que nous ne pouvons nous empêcher de rapprocher de celui de Bélial) aurait été cité lors des litanies du sabbat des Flandres qui se tenait, dit-on, les mercredis et les vendredis. Ce Belias fut aussi titré "prince des vertus", ce qui ne manque pas de piquant pour un démon dont le nom est assimilé à la débauche ! (Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, p. 546).

6.7. Le nom de Bélial apparaît notamment dans la Pseudomonarchia daemonum de Jean Wier, de même que dans le Dictionnaire infernal de Jacques Collin de Plancy.


7. Visualisation.

Si l’aspect intérieur de Bélial est, bien évidemment, supposé hideux, il se présente généralement sous un aspect avenant, séduisant et empreint de dignité. Sa voix, dit-on, est suave et plaisante, mais également hypnotique. Bélial est parfois représenté conduisant un char de feu.


Eric Timmermans
Bruxelles, le 8 décembre 2009.



Sources :
- Bible de Jérusalem, Cerf, 1998
- Bible du chanoine Crampon, Société de Saint-Jean l’Evangéliste, 193
- Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972
- Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998
- Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003
- Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Pierre Norma, Maxi-Poche Références, 2001
- L’Ange déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004
- Le dieu du Mal, Hervé Rousseau, PUF, 1963
- Le Paradis perdu, John Milton, NRF-Gallimard, 2007
- Le Prince de ce monde, Nahema-Nepthys et Anubis, Editions Savoir pour Être, 1993
- Livre des Superstitions, Eloïse Mozzani, Robert Laffont, 1995.



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