|
Baalle seigneur aux multiples visagespar Eric Timmermans - 10/06/2011 Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs. 1. Baal, une divinité proche-orientale.Dans les langues sémitiques, le nom de Baal (ou Bel, Belus ; plur. baalim) signifie "Seigneur" ou "Maître". Figure principale du panthéon cananéen, Baal fut également adoré en Phénicie et à Carthage, notamment, où on lui offrait des sacrifices d'animaux et, parfois, des sacrifices humains. Divinité agraire de la fertilité, de la croissance du bétail et des végétaux cultivés, Baal régnait notamment sur la pluie fertilisante. Plus généralement perçu comme une personnification des forces de la nature, il apparaît aussi souvent comme une divinité solaire. Les Cananéens l'adoraient comme le dispensateur des richesses de la terre. Baal sera tué par Mot, dieu de la Mort et de la Sécheresse, mais Astarté-Anat-Istar, l'épouse de Baal, retrouvera son assassin et le tuera avec la faucille rituelle, l'écorchera et donnera sa chair aux oiseaux, ce qui n'est pas sans rappeler l'histoire d'Isis et Osiris. La mort de Baal annonce "la saison de la stérilité qui durera jusqu'à ce que la vie revienne, renouvelée par le retour de Baal des régions souterraines, du pays de la mort où il avait entraîné avec lui les nuages dispensateurs de pluie." (Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien). Il apparaît que Baal a également été confondu ou plutôt associé à Moloch -Malakhbêl, Moloch Baal-, une divinité dotée d'un torse d'apparence humaine surmonté d'une tête de taureau. Ce Baal confondu avec Moloch serait également assimilable à Ba'Al-Belit, Ouragan et Fertilité, un couple de dieux adoré par les Sémites qui n'est évidemment pas sans rappeler le nom de Baalberith, que nous évoquerons plus avant.2. Baal dans l'univers gréco-romain.Baal fut aussi assimilé à Apollon par les Grecs et à Saturne par les Romains. Il a également été parfois comparé à Zeus et à Jupiter. Ainsi, le Baal d'Héliopolis-Baalbek est assimilé à Jupiter Héliopolitain. Dans un temple du Janicule, à Rome, le culte de la déesse Atagartis était associé à celui d'Hadad -qui prend aussi le nom de Baal- et du Jupiter Héliopolitain, celui-ci portant sur la gaine, les bustes de la divinité astrale. Le Baal de Doliché est, quant à lui, assimilable à Jupiter Dolichenus, dieu de la foudre que l'on voit debout sur un taureau, au-dessus d'un aigle. Il fut honoré par les commerçants et les soldats sur les bords du Rhin et du Danube et il avait trois temples à Rome. Ses fidèles l'adoraient en participant à des processions et à des banquets sacrés. Il a pour parèdre une Junon : Juno Dolichena.3. Baal diabolisé par le judéo-christianisme.Baal fut, comme de très nombreuses divinités, diabolisé par le christianisme. Dans la Bible, les Baal -ou baalim- symbolisent les dieux du paganisme, tout comme les Astarté -ou baalats- symbolisent les déesses païennes. Baal est, dans le judéo-christianisme, un des principaux symboles de l'idolâtrie honnie. Toujours dans la Bible (1 Rois, 18 : 18-19), il est dit qu'au temps de la reine Jézabel, 450 prophètes étaient au service de Baal."Elie répondit : "Je ne trouble point la maison d'Israël ; c'est toi, au contraire, et la maison de ton père, en ce que vous avez abandonné les commandements de Yahweh et que tu es allé après les Baals. Maintenant, envoie rassembler tout Israël auprès de moi, à la montagne du Carmel, ainsi que les quatre cent cinquante prophètes de Baal et les quatre cent prophètes d'Astarté, qui mangent de la table de Jézabel." (Crampon) "Elie répondit : "Ce n'est pas moi qui suis le fléau d'Israël, mais c'est toi et ta famille, parce que vous avez abandonné les commandements de Yahvé et que tu as suivi les Baals. Maintenant, envoie rassembler tout Israël près de moi sur le mont Carmel, avec les quatre cent cinquante prophètes de Baal, et les quatre cent prophètes d'Ashéra, qui mangent à la table de Jézabel." (Jérusalem) "Il y avait des extatiques chez les peuples voisins d'Israël, et ils formaient des collèges nombreux, comme les prophètes de Yahvé. Ici, ce sont des dévots du Baal de Tyr, appelés en Israël par Jézabel, qui les entretenait." (Bible de Jérusalem, Cerf, 1998, notes en bas de p. 492). Les démonologues, quant à eux, firent de Baal le Général en chef des armées infernales et le Commandeur de l'Ordre de la Mouche ! Ensuite, sous la plume des écrivains puritains du 17ème siècle, Baal fut élevé au rang d'anti-Dieu, soit un nouveau visage de Satan ! Certaines traditions populaires rapportent que Baal préside au mois d'octobre. 4. Les multiples formes de Baal.Dans la Bible, outre Baalzephon, Belphégor et Belzébuth, Baal est cité sous de nombreux aspects, dont certains se confondent avec des noms de lieux :4.1. Baal-Gad, ou Baal du Bonheur est le nom d'un site que l'on situe dans la Bible (Josué 11 : 17) au pied du mont Hermon, sur un affluent du Jourdain. "., depuis la montagne nue qui s'élève vers Séir jusqu'à Baal-Gad, dans la vallée du Liban, au pied du mont Hermon ; il prit tous leurs rois, les frappa et les mit à mort." (Crampon) "Depuis le mont Pelé, qui s'élève vers Séir, jusqu'à Baal-Gad, dans la vallée du Liban, au pied du mont Hermon, il s'empara de tous leurs rois qu'il fit frapper à mort." (Jérusalem) Le site est identifié à l'actuel Hasbeyyah, à l'ouest du mont Hermon. Sans doute Baal-Gad doit-il être assimilé à Baal-Hermon qui est le Baal ou Seigneur du mont Hermon. Ce mont, où le Jourdain prend sa source, est le lieu où l'"Epopée de Gilgamesh" place le royaume des dieux babyloniens. 4.2. Baal-Méôn ou Maître de la maison est un nom qui, dans la Bible (Nombres 32 : 38, Ezéchiel 25 : 9) désigne une ville splendide située sur la frontière de Moab, sur le territoire de la tribu de Ruben. Nombres 32 : 37-38 : "Les fils de Ruben bâtirent Hésebon, Eléalé, Cariathaïm, Nabon et Baalméon, dont les noms furent changés, et Sabama, et ils donnèrent des noms aux villes qu'ils bâtirent." (Crampon) "Les fils de Ruben construisirent Heshbôn, Eléalé, Qiryatayim, Nebo, Baal-Meôn (dont les noms furent changés), Sibma. Ils donnèrent des noms aux villes qu'ils avaient construites." (Jérusalem) Ezéchiel 25 : 8-9 : "(.) Voici que la maison de Juda est comme toutes les nations," à cause de cela, voici que je vais ouvrir le flanc de Moab, depuis les villes, depuis ses villes, depuis sa frontière, la gloire du pays, Bethjésimoth, Beelméon et Cariathaïm." (Crampon) "(.) Voici que la maison de Juda est semblable à toutes les nations", eh bien ! je vais ouvrir les hauteurs de Moab, ses villes ne seront plus des villes, sur toute son étendue -les joyaux du pays : Berha-Yeshimot, Baal-Meôn et jusqu'à Qiryatayim." (Jérusalem) 4.3. Baal-Peraçim, le Seigneur des brèches, nom qui, dans la Bible (II Samuel 5 : 20) désigne un site proche de Jérusalem où David remporta une victoire sur les Philistins lorsque Yahvé ouvrit, dit-on, une brèche au milieu d'eux. "David vint donc à Baal-Pharasim, et là David les battit. Et il dit : ""Yahweh a brisé mes ennemis devant moi, comme les eaux brisent les digues." C'est pourquoi on a donné à ce lieu le nom de Baal-Pharasim." (Crampon) "David arriva à Baal-Peraçim et là David les battit. Et il dit : "Yahvé m'a ouvert une brèche chez mes ennemis comme une brèche faite par les eaux." C'est pourquoi on appela cet endroit Baal-Peraçim." (Jérusalem) 4.4. Le Baal du mont Kasios -que l'empereur Hadrien escaladait pour contempler le soleil levant- était vénéré sous l'aspect d'un bétyle. 4.5. Il en fut de même pour le Baal d'Emèse, mieux connu sous le nom d'Elagabal et dont le culte fut introduit à Rome par l'empereur débauché Héliogabale qui tire son nom du dieu dont il était, à l'origine, le prêtre. 4.6. A Rome, on pouvait également rencontrer Aglibôl, un dieu lunaire d'origine palmérynienne, dans le quartier du Trastevere où se cotoyaient des populations de diverses origines orientales (juives, syriennes, anatoliennes.). 4.7. Le Baal de Damas, le Mésopotamien 4.8. Adad ou Hadad, dieu de l'Orage qui, au Proche-Orient occidental, prend le plus souvent le nom de Baal. 4.9. Le dieu babylonien Marduk est également cité sous le nom de Bêl (Assyrie -Doura-Europos-, Chaldée, Ninive), dieu créateur du genre humain auquel on attribue Belis comme épouse. On le compare parfois au Zeus-Jupiter gréco-latin. On retrouve le nom de Bêl (ou Bel) dans le récit de Bel et le serpent (Daniel, 14 : 2-6). "Il y avait chez les Babyloniens une idole nommée Bel ; on dépensait chaque jour pour elle douze artabes de farine, quarante brebis et six métrètes de vin. Le roi aussi la vénérait, et il allait chaque jour pour l'adorer ; mais Daniel adorait son Dieu. Le roi lui dit : "Pourquoi n'adores-tu pas Bel ?" Il lui répondit : "Parce que je ne vénère pas des idoles faites de main d'homme, mais le Dieu vivant qui a fait le ciel et la terre et qui a puissance sur toute chair." Le roi lui dit : "Est-ce que Bel ne te semble pas un être vivant ? Ne vois-tu pas tout ce qu'il mange et boit chaque jour ?" (Crampon) "Or, il y avait à Babylone une idole nommée Bel à qui l'on faisait des offrandes tous les jours de douze artabes de fleurs de farine, de quarante brebis et de six mesures de vin. Le roi vénérait l'idole et allait tous les jours l'adorer. Daniel, lui, adorait son Dieu. Aussi le roi lui dit-il : "Pourquoi n'adores-tu pas Bel ?" Il répondit : "Je n'adore point d'idoles faites de main d'homme, mais seulement le Dieu vivant qui a fait le ciel et la terre et qui a puissance sur toute chair. Alors le roi : "Tu crois donc que Bel n'est pas un dieu vivant ? Tu ne vois donc pas tout ce qu'il mange et boit tous les jours ?" (Jérusalem) 4.10. Baalberith (ou Baal-Berith, Ba'Al-Belit, El Berith, Berith, Beryth). 4.10.1 Baalberith en démonologie et dans les croyances populaires. Baalberith est décrit, par les démonologues, comme un démon de "second ordre", gardien des archives de l'Enfer, mais également comme le Maître des Alliances. Dans l'affaire de Loudun (1632-1634), on le voit apparaître sous le nom de Berith des Trônes. Berith est l'un des quatre démons qui possèdent la sour Agnès. Il était, dit-on, placé à l' "orifice de l'estomac" de ladite religieuse et son signe de sortie, lors de l'exorcisme, sera d'enlever, d'une pique, la calotte de Monsieur de Laubardemont, conseiller d'Etat et commissaire de Sa Majesté, et de maintenir ladite calotte en l'air pendant l'espace d'un Miserere. Berith obsèdera également la sour du Saint Sacrement. Dans certaines traditions populaires, Berith est aussi nommé Bonasse ou encore, Guillet. En Norvège, Berith apparaît sous les traits d'un démon familier qui s'occupe principalement des chevaux qu'il panse et étrille. Bérith est aussi invoqué par les nécromanciens qui pratiquent la Magie Noire et est également réputé capable de changer tous les métaux en or -signalons, à ce propos, un démon Berich, spécialisé dans la découverte des trésors et évoqué par l'abbé de Sarcelles vers l'année 1325 !- et, en outre, il peut donner aux chanteurs enroués une voix claire et déliée. Mais on le dit menteur ! Il est dit encore que Bérith préside au mois de juin. 4.10.2. Baalberith, un dieu biblique Baalberith est, à l'origine, le nom d'un dieu phénicien (environ 1200 avant l'ère chrétienne), Seigneur ou Maître des alliances, à qui l'on sacrifiait des ânes à Sichem, car c'était là l'animal qui lui était consacré. Ce nom est l'une des nombreuses appellations se rapportant au dieu Baal et dérive du nom de Ba'Al-Belit qui fait référence à Ouragan et Fertilité, un couple de dieux adoré par les Sémites et confondu avec Moloch, dieu de la Fatalité, dévoreur d'enfants. Les Phéniciens le prenaient à témoin pour leurs serments, ce qui explique son surnom de "Maître des alliances". A noter que le nom de Baalberith, dans les formes Ba'Al-Belit, El Berith, apparaît très proche de celui de Alleborith. On décrit parfois Baalberith comme étant habillé de rouge des pieds à la tête. Il serait, en outre, monté sur un cheval de même couleur. Il est également coiffé d'une couronne. 4.11. Baalzephon (ou Baal-Cefôn, Beelséphon) : en démonologie, Baalzephon, apparaît comme le capitaine des gardes de l'Enfer. Il est également le Seigneur ou Maître du Nord. Il a en charge la garde des prisonniers, des esclaves et des damnés. Traditionnellement toutefois, Baalzephon apparaît comme une des nombreuses formes du dieu Baal. Dans la Bible (Exode 14 : 2), ce nom est donné à un lieu de culte où les Phéniciens offraient des sacrifices au dieu "Baal du vent du Nord" pour qu'il facilite leur navigation. Le peuple hébreu se serait arrêté à cet endroit, mais on n'a pu l'identifier avec certitude. "Parle aux enfants d'Israël ; qu'ils changent de direction et qu'ils viennent camper devant Phihahirot, entre Magdalum et la mer, vis-à-vis de Beelséphon ; vous camperez en face de ce lieu, près de la mer." (Crampon) "Dis aux Israélites de rebrousser chemin et de camper devant Pi-Hahirot, entre Migdol et la mer, devant Baal-Cephon ; vous camperez face à ce lieu, au bord de la mer." (Jérusalem) 4.12. Belphégor (ou Béelphégor, Baal-Pégor, Baal-Péor). 4.12.1. Le nom de Belphégor correspond à l'une des multiples formes du dieu Baal, soit Baal-Pégor qui signifie "Seigneur de Pégor", car il était adoré sur le mont Pégor, Péor ou Phégor. Baal-Pégor était un dieu moabite dont le culte, associé aux cycles de fertilité des plantes, attira beaucoup d'Israélites. 4.12.2. Le judéo-christianisme en fit un démon. Dans les Nombres (25 : 3-5), il est dit que Moïse ordonna aux juges d'Israël de mettre à mort les adeptes de Béelphégor aussi appelé le Baal de Péor. "Israël s'attacha à Béelphégor, et la colère de Yahweh s'enflamma contre Israël. Yahweh dit à Moïse : "Assemble tous les chefs du peuple, et pends les coupables devant Yahweh, à la face du soleil, afin que le feu de la colère de Yahweh se détourne d'Israël." Et Moïse dit aux juges d'Israël : "Que chacun de vous mette à mort ceux de ces gens qui se sont attachés à Béelphégor." (Crampon) "Israël s'étant ainsi commis avec le Baal de Péor, la colère de Yahvé s'enflamma contre lui. Yahvé dit à Moïse : "Prends tous les chefs du peuple. Empale-les à la face du soleil, pour Yahvé : alors l'ardente colère de Yahvé se détournera d'Israël." Moïse dit aux juges d'Israël : "Que chacun mette à mort ceux de ses hommes qui se sont commis avec le Baal de Péor." (Jérusalem) Le Livre d'Osée (9 : 10) condamne également ceux qui vouèrent un culte à Béelphégor/Baal-Péor. "Comme des raisins dans le désert, j'ai trouvé Israël ; comme une primeur sur un jeune figuier, j'ai vu vos pères. Mais eux sont arrivés à Béelphégor ; ils se sont consacrés à l'idole infâme, et sont devenus abominables comme l'objet de leur amour." (Crampon) "Comme des raisins dans le désert, je trouvai Israël, comme un fruit sur un figuier en la prime saison, je vis vos pères ; mais arrivés à Baal-Péor, ils se vouèrent à la Honte et devinrent des horreurs, comme l'objet de leur amour." (Jérusalem) Dans le but évident de discréditer le dieu moabite, des rabbins prétendirent qu'on lui rendait hommage sur une chaise percée et qu'on lui offrait le résultat de la défécation jugée par ses détracteurs "digne de lui". C'est là que réside l'origine de l'association grotesque du nom de Belphégor à un dieu "Pet" ou "Crépitus". Et Pierre Le Loyer enfonce le clou, si j'ose dire, en affirmant que le nom de Phégor signifierait "crevasse". Et voilà pourquoi Jean Wier affirme que c'est un démon qui a toujours la bouche ouverte ! En outre, Baal-Pégor aurait parfois été adoré dans des cavernes et on lui jetait, semble-t-il, des offrandes par un soupirail. Ce qui expliquerait sa relation avec les lieux creux. 4.12.3. En démonologie et dans les croyances populaires, Belphégor apparaît comme le démon des découvertes et des inventions ingénieuses. On l'assimile parfois à Priape. On retrouve aussi très vraisemblablement le dieu Baal-Phégor derrière la figure de l'incube Péhor qui, dans les "Histoires magiques" de Rémy de Gourmont (Paris, 1912) séduit la jeune Douceline, aussi fervente adepte du Sacré-Cour que de l'onanisme. Péhor finira par emporter Douceline, quand dudit démon, "un baiser d'excrémentielle purulence s'appliqua" sur les lèvres de l' "humble dévote". C'est ainsi que "l'âme de Douceline quitta ce monde, bue par les entrailles du démon Péhor." On dit encore de Belphégor qu'il est l'ambassadeur de l'Enfer en France.Belphégor prend dit-on volontiers l'apparence d'une belle jeune femme, mais il est dit aussi que lorsqu'il n'apparaît pas sous cette forme, l'apparence de Belphégor est particulièrement horrible. 4.13. Belzébuth (ou Baal-Zébub, Baal-Zébul, Béel-Zébul, Bellzebuth, Belzéboul, Béelzébub, Béelzébul, Belzebul, Belzebu) est, à l'origine, une divinité cananéenne dont le nom est connu de la Bible et est particulièrement répandu en démonologie chrétienne. Qualifié de "monarque des enfers" par Palingène, son nom est également repris dans le Dictionnaire infernal (1863), de Collin De Plancy. 4.13.1. Visualisation : On dit de Belzébuth qu'il est d'une taille prodigieuse, sa poitrine est large, son visage bouffi, ses yeux étincelants et ses sourcils levés lui donnent un air menaçant. Deux grandes cornes se dressent sur sa tête ceinte d'un bandeau de feu. Il est de couleur noire et deux grandes ailes de chauve-souris sont attachées à ses épaules. Il a pour jambes deux larges pattes de canard, une queue de lion et de longs poils qui le couvrent de la tête aux pieds. On le représente souvent assis sur un trône. On dit aussi que lorsqu'il est en colère, il vomit des flammes et qu'il hurle comme un loup. 4.13.2. Le Chef des hordes démoniaques : Certains voient en Belzébuth le bras droit de Satan, mais d'autres le dépeignent comme le chef suprême de l'Empire infernal. Au sein de la Cour infernale, on le dit fondateur de l'Ordre de la Mouche. Martin Delrio précise que l'action des Cauchemars et des Farfadets relève de son autorité et voit en Belzébuth un démon dépuceleur qui (en toute logique !) s'attaque aux jeunes filles. "Dans sa Préparation évangélique (IV, 22, 16), Eusèbe de Césarée (vers 270-340) nous apprend que les esprits qui règnent la nuit ont pour chefs les démons Sérapis et Hécate, c'est-à-dire Belzebul selon la Bible." (Chasses fantastiques et cohortes de la nuit, Lecouteux, p. 28). On compare aussi parfois Belzébuth à Bacchus ou au dieu ithyphallique Priape. Dans son Paradis perdu, Milton assimile Belzébuth à un "chérubin déchu". 4.13.3. Le Seigneur des Mouches ? En fait, le nom de Belzébuth correspond à l'un des nombreux aspects du dieu mésopotamien Baal ou Bel. Son nom d'origine, Béelzébul, semble signifier "Baal le Prince" et désigne une ancienne divinité cananéenne. Il apparaît toutefois qu'un jeu de mot visant à ridiculiser cette divinité, ait transformé Béelzébul en Béelzébub, ce qui, selon la tradition rabbinique, signifie "Seigneur de l'ordure", "Baal du fumier" ou encore "Seigneur des mouches". (Bible de Jérusalem, Cerf, 1998, notes en bas de pages 501 et 1697). Ainsi, le dieu cananéen Béelzébul a-t-il été démonisé par le judéo-christianisme qui en a fait Béelzébub, celui-là même qui allait devenir le célèbre Belzébuth. On a vu que Belzébuth a notamment été surnommé le "Seigneur des mouches" et nous pouvons ajouter qu'il est parfois représenté sous l'aspect d'une mouche géante. Cet apparentement avec la mouche viendrait du fait que sa statue, maculée du sang des sacrifices, était toujours couverte d'insectes. Ainsi est-il dit aussi que la présence de Belzébuth était attestée par des mouches volant autour des condamnés en sorcellerie, ce qui signifiait que ce démon s'était emparé de leur âme. Mais dans la version païenne d'origine, positive quant à elle, Baal Zéboul était réputé chasser les mouches des moissons qu'elles infestaient (il rappelle en cela Apollon Parnopius). Son temple lui-même était réputé être libre de la présence de ces insectes. C'est aussi ce nom de "Seigneur des mouches" qui a vraisemblablement inspiré le titre du célèbre ouvrage de Golding (1911-1993), Sa Majesté des Mouches (1954), qui conte l'histoire d'un groupe d'adolescents et d'enfants perdus sur une île déserte. Alors que le groupe se déchire, l'un des enfants, perdu dans la forêt, engage un dialogue intérieur avec une tête de porc plantée sur un piquet, c'est-à-dire "Sa-Majesté-des-Mouches", "le Prince de ce monde" ou tout simplement l'incarnation de nos peurs enfouies, celles qui font que ce monde de souffrance est ce qu'il est : "Simon avait la tête légèrement relevée de côté. Il ne pouvait arracher son regard de Sa-Majesté-des-Mouches qui était suspendue devant lui, dans l'espace. -Que fais-tu ici, tout seul ? Tu n'as donc pas peur de moi ? Simon trembla. -Il n'y a personne ici pour t'aider. Il n'y a que moi. Et moi, je suis le Monstre. La bouche de Simon fit un effort et articula d'une voix à peine intelligible : -Une tête de cochon au bout d'un piquet. -Comme si le Monstre était de ceux qu'on chasse et qu'on tue ! dit la tête. Pendant un instant, la forêt et tous les endroits encore vaguement visibles renvoyèrent l'écho d'un rire déformé. -Tu savais bien, voyons, que je faisais partie de toi. Intimement partie de toi, intimement. Je suis ce qui fait que rien ne va, tu le sais ? Ce qui fait que les choses sont ce qu'elles sont. Le rire hoqueta de nouveau." (Sa Majesté des Mouches, Golding, p.175). 4.13.4. Dans la Bible : Sous le nom de Baal-Zébub ou encore de Béelzébul, on retrouve donc Belzébuth plusieurs fois cité dans la Bible. Dans le 2ème Livre des Rois (1 : 1-3), Yahweh tance sévèrement Ochozias qui, au lendemain de la révolte de Moab contre Israël, fait appel à Béelzébub, dit ici "dieu d'Eqrôn" (ou Accaron). "Moab se révolta contre Israël après la mort d'Achab. Ochozias tomba par la fenêtre en treillis de sa chambre haute à Samarie, et il fut malade. Il envoya des messagers et leur dit : "Allez consulter Béel-Zébub, dieu d'Accaron, pour savoir si je guérirai de cette maladie." Mais l'ange de Yahweh dit à Elie, le Thesbite : "Lève-toi et monte à la rencontre des messagers du roi de Samarie, et dis-leur : Est-ce parce qu'il n'y a point de Dieu en Israël que vous allez consulter Béel-Zébub, dieu d'Accaron ?" (Crampon). "Après la mort d'Achab, Moab se révolta contre Israël. Comme Ochoziaz était tombé du balcon de son appartement à Samarie et qu'il allait mal, il envoya des messagers à qui il dit : "Allez consulter Baal Zebub, dieu d'Eqrôn, pour savoir si je guérirai de mon mal présent." Mais l'Ange de Yahvé dit à Elie le Tishbite : "Debout ! monte à la rencontre des messagers du roi de Samarie et dis-leur : N'y a-t-il donc pas de Dieu en Israël, que vous alliez consulter Baal Zebub, dieu d'Eqrôn ?" (Jérusalem). Dans les Evangiles, Baal Zéboul apparaît comme le Prince des démons. Dans Mathieu (12 : 22-27), "On lui amena alors un possédé aveugle et muet, et il le guérit, de sorte que le muet parlait et voyait. Et toutes les foules, saisies d'étonnement, disaient : "N'est-ce pas là le fils de David ?" Mais les Pharisiens, entendant cela, dirent : "Ils ne chasse les démons que par Béelzéboul, chef des démons". Jésus, connaissant leurs pensées leur dit : "Tout royaume divisé contre lui-même va à la ruine, et toute ville ou maison divisée contre elle-même ne pourra subsister. Si Satan chasse Satan il est divisé contre lui-même : comment donc son royaume pourra-t-il subsister ? Et si moi je chasse les démons par Béelzéboul, par qui vos fils les chassent-ils ? C'est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges." (Crampon). "Alors on lui présenta un démoniaque aveugle et muet ; et il le guérit, si bien que le muet pouvait parler et voir. Frappées de stupeur, toutes les foules disaient : "Celui-là n'est-il pas le Fils de David ?" Mais les Pharisiens, entendant cela, dirent : "Celui-là n'expulse les démons que par Baalzéboul", le prince des démons. Connaissant leurs sentiments, il leur dit : "Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; et nulle ville, nulle maison, divisée contre elle-même, ne saurait se maintenir. Or, si Satan expulse Satan, il s'est divisé contre lui-même : dès lors, comment son royaume se maintiendra-t-il ? Et si moi, c'est par Béelzéboul que j'expulse les démons, par qui vos adeptes les expulsent-ils ? Aussi seront-ils eux-mêmes vos juges." (Jérusalem). Luc (11 : 14-15) "Il chassait un démon, qui était muet. Or, quand le démon fut sorti, le muet parla, et les foules furent dans l'admiration. Mais quelques uns d'entre eux dirent : "C'est par Béelzéboul, le chef des démons, qu'il chasse les démons." (Crampon). "Il expulsait un démon, qui était muet. Or il advint que le démon étant sorti, le muet parla, et les foules furent dans l'admiration. Mais certains d'entre eux dirent : "C'est par Béelzéboul, le prince des démons, qu'il expulse les démons." (Jérusalem). et Marc (3 : 22) "Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem, disaient : "Il a Béelzéboul" et : "C'est par le chef des démons qu'il chasse les démons." (Crampon). "Et les scribes qui étaient descendus de Jérusalem disaient : "Il est possédé de Béelzéboul", et encore : "C'est par le prince des démons qu'il expulse les démons." (Jérusalem), 4.13.5. Belzébuth dans l'Enfer dantesque. Dans la Divine comédie, Dante, qui cite généralement plus volontiers Lucifer, évoque Belzébuth à la fin de l'Enfer (34, 127) : "Il est là-bas un endroit, éloigné de Belzébuth de toute l'étendue de sa tombe, que l'on ne peut connaître par la vue, mais par le bruit, d'un petit ruisseau qui descend par le trou d'un rocher qu'il a creusé, dans sa course sinueuse et légèrement inclinée." 4.13.6. Belzébuth dans quelques croyances populaires. 4.13.6.1. A Laon, en 1565, il est dit qu'une femme fut possédée par Légion, Astaroth, Cerbère et Belzébuth. 4.13.6.2. A Vervins (Aisne, France), une jeune fille nommée Nicole Aubry voit apparaître Belzébuth sous les traits de son père qui lui demande sournoisement de faire dire des messes pour le repos de son âme. La jeune fille sera ainsi possédée par pas moins de 29 démons ( !), dont Belzébuth, Astaroth et Baltazo. Elle sera exorcisée en la cathédrale de Laon, par l'évêque lui-même (selon Pierre Le Loyer, 1608). 4.13.6.3. Le 25 mai 1598, un prêtre nommé Pierre Aupetit est condamné à être brûlé vif sous l'accusation d'être un sorcier et un noueur d'aiguillette (=rendre impuissant). On l'accusa aussi d'avoir eu Belzébuth pour démon familier. 4.13.6.4. A Bruxelles, la légende du "Coin du Diable", datant vraisemblablement du 17ème siècle, met en scène un architecte qui, confronté à des problèmes insurmontables, accepte l'aide financière d'un homme habillé de vert qui n'est autre que Belzébuth, sous réserve d'accepter de le suivre dès que dix années se seront écoulées. L'architecte sera finalement sauvé, dix ans plus tard donc, par l'intervention du chanoine de l'église SS. Michel et Gudule (actuelle cathédrale Saint-Michel), qui obligera Belzébuth à compter des grains dont certains avaient été aspergés d'eau bénite. Dès que le Diable eut touché ces derniers, il rejoignit au plus vite, dit-on, son antre infernal. Cette légende était à la base de festivités qui se déroulaient à la date du 20 août dans le quartier dit du "Coin du Diable", sis rue Vandenbranden et rue Notre-Dame-du-Sommeil, au centre de Bruxelles (quartier du canal). 4.13.6.5. Il est dit que Belzébuth préside au mois de juillet. 4.13.6.6. En 1599, sous le règne d'Henri IV, une hystérique du nom de Marthe Brossier se prétendit possédée par Belzébuth qui, par sa bouche, insultait les protestants. 4.13.6.7 .En 1635, une paysanne du village de Blast, près de Tournon, prétendit être possédée par quatre démon : Belzébuth, Barrabas, Carmin et Guelmon. Il suffit toutefois que Mazarin la menaçât du bras séculier pour que cessât immédiatement les prétendues "possessions démoniaques". Eric Timmermans Sources :
Voir la page d'accueil sur le diable ![]() ![]() |