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Témoignage

Rêve éveillé singulier :

J’ai libéré Dieu et retrouvé l’homme

(Bernard -   18/03/10)



C’est après ma mort. Je fonce dans l’univers, prenant de plus en plus d’élan, poings serrés en avant. Au bout d’un moment, j’entends : "Beernaard, Beeernaaaard, on est làààà". C’est ma famille qui vient m’accueillir, des femmes. Ma mère, mes grands-mères. Les hommes sont ailleurs. Ils travaillent ? Ils jouent ? Je ne sais pas. Un instant, je me demande si ce n'est pas comme à l'église : les femmes devant qui chantent et prient. Les hommes derrière qui rigolent entre eux et parlent femmes ou affaires. Bref, ce sont les femmes qui voudraient que je m’arrête, probablement pour décider d’autres vies ensemble. Oui mais moi, je suis très en colère. Je me suis déjà fait avoir une fois, à venir vivre sur la jolie mais pas civilisée planète Terre, alors je vais pas me laisser berner à nouveau ! Je ne suis pas idiot, tout de même ! Avant, elles m’avaient eu avec un truc tout ce qu’il y a de plus bête : "engage-toi pour défendre nos idées". Les leurs, eh ! Pff, ce n’est pas près de fonctionner à nouveau avec moi ! Donc, j’accélère encore plus et leur passe sous le nez si vite, qu’elles ne me voient probablement pas. Wouf !

Passé la sortie du tunnel, je vois un grand globe translucide de 10 ou 20 mètres de diamètre, jaune pisseux, qui bouche le passage et pendu à, à … je ne sais pas, un plafond, quelque chose de compliqué, un piège d'où on ne sort pas. Selon la tradition, il est sensé éclairer énormément sans éblouir ; mais ce que je vois, au jugé, ne fait pas plus de 60 watts. Une misère. Quelque chose me dit que leur Dieu se planque là dedans … Accélérant tant que je peux, j’y fonce dessus plein pot et le transperce de part en part : crac braouuummm. De l’autre côté, c’est le vide. Je m’y balade un moment. Même pas mal aux poings ! Il y a d’autres entités comme la mienne, qui ont l’air de s’ennuyer ferme, mais qui préfèrent ça à l’idée de revenir sur Terre. Ils ne veulent parler à personne et vivent isolés.

J'essaie de m'intéresser à quelques-uns, mais ils s'éloignent ou disparaissent. Alors je retourne dans le globe.

En bas, assis sur un tabouret, je vois un gros type, un bouffi de chez bouffi, la tête posée dans le creux de ses mains et les coudes sur les genoux, apparemment endormi. La déflagration a pourtant fait énormément de bruit, quand j’ai cassé son misérable globe. Effectivement il ne dort pas. Il relève la tête vers moi, car je suis … au-dessus de lui. Je lui demande :

"Bonjour, vous êtes leur Dieu ?" Il me répond :

"Oui, je suis obligé de rester là. Ils me prient sans cesse de faire les choses à leur place alors que je ne peux rien pour eux, moi. Je ne vois même pas ce qui se passe à travers ce globe pourri."

"Et ça fait longtemps que vous êtes là ?"

"Oh oui, des milliers d’années. Au début, je trouvais ça amusant, mais maintenant, pfff, ça m’ennuie.»

Et pourquoi diable ne profitez-vous pas du trou que j’ai fait dans votre prison pour vous évader ?"

"Je suis si faible."

"Ben, laissez-vous couler."

Pfiout, j’ai à peine le temps de le voir disparaître, tout droit, et très vite comme un lapin qu’on lâche dans la nature et qui sait qu'on va tenter de le tuer à la chasse du lendemain. Il a fui dans un infime trou, disparu dans un fourré de brume. Je vois encore cet endroit, mais je suis incapable de repérer la dérisoire fissure par où il est passé. S’est dégonflé en un instant, lui !

Je m’en fous. Ca ne m’intéresse pas.

Je me laisse moi aussi couler dehors, juste à gauche de son globe. Bon pour la poubelle, son truc, me dis-je en lui donnant un coup de pied ! Poc ! Je me retourne sans réfléchir, fais un pas en avant, et ... stoppe mon élan en me dressant droit sur mes orteils car je suis … je suis ... je suis comme devant un précipice ! C'est vertical en dessous de moi. Des centaines de mètres. J'en frissonne. En reculant, je sens que je marche sur quelque chose qui fait un bruit de papier. C'est mou. Oh … mais ce sont des millions de sacs de poussière ou d’engrais ? Je ne sais pas. Alors je m’accroupis et passe mon majeur sur un de ces sacs. Je goûte. Non, ce sont des cendres. Ces sacs en papier ressemblent effectivement à ceux d’engrais de 50 kilos, mais c’est un résidu de carbonisation. Ils sont très bien rangés pour constituer un solide et large chemin, abandonnés là depuis des années. Comme je me déplace dessus, je ne peux plus voir la base de la pile qui s'enfouit profondément dans toute cette grisaille. Je ne saurais même pas apprécier sa longueur, tant elle se prolonge dans les deux sens. Je vais à droite, pour essayer d'en voir le bout. Un kilomètre, un et demi, deux … ça continue à l'infini. Je scrute l'horizon, mais il n'y a que des sacs de cendres, et comme un brouillard de scories. La vue ne porte pas loin. Je fais alors demi tour.

Au bout d'une bonne demi heure, sinon trois quart d'heure, je repasse devant le globe, puis poursuis ma promenade songeuse, sans jamais atteindre une limite. Autour, c’est toujours poussiéreux et gris, pas de relief. Bon en face il y a bien comme un mur, comme quelque chose qui ressemble aux parois d’un four de cuisinière pas entretenu, à un renvoi de flammes si vous voulez, mais c'est à peine dessiné, tant c'est couvert de poussière. Je n’ai ni chaud ni froid. Sur le moment, je ne sais pas ce que ces sacs font là, ni de quelle carbonisation ils sont le résultat. Carbonisation ? Carbonisation ? Petit à petit, me vient l’idée que ce sont les cendres de l’enfer ! Pfiouuu, mais c’est que ça en fait, des milliards de gens cramés ! Et sous le nez de leur Dieu, en plus. Bon, il ne pouvait voir que les lueurs des flammes à travers sa boule crasseuse, mais tout de même. Comment a-t-il fait pour accepter ça ? Il aurait pu ruer dans les brancards ! Oui mais sa prison était solide. J’ai réussi à la casser parce que j’avais beaucoup d’élan, moi ; mais lui, que pouvait-il faire de l'intérieur ? Et si elle tient encore debout, bien que défoncée des deux côtés, c’est qu’elle était ... ultra résistante.

Le fait que ce four soit éteint me tracasse. Je me demande où ils brûlent les croyants d'aujourd'hui, après leur mort. Ils ont dû ouvrir un autre four par là, sans doute visible de la boule en plastoc, puisqu'il faut qu'il soit au bout de l'entonnoir pour que le piège marche. Mais bon, je ne vais pas perdre du temps à le chercher. Visiter un four, je viens de le faire, et puis ce n'est pas mon truc. En plus c'est dangereux.

De retour au point de départ, je retrouve son globe vide. Pff, finalement il ne faisait que cinq ou six mètres de diamètre. Comment pouvait-il vivre dans un espace si petit ? Il n’y avait rien là-dedans ! Rien, ou plutôt presque rien : Dieu et un tabouret ! En plus, il n’avait aucune visibilité à travers cette sphère blafarde. Je ne vois même pas les lueurs d'un autre four allumé ! Eh ben, que de temps perdu à le prier pour rien ! Ou alors celui-ci était trop encrassé. Il ne brillait plus assez et ils en ont construit un autre ailleurs ; et c'est pour ça que mes parents ne se sont pas fait piéger ? Finalement, me vient l'idée que chaque religion a son four à croyants dans l'autre monde, et que quand une faiblit ici, son four s'éteint dans l'au-delà.

Mais ... qui sont ces "ils" qui piègent les croyants ? Je n'en sais rien et ce n’est pas mon problème, en tous cas pas maintenant. J'ai autre chose à faire.

Une fois de plus, je franchis cette prison de plastique encrassé, et me retrouve dans l’Univers. C’est toujours noir ici. Je revois les mêmes gens perdus dans leurs pensées, ceux qui ont réussi à s’échapper, je ne sais comment d'ailleurs. Ces âmes n'ont pas forme humaine, mais ressemblent plutôt à des lumières jaune pâle qui se cachent à ma vue dès que je les regarde. J'en devine d'autres, comme en filigranes gris clair, presque immobiles dans tout ce noir. D'un coup, je me dis qu'ils ont peut-être évité le tunnel, eux ? Sinon ils ne seraient pas là ! Ce tunnel lumineux ne serait-il pas comme un piège à moustiques pour attirer les croyants ? Dans ce cas, il n'en restera bientôt plus. Après tout, on a bien démoustiqué des plages du sud de la France.

Il semble que leur drame, c'est qu'ils sont soumis à d’anciens désirs trop puissants parce qu'ils n'avaient pas pu, pas su ou pas voulu les réaliser. Croyaient-ils que ces désirs n'étaient pas les leurs ? Ou alors, se disaient-ils qu'ils n'étaient pas bons à vivre dans la société où ils sont nés ? Ne savaient-ils pas les règles du jeu ? Ils sont pourtant obligés de renaître sur cette terre pour tenter d'en venir à bout. C'est une sorte d'attirance fatale dont ils n'ont su se libérer, alors qu'il aurait suffi qu'ils acceptent de vivre, ce qu'ils avaient à vivre. Moi, j'ai fait ce qui était prévu. Je suis libre. Les autres se sont égayés dans l'Univers, me dis-je. Mais alors où sont-ils ?

Curieux, je fonce plein pot. Je vais beaucoup plus vite que la lumière à présent. Des boules d'humains défilent. Ces dernières ne sont pas plus grosses qu'un ballon de foot, mais moi, je les perçois comme autant de soleils, de merveilleux soleils. Je double aussi des galaxies. Ce sont des peuples. Je m'en rapproche puis m'en éloigne. Pas envie de visiter. Je suis pressé. Je n'ai pas de destination précise, et pourtant quelque chose me dit que je sais où je suis et où je vais.

Cela va de plus en plus vite : pfiouuuuuuu, pfiouuuuuu, pfiouuuuu, pfiouuuu pfiouuu pfiouu pfiou, pf... A un moment, j'aperçois devant moi deux rails rectilignes et parallèles, comme des lasers de lumière jaune, tels les rayons de soleil qu’on voit l’été à travers les fentes des volets, en clignant les yeux ; sauf qu'ils sont plus longs et font environ trois centimètres de diamètre. Ils zigzaguent à angles vifs, en forme de double Z descendant et font comme un chemin de lumière. Je me sens ralenti et guidé par eux sans qu'ils me touchent ni me contraignent. En quelques instants je suis sur une autre planète.

J'arrive aux abords de maisons en bois et paille, aux toits de chaume, sur pilotis et disposées en rue, toutes éclairées de l'intérieur. C’est la nuit. Il y a des torches en guise de lampadaires qui illuminent faiblement une large et rectiligne traversée de village parsemée de flaques d'eau. Elle fuit en pente douce vers une forêt de feuillus que deux sentiers enserrent comme pouce et index. On commence donc à travailler la forêt. Devant moi, légèrement à droite, une lumière jaune vacille dans l'habitation la plus proche. On y parle.

Mais encore plus près, là, dans le noir, sur la prairie d'herbe drue, je vois un géant, un type immense, bien plus grand que ces chaumières. Des tuiles fixées à clin recouvrent son corps. Je le regarde mais ne vois pas sa tête, tant il est grand. C’est un pestiféré dont personne ne veut, surtout pas les villageois qui l’ont attaqué juste avant mon arrivée avec des fourches en bois, car sa démarche est trop bruyante. Elle les empêche de dormir ! Ils l’ont égratigné et il a mal aux pieds. Ce colosse est obligé de vivre la nuit ; car ils finiraient par l’abattre si ça arrivait trop souvent. Je sais ça parce que les volets d'à côté sont ouverts, et que des bribes de conversations me parviennent. Et j’entends des hommes se vanter auprès de leurs femmes, de la chasse qu’ils lui ont donnée. J'en suis triste, mais moi je vais le protéger, car je l’aime déjà.

Il m’invite à monter dans sa main qu’il a abaissée. Je m’y loge prudemment, tout en étant excité et curieux. Il me soulève, me portant doucement jusqu’à la hauteur de son visage, au-dessus des nuages qui m'empêchent de voir le village. Village que je cherche à le garder comme repère, au moins sa position, mais je n'y arrive pas. Je me tourne alors vers le visage du géant, cuirassé de larges et fines écailles lisses en forme d'écusson marron orangé, et qui brillent comme du cuir ciré. Il m’observe de ses grands yeux bruns impénétrables. Il pourrait me briser en un instant, mais je sais qu’il n'en fera rien. Il a l’air plutôt attentif, ce soi-disant primitif. On se regarde. On se comprend. On s'aime.


Bernard


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