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Astarté

la maîtresse du ciel


par Eric Timmermans  -  20/06/2011




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




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1. Astarté : étymologie.

Le nom d'Istar (Akkadie), qui est clairement sémitique, se rattache aux formes occidentales servant à désigner Astarté (Attar, Astar(a)t), nom dont on connaît bien d'autres variantes et équivalents : Ashérat, Ashtaroth, Anat (Egypte), Inanna (Sumer). Au 3ème millénaire avant l'ère chrétienne se produit la fusion entre Inanna et Istar. En sumérien, Inanna signifierait la "maîtresse du ciel". Dans une autre explication étymologique, on a fait d'Inanna l' "essence divine présente dans les silos à grain" (T. Jacobsen). Le symbole de l'Inanna du pays de Sumer est une hampe de roseaux terminée par une boucle.


2. Astarté démonisée.

2.1. Astarté, démone de la Débauche.

Du point de vue de la démonologie judéo-chrétienne, Astarté est considérée comme la démone de la Débauche. On la représente parfois avec une tête de génisse, ce qui rappelle la déesse égyptienne Hathor. De fait, à l'origine, le culte de la déesse Astarté comportait des cérémonies qui se concluaient généralement par des accès de débauche apparente, parfois également ponctués de sacrifices sanglants, tel que l'abandon d'une victime sacrificielle à un taureau. Dans la Bible, le nom d'Astarté désigne les déesses païennes en général, tout comme le nom de Baal désigne les dieux. Il existe également des passages, dans le premier Livre des Rois (11 : 5 et 11 : 33) où il est précisément dit que le roi Salomon a commis une faute en élevant un lieu de culte à Astarté, désignée aussi comme la "déesse des Sidoniens", et ce malgré les interdits :
    I Rois 11 : 5

    "Salomon alla après Astarté, déesse des Sidoniens, et après Melchom, l'abomination des Ammonites." (Crampon)

    "Salomon suivit Astarté, la divinité des Sidoniens, et Milkom, l'abomination des Ammonites." (Jérusalem)

    I Rois 11 : 33

    "(.) et cela, parce qu'ils m'ont abandonné et se sont prosternés devant Astarté, déesse des Sidoniens, devant Chamos, dieu de Moab, et devant Melchom, dieu des fils d'Ammon, et parce qu'ils n'ont pas marché dans mes voies pour faire ce qui est droit à mes yeux et pour observer mes lois et mes ordonnances, comme l'a fait David, père de Salomon." (Crampon)

    "C'est qu'ils m'ont délaissé, qu'ils se sont prosternés devant Astarté, la déesse des Sidoniens, Kemosh, le dieu de Moab, Milkom, le dieu des Ammonites, et qu'il n'a pas suivi mes voies, en faisant ce qui est juste à mes yeux, ni mes lois et mes ordonnances, comme son père David." (Jérusalem)
Dans les croyances populaires, il est dit qu'Astarté est la démone qui préside au mois d'avril.

2.2. Le "démon Astaroth".

2.2.1. Astaroth ou Astarté ?
En démonologie populaire, et plus particulièrement dans la Pseudomonarchia daemonum de Jean Wier, Astarté se voit dédoublée en une démone nommée Astarté, qui préside au mois d'avril, et un démon nommé Astaroth, époux de la première, qui préside, quant à lui, au mois d'août et à l'Occident. Or, Astaroth, dont le nom est également repris dans la liste des démons établie par l'église au Canon 7 du Concile de Braga (560-563) n'est vraisemblablement qu'un des noms d'Astarté elle-même sous les formes Astaroth, Ashtaroth, Astoret, Astoreth (son nom apparaît sous cette forme dans le Paradis perdu de Milton).

2.2.2. Le grand-duc de l'Enfer.
Selon nos imaginatifs démonologues, Astaroth est un "Grand Duc et le Grand Trésorier de l'Enfer". Il procure l'amitié des grands seigneurs, chose pour laquelle il semble impératif de l'invoquer le mercredi, jour de Mercure (si vous voulez vous lancez en politique, vous savez à présent ce qu'il vous reste à faire !). Les théologiens chrétiens, qui opposent neuf ordres d'anges à neuf ordres de démons, font d'Astaroth le chef de l'Ordre des Calomniateurs. On dit aussi de lui qu'il a le visage d'un ange particulièrement laid et qu'il chevauche un dragon. Dans sa main gauche, il tient une vipère et on le reconnaît à son odeur fétide, même lorsqu'il prend la forme du serpent.

2.2.3. Astaroth dans deux affaires de possession démoniaque.
On voit apparaître Astaroth dans certaines affaires de prétendue possession. En 1565, Astaroth aurait possédé une femme, à Laon, en compagnie de Légion, Cerbère et Belzébuth. Au 13e siècle, une jeune fille de Vervins (Aisne, France), nommée Nicole Aubry et âgée de 16 ans, s'étant rendue sur la tombe de son père, vit apparaître l'esprit de son défunt paternel qui lui demanda de faire dire des messes pour le repos de son âme. La jeune fille s'exécuta, mais cela n'empêcha point l'esprit de son père de rééditer ses visites. Mais un jour, ledit esprit apprit à Nicole qu'il n'était ni plus ni moins que le Démon en personne. On entreprit dès lors d'exorciser la jeune fille, mais sans succès. On la transporta dans la cathédrale de Laon où l'évêque lui-même, devant un aréopage comprenant le nonce du pape et des représentants de l'université de Paris, sans compter 10.000 curieux ( !), entreprit l'exorcisme. On prétend que pas moins de 29 démons sortirent du corps de la malheureuse, dont Astaroth, qui se manifesta sous la forme d'un cochon, de même que Belzébuth et Baltazo.

2.2.4. Les lieux bibliques.
Ashtaroth est également le nom d'une cité située à l'est du lac de Gennéraseth, dans le pays de Moab, où réside le roi Og de Bashân (Deutéronome 1 : 4) :
    "(.) après qu'il eut battu Séhon, roi des Amorrhéens, qui habitait à Hésebon, et Og, roi de Basan, qui habitait à Astaroth et Edraï." (Crampon)

    "Il avait battu Sihôn, roi des Amorites qui résidait à Heshbôn, et Og, roi de Bashân qui résidait à Ashtarot et à Edreï." (Jérusalem)
On prétend aussi qu'à l'époque d'Abraham, un grand combat opposa les quatre rois de l'Est aux Refaïtes dans un lieu nommé Ashtaroth Qarnâm. Signalons encore le nom d'Ataroth, nom de plusieurs lieux dont le plus connu est situé à l'est du Jourdain et dont on dit qu'il fut conquis par les Moabites (Nombres 32 : 3) :
    "Ataroth, Dibon, Jazer, Nemra, Hésebon, Eléalé, Saban, Nébo et Néon". (Crampon)

    "Atarot, Dibôn, Yazèr, Nimra, Heshbôn, Eléalé, Sebam, Nebo et Meôn". (Jérusalem)

3. Astarté, une déesse mésopotamienne.

En Mésopotamie, Astarté était la déesse du Ciel étoilé, de la Fertilité, de la Fécondité et de la Prostitution, une déesse terrible, guerrière, certes, mais pas un démon pour autant. La déesse sera démonisée ultérieurement par le judéo-christianisme pour devenir ce "démon de la débauche" que nous venons d'évoquer, et l'incarnation de toutes les déesses païennes honnies et vilipendées par les adeptes d'Abraham. Déesse de la Souveraineté, Ishtar/Astarté est aussi une maîtresse des animaux et dans le pays d'Akkad, on la représenta souvent armée et accompagnée d'un lion, ce qui n'est pas sans évoquer la déesse Cybèle ou encore la déesse hindoue Durga, également souvent représentées avec des fauves, tigres ou lions. Ainsi, l'attelage authentique de l'Ishtar d'Uruk serait formé de sept lions. Il semble aussi qu'Astarté fut alternativement considérée comme une déesse-vierge et comme une déesse-mère, protectrice de la maternité et des naissances. Mais certaines sources lui dénient ces rôles, ne voulant voir en elle qu'une déesse de l'amour charnel et des activités guerrières. Ne dit-on pas qu'elle est capable de faire plier les dieux comme les plus hautes montagnes ? Astarté est la fille du dieu de la Lune, Sin, et de son épouse, Nikkal. Elle a pour sour Ereskigal, la déesse des Enfers, et pour frère, Samas, le dieu du Soleil. Divinité lunaire, Astarté est aussi le symbole du principe des ténèbres. Elle est également l'incarnation de la planète Vénus, l' "étoile du matin", que l'on nommait "Dilbat". Astarté est associée au dieu Baal qui règne sur la pluie fertilisatrice, et, à l'instar de l'histoire d'Isis et d'Osiris, Astarté verra son époux Baal assassiné par le dieu de la Mort et de la Sécheresse, Mot. La déesse retrouvera l'assassin de son époux, le tuera avec une faucille rituelle, l'écorchera et donnera sa chair aux rapaces.


4. Les multiples formes d'Astarté.

Astarté apparaît, comme nous l'avons vu, sous un grand nombre de noms. Elle était aussi la plus célèbre des déesses mésopotamiennes, connue des Phéniciens, des Syriens, des Hébreux, etc. Ainsi peut-on la rapprocher notamment du culte babylonien d'Ishtar. Elle tenait une telle place dans le panthéon féminin proche-oriental, qu'on a fini par désigner les déesses en général du nom commun d'istarâtu. La déesse Sauska a, notamment, été assimilée à Istar à Ninive, au milieu du 2ème millénaire avant l'ère chrétienne. Istar/Astarté fut également assimilée en Assyrie à la déesse Mullissu. En outre, on retrouve la plupart des rites du culte d'Astarté dans celui de l'Aphrodite Ourania des Grecs dont le pendant romain est Vénus Caelestis. Astarté peut aussi être comparée à la déesse Atargatis. En Egypte, où elle fut assimilée à Anat, Astarté, la "Grande Déesse", sera vénérée dès la 18ème dynastie (-1580 / -1350) et à l'époque ramesside (-1350 à -1090), à Memphis (dans l'enceinte du Serapeion dédié au dieu Sérapis). Elle y sera considérée comme la fille de Rê (ou de Ptah) et l'épouse de Seth (puis, plus tardivement, d'Horus), qui est assimilé à Baal.


5. A savoir également.

5.1. Istar/Astarté est symbolisée par le nombre 15, soit la moitié de 30 qui est le nombre de son père, Sin.

5.2. Parmi les récits qui concernent Astarté, on peut citer la Descente d'Istar aux Enfers. Lors de cette descente, elle menacera de faire remonter les morts.

5.3. Parmi les principaux lieux de son culte, on citera Babylone et Uruk où la tradition rapporte notamment son conflit avec Gilgamesh qui refuse de l'épouser.

5.4. Dans l'art syrien, Astarté est souvent représentée avec deux cornes de bélier. En Egypte, elle fut représentée nue sur un char à cheval, tenant dans ses mains une arme blanche brandie et un bouclier. Elle est coiffée de la couronne atef ornée de deux plumes et d'un petit soleil.


Eric Timmermans



Sources :
  • Bible de Jérusalem, Editions du Cerf, 1998
  • Bible du chanoine Crampon, société de Saint-Jean l'Evangéliste, 1939
  • Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Francis Joannès, Robert Lafont, 2001
  • Dictionnaire des superstitions, R. Morel et S. Walter, Marabout, 1972
  • Dictionnaire du Diable, Roland Villeneuve, Omnibus, 1998
  • Dictionnaire du diable, des démons et sorciers, Pierre Ripert, Maxi-Poche Références, 2003
  • Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Pierre Norma, Maxi-Poche Références, 2003
  • Encyclopédie de la mythologie, Sequoia, 1962
  • Grand dictionnaire des symboles et des mythes, Nadia Julien, Marabout, 1998
  • L'Ange déchu, M. Centini, Editions de Vecchi, 2004
  • Livre des superstitions (croyances, mythes et légendes), Eloïse Mozzani, Robert Laffont, Coll. "Bouquins", 1995
  • Petit dictionnaire des dieux égyptiens, Alain Blottière, Zulma, 2000.



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